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Interview   

Blue Öyster Cult : la perle du culte


On attribue souvent l’origine du heavy metal à Black Sabbath et son album sans titre de 1970, mais il ne faudrait pas faire l’erreur d’occulter l’influence majeure de Blue Öyster Cult, fondé par le manageur, producteur et parolier Sandy Pearlman pour être justement (soi-disant) la réponse américaine au célèbre combo de Birmingham. A savoir s’il y est parvenu, difficile à dire tant Blue Öyster Cult s’est très vite démarqué, inclassable avec ses multiples chanteurs, compositeurs, paroliers et styles.

Cinquante ans après leurs débuts, vingt après leur dernier album (Curse Of The Hidden Mirror sorti en 2001), Blue Öyster Cult revient enfin avec du matériel neuf. Le moins qu’on puisse dire est qu’ils ont pris leur temps, peu motivés à retourner en studio mais profitant d’une belle dynamique en live. The Symbol Remains démontre pourtant que le combo new-yorkais était loin d’avoir dit son dernier mot : toute la riche panoplie de Blue Öyster Cult est déployée en un peu plus d’une heure et il y en a pour tous les goûts !

Nous avons échangé avec Donald Roeser alias Buck Dharma, chanteur-guitariste et compositeur de certains des plus grands classiques du rock, pour qu’il nous en dise plus et revienne sur ce qui fait de Blue Öyster Cult un groupe aussi à part.

« Nous nous sommes dit que nous pourrions faire au moins un album de plus avant d’arrêter. »

Radio Metal : The Symbol Remains est le premier album de Blue Öyster Cult en presque vingt ans. En 2017, Eric Bloom a dit que le temps passé à produire un album « que personne n’achètera » serait mieux employé à tourner. Du coup, qu’est-ce qui a fini par vous faire changer d’avis ?

Buck Dharma (chant & guitare) : Les albums Heaven Forbid et Curse Of The Hidden Mirror ne se sont pas particulièrement bien vendus et ça nous a déçus, vu tout le travail que nous avions fourni pour faire ces nouvelles musiques. Nous étions contents d’être un groupe de live parce que nos concerts ont toujours bien marché, donc ça nous convenait, mais je pense que CMC, le label de l’époque, qui a intégré BMG, n’a pas fait du bon boulot pour nous promouvoir et dans le domaine des musiques populaires, le classic rock ne suscitait pas beaucoup d’intérêt en 1999 ou 2000. Nous n’avons pas connu de hit depuis les années 80. Je ne sais même pas ce que signifie notre musique pour les gens de nos jours, mais actuellement, en 2020, le classic rock suscite probablement plus d’intérêt qu’il y a vingt ans. De même, en 2020 le groupe était tellement bon qu’il fallait que nous fassions un album. Les derniers membres arrivés, Richie Castellano, Jules Radino et Danny Miranda, représentent la seconde itération fondamentale de Blue Öyster Cult et il fallait que ce soit documenté. Nous nous sommes dit que nous pourrions faire au moins un album de plus avant d’arrêter de faire ce que nous faisons. Nous avons alors commencé à rechercher un label et nous avons obtenu en 2019 un bon accord avec Frontiers pour faire un album. Ensuite, nous avons sérieusement commencé le travail. Nous nous sommes dérouillés en termes de composition et d’enregistrement, et une fois que nous étions lancés, ça nous a vraiment excités. Frontiers fait du très bon boulot. J’ai l’impression que l’album a beaucoup de succès en Amérique et sur Amazon il est en seconde ou cinquième position, il n’arrête pas d’osciller dans les classements d’albums. Même durant notre âge d’or nous n’obtenions pas ce genre de position en Amérique. Nous sommes très contents.

D’un autre côté, en tant que personne créative, n’avais-tu pas hâte de retourner en studio pour faire de la nouvelle musique ? Ça ne te manquait pas ?

J’étais excité une fois que nous nous sommes engagés à faire un album mais durant les années où nous n’en avons pas fait, j’étais à l’aise dans la position de l’aîné vétéran du classic rock sans faire de nouvel album. Ça ne m’a pas dérangé de ne pas en faire jusqu’à environ il y a cinq ans. Là, j’ai commencé à penser : « Ok, faisons un album et montrons aux gens ce que nous valons en 2020. » La majorité des musiques a été écrite l’an dernier par Eric, Richie et moi, même si trois de mes chansons ont été écrites durant diverses années entre les albums de BOC. « Secret Road », « Nightmare Epiphany » et « Fight » étaient des chansons dont j’avais moi-même fait des démos durant ces périodes. Je me disais que peut-être à un moment donné je ferais un album solo ou quelque chose comme ça, mais je ne les avais jamais publiées. L’une d’entre elles est disponible sur Soundcloud et les deux autres étaient sur un CD d’archives de démos que j’ai sorti en privé. Le groupe en a fait de super versions ; elles sont grosso modo identiques pour ce qui est des textes et de la musique, mais le rendu de la prestation, évidemment, est différent. En-dehors de ça, toutes les chansons ont été écrites l’an dernier.

Quel genre d’impact est-ce que le Covid-19 a eu sur la réalisation de l’album ?

Ça l’a presque arrêtée mais nous avons pu finir les chants, les guitares, les claviers, les percussions, et ce qui restait à faire, après avoir enregistré les pistes de base ensemble, nous l’avons fait à la maison dans nos home studios. Nous avons travaillé par le biais d’internet avec des vidéoconférences et des logiciels spéciaux pour écouter de l’audio de haute qualité sur internet. Ainsi nous avons pu travailler ensemble. Nous n’avons pas joué en même temps mais nous pouvions regarder par-dessus l’épaule de l’autre et nous produire mutuellement. Voilà comment nous avons terminé l’album. Ensuite, il a été mixé par Tom Lord-Alge en Floride. Il a reçu les pistes par internet, il faisait les mix, puis nous les écoutions et nous demandions de faire des changements si nécessaire. Tout ça a également été fait par internet.

C’est drôle, parce que vous avez une chanson sur l’album intitulée « The Machine » qui semble être une critique de notre dépendance à la technologie, mais il se trouve que vous avez dépendu de la technologie pour terminer cet album !

C’est vrai ! [Rires] Tu as raison ! « The Machine » parle des téléphones portables et comment aujourd’hui ils dominent la personnalité de tout le monde. Mais je ne pense pas que cette chanson critique la technologie en général. Ce qu’elle critique, c’est l’obsession des gens pour les téléphones portables qui interfèrent en temps réel dans leurs relations avec les autres êtres humains. Je crois que la cadence à laquelle la technologie change et affecte les humains est en train d’accélérer. C’est dur de vraiment comprendre quels en seraient les effets au fil du temps, mais on chevauche tous dans cette direction, on n’a pas vraiment le choix. On peut s’en plaindre mais ça n’apportera rien de bon.

« Je ne comprends pas vraiment pourquoi on a commencé à dire que nous faisions du heavy metal. Je pense que nous ne sommes pas un très bon groupe de heavy metal. »

Blue Öyster Cult a été fondé en 1967 et est l’un des groupes les plus influents de l’histoire du rock, mais quelle est la place de ce groupe en 2020, plus de cinquante ans après ?

En ce qui concerne ce que nous écrivons et chantons, il ne me semble pas qu’il y a beaucoup de musique faite aujourd’hui qui sonne comme Blue Öyster Cult, si tant est que Blue Öyster Cult ait un jour ressemblé à un autre groupe. Je pense qu’actuellement, la seule nouvelle musique disponible qui sonne comme Blue Öyster Cult, c’est celle de Blue Öyster Cult. Je sais qu’AC/DC vient de faire un nouvel album et Deep Purple a fait un nouvel album cette année, et je suppose qu’ils sonnent comme eux. Mais en ce qui concerne notre propre place parmi le vaste panel de musiques disponibles, je ne pourrais rien dire de plus que nous sonnons comme nous-mêmes. Je pense que nos fans de longue date sont enchantés que nous sortions un nouvel album mais nous avons également vu en concert de jeunes gens qui ont découvert Blue Öyster Cult sur internet ou via les sketchs dans Saturday Night Live en Amérique ou par le biais de leurs parents qui sont fans… Evidemment, nous voyons beaucoup de jeunes gens qui n’auraient jamais connu Blue Öyster Cult sans internet, la musique gratuite, YouTube et ce genre de choses.

L’album s’intitule The Symbol Remains : le symbole est à la fois une référence à une phrase dans la chanson de « Shadow Of California » écrite par Sandy Pearlman et, évidemment, votre logo, la croix de Kronos, que l’on voit écraser une sorte de ville antique. Quelle déclaration avez-vous voulu faire avec ceci ? Et qu’est-ce que ce symbole représente pour vous ?

La raison de ce titre est vraiment que nous avons voulu honorer Sandy Pearlman qui a écrit le texte de « Shadow Of California » et qui est la raison pour laquelle Blue Öyster Cult a été formé à la fin des années 60 ou au début des années 70. Et puis, nous voulions surtout transmettre l’idée que oui, le symbole de Blue Öyster Cult perdure en 2020, c’est-à-dire que nous sommes toujours là. C’est un symbole que nous avons vu pour la première fois sur la pochette du premier album, l’album Blue Öyster Cult en noir et blanc. L’artiste qui a fait cette pochette s’appelle Bill Gawlik et il a inventé ce symbole. Dès l’instant où nous l’avons vu, nous avons décidé d’en faire un logo parce que c’était une image très puissante. Pour nous, c’est juste le symbole de Blue Öyster Cult. Je n’ai jamais cherché à y voir autre chose. Ce symbole a probablement des antécédents historiques, Bill Gawlik a dû le trouver quelque part, mais je ne crois pas qu’il existait vraiment tel quel avant 1971. Les gens aimeraient d’ailleurs demander à Bill Gawlik qu’il leur en dise plus à ce sujet mais il semblerait qu’il ait disparu. Personne n’a entendu parler de lui depuis des décennies maintenant ! Personne ne sait où il est. Nous avons bien cherché à le contacter ; on pourrait croire qu’à l’ère d’internet, on peut trouver n’importe qui, mais personne n’est parvenu à le trouver. A savoir s’il est encore en vie, s’il s’est totalement retiré de la société, nous ne savons pas !

« Stand And Fight » est probablement l’une des chansons les plus heavy du répertoire du groupe et a un côté très Metallica dans le riffing. Est-ce que ce pourrait être la réponse de Blue Öyster Cult à la reprise d’« Astronomy » par Metallica ?

Oui, ça se pourrait bien ! Tu devrais sans doute poser la question à Eric Bloom, c’est lui qui l’a écrite. Elle a commencé avec une idée de texte à lui et un plan de guitare de base, et il l’a étoffée avec l’aide de Richie Castellano. Je sais qu’il voulait couvrir la base plus heavy de Blue Öyster Cult, car ça correspond à sa manière de chanter et de composer. Je suis sûr qu’il te dirait que c’est probablement un clin d’œil à Metallica. Nous étions flattés, évidement, quand Metallica a repris « Astronomy ». Metallica est un grand groupe qui a beaucoup de succès, et qu’ils nous honorent en reprenant notre chanson était bienvenu. J’apprécie toutes les reprises de Blue Öyster Cult, que ce soit « (Don’t Fear) The Reaper », « Astronomy » ou « Cities On Flame », mais j’ai vraiment trouvé qu’ils ont fait du bon boulot, en particulier James Hetfield.

Avec Black Sabbath, Blue Öyster Cult a été l’un des groupes les plus déterminants pour le heavy metal. Vous revendiquez cette position avec une chanson comme « Stand And Fight », mais quel a été ton regard sur ce que les gens ont appelé le heavy metal et la manière dont ce genre a évolué à partir des bases que vous avez posées ?

Je ne suis pas sûr parce que je ne suis pas un énorme fan de ce genre musical, donc je ne connais pas grand-chose sur tous les groupes qui font du heavy metal. Je suppose qu’il a évolué pour devenir beaucoup plus heavy que ce que Blue Öyster Cult a initié pour le mouvement. Quand le terme a été utilisé pour la première fois, à l’époque où nous avons débuté, quand nous avons été les premiers à mettre le tréma sur « Öyster », il n’y avait pas tellement de heavy metal, donc les groupes heavy qui nous ont suivis ont clairement emmené le genre dans une direction plus heavy que nous, et c’est la logique des choses. D’un autre côté, je ne suis pas mal à l’aise quand les gens nous qualifient de heavy metal, mais je ne crois pas que ce soit une description exacte. Je trouve ça curieux, je ne comprends pas vraiment pourquoi on a commencé à dire que nous faisions du heavy metal. Je pense que nous ne sommes pas un très bon groupe de heavy metal. Je pense que nous avons toujours chevauché plusieurs genres plus que nous avons été franchement heavy metal. Il y a dans notre musique du rock des années 70 et 80, il y a un peu de heavy metal, il y a un peu de pop et même de la musique fantaisiste. Je pense que la force de Blue Öyster Cult est dans la musique qu’il produit. Je veux dire que nous n’avons pas peur de nous essayer à n’importe quel type de musique. Nous essayons n’importe quoi et nous en faisons notre propre version. Tant que la musique est bonne, tant que la qualité du jeu et du chant est bonne, c’est quelque chose que nous faisons bien.

« Nous bénéficions énormément des jeunes gars. Même si c’est drôle, car personne dans Blue Öyster Cult n’est vraiment jeune, ce ne sont que des degrés divers de vieux [rires]. »

Blue Ösyter Cult a effectivement toujours été un groupe à plusieurs facettes, mais The Symbol Remains est un album vraiment très varié. Rien que les trois premières chansons sont très différentes et sont chantées par trois chanteurs différents – c’est presque comme trois chansons de trois groupes différents. Mon collègue qui a chroniqué l’album l’a qualifié de « best of qui ne contiendrait que des inédits ». Avez-vous consciemment essayé de faire de cet album une anthologie de Blue Öyster Cult voire du rock ?

[Rires] Je ne sais pas si c’était conscient mais étant donné les compositeurs, Eric Boom, Richie Castellano et moi-même, principalement, et les paroliers avec qui nous travaillons, ça allait forcément sonner varié. Nous avons consciemment séquencé les trois premiers morceaux dans l’album pour que ce soit un Eric, un Buck, un Richie de façon à ce que les auditeurs puissent saisir ce qu’il y a de neuf chez BOC. Nous avons toujours une certaine variété de musiques, de sons et d’atmosphères. J’aime jouer différents styles de musique et je pense l’avoir fait avec des chansons comme « Train True » et « Florida Man » qui ne sont pas des chansons de classic rock typiques, tandis que des chansons comme « Secret Road » le sont, je dirais – celle-ci nous aurions pu la faire dans les années 80. Une grande partie des chansons de Richie sont des chansons que nous aurions pu faire à diverses périodes de notre histoire. Donc oui, je comprends pourquoi votre chroniqueur a dit ça. D’un autre côté, le point commun entre les chansons, c’est le groupe, c’est Richie, Jules, Danny, Eric et Buck. C’est marrant, en tant que Buck Dharma, je ne prends pas ça trop au sérieux et je me contente de faire ce que je fais, et ça vaut probablement pour le reste des gars. Généralement, s’il n’y a pas une organisation ou un concept derrière un album, il se révèle après coup, après que nous l’ayons nous-mêmes écouté en tant qu’auditeurs. C’est beaucoup plus inconscient quand nous sommes en train de créer les chansons.

Vous avez eu jusqu’à quatre chanteurs lead dans le groupe, ce qui est une caractéristique qui a différencié BÖC de nombreux autres groupes de rock qui avaient un chanteur comme figure centrale et un guitariste comme partenaire principal. Penses-tu que ça a créé un équilibre ou un sentiment de démocratie dans le groupe que d’autres groupes n’avaient peut-être pas ?

Tu as raison. Depuis le début BÖC était une démocratie, certainement pour ce qui est du chant et de la composition. Il pouvait même arriver que les producteurs changent qui chante une chanson une fois en studio. Je pense que c’était propre aux groupes populaires : nous chantions tous, nous composions tous et nous nous soutenions mutuellement dans ces tâches. C’était une décision consciente, nous soutenons la créativité à l’intérieur du groupe, peu importe d’où ça vient. C’est de nouveau arrivé avec The Symbol Remains, en introduisant Richie Castellano en tant que troisième chanteur, donc ça continue. Richie chante certaines des chansons d’Eric cette fois, et Eric chante certaines des chansons de Richie. J’ai tendance à chanter les chansons que je compose parce que je compose pour mes capacités et limites vocales. Parfois je co-compose avec Eric – j’ai fait ça sur d’autres albums – mais Richie et Eric ont créé la plupart de leurs chansons ensemble. Je pense aussi que la technologie a un petit peu changé les choses, vu que nous écrivons et faisons des démos des arrangements plus souvent depuis chez nous maintenant. Donc quand les chansons sont présentées au groupe, elles sont plus près d’être finalisées qu’elles ne l’étaient dans les années 70, quand nous composions tous ensemble dans une pièce. Et puis, il faut savoir qu’être une démocratie peut aussi être une faiblesse parce qu’il nous est arrivé par le passé de ne jamais obtenir un consensus sur des titres d’albums ou des illustrations, ou même sur le nom du groupe !

Ceci est le premier album de Blue Öyster Cult avec Richie Castellano et Jules Radino, même s’ils sont dans le groupe depuis pas mal de temps maintenant. Tout comme Danny Miranda, ils sont bien plus jeunes que toi et Eric : est-ce que ça vous rajeunis ?

Oui ! Leur énergie et leur endurance nous encouragent et nous motivent à donner toute notre énergie, je pense. Surtout si on nous voit en concert, on réalise que nous bénéficions énormément des jeunes gars. Même si c’est drôle, car personne dans Blue Öyster Cult n’est vraiment jeune, ce ne sont que des degrés divers de vieux [rires]. Je pense que les membres non-originaux ont une très bonne compréhension de l’essence de Blue Öyster Cult en ayant joué les vieilles musiques en concert, et ils ont tiré profit de cette compréhension dans la réalisation des nouvelles musiques. Nous évolutions à mesure que nous vieillissons et que les membres changent, mais je pense que nous sonnons toujours autant comme Blue Öyster Cult. Si tu écoutes The Symbol Remains, tu entends un groupe qui, je pense, est très énergique, qui n’est pas encore trop fatigué, nous avons toujours la pêche, et c’est une très bonne photographie de ce qu’est Blue Öyster Cult en 2020, mais je pense que nous sommes tout de suite reconnaissables à l’oreille des auditeurs. The Symbol Remain est vraiment un album de Blue Öyster Cult.

« Je ne crois pas que nous ayons répondu à Black Sabbath en Amérique. […] Je pense qu’en pratique, Blue Öyster Cult est largement plus conceptuel que Black Sabbath. »

Ce qui est intéressant est que Richie est passé par différentes phases dans Blue Öyster Cult. Il a commencé par faire le son live du groupe, il en est devenu le bassiste, il est passé à la guitare, et maintenant il se retrouve même à chanter ! Est-ce que la flexibilité est l’un des traits de caractère les plus importants pour faire partie de ce groupe ?

Richie est un individu avec un talent unique. C’est un multi-instrumentaliste et il a également une carrière indépendante. Il est très populaire sur YouTube. Il fait régulièrement des concerts sur YouTube les dimanches et il y a pas mal de gens qui le suivent, y compris hors Blue Öyster Cult. A l’origine, Richie était un étudiant et/ou ami de notre ingé son live Steve La Cerra. La première chose qu’il a faite pour nous était le son d’un concert sur une tournée en Allemagne vers 2002 ou 2003, parce que Woody – Steve La Cerra, notre ingé son – avait un autre engagement et ne pouvait pas faire la tournée, donc il a demandé à Richie de s’en charger. C’est la première chose que Richie a faite avec nous, c’était quand Bobby Rondinelli était le batteur du groupe. Puis nous lui avons demandé de remplacer Danny Miranda – qui était déjà avec nous dans les années 90 – parce que ce dernier était parti faire la tournée de Queen avec Paul Rodgers il y a environ dix ans. Quand Allen n’a plus été en mesure de tourner, Eric a voulu faire passer Richie à la guitare et au clavier pour qu’il soit mieux mis en valeur car c’est un super guitariste, et puis Rudy Sarzo était dispo à ce moment-là pour se charger de la basse. Ce dernier convenait bien jusqu’à ce qu’il décide de saisir une meilleure opportunité. Kasim Sulton était un vieil ami aussi et nous étions très contents de l’intégrer. Après quelques années, Kasim a lui aussi eu d’autres obligations et nous avons été très contents d’accueillir de nouveau Danny Miranda, puisque Meat Loaf – avec qui il était juste avant – avait arrêté de tourner. Mais pour revenir à Richie, il est super à tous les postes. C’est un peu le Trevor Rabin de Blue Öyster Cult, je trouve.

Avec Eric vous formez le noyau dur et êtes les membres fondateurs de ce groupe. Une si longue histoire commune a dû créer des liens uniques : comment décrirais-tu ce lien et cette relation que tu entretiens avec Eric ?

C’est une relation confortable. Ce n’est pas comme si nous passions beaucoup de temps ensemble quand nous ne sommes pas en train de travailler, mais nous sommes très à l’aise lorsque nous travaillons ensemble. Evidemment, ça fait cinquante ans que nous faisons ça maintenant. Je pense que nous nous complétons. Nous avons des personnalités et des styles différents, nous aimons même des musiques différentes. Je sais qu’Eric préfère la plupart du temps la musique plus heavy à écouter, plus que moi. Ce n’est pas que je n’aime pas la musique heavy, mais je préfère la musique avec plus de mélodie et de sentiment. Mais pour ce qui est de notre travail au sein de Blue Öyster Cult, notre collaboration est complémentaire. Eric a une voix plus agressive alors que moi j’ai une voix plus mélodique, et je pense que ça permet à Blue Öyster Cult d’être aussi varié que nous le sommes sur enregistrement, car nous sommes différents.

L’ancien batteur et chanteur Albert Bouchard apparaît à la cloche et aux chœurs sur « That Was Me » et dans le clip de la chanson. C’était l’un des membres fondateurs du groupe mais les deux fois qu’il l’a quitté, il y avait apparemment quelques tensions entre lui et le reste du groupe. Est-ce symbolique qu’il apparaisse sur cet album tant d’années après ?

Oui, nous sommes contents d’avoir fait participé Albert et qu’il ait lui-même été content de le faire. Pendant un temps, nous n’avons pas eu beaucoup de nouvelles de lui, mais désormais nous communiquons ensemble. J’ai joué sur certains projets d’Albert – et je vais continuer de le faire à l’avenir – et nous avons un héritage commun. Nous l’avons donc appelé et nous lui avons dit que nous avions cette chansons sur laquelle nous aimerions vraiment qu’il chante et joue de la cloche – en fait, il chante sur deux ou trois chansons. Il a dit « pas de problème ». Ça aussi c’était durant le confinement, donc il l’a fait dans son home studio, et ensuite nous l’avons rajouté à nos parties faites dans nos propres home studios. C’était vraiment bien de collaborer avec Albert. J’aime bien ce que fait Albert. Il a été très prolifique hors de Blue Öyster Cult, tout comme Joe – Joe a sorti plein d’albums. Je me tiens au courant de ce qu’ils font et j’écoute. Je n’ai pour l’instant entendu qu’une seule chanson de Re-Imaginos, « Black Telescopes », donc je suis curieux d’entendre le reste !

Vous aviez originellement eu l’intention de contacter Sandy Pearlman pour lui demander des idées pour l’album. Malheureusement son décès en 2016 a empêché ça. Sandy a été une personne importante dans l’histoire de BOC – il était là à sa création, il a été votre manageur, parolier et producteur. Il est dit que son but était de faire de BÖC la réponse américaine à Black Sabbath : penses-tu qu’il y soit parvenu ?

Non [rires]. Je ne crois pas que nous ayons répondu à Black Sabbath en Amérique. Peut-être que quand l’idée d’appeler le groupe Blue Öyster Cult s’est présentée, c‘était ce qu’il avait en tête et en tant qu’objectif ou idée, c’était intrigant, mais pour ce qui est de ce que Blue Öyster Cult a fini par devenir, je ne crois pas que nous ayons grand-chose en commun avec Black Sabbath, même si nous sommes de grands fans de Black Sabbath. Je pense qu’en pratique, Blue Öyster Cult est largement plus conceptuel que Black Sabbath, si je puis dire sans insulter l’un ou l’autre des groupes. Fut un temps où Sandy Pearlman a managé Black Sabbath et c’est la raison pour laquelle nous avons fait la tournée Black And Blue à cette époque avec Black Sabbath. C’était un super package pour la musique, je crois que Black Sabbath n’était pas très content du management de Sandy Pearlman – ils n’arrêtaient pas de rouspéter ! – et cette insatisfaction s’est reflétée sur leur comportement durant la tournée [rires]. Je pense qu’ils n’ont pas aimé partager l’affiche avec Blue Öyster Cult. Ils devaient se dire qu’ils auraient dû être la tête d’affiche. A part ça, c’était un bon moment !

Est-ce que votre relation avec eux s’est améliorée avec les années ?

Nous étions toujours amis avec Ronnie Dio à l’époque, parce que nous le connaissions d’avant son passage dans Black Sabbath, et il a aussi travaillé avec Martin Birch qui a produit l’album Heaven And Hell, qui est un superbe album, et deux de nos albums. C’est regrettable que nous n’ayons pas été plus copains avec Black Sabbath. Je le serais volontiers aujourd’hui, mais je n’ai eu aucun contact avec Geezer [Butler] ou Tony [Iommi].

« Ça me va bien d’être en vie, mais si je dois mourir, ça me va aussi. J’espère au moins vivre confortablement ma vie, j’aimerais regarder le film de la vie un petit peu plus longtemps et voir comment il se termine [rires]. »

Quelle était la vision originelle de Sandy du concept de Blue Öyster Cult ?

Sandy avait tous ces textes qu’il voulait mettre en musique et Blue Öyster Cult était son moyen pour le faire. Dans sa vision, il y avait cinq personnages qui joueraient les chansons basées sur ses thématiques et sa poésie liées à l’univers d’Imaginos et nous étions censés être ces cinq personnages, ainsi nous devions ne pas avoir de visage, ni de véritable nom – il a inventé des noms qui sont faciles à trouver dans les archives de BÖC, mais je suis le seul à avoir conservé le sien. Je pense que l’idée principale de Sandy était d’écrire sur l’histoire mais avec comme point de vue que la réalité n’est que la couche extérieure de l’ognon, qu’il se passait beaucoup plus sur le plan de l’existence que ce qu’on voyait. C’est pourquoi nous abordions toujours des sujets métaphysiques et mystérieux, et parlions de forces sous-jacentes, imperceptibles, qui sont à l’œuvre. C’est le fil rouge de toutes les chansons. Evidemment, il nous manque ; ça nous attriste qu’il ne soit plus là et qu’il ne puisse plus parler pour lui-même. Je suis encore reconnaissant du rôle qu’a eu Sandy dans la création du groupe et je continue de le saluer pour ça. Il a arrêté d’être notre manageur et d’écrire pour nous à un moment donné. C’était plus ou moins inévitable mais en repensant à l’origine de Blue Öyster Cult, maintenant que nous sortons The Symbol Remains, il faut reconnaître que Sandy est vraiment celui qui a créé ce qu’est devenu Blue Öyster Cult. Il n’y aurait pas de BÖC sans Sandy Pearlman. Nous lui devons tout. Il avait une vision et a créé les liens qui nous ont permis d’obtenir notre premier contrat avec Columbia Records. Chapeau. Je ne crois pas que je serais un musicien et un artiste qui enregistre des disques sans Sandy Pearlman. Donc merci Sandy !

Ces dernières années, on a perdu Sandy Pearlman, mais aussi le membre de longue date Allen Lanier et le producteur Martin Birch (qui a produit Cultösaurus Erectus et Fire Of Unknown Origin). Tu avais d’ailleurs écrit il y a quarante-cinq ans le classique « (Don’t Fear) The Reaper » sur l’inévitabilité de la mort. Comment ton regard sur la mort a-t-il évolué ces derniers temps ?

Oui, les classic rockeurs sont progressivement en train de mourir en ce moment. Eddie Van Halen vient de mourir, Lee Kerslake d’Urah Heep vient de mourir, Chris Squire de Yes est mort… Les gens meurent. Allen et Sandy nous maquent, bien sûr. C’est très triste d’une certaine façon, mais je vois la vie comme une roue, tu es sur cette roue et celle-ci tourne. J’avais vingt-sept ans quand j’ai écrit cette chanson, je pensais à la mort à l’époque et j’y pense encore aujourd’hui, mais je sais que je suis dans une position très différente aujourd’hui qu’à l’époque. Ça me va bien d’être en vie, mais si je dois mourir – évidemment, tout le monde meurt un jour –, ça me va aussi. J’espère au moins vivre confortablement ma vie, j’aimerais regarder le film de la vie un petit peu plus longtemps et voir comment il se termine [rires]. J’espère que nous existerons pendant encore un petit moment. Nous voulons encore faire des concerts, j’espère au moins pendant une ou deux années de plus. Avec un peu de chance, le Covid-19 s’en ira et nous pourrons retourner jouer dans des salles. Faire de la musique à un niveau professionnel pendant presque cinquante ans, ça a été une chouette vie et une superbe expérience. J’espère en faire plus !

Plusieurs textes de chansons sur l’album sont du romancier John Shirley, et la chanson « The Alchemist » fait référence à l’histoire courte d’H.P. Lovecraft du même nom. Dirais-tu que Blue Öster Cult a toujours été intimement lié à la littérature ?

Je dirais que oui ! Nous avons toujours, depuis le début, été liés à certaines sources littéraires. Au début c’était Pearlman lui-même (« Cities On Flames », « E.T.I ») et Richard Meltzer (« Burnign For You »). Ils étaient tous les deux des étudiants de l’université Stony Brook. C’est Sandy qui nous avait mis en relation avec John Shirley. Eric a même écrit avec l’auteur Michael Moorcock. Il m’arrive moi-même de puiser de l’inspiration pour ma musique dans la littérature. Enfin, pas littéralement, je n’ouvre pas non plus un livre et l’instant d’après j’écris une chanson, mais il est certain que certaines de mes chansons ont été influencées par Stephen King, par exemple – c’est probablement ma plus grande influence ! Il y a aussi d’autres auteurs-compositeurs : j’admire l’écriture de Paul Simon et du batteur de The Eagles, Don Henley. Mais oui, nous aimons raconter des histoires dans nos chansons, et ça correspond un peu aussi au genre de musique que j’aime écouter.

Tu es l’auteur de trois des chansons les plus emblématiques de l’histoire du rock : « (Don’t Fear) The Reaper », « Godzilla » et « Burnin’ For You ». Quel est le secret pour écrire de tels classiques ?

Je ne sais pas s’il y a un secret ! Je ne suis pas très prolifique. Je n’écris pas tant de chansons que ça, mais quand je le fais, je ne fais que suivre la direction où part mon cerveau. J’ai envie que la chanson sonne bien à mes oreilles, plus ou moins. Je n’emploie pas vraiment de formule, que ce soit pour écrire un bout de texte ou une mélodie. Ça vient un peu tout seul. Je me souviens quand j’ai composé « (Don’t Fear) The Reaper ». J’avais un petit piano droit et j’étais assis sur son banc avec ma guitare et un magnétophone. J’ai écrit l’intro emblématique, le riff de guitare et les deux premiers vers du texte, et après ça il a fallu environ six semaines de travail pour terminer la chanson. « Godzilla » a été écrite dans une chambre d’hôtel à Dallas, au Texas, quasiment d’une traite. J’ai essayé d’enrichir le texte mais je ne suis pas parvenu à étoffer l’histoire plus que je ne l’avais fait – si tu écoutes « Godzilla », il n’y a pas beaucoup de texte dedans ! « Burnin’ For You’ », c’est un texte de Richard Meltzer sur lequel j’ai écrit la musique et dont j’ai fait une démo quand je vivais dans le Connecticut. A l’origine, j’avais écrit ça pour mon album solo de 1981. Sandy Pearlman m’a convaincu de laisser Blue Öyster Cult l’enregistrer.

Interview réalisée par téléphone les 13 octobre 2020 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Mark Weiss (3 ,5).

Site officiel de Blue Öyster Cult : www.blueoystercult.com

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  • Super interview, Blue Öyster Cult est vraiment un groupe culte.

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  • Un des plus anciens groupes en activité et toujours aussi bon..quel talent et motivation pour nous amener encore des titres joussifs :ils ont plus de patate que certains groupes déja usés au bout de 3 albums

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