« J’ai bien peur qu’il n’y ait plus rien. C’est triste, mais à la fois, nous avons la chance d’avoir pu enregistrer et sortir tout ce que nous avions. » Par ces mots, Daniel Freyberg confirme dans nos colonnes que Paint The Sky With Blood de Bodom After Midnight est tout ce qui reste du talent d’Alexi Laiho. Il est évidemment impossible de regarder ce premier jet, qui devait être le synonyme d’une nouvelle aventure pour l’ex-frontman de Children Of Bodom, autrement que comme un épilogue. Tragiquement et par la force des choses, Paint The Sky With Blood servira de projection de ce qu’aurait pu être Bodom After Midnight, tout en reflétant une dernière fois l’état d’esprit du Wildchild. A travers Paint The Sky With Blood, on peut deviner l’enthousiasme certain porté par son nouveau projet, mais aussi un regard passé et inéluctable sur l’héritage laissé avec Children Of Bodom.
L’auditeur est immédiatement en terrain connu, car une chose est certaine dès les premières notes : Alexi Laiho n’a jamais eu l’intention de fermer le chapitre Children Of Bodom, avec qui il s’était séparé un an avant de nous quitter. Reprendre le titre d’une chanson emblématique de son ancien groupe en guise de patronyme était plus qu’un indice et annonçait la couleur. Ne précipitons pas pour autant nos conclusions. Certes, certains motifs de guitare sur le morceau éponyme, complétés par des notes de clavier aux sonorités glaciales et familières, ainsi qu’un sens du refrain implacable, qu’on peut facilement imaginer taillé pour le live puisque Alexi pensait avant tout ses projets pour la scène, feront écho au Children Of Bodom des années 2000. La virulence de son introduction et son blast beat effréné peuvent même renvoyer au « Warheart » qui introduisait Hatebreeder. Cependant, pour le reste, c’est du côté d’albums aux influences death et heavy, tels Are You Dead Yet? (2005), Halo Of Blood (2013) ou I Worship Chaos (2015), que lorgne Bodom After Midnight. En particulier sur « Payback’s A Bitch », le second (et dernier) morceau original du disque : riff power à l’américaine, accroches thrashy, pont avec un clavier qui dessine des ambiances de film d’épouvante et solos de guitare sortis du « chaos dans le cerveau » du frontman (comme il s’amusait lui-même à le décrire) et qui se répondent comme dans une sorte de confrontation. Cette tradition prouve d’ailleurs une dernière fois, comme si c’était nécessaire, sa virtuosité guitaristique et son approche très instinctive de la musique.
Comme un coup du destin, l’œuvre du Wildchild s’achève avec une reprise, mais pas n’importe laquelle. Le grand jeu des reprises du guitariste était bien connu de ses fans, parfois sérieux en se frottant à des mastodontes du metal, comme Iron Maiden, Sepultura ou l’hymne « Antisocial » de Trust à la sauce Anthrax, mais aussi quasi parodique comme certains titres de la compilation Skeletons In The Closet. Ce qui a toujours impressionné, même lorsqu’il s’agit de reprise guignolesque comme avec celle de Britney Spears « Oops!… I Did It Again », c’est la façon dont le musicien se les ait toujours réappropriées en les incarnant et les ramenant dans son univers. Alexi Laiho s’est alors lancé comme ultime défi de reprendre un classique du metal extrême mélodique – dont il a lui-même fini par devenir un pilier – avec « Where Dead Angels Lie » de Dissection. Défi réussi, au point que les auditeurs non familiers de l’œuvre de Dissection pourraient ne pas se douter de la nature même de l’hommage. L’influence de Jon Nödveit sur Alexi Laiho devient une évidence : on y retrouve cette lancinance mortifère que Children Of Bodom a pu illustrer sur des titres tels que « Angels Don’t Kill » ou « Every Time I Die ».
Paint The Sky With Blood remplit parfaitement son rôle initial, celui de mettre en appétit les fans de Children Of Bodom et d’Alexi Laiho. Malheureusement, il n’y aura jamais de suite, Alexi étant irremplaçable. On peut toutefois adopter un autre point de vue et voir cette ultime œuvre comme la démonstration que malgré les années et les épreuves, Alexi Laiho n’aura jamais perdu la flamme ou connu le syndrome de la page blanche. Son talent musical, qui inspirait l’admiration de ses collègues au sein de Bodom After Midnight et de ses pairs, même si d’aucuns soutiendraient qu’il s’est légèrement émoussé avec les années, aura perduré jusqu’à sa dernière note.
Clip vidéo de la chanson « Paint The Sky With Blood » :
EP Paint The Sky With Blood, sortie le 23 avril 2021 via Napalm Records. Disponible à l’achat ici