L’horreur comme échappatoire. Tous les fans du cinéma d’horreur savent faire la distinction entre réalité et fiction. C’est le cas notamment de Nick Holmes qui, comme il nous en parlait déjà lors de notre dernier entretien, ne considère « pas les choses négatives comme étant inspirantes ». Par contre, la musique extrême et les films d’horreur sont – paradoxalement peut-être pour certains – une merveilleuse source d’évasion pour lui, pour justement oublier le monde qui, surtout ces dernières années, peut parfois être particulièrement violent et démoralisant. C’est exactement ce qu’a été pour lui Survival Of The Sickest, le nouvel album de Bloodbath qui renoue avec le death floridien, après une incartade teintée de black metal, et avec lequel il revisite son adolescence et fait converger deux de ses plus vieilles passions.
Nous en parlons ci-après avec celui qui en est déjà à son troisième album avec le groupe – dépassant ainsi la longévité de ses prédécesseurs. L’occasion aussi d’échanger sur les films d’horreur et en particulier ceux tournant autour des zombies – puisqu’il s’agit là de la thématique principale de l’album –, nous livrant notamment cinq de ses classiques du genre.
« Je trouve l’horreur de la vraie vie absolument déprimante et très sérieuse, je n’ai même pas envie d’y toucher. Le death metal est un monde très cartoon et, à la fois, très plaisant. Je fais clairement une petite différence entre l’horreur de la vraie vie et l’horreur cartoon. »
Radio Metal : Après seulement un an et demi dans le groupe, en avril 2019, le guitariste Joakim Karlsson a annoncé son départ. Dans son communiqué, il disait : « Bloodbath a besoin d’un guitariste lead, quelqu’un capable d’assurer ces solos rapides, méchants et ainsi de suite, et d’être parfaitement honnête. Ce gars, ce n’est tout simplement pas moi. » Ça paraît assez honnête de sa part. Avez-vous vous-mêmes ressenti un manque à ce niveau ?
Nick Holmes (chant) : Je ne sais pas, en fait. Il n’a pas fait partie du groupe très longtemps. Il ne vit pas en Suède, je ne le voyais que lorsque nous étions en tournée et quand j’ai fait le chant [de l’album précédent]. C’était très rapide, nous avons fait quelques concerts et ensuite, il était parti. Sur le plan personnel, nous nous entendions très bien et je l’apprécie encore beaucoup, c’est un bon gars. Donc si c’est ce qu’il a dit, c’est que c’est ça. Il vient d’un background musical légèrement différent, c’est certain. Il a grandi avec une musique un peu différente par rapport à nous. Il avait clairement une autre approche de la musique. Ce qu’il fait avec son groupe Craft n’a rien à voir avec ce que nous faisons avec Bloodbath. Musicalement, il est un petit peu différent, mais nous étions de toute façon fans de Craft, c’est pourquoi nous l’avons intégré à l’origine et c’est aussi un bon ami de Jonas. C’est comme ça, mais nous sommes toujours amis et tout va bien.
Tomas Åkvik a été votre guitariste live depuis 2017 et il a aussi joué avec Katatonia. Était-ce une évidence de le promouvoir au statut de membre officiel de Bloodbath ?
Je crois que nous lui avions déjà demandé avant, mais il était pris avec son autre groupe Lik, à tourner et à faire un album, donc il ne s’est pas engagé à intégrer Bloodbath. Il s’agissait de trouver le bon moment pour ça. En plus nous traînons tous ensemble et nous sommes amis. Généralement, quand on vieillit, on a juste envie d’être avec des gens avec qui on s’entend bien, c’est très important. On fait sûrement de la meilleure musique quand on s’entend avec les gens. Nous sommes donc tous potes et nous étions contents qu’il se joigne à nous pour cet album. Il fait toujours partie de Lik, ils tournent et restent très actifs en live, mais avec Bloodbath, nous ne tournons pas vraiment ; nous faisons des festivals mais ces deux ou trois dernières années, pour des raisons évidentes, nous n’en avons pas fait énormément, donc ça allait pour lui. S’il tourne l’année prochaine avec Lik et qu’ils font un album tandis que nous faisons plein de festivals avec Bloodbath, on verra ce qui se passera, mais pour l’instant, ça va.
Vous avez commencé à composer durant la seconde moitié du confinement, donc en pleine pandémie, avec l’angoisse ambiante et même les décomptes de morts qu’on entendait quotidiennement aux informations. La dernière fois qu’on s’est parlé, tu nous disais que tu ne considérais pas les choses négatives comme étant inspirantes. D’un autre côté, n’était-ce pas le contexte parfait, pour ainsi dire, pour un groupe de death metal de la vieille école comme Bloodbath ?
Peut-être si ça n’avait pas été aussi sérieux. Tout le côté thématique des paroles est imaginaire. Ça tourne tout autour des clichés des films d’horreur et ce genre de choses que nous aimons depuis quarante ans. Je suis un grand fan de films d’horreur, depuis toujours. L’horreur de la vraie vie n’est pas particulièrement quelque chose que j’aime. C’est exactement ce que j’ai dit l’autre fois, je trouve l’horreur de la vraie vie absolument déprimante et très sérieuse, je n’ai même pas envie d’y toucher. Pour moi, la musique est une évasion. Je n’ai pas envie de lire des paroles sur des événements réels quand j’en écoute moi-même. Au contraire, j’ai envie de m’en éloigner. Le death metal est un monde très cartoon et, à la fois, très plaisant. Je fais clairement une petite différence entre l’horreur de la vraie vie et l’horreur cartoon.
« Je trouve l’incertitude déstabilisante et terrifiante, et bien sûr, rien n’est certain excepté la mort et les impôts [rires]. »
N’as-tu pas utilisé cette musique pour évacuer toute cette agression venant du monde extérieur et cette morbidité ambiante, ne serait-ce qu’émotionnellement avec la brutalité de la musique ?
Personnellement, non, parce que quand j’écris de la musique, j’ai une idée précise des paroles et du style de chant que je veux dans la chanson. Au mieux, c’est une thérapie loin de ce qui se passe dans le monde réel, donc je n’y pense même pas, pour être honnête. Si j’écris une chanson, c’est plus comme quand un peintre peint un tableau – j’imagine que c’est un type d’expression similaire, même si ça sonne presque prétentieux de dire ça [rires], mais c’est presque comme une libération. Après, inconsciemment, tu es influencé par tout, car c’est ainsi que ça marche, et puis tout dépend de ce qui se passe aussi. Si c’est quelque chose qui s’est produit il y a deux cents ans, on peut le voir avec un autre point de vue, mais quand ce sont des événements actuels, quand c’est plus proche de soi, du présent, de ce qui nous entoure, c’est complètement différent, et même si ce sont des choses qui se sont produites les dix dernières années. Quand on regarde l’histoire ancienne et des événements morbides qui y ont eu lieu, c’est un peu différent. Je ne trouve pas que le danger clair et présent soit particulièrement inspirant [rires]. Encore une, je ne retire aucune inspiration positive dans les choses négatives de la vraie vie. Ça n’a jamais été le cas et je crois que ça ne le sera jamais.
As-tu l’impression que la réalité dépasse parfois l’horreur de la fiction ?
Absolument, surtout avec le virus, c’est imprévisible. Quand c’est imprévisible, c’est là que ça fait peur, car on ne sait pas ce que ça va devenir. Quand il y a de l’incertitude dans une situation, c’est le pire des scénarios ; on se sent à nouveau comme un enfant et on ne sait pas ce qui va se passer. C’est une perspective terrifiante. Je trouve l’incertitude déstabilisante, et bien sûr, rien n’est certain excepté la mort et les impôts [rires].
Es-tu du genre à aimer tout contrôler ou, en tout cas, tout prévoir ?
J’aime avoir un plan. J’ai un agenda et j’aime savoir ce qui se passe. Je pense que plus je vieillis, pire ça je deviens à cet égard. Quand j’étais plus jeune, je me contentais de demander à quelqu’un ce qui se passait, mais maintenant, absolument, il faut que je planifie à l’avance. Je suppose que c’est une question d’âge.
Evidemment, comme la plupart des musiciens, vous avez eu beaucoup de temps coincés à la maison, sans pouvoir tourner. Comment en avez-vous profité ?
Pour ma part, ce n’était pas particulièrement un problème. Le plus grand souci était comment ça a affecté les gens avec qui il fallait interagir. Par exemple, mes enfants travaillent tous les deux à plein temps et ils étaient à la maison, ça les a fait un peu flipper et c’était pareil pour tous leurs amis. Je pense que ça a touché durement une certaine génération, particulièrement les plus jeunes ; j’en ai été témoin car j’ai des enfants plus jeunes – enfin, quand je dis plus jeunes, ils ont la vingtaine, donc ce ne sont plus des enfants, mais de jeunes adultes. Je pense que la façon dont ça a affecté les gens autour de moi était plus révélatrice que la façon dont ça m’a personnellement affecté. Nous avons beaucoup écrit avec Bloodbath et j’ai travaillé sur quelques autres trucs. Je trouve toujours des choses à faire pour remplir mon emploi du temps. Je ne suis pas du genre à m’ennuyer, heureusement. Il y avait toujours des projets et de petits machins sur lesquels je travaillais, qui étaient dans les tuyaux et sur certains desquels je travaille encore, mais encore rien de concret, donc je ne vais pas vraiment en parler. J’ai aussi construit un studio car je me suis mis à complètement changer tout mon matériel, ce qui m’a pris à peu près cinq mois. Je suis un peu entre tout ça. Je me suis aussi blessé au dos, ce qui m’a occupé durant les deux dernières années, et ça me tient encore occupé ! [Rires]
« The Arrow était presque une bifurcation, car nous avons pris une direction qui ne correspondait pas vraiment à ce qu’est ce groupe. »
Côté Bloodbath, est-ce qu’avoir plus de temps a été bénéfique pour le nouvel album ?
Nous avons déjà beaucoup de temps en temps normal. Nous pouvons faire une tournée de sept semaines, ce qui est long, mais ensuite avoir peut-être quatre mois où nous ne faisons rien. Nous travaillons un peu par blocs, ce n’est pas un travail de bureau, donc nous avons quoi qu’il arrive beaucoup de temps à la maison. Tout a été fait par partage de fichiers. C’est déjà généralement la façon dont je travaille avec Paradise Lost, je trouve que c’est ce qu’il y a de plus productif. Mais je pense que l’écriture de l’album a été plus étalée. Initialement, je devais l’enregistrer peut-être un an plus tôt. Ça a clairement étalé tout l’enregistrement sur des mois et des mois, si ce n’est un an. Donc ça a pris plus de temps, mais pas énormément non plus. On peut avoir trop de temps quand on écrit, tout comme on peut ne pas en avoir assez, mais là c’était juste ce qu’il fallait. Katatonia eux-mêmes ont composé et fait un nouvel album au même moment. Puis, nous avons fait l’album de Paradise Lost au tout début et je devais le promouvoir. Il y a eu une tonne de promotion à faire, même si toute le monde était en confinement ; ce n’était évidemment que des phoners, via vidéoconférence sur le web. Dans une certaine mesure, c’est presque comme s’il n’y avait pas eu de pandémie.
Le dernier album The Arrow Of Satan Is Drawn empruntait au black metal, tandis qu’avec le nouveau, vous repartez dans une direction death metal plus foncièrement old school. La différence est que vous aviez Joakim sur The Arrow : penses-tu que c’était principalement son influence et que maintenant, sans ça, vous revenez naturellement aux bases, pour ainsi dire ?
Je pense que l’album a poussé tout le monde à réfléchir sur ce qu’était Bloodbath à l’origine quand le groupe a été fondé. Il s’agissait de rendre hommage aux premiers groupes de death metal traditionnel, particulièrement les groupes de Floride et les premiers groupes suédois ; surtout Nightmares Made Flesh qui était un coup de chapeau donné aux groupes floridiens. The Arrow était presque une bifurcation, dans une certaine mesure, car nous avons pris une direction qui ne correspondait pas vraiment à ce qu’est ce groupe, selon moi. Même avec l’aspect théâtral, que nous avons beaucoup aimé, c’était peut-être le moment de tirer le rideau dessus. Nous nous sommes amusés avec ça pendant les quelques premières années, mais nous ne voulions pas être connus comme un groupe de black metal qui porte tout le temps du maquillage, car ce n’est pas l’idée de ce groupe. Il s’agissait peut-être de rembobiner un peu. Enfin, où peut-on aller après The Arrow ? Dans une direction encore plus black metal ? Auquel cas, ça n’aurait rien eu avoir avec ce qu’est ce groupe. Parfois, il faut certaines choses pour que ça nous fasse réfléchir. Chaque album qu’on fait détermine la direction qu’on prend avec le suivant. Il nous pousse à reconsidérer certaines choses, et ça vaut pour n’importe quels musique et album, je pense. Ça n’a aucun intérêt de continuellement faire la même chose à chaque album, sinon ça devient vraiment ennuyeux.
L’abandon du maquillage était-il aussi une manière de vous démarquer et d’aller contre la tendance ? Car de façon générale, énormément de groupes extrêmes – ou pas – aujourd’hui utilisent le maquillage…
Nous n’y avons pas réfléchi autant que ça. Nous l’avons fait parce que quand je suis arrivé dans le groupe, c’était une manière de me présenter et c’était quelque chose que, personnellement, j’aurais aimé avoir fait quand j’étais plus jeune. J’ai toujours voulu avoir un nom de scène, porter du maquillage et tout, or je ne l’avais jamais fait. Donc, de mon point de vue, c’était très sympa d’explorer tout ça et nous nous sommes éclatés à le faire. J’ai adoré me déguiser pour monter sur scène, mais après l’avoir fait pendant cinq ou six ans, ce n’est plus aussi drôle qu’au départ. Mais ce n’était pas grand-chose, ce n’est pas comme quand Kiss s’est démasqué ou quoi que ce soit de ce genre [rires]. C’était plus que nous en avions fait le tour. Je trouve qu’il y a de super groupes de black metal qui portent du maquillage et ça a de la gueule, ça met vraiment en valeur la musique et tout. Mais comme je l’ai dit, ça n’a jamais vraiment été l’idée centrale de Bloodbath, donc nous avons dit : « C’est bon, on ne va plus s’embêter avec ça. » C’était une décision prise en toute décontraction.
« Beaucoup de gens ne savent pas qu’Old Nick est un autre nom pour désigner Satan. Les gens croient juste que je m’appelle littéralement Old Nick parce que je suis vieux, ça a un peu raté [rires]. »
Ce n’était pas parfois pénible de devoir mettre son maquillage avant de monter sur scène ?
Je pense que c’était plus pénible après, particulièrement pour les gars qui ont de longs cheveux. Et certains groupes se maquillent beaucoup plus sur scène que nous l’avons jamais fait. Je suis chauve, donc ce n’était pas un problème, je pouvais simplement plonger ma tête dans le lavabo [rires], ça n’était pas grand-chose pour moi. Mais quand on s’apprête à monter sur scène et qu’on met le maquillage, on se met un peu dans la peau du personnage. Je me souviens de Gene Simmons qui en parlait. Evidemment, nous sommes à une beaucoup plus petite échelle, mais j’ai un peu compris ce qu’il voulait dire. J’imagine qu’un bon nombre de groupes de black metal font la même chose, ils rentrent dans leur personnage et c’est sympa. Je ne dirais même pas que je ne le referais jamais, mais c’est juste que pour l’instant, ça suffisait.
Et j’imagine qu’avec ou sans maquillage, tu resteras Old Nick…
Oui, Old Nick. Même si beaucoup de gens ne savent pas que c’est un autre nom pour désigner Satan. Les gens croient juste que je m’appelle littéralement Old Nick parce que je suis vieux, ça a un peu raté [rires].
Tu as mentionné l’influence floridienne. Le groupe a déclaré que « s’il devait y avoir une déclaration de marchandises attachée à cet album, ça dirait : death metal floridien exporté de Suède ». Même sur l’artwork on retrouve ce style typique du vieux death metal floridien. Avez-vous songé à aller jusqu’au bout de la démarche et à faire appel à Scott Burns et à aller au Morrisound à Tampa où tous les classiques du death metal floridien ont été enregistrés ?
Non, car la production est très actuelle. La production de ces albums était super pour l’époque, mais on peut écrire des chansons old-school avec une production moderne et faire en sorte que ça sonne frais, et je pense que cet album en est vraiment la preuve. Les chansons sonnent old-school, mais c’est une production très moderne. Je trouve ça sympa d’avoir une nouvelle production tout en se tournant vers un style d’écriture plus nostalgique. Les enregistrements du Morrisound sont vraiment inscrits dans leur époque, de la même façon que si on écoute Draconian Times de Paradise Lost, c’est une super production, mais c’était super pour 1995 ; aujourd’hui, ça sonne vraiment comme un album des années 90. Je ne vois pas l’intérêt d’essayer de sonner comme si on était encore en train de faire un album des années 90, car ça s’est déjà passé. Ce n’est pas nécessaire d’aller enregistrer au Morrisound, on a ces albums, on n’en a pas besoin de plus, ils sont toujours là. Il s’agissait donc d’interpréter à notre façon le côté old-school avec une production plus récente.
Je sais que tu étais obsédé par le death metal durant ton adolescence. Ayant grandi en Europe, comment voyais-tu la scène de Tampa de l’autre côté de l’Atlantique ?
Je m’y intéressais car il y avait beaucoup de mystère derrière tout ça. Je faisais des échanges de cassettes démo et live. Il y avait toujours des cassettes de Morbid Angel et de Massacre en provenance de Tampa. Tout ce qu’on avait, c’était ces cassettes live et cet incroyable bruit qu’on entendait dessus, mais on ne savait jamais à quoi ressemblaient les gars. Tout était entouré de mystère. Rien qu’avec le nom Morbid Angel, j’essayais d’imaginer à quoi pouvaient ressembler les gars… C’était exactement comme quand j’ai entendu Celtic Frost pour la première fois, le mystère qui entourait le death metal était tout aussi excitant que la musique, la part d’inconnu était fantastique. Maintenant, malheureusement, plus personne ne revivra ça, car on peut voir le gars d’un groupe aller acheter de la litière pour chat dans le supermarché près de chez lui [rires]. Cet aspect a disparu maintenant à cause d’internet. La scène floridienne était probablement toute petite, mais ça avait l’air de tout un monde de death metal, rien que dans cette petite partie des Etats-Unis.
« Le mystère qui entourait le death metal était tout aussi excitant que la musique, la part d’inconnu était fantastique. Maintenant, malheureusement, plus personne ne revivra ça, car on peut voir le gars d’un groupe aller acheter de la litière pour chat dans le supermarché près de chez lui [rires]. »
Comment comparerais-tu ça à la scène death metal européenne, et notamment la suédoise qui émergeait au même moment ?
Je pense que le son de guitare était très différent chez les groupes floridiens. La tonalité des guitares était toujours un peu plus aiguë. Comme il fait chaud en Floride, on imagine toujours les groupes de death metal là-bas comme étant chaleureux [rires], ce qui paraît bizarre. Il y avait beaucoup plus d’obscurité chez les groupes suédois, en particulier avec le son de la HM-2. Le son d’Entombed est typique du son suédois, je pense, ça vient de la HM-2. Il y avait vraiment un son suédois et un son floridien, et tout le reste se situait entre les deux. Ceci dit, je pense que les groupes de death metal britanniques avaient également un véritable son. Je pouvais toujours distinguer le son de Bolt-Thrower. C’était peut-être lié aux studios et au matériel qu’ils avaient dans ces derniers à l’époque. Souvent, je pense que c’était juste le mix. Les mixes étaient toujours différents avec les trucs britanniques. Il y avait toujours un côté un peu live, c’était comme si on avait mixé un concert. Les productions anglaises n’étaient jamais très raffinées. Les productions floridiennes, en particulier, l’étaient beaucoup plus, pour je ne sais quelle raison. Dans le temps, quand on en écoutait suffisamment, on avait une idée d’où venaient les groupes, rien qu’en écoutant la production. Et évidemment, tout le monde se copiait, donc ils allaient tous dans les mêmes studios, et personne ne voyageait vraiment à l’époque, donc tout le monde allait au même endroit.
Une chose que les Suédois faisaient, surtout du côté de Göteborg, c’est qu’ils intégraient beaucoup de mélodie et d’influence heavy metal traditionnel dans leur death metal. Qu’en as-tu pensé quand c’est arrivé ?
Je n’étais plus dedans à ce moment-là, j’ai un peu arrêté d’écouter du death metal. At The Gates est arrivé peu de temps après Paradise Lost, mais je pense que déjà à l’époque, j’ai commencé à écouter d’autres types de musique ou de metal. La période où j’étais à fond dans le death metal, c’était probablement de 1984 à 1991, donc c’était vraiment la vieille école. J’ai fini par entendre parler du son de Göteborg, mais je n’y connais pas grand-chose ; je savais qu’il existait ces groupes, mais je ne les écoutais pas.
Qu’est-ce qui a créé chez toi cette obsession pour le death metal quand tu étais adolescent ? Qu’est-ce qui te parlait dans cette musique à l’époque ?
Je pense que c’était une extension du genre horrifique. Je regardais compulsivement des films d’horreur quand j’étais jeune, dès dix ou onze ans, et ensuite, quand j’ai eu treize ou quatorze ans, j’ai découvert Black Sabbath et Ozzy Osbourne. Ça s’est poursuivi avec la musique – la musique et les paroles, tout allait de pair avec ça. Evidemment, à partir de là, je suis passé au death metal quand j’ai entendu Possessed et Venom. Venom en particulier a été une énorme influence quand j’étais gosse. Je pense que les deux courants artistiques vont bien ensemble.
Qu’aurait pensé le jeune Nick Holmes de la scène death metal actuelle ?
Evidemment, il y a trente ou quarante ans, il n’y avait pas non plus une abondance de groupes. Les groupes qui étaient là avaient tendance à être les seuls. Si on remonte encore plus loin, quand j’étais un tout jeune enfant, il n’y avait environ que quatre groupes. Il y avait AC/DC, Motörhead, Saxon… Il n’y avait aucun groupe de death metal ! [Rires] Maintenant, il y a littéralement des milliers de groupes. C’est donc difficile de répondre à cette question. Quand le death metal a pris de l’ampleur, j’avais déjà commencé à m’en détacher. Ce n’est pas une énorme scène, mais quand c’est devenu un peu plus gros, j’étais déjà là : « Mouais, j’en ai un peu marre, ça suffit pour l’instant. »
« La force des films de zombies, c’est leur côté impitoyable, car on ne peut pas raisonner les zombies. Ce n’est pas comme si on pouvait les dissuader, ça paraît ridicule. Ce n’est pas comme si on pouvait dire : ‘Qu’est-ce que tu fais ? Allons boire un coup !’ [Rires]. »
Tu as cité Nightmares Made Of Flesh et d’ailleurs tu as déclaré que Survival Of The Sickest est probablement le plus proche de cet album. Dirais-tu que Nightmares a une place spéciale dans la discographie de Bloodbath ?
Absolument. Je pense que c’est le premier que j’ai entendu de la part du groupe. Evidemment, j’avais entendu parler du groupe, mais c’est vraiment la première chose que j’ai entendue d’eux. Je ne savais pas à quoi m’attendre, mais j’étais assez surpris par son intensité. Il y avait aussi des éléments mélodiques, c’est un super album de death metal à tous les niveaux. Il coche à peu près toutes les cases en ce qui concerne ce que j’aime, à titre personnel, dans le death metal. J’aime entendre le chant, j’aime entendre les paroles, c’est bien joué, de bonnes parties de batterie ; pour moi, c’est ce à quoi un bon groupe de death metal devrait ressembler. Cet album répond à tous les critères au sein de ce genre musical.
Pour revenir à Survival Of The Sickest, thématiquement, tu as dit que « l’album parle principalement de zombies ». A quel point es-tu un fan de films de zombies ?
Je suis un grand fan de films de zombies. Je dis que ça parle de zombies de façon générale parce que quand j’écris les textes, c’est sur un coup de tête, donc je n’écris pas une histoire. Pour moi, c’est en fonction de ce que la musique me fait ressentir. Souvent, ça parle du mal contre le bien, c’est très classique et c’est probablement le sujet de pratiquement tous les films, et pas seulement des films d’horreur. Donc l’album parle en grande partie de ça et du mal qui obtient la domination. C’est un cliché largement vu et revu dans le death metal, c’est sûr, mais je suis content de le poursuivre. J’ai tellement regardé Dawn Of The Dead, [la version] de Dario Argento, quand j’étais gamin, c’est fou. Je pense que la force des films de zombies, c’est leur côté impitoyable, car on ne peut pas raisonner les zombies. Ce n’est pas comme si on pouvait les dissuader, ça paraît ridicule. Ce n’est pas comme si on pouvait dire : « Qu’est-ce que tu fais ? Allons boire un coup ! » [Rires]. Quand a une force impitoyable qu’on ne peut raisonner, on a déjà là la base d’un très bon film d’horreur, je pense, que ce soit avec des zombies ou autre chose.
J’imagine que ça va bien avec le death metal pour cette raison, car c’est aussi un genre musical assez impitoyable justement.
Oui, absolument, c’est complémentaire. Les gens pensent sans doute que le chant et les textes dans le death metal sont des blagues. C’est amusant aussi, de la même façon que je regarde des films d’horreur pour m’amuser.
Ça fait maintenant quelques années que les films et séries de zombies sont remontés en puissance, surtout grâce à The Walking Dead. Ça semble coïncider aussi avec un regain d’intérêt envers le death metal. Penses-tu qu’il y ait un lien, qu’il y ait quelque chose dans l’air qui pousse les gens vers l’horreur ?
C’est un genre musical méchant et quand on entend une BO de film d’horreur, c’est toujours obsédant. Le death metal se prête bien au côté obscur des choses. The Walking Dead parle plus des gens et de la survie que des zombies ; ça parle de la façon dont les êtres humains gèrent un scénario apocalyptique de fin du monde, ce qui, en soi, est vraiment fascinant. Ils n’auraient pas fait onze saisons si ça n’avait parlé que de zombies. Je trouve tout l’aspect survie aussi intéressant que le mal extérieur qui essaye de rentrer ; tout le concept est fascinant. Ceci étant dit, je pense personnellement que The Walking Dead aurait dû se terminer après la septième saison, mais j’aime bien quand même. Je ne sais pas. C’est comme demander : « Pourquoi aimes-tu le heavy metal ? », n’est-ce pas ? Ça te procure certaines émotions. Pourquoi quelqu’un aime-t-il le death metal et un autre le thrash metal ? C’est comme ça. Je pense que c’est en grande partie une question de goût. Encore une fois, je ne prends pas du tout les films d’horreur au sérieux. Je ne prends pas le death metal au sérieux, mais je m’éclate avec, j’adore. J’arrive à voir le côté drôle des films, de la musique et tout, mais j’aime toujours autant.
« L’aspect psychologique dans ces films est également fascinant. C’est comme Loft Story d’une certaine façon, on met des individus qui ne se connaissent pas dans une maison et on voit comment ils s’entendent. Tu rajoutes à ça quelques zombies qui essayent de rentrer et ça prend une autre dimension ! [Rires] »
J’ai lu un article qui disait que les fans de films de zombies étaient moins impactés psychologiquement par la pandémie, car ils sont habitués aux sentiments apocalyptiques. Crois-tu que ça se vérifie avec toi, en l’occurrence ?
Je ne sais pas. Ce n’est pas un film de zombies, mais je trouve que La Route avec Viggo Mortensen est un film très dur à regarder. C’est le plus proche que j’ai été de me dire : « Oh mon Dieu ! C’est ce qui pourrait arriver. » Pour moi, le côté survie dans ce film est très dur à regarder, mais c’est un film sensationnel. Je l’ai revu plusieurs fois pour voir ce que j’allais en penser, si j’allais ressentir autre chose. La seconde fois que je l’ai regardé, j’ai mieux apprécié la fin. La première fois, j’étais un peu indécis. C’est comme un film de zombies sans zombies. Peut-être qu’on aime tremper son doigt de pied dans une sorte de scénario apocalyptique pour imaginer comment on réagirait, presque comme si on tâtait le terrain pour voir si on serait meilleur à gérer la situation sur le plan émotionnel, peut-être qu’il y a de ça ! [Rires]
Tu as mentionné le fait que The Walking Dead parlait surtout des gens. Il y a toujours – ou en tout cas souvent – un grand côté psychologique dans les histoires de zombies : penses-tu que c’est plus que du divertissement, que ça montre ce que serait le comportement des gens dans des situations extrêmes ?
Absolument. Ils créent complètement la situation. Ces histoires confrontent les gens à certains scénarios pour voir comment ils les gèrent et comment ils se gèrent les uns les autres, car la plupart des gens n’ont pas à faire à quoi que ce soit de ce genre dans leur vie. Tout se résume à la façon dont les individus réagissent. L’aspect psychologique dans ces films est également fascinant. Les zombies, c’est une chose, mais comme tu le dis, la manière dont on met les individus face à cette situation, c’est comme Loft Story d’une certaine façon, on met des individus qui ne se connaissent pas dans une maison et on voit comment ils s’entendent. Tu rajoutes à ça quelques zombies qui essayent de rentrer et ça prend une autre dimension ! [Rires] Je pense que c’est la raison pour laquelle la série a duré aussi longtemps. De même, on s’investit dans les personnages, or quand on se soucie des personnages, ça apporte en soi aussi une autre dimension, car quand on se soucie que quelqu’un vive ou meure, ça change ce qu’on ressent. Le jeu vidéo The Walking Dead est super parce que c’est très similaire, il faut prendre des décisions : vas-tu sauver tel ou tel gars ? Alors tu penses au personnage que tu aimes le plus et tout le côté psychologique derrière est super, c’est fascinant.
As-tu l’impression que les gens dans la vraie vie agissent parfois comme des zombies ?
Tu veux dire quand ils se cognent contre un lampadaire ? Ça arrive tout le temps vers onze heures trente le samedi soir à Leeds ! [Rires]
Je pensais plus par exemple à ce qu’on voyait au début de la pandémie, quand les gens se précipitaient dans les supermarchés sans réfléchir pour acheter du papier toilette…
Il y a un côté « le combat ou la fuite ». C’est pareil avec l’essence. C’est étrange, mais il y a une sorte de peur, on en revient au côté imprévisible, à l’incertitude, c’est ce qui pousse les gens à aller acheter du papier toilette. Même moi j’y ai pensé : « Merde, est-ce que je devrais aller en chercher ? », mais je me suis dit : « Non, je ne vais pas les suivre, je ne vais pas le faire. » Puis j’ai envoyé ma fille en chercher [rires]. Je plaisante !
« Ce n’est pas comme si j’avais besoin de dire quelque chose que j’ai sur le cœur, je ne fonctionne pas comme ça. Si j’ai besoin de vider mon sac, je téléphone à un ami pour lui parler et me lamenter auprès de lui. Je ne suis pas suffisamment sûr de moi pour parler en public de mes sentiments car je n’ai même pas envie d’en parler avec des gens que je ne connais pas. »
Tu as dit à propos de Survival Of The Sickest que « les chansons sont un petit peu plus réfléchies sur celui-ci ». Plus généralement, penses-tu la fiction d’horreur peut être un moyen de réfléchir sur nous-mêmes et sur le monde ?
Oui, les icônes de l’horreur peuvent être utilisées comme des métaphores pour n’importe quoi. Personnellement, quand j’écris des paroles, je ne vais pas jusque-là, particulièrement avec Bloodbath. Personnellement, je forme une phrase selon la manière dont elle s’intègre à la chanson et dont elle sonne, c’est ce que j’aime. Il faut que j’aime comment ça sonne. On peut lire et trouver des complots partout si on regarde suffisamment longtemps, comme Jello Biafra l’a très bien dit. Mais bien sûr, on peut assurément dégager des métaphores. Ceci étant dit, je n’étais pas au courant que c’était écrit dans la bio, je l’ai su il y a à peine une semaine [rires]. Quand j’ai vu ça, j’étais là : « Quoi ?! » Les paroles sont toujours réfléchies, mais tout dépend quelles sont les réflexions et je ne suis pas en train d’écrire le prochain Seigneur Des Anneaux ou quoi que ce soit de ce genre [rires].
L’album s’intitule Surival Of The Sickest (« La survie du plus malade »), un jeu de mots avec le fameux « Survival of the fittest » (« La survie du plus apte ») de Darwin. Dirais-tu que c’est ainsi que le death metal prospère : plus c’est un groupe de malades, meilleur c’est ?
Je ne sais pas, en fait. Au final, je pense que tout se résume aux chansons. Il faut avoir de bonnes chansons, peu importe à quel point on est malade. Si les chansons ne suivent pas, ça n’aura aucun impact. C’est comme pour n’importe quelle musique, ce qui compte, ce sont les chansons. Si on essaye de mettre en avant du gore et qu’on a de bonnes chansons derrière, alors ça fera plus d’effet. Jonas [Renkse] m’a dit le titre et je l’ai tout de suite aimé parce que je trouvais que ça nous renvoyait en 1988, j’ai adoré.
L’album se termine sur la chanson « No God Before Me ». Par le passé, Greg Mackintosh nous a dit qu’avec Paradise Lost « il ne s’agit pas vraiment d’être hostile à la religion ou à la foi, il s’agit juste de se demander pourquoi les gens font ça, pourquoi l’humanité a besoin de ça, pourquoi c’est toujours présent dans la société » et que les textes dans Obsidian, par exemple, abordaient le sujet de manière beaucoup plus nuancée. Du coup, Bloodbath est-il pour toi un peu ce que Strigoi est pour lui : une façon d’être plus ouvertement antireligieux et de se défouler un peu là-dessus ?
En fait, non. Pour moi, il s’agit juste de revivre mes années d’adolescence. Nous nous éclatons tellement à faire ça. Ce n’est pas comme si j’avais besoin de dire quelque chose que j’ai sur le cœur, je ne fonctionne pas comme ça. Si j’ai besoin de vider mon sac, je téléphone à un ami pour lui parler et me lamenter auprès de lui, je ne vais pas parler publiquement de certaines choses qui me gonflent, car je suis très secret à cet égard. Je ne suis pas suffisamment sûr de moi pour parler en public de mes sentiments car je n’ai même pas envie d’en parler avec des gens que je ne connais pas. Je ne suis pas du genre à utiliser les paroles de mes chansons comme tribune, je préfère m’amuser avec et utiliser des mots que plus personne n’utilise et parcourir le dictionnaire de synonymes. J’aime cette approche, disons, plus poétique de l’écriture. Même si ce sont des sujets totalement différents qui sont abordés dans les textes, j’écris un peu de la même façon avec Paradise Lost et Bloodbath. Quand j’écris, je suis absorbé dans le moment, donc tout dépend de ce que la chanson ou une phrase me fait ressentir au moment où je l’écris. Je ne pense même pas forcément au sens que ça aura plus tard. Mais quand on enregistre, c’est là que je me dis : « Attends, des gens vont croire ci ou ça… » Si tu écris en te souciant de ce que les gens vont penser, s’ils vont aimer ou pas, quel intérêt ? C’est une forme d’expression de soi, je suppose. Quand je suis en train d’écrire, il est clair que je ne pense à personne d’autre, je pense juste à ce que j’aime sur le moment.
Tu as dit aimer garder tes sentiments pour toi sur certains sujets, donc à toi de voir si tu veux répondre à la prochaine question. Que penses-tu de la place de la religion aujourd’hui ? Certains disent qu’elle reprend de l’ampleur…
On en revient à l’incertitude des choses, n’est-ce pas ? Les gens utilisent ça comme d’une béquille parce qu’ils ne savent pas ce qu’il y a après la mort et ils ont peur. Les gens sont manipulés pour leur faire croire qu’il y a quelque chose. Je dirais que la plupart des gens sont athées. Je ne connais personne dans mon entourage qui ait la foi, tous les gens que je connais sont principalement athées. Mais ça ne me pose aucun problème, du moment que ça ne corrompt personne d’autre. Tant que ça n’affecte personne d’autre, il n’y a rien de mal à être croyant. Mon point de vue n’a pas changé depuis que je suis enfant. Je pense toujours la même chose. Je ne crois toujours pas en Dieu, mes enfants n’y croient pas non plus, ils n’ont pas été élevés pour y croire, c’est juste un tas de conneries [petits rires]. Mais qui suis-je pour dire à quelqu’un que c’est n’importe quoi ? Si une personne a la foi et que ça l’aide à vivre, alors c’est bien pour elle et je le respecte, mais ce n’est pas pour moi.
« Nous étions amis avant que je rejoigne le groupe. Nous avons un sens de l’humour similaire, chose que j’entretiens en tant que socle de toute relation. »
On retrouve quelques invités dans Survival Of The Sickest. Ça commence à ressembler à une tradition depuis Grand Morbid Funeral. Y a-t-il un sentiment de regroupement de la famille death metal autour de ce groupe ?
C’est fait de façon très décontractée. Quand nous étions sur le point de terminer l’album, nous nous sommes juste demandé qui nous pourrions inviter sur certaines parties. Avec la chanson « Putrefying Corpse », quand nous étions en train d’écrire la partie sur laquelle Barney Greenway chante, je me suis juste dit que ça serait vraiment bien avec sa voix, car il y a un côté très Napalm Death, donc nous nous sommes dits que nous allions lui demander si ça lui plairait de le faire. Je pense que c’était pareil pour Jonas avec la chanson « To Die », car le refrain est chanté assez aigue à la Chuck Schuldiner, or Marc [Grewe] de Morgoth a une voix similaire, donc nous nous sommes dit qu’il assurerait dessus. Mais ce n’est pas comme s’il fallait absolument que nous ayons des invités, c’est juste que nous avons pensé que telle voix sonnerait bien à tel endroit. C’est sans prise de tête, on peut demander à quelqu’un et si la personne dit oui, c’est bien, et si elle dit non, ça ne pose pas non plus de problème. C’est juste pour s’amuser un peu et apporter un élément supplémentaire aux chansons.
Dirais-tu que la « famille death metal » est une notion qui existe ?
Il est clair qu’il y a beaucoup de gars qui évoluent sous cette égide, absolument. Tout dépend ce qu’on entend par « famille », mais il y a beaucoup de gens dans des groupes et même des parmi les équipes qui sont dans cette scène depuis plusieurs décennies. Ça fait des années et des années que nous faisons tous cette musique et ça me plaît beaucoup, c’est toujours sympa de partir sur des festivals durant l’été et de voir nos vieux amis. Ça fait trente ans voire plus que je suis ami avec certains de ces gars, donc c’est toujours sympa de tomber sur eux. Nous avons tous grandi en faisant la même chose et nous aimons toujours le faire.
Ça fait maintenant trois albums que tu as fait avec Bloodbath, sur les six que compte sa discographie. Je ne suis pas sûr que les gens auraient parié sur ta longévité dans ce groupe, mais le fait est que tu es le chanteur le plus durable dans Bloodbath. A quel point cet exutoire est-il épanouissant pour toi ?
C’est génial. J’adore. Quand j’ai commencé, je n’ai pas vraiment pensé à combien de temps ça durerais ou quoi que ce soit de ce genre, mais le circuit des festivals est vraiment une super plateforme pour le groupe. C’est super de jouer sur des festivals, ça se prête vraiment à ce type de formation. Nous en avons fait plein au fil des années. En plus, nous avons eu deux ans avec la pandémie, donc c’est comme si ça faisait à peine six ans [rires], mais ça fait quand même un petit moment maintenant. Je pense que c’est en grande partie un témoignage de notre amitié ; nous étions amis avant que je rejoigne le groupe. Nous avons un sens de l’humour similaire, chose que j’entretiens en tant que socle de toute relation, pour être honnête, donc ça nous aide. Musicalement, nous aimons tous ce groupe. C’est comme tout, quand on s’entend avec les gens avec qui on travaille, pourquoi arrêter ?
Pour finir, on a parlé de films et séries de zombie. Si tu devais en choisir cinq parmi tes préférés, ce serait quoi ?
Il y en a pas mal, ça va être difficile. Évidemment, The Walking Dead. Les six premières saisons étaient super. Elle a continué trop longtemps, mais je trouve que ça reste une super série, les personnages sont super et, encore une fois, on se souci des gens qu’on voit, ce qui est le plus important dans n’importe quel environnement d’horreur. Il faut s’attacher aux gens, car on ne veut pas qu’ils meurent et ça ajoute un danger supplémentaire au scénario. J’ai aussi lu les livres, particulièrement celui avec le Gouverneur, je trouve que c’est la meilleure période de la série. Je n’ai jamais autant voulu qu’une série se termine et malgré tout, je continue à la regarder, donc c’est un peu une nouvelle expérience que je n’avais jamais connu avant avec quoi que ce soit [rires]. Ça me l’a un peu fait avec Dexter, mais pas à ce point ; là, j’ai clairement pensé : « Bon, j’ai envie que ça se finisse, même si j’aime bien. »
« Pour moi, la marque d’un bon film d’horreur, c’est quand on y pense encore après avoir fini de le regarder. »
En ce moment, je regarde une série qui s’appelle To The Lake. Je crois que c’est russe et c’est sur Netflix. Encore une fois, il y a une sorte d’épidémie dans la société. Je n’ai pas encore vu de zombies, mais je sais qu’ils arrivent – je crois. Encore une fois, il y a un fort penchant pour le côté survie, ce qui, d’une certaine manière, est mieux. Souvent, j’aime les films d’horreur quand ils se déroulent dans des environnements lugubres. Ils sont toujours plus une effrayant quand il y a beaucoup de neige et du mauvais temps, car la météo en soi est un défi. J’aime cet aspect car ils doivent gérer la météo en plus des morts-vivants. Donc tout ce qui se déroule dans la neige me captive instantanément.
Ensuite, je dirais probablement Zombie (Dawn Of The Dead). Ça se déroule dans un centre commercial, je crois que c’est à Pittsburg. Je suis d’ailleurs allé dans ce centre commercial. J’adore le fait que tout le monde retourne dans lieu où ils étaient occupés quand ils étaient vie. J’aime beaucoup cette idée. C’était probablement le tout premier film de zombies que j’ai vu quand j’étais gamin, ça m’a complètement terrifié. Je l’ai revu il n’y a pas très longtemps, on voit que c’est un vieux film maintenant, mais il reste super.
Il y a aussi Night Of The Living Dead. C’est sorti en 1968, je n’étais même pas né. Je ne sais pas si c’est parce que c’est en noir et blanc, mais il est passé il n’y a pas longtemps et je le trouve toujours très perturbant. Je pense que quand les films ont l’air vieux, pour je ne sais quelle raison, peut-être qu’ils me rappellent ma peur quand j’étais enfant. Peut-être que ça déclenche automatiquement une sorte de réaction quand je vois un vieux film qui fait peur, je suis immédiatement plus effrayé qu’avec un film moderne. Je pense qu’il y a un côté nostalgique là-derrière qui réveille des traumatismes chez moi. J’ai vu Night Of The Living Dead plus tard, mais ça doit être le tout premier film de zombie qui a été fait, c’est un peu le classique ultime. En dehors peut-être de I Walked With A Zombie, qui date probablement de 1943, mais je n’ai jamais aimé ce film, je l’ai trouvé assez ennuyeux.
Je suppose que le dernier serait Shaun Of The Dead car il a complètement réussi à mélanger comédie et horreur. Je sais que Simon Pegg a le même âge que moi et il a probablement grandi en regardant les mêmes films que moi. C’est sympa de combiner un film très drôle et l’atmosphère effrayante et claustrophobe d’un film de zombie. Ce film le fait très bien, c’est le meilleur qu’il ait jamais fait, je trouve. REC est un bon film aussi. Il y en a des tas que je pourrais probablement mentionner maintenant que je suis en train de les passer en revue, mais ceux-ci sont bien.
La drôlerie et la peur sont des émotions un peu antagonistes. Tu trouves que ça va bien ensemble ?
Je trouve que ça fonctionne, oui. Je sais que c’est un genre qui existe, mais je ne regarderais jamais exprès un film catégorisé « comédie horrifique ». Mais avec Shaun Of The Dead, c’était vraiment très bien ; le mélange est bien fait, car autrement, ça ne marche pas tout le temps. Il y a The Return Of The Living Dead qui est un peu dans la comédie horrifique et qui traite de zombies, mais ça se veut drôle au point d’en être vraiment ridicule. C’est presque exagéré, alors que Shaun Of The Dead est plus une histoire sur lui et sa famille, et c’est légèrement différent du film que je viens de mentionner. Ça peut aller de pair, mais je trouve que c’est dur d’obtenir le bon mélange. Il faut une bonne histoire aussi et de bons acteurs. Ça aide si ce sont des comédiens qui jouent les rôles, comme Simon Pegg. Ça peut se faire, mais ça ne marche pas toujours.
Tu disais que les vieux films sont plus effrayants car ils te renvoient à ton enfance : peut-être est-ce aussi parce qu’avec les vieux films, ils n’avaient pas les mêmes moyens qu’aujourd’hui, et donc l’horreur était plus suggérée, ils faisaient davantage appel à l’imagination alors que tout est montré explicitement désormais…
C’est ça le truc, je pense, aujourd’hui avec les films modernes, il n’y a plus rien qui est laissé à l’imagination. Je suppose que c’est compliqué de faire un bon film d’horreur aujourd’hui. Le producteur Ari Aster a fait Hereditary et Midsommar et ce sont de très bons films d’horreur modernes. Je trouve que ce gars sait vraiment comment s’y prendre. De même, quand le film est fini, on continue à y penser. Pour moi, c’est aussi la marque d’un bon film d’horreur, quand on y pense encore après avoir fini de le regarder. Souvent, le film est terminé et on l’oublie. Et ce n’est pas obligé que ce soit gore, comme tu le dis, si ça fait appel à ton imagination et que tu imagines à quoi ça peut ressembler. C’est dur de faire un bon film d’horreur aujourd’hui, maintenant que j’y pense, mais certains y arrivent encore.
Interview réalisée par téléphone le 27 juillet 2022 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Emilie Bardalou.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Ester Segarra (1, 2, 4, 5, 7, 8, 10).
Site officiel de Bloodbath : bloodbath.biz
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Le fameux dawn of the dead de dario argento
[Reply]
Il fait référence à la version du film qui était sorti en deux montages différents : celui de Romero pour les US et celui d’Argento pour l’Europe.