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Interview   

Body Count a faim !


Jamais deux sans trois, comme on dit. Après Manslaughter (2014) et Bloodlust (2017), la dynamique gagnante de Body Count se vérifie encore cette année avec Carnivore. Un album qui, s’il poursuit sur les bases qui ont fait la réussite de ses prédécesseurs, propose également une lecture du style Body Count, une nouvelle fois, sensiblement différente, plus lourde et « monstrueuse » à certains égards. Il faut maintenir l’auditeur en haleine et se renouveler, ça Body Count l’a bien compris. Ou plutôt devrait-on dire : Vince Dennis, alias Vincent Price, l’a bien compris. Car c’est bel et bien le bassiste qui est à l’œuvre derrière le succès actuel de Body Count, allant jusqu’à endosser le rôle de directeur artistique, fort de sa longue expérience de technicien auprès de certains des plus grands noms du rock et de la pop.

C’est donc auprès de Vince Dennis que nous avons été glaner des infos sur ce nouvel opus, ses multiples invités, sa reprise de Motörhead ou ses réinterprétations de titres d’Ice-T en solo. Mais devant la gouaille du musicien on ne peut plus éclectique et polyvalent, l’entretien a fini par prendre de nombreux tournants, allant jusqu’à rentrer dans la dynamique interne de Body Count et les choix de carrière du groupe, celui-ci refusant les longues tournées éreintantes pour justement préserver le plaisir. Car Body Count n’est pas un boulot, c’est un loisir.

« Lemmy était un gangster ! Ecoute le texte de ‘Ace Of Spades’ ! Ce sont des paroles de gangster ! »

Radio Metal : Bloodlust était un album un peu plus sombre, voire dramatique, et maintenant avec Carnivore, on dirait que vous enfoncez le clou en accordant les guitares plus bas, avec du riffing vraiment heavy sur des chansons comme « Carnivore » ou « No Remorse ». Quelle était votre philosophie à cet égard avec Carnivore ?

Vince Dennis (basse) : Eh bien, il n’y a pas vraiment de sous-accordage [rires]. Ce que tu entends, c’est la basse ! Car j’utilise un Si grave, et puis il y a des effets sur la guitare qui fait qu’elle sonne comme ça, un genre de pitch shifter. Mais quand nous nous sommes mis sur cet album… Il faut avoir en tête que quand nous avons fait Bloodlust, le groupe a été nominé et a joué aux Grammys. J’ai donc regardé les gars et je leur ai dit : « Les gars, qu’est-ce qu’on va faire pour revenir ici ? Il faut qu’on revienne ! C’est cool ! » Peu de groupes peuvent dire qu’ils ont été nominés et ont joué aux Grammys. Ice-T, à un moment donné, m’a regardé et m’a demandé: « Hey Vince, comment va-t-on faire mieux que cet album ? » J’étais là : « Ne t’inquiète pas, je suis sur le coup ! » Je suis donc parti sur la même formule que pour Bloodlust. Sur Bloodlust, nous avions plusieurs co-writers, parce que Ice veut toujours entendre ce que d’autres gens ont à offrir, et tout le monde veut faire partie de Body Count d’une manière ou d’une autre, contribuer à une chanson, peu importe. Par exemple, sur Bloodlust, nous avions Max Cavalera sur « All Love Is Lost ». Et sur cet album, nous avions un paquet de co-writers différents également, mais ce qu’ils voulaient, c’était refaire un Bloodlust. Donc nous avons tout repris de zéro, nous avons tout jeté et la seule chanson que nous avons utilisée était celle de Jamey Jasta.

Puis, quand nous nous sommes mis sur l’album, le label a voulu savoir ce qu’il en était, ils demandaient : « A quoi ressemble l’album ? » J’étais là : « Eh bien, en gros, on a Beneath The Remains de Sepultura qui est notre Manslaughter. On a Arise de Sepultura qui est notre Bloodlust. Puis on a Chaos A.D. de Sepultura qui est notre Carnivore. » Et ils étaient là : « Wow ! Ce sont trois bons albums ! » A ce moment-là, la maison de disque n’avait rien entendu, donc il a fallu que je leur dise ça, mais maintenant que l’album est fini, je dirais plutôt que Manslaughter est notre Kill ‘Em All, Bloodlust est notre Ride The Lightning et Carnivore est notre Master Of Puppets. Que de bons albums ! On ne peut pas dire que l’un est meilleur que l’autre. Ils ont tous les trois leur propre truc.

Il y a quelque chose de monstrueux dans cette illustration, mais aussi dans ces growls horrifiques sur la chanson « Carnivore » et la tonalité grave de certaines chansons. La dernière fois, Ernie-C nous a dit que Body Count « c’est une obscurité réelle qui vient plus de la rue que celle des groupes qui vénèrent le diable, Satan et tout ce type d’obscurité ». Du coup, l’idée de Carnivore, c’est de mettre l’accent sur l’horreur réelle ?

Eh bien, ce dont il parlait, c’est plus en référence à la vieille époque. Aujourd’hui, ça reflète plus ce qui se passe aujourd’hui dans la société pour tout le monde, pas juste à Chicago ou à New York ; ce n’est plus ce qu’on voit dans la rue au quotidien comme dans le temps. Nous parlons de choses qui se passent aujourd’hui dans le monde entier, car le groupe est désormais international. Merde, nous chanterions à propos du coronavirus si c’était arrivé au moment où nous faisions l’album [rires]. C’est le truc le plus grave en ce moment.

Mais voilà le truc : Ice est un gros fanatique d’horreur. Il adore tous les films d’horreur… J’aime les films d’horreur aussi, mais lui c’est un pur fan. C’est tout ce qu’il regarde : des films d’horreur, des tueries violentes, et ainsi de suite. Donc voilà ce qu’il a dans la tête [petits rires]. Quand il a dit qu’il voulait inclure un rugissement dans « Carnivore », je me suis dit : « D’accord, cool. Il a dû regarder un film ou un truc comme ça ! » Ce rugissement, soit dit en passant, est fait par tout le monde mixé ensemble et avec un effet par-dessus. Mais l’horreur réelle a des similarités avec l’horreur fictionnelle. Les deux peuvent être totalement comparées. Je veux dire, allez, regardez les infos ! [Rires] Les gens font des trucs déments de nos jours ! Des gens découpés et placés dans des réfrigérateurs… C’est le genre de truc qui arrive dans les films d’horreur et dans la vraie vie ! On dirait parfois que les gens se prennent pour des acteurs dans un film d’horreur [petits rires]. La différence, c’est que dans la vraie vie, ça nous touche vraiment.

« Carnivore » est un mot fort. Qu’est-ce qu’il évoque pour toi ?

Ma manière de voir les choses est qu’être un « carnivore », c’est être le chef de son domaine, de ce qu’on fait. Par exemple, tu mènes cette interview avec moi, tu prends le contrôle de ton interview. Dans Bloodlust, il y a cette phrase qui dit : « Je suis un carnivore, je mange de la viande crue. Je détruis tout ce que je touche. » Ça ne parle pas tellement de notre façon de manger, car un membre du groupe est vegan, donc ça ne marcherait pas [rires]. Ça parle d’être le patron dans tout ce que tu fais. C’est ça Carnivore, c’est être le boss. C’est être le meilleur que tu peux être. C’est ne pas laisser quelqu’un nous dire qu’on ne peut pas faire quelque chose. L’exemple parfait dans Carnivore, c’est la chanson « Another Level ». Les gens disaient : « Tu ne peux pas faire ci, tu ne peux pas faire ça » et maintenant, tu es largement au-dessus de tout le monde !

« [Le rap et le metal] c’est plus ou moins pareil – plus que les gens ne le pensent. Et puis presque tout le monde dans le metal aime le rap, genre à quatre-vingts pour cent. »

L’album contient plus de contributions extérieures que jamais : Riley Gale, Jamey Jasta, Amy Lee et Dave Lombardo. Plus tôt tu disais que vous aviez jeté tout ce que vous aviez au départ et la seule chanson que nous avez utilisée était cette de Jamey Jasta. Du coup, comment en êtes-vous venus à faire participer ces artistes ?

La chanson de Jamey, c’est lui qui l’a écrite, et Jamey est un peu le neuvième membre de Body Count. Il était sur Manslaughter, sur « Pop Bubble », par exemple. Il n’a pas été sur l’album Bloodlust parce qu’il était occupé à faire autre chose, probablement à écrire une chanson ou un album pour quelqu’un d’autre, ou bien il était en tournée avec Hatebreed. Sa chanson était une des chansons qui sortaient du lot, donc nous l’avons gardée. Nous avions Scott Vogel [de Terror], nous avions Chino [Moreno] de Deftones… nous travaillons encore sur cette chanson avec Chino – j’espère qu’il lira ça pour que nous puissions enfin la finir ! [Rires] Nous avions Howard Jones [de Light The Torch], nous avions Michael Amott et Alissa [White-Gluz] d’Arch Enemy, nous avions énormément de gens qui allaient être sur cet album. Riley Gale est de ceux qui sont sortis du lot. C’était tellement rentre-dedans que nous étions là : « Ouais, il faut qu’on fasse ça ! » Ceci dit, quand nous faisons ces chansons, les chansons sont terminées et nous voyons juste qui peut mettre la touche finale. Nous contactons les gens qui veulent être sur l’album, nous écoutons une chanson et nous nous disons : « Oh, cette personne serait bien pour cette chanson. »

Pour la chanson « When I’m Gone », avec mon technicien basse, nous étions en tournée ensemble et je commençais être frustré par pas mal de gens, et il me dit : « Mec, Vince, cette chanson serait parfaite pour Amy Lee ! » En gros, mon technicien basse l’a contactée et nous avons échangé des e-mails – soit dit en passant, nous allons être les invités de Jimmy Fallon le 17 mars avec Amy Lee pour jouer cette chanson, vous pourrez probablement le voir sur internet [petits rires]. Bref, nous avons donc échangé des e-mails et elle a commencé à m’envoyer des démos. A ce moment-là, Ice n’avait jamais entendu la chanson, donc je lui ai envoyé une démo. Il était à son boulot, et sur le plateau de la série New York, Police Judiciaire, il y a des fans de metal, de rock, etc. donc il leur a fait écouter la chanson, et il m’a dit : « Vince, wow ! Comment t’es arrivé à faire ça ? Ça sonne super ! Tout le monde sur le plateau adore cette chanson, il faut la faire ! » Et on connaît la suite.

Ceci dit, chaque fois que nous faisons un album, chaque fois que nous croisons d’autres gars dans d’autres groupes, ils veulent toujours avoir un lien avec Body Count, que ce soit avec un T-shirt de Body Count, en nous abordant pour écrire une chanson ou pour écrire sur un album… Tout le monde est partant pour Body Count. Je suppose que c’est pour ça que le groupe s’appelle Body Count, parce qu’on peut compter les gens qui auraient pu être sur l’album [rires].

Avec « When I’m Gone », c’est la première fois que vous avez une chanteuse sur une chanson de Body Count. A ce sujet, Ice-T a déclaré qu’avoir une femme qui chante sur l’album, ça montre le développement du groupe. Penses-tu que ça n’aurait pas été possible avant ?

Oui, je gère l’impossible ! [Petits rires] Je veux dire, il y a plein de femmes que nous voulions avoir sur la chanson, mais… Enfin, je pourrais balancer un tas de noms mais ça ne rime à rien. La prestation d’Amy Lee est vraiment bonne. Je ne crois pas que ça aurait vraiment été impossible avant. Nous sommes des fans de musique, nous aimons la bonne musique. Nous avons une chanson sur Manslaughter qui s’appelle « I Will Always Love You » et j’ai mentionné le fait que je voulais en faire un truc à la « We Are The World », en ayant plein de gens différents, tous ceux que nous connaissons, car ces refrains devraient être entendus, cette chanson devrait être entendue. Donc j’ai voulu faire quelque chose à la « We Are The World » au sein de la communauté metal. Pas façon metal des années 80 [petits rires], mais avec tout le monde dans la communauté metal d’aujourd’hui, car ça fait longtemps que personne n’a fait ça.

Mais pour revenir à « When I’m Gone » : est-ce que tu as joué la chanson à ta copine ou ta femme ? Fais-lui écouter et vois sa réaction. Car j’ai des gens qui m’ont dit que leur copine n’aimait pas Body Count et ils leur ont fait écouter la chanson et elles l’ont adorée ! Il est là le développement de Body Count, car quand on a une chanteuse sur une chanson et que ça parle à des gens qui habituellement n’aiment pas… Enfin, Body Count se développera toujours. Nous avons joué dans des festivals avec Scissor Sisters et tout type d’artistes, nous avons joué au Pinkpop, etc. Au départ le public n’était pas du tout fan mais ils deviennent fans après avoir vu jouer le groupe. Body Count est pour toutes les races et préférences sexuelles [rires]. Je ne veux pas dire ça bizarrement, mais c’est juste que le groupe n’est pas centré sur uniquement les hommes ou les femmes. Il est centré sur tout le monde, toute race, toute sexualité, etc.

« Nous considérons ça comme un loisir. […] Quand on tourne tout le temps, ça devient la galère et c’est comme ça que les groupes se séparent et arrêtent. C’est trop une prise de tête. »

Ice-T a déclaré que son « boulot en tant qu’artiste est de démolir la confusion que les médias, la presse et le gouvernement essayent de mettre en travers de notre chemin pour nous maintenir divisés ». Vous sentez-vous investis d’une mission en tant que groupe pour unir les gens ?

C’est à tout le monde de décider s’ils veulent être unis. Nous sommes là pour le rappeler aux gens, mais c’est à chaque individu de faire les démarches par eux-mêmes. Nous ne pouvons pas forcer les gens. L’initiative doit venir d’eux. L’exemple parfait est dans la chanson « When I’m Gone ». Elle parle d’aimer et de dire aux gens qu’on les aime maintenant avant que ce ne soit trop tard. Nous ne faisons que vous rappeler : « Hey mec, voilà ce qu’on vit, voilà ce qui se passe. A toi de voir si tu veux le prendre ou pas. » C’est notre boulot de nous rappeler ces choses à nous-mêmes, mais la personne qui écoute, si elle ne veut pas entendre le message, c’est à elle de voir. Nous ne faisons que relayer le message. L’exemple parfait, c’est quand ta copine te dit : « Hey, tu ne peux pas manger ça, ce n’est pas bon pour toi. » Ça fait longtemps qu’elle te dit ça, mais ensuite tu vas voir le médecin et il te dit que tu ne peux pas manger ça. Là, tu vas écouter ton médecin, alors que ta copine te l’avait dit depuis longtemps [rires]. Mais je le vois avec presque tous les groupes. Je pense que tout le monde aime s’unir devant une bonne musique. Car on ne peut pas vraiment écouter les paroles quand le groupe joue en live. Le seul moment où on écoutera le texte, c’est quand on rentrera à la maison et qu’on mettra notre casque sur les oreilles. Mais on ne peut pas comprendre les textes en concert. Je n’ai jamais vu de groupe en live en me disant : « Oh, je connais les paroles ! » [Rires] J’écoute d’abord la musique et ensuite, je vais me procurer l’album, je l’écoute et je dis : « Oh, voilà à propos de quoi il chante. »

Vous avez inclus une reprise de « Ace Of Spades » de Motörhead dans l’album. Dans son discours d’introduction, Ice-T fait remarquer que « sur chaque album de Body Count [vous] rend[ez] hommage à un groupe qui a motivé et inspiré [votre] son ». Penses-tu qu’il soit important pour un groupe de ne jamais perdre de vue ses racines ?

C’est toujours bien de ne pas perdre de vue nos racines et de savoir d’où on vient. Techniquement, je voulais faire une chanson de Black Sabbath [petits rires], parce que dans l’intro de « Raining Blood » [sur Bloodlust], Ice dit que Body Count a été influencé par la sensibilité punk de Suicidal Tendencies, la damnation imminente de Black Sabbath et la vitesse et la précision de Slayer. Voilà pourquoi j’ai toujours voulu faire une chanson de Black Sabbath. L’idée de faire « Ace Of Spades » est venue parce que sur la tournée de Bloodlust – bon, on appelle ça une tournée, mais ça n’en était pas vraiment une – nous ouvrions toujours avec « Raining Blood » – d’ailleurs, je viens d’avoir la nouvelle setlist aujourd’hui et nous ouvrons à nouveau avec « Raining Blood » [petits rires]. Mais l’année dernière, en août, nous étions en première partie de Slayer, et on ne peut pas vraiment commencer par « Raining Blood » quand on joue avec Slayer. Du coup, nous nous sommes demandé : « Quelle serait une bonne chanson pour ouvrir un concert de metal et lancer le public ? » Donc nous avons fait « Ace Of Spades » et la toute première fois que Body Count a joué cette chanson était au Wacken – ça aussi c’était une première, nous n’y avions jamais joué avant. Nous l’avons apprise la veille au soir dans nos chambres d’hôtel et Ice l’a répétée juste avant le concert, et nous l’avons faite pour la première fois en live. Donc il fallait la mettre sur un album !

Quelle est la place de Motörhead parmi les trois autres influences que tu as mentionnées qui ont façonné le style de Body Count tel qu’on le connaît aujourd’hui ?

Lemmy était un gangster, déjà ! Ecoute le texte de « Ace Of Spades » ! Ce sont des paroles de gangster ! Ça parle d’un joueur de jeux d’argent [rires]. Je suis un fan de Motörhead depuis les années 80. Je possède à peu près tous les albums de Motörhead, chaque single et tout le reste. Donc pour ma part, ça fait longtemps que je suis un fan de Motörhead, d’où le son de ma basse [petits rires]. Mon son, c’est principalement Rainy de Discharge et Lemmy de Motörhead. Ensuite, l’influence de mon jeu, c’est Steve Harris.

Ces reprises de classiques sont un peu en train de devenir une tradition pour Body Count. Comment abordez-vous l’exercice ? Cette reprise d’« Ace Of Spades », par exemple, est assez fidèle à l’original…

On ne peut pas déconner avec un classique. Avec Suicidal Tendencies (« Institutionalized 2014 » sur Manslaughter, NDLR), nous avons changé les paroles pour coller à ce qui se passait au moment où nous étions en train d’écrire l’album ; par exemple Ice voulant regarder des films d’horreur, mais il ne connaissait pas le mot de passe pour accéder à l’ordinateur, c’est vraiment arrivé [rires]. Quand nous avons fait la reprise de Slayer, Ice a dit qu’il voulait faire « Raining Blood » et j’ai dit : « Il y a cette partie avant ‘Raining Blood’, qui est ‘Postmortem’, et si tu ne veux pas qu’on commence avec, alors on la met à la fin. » Et « Ace Of Spades », nous l’avons laissée telle quelle. Il n’y a pas moyen de toucher à un classique. Et tous les mecs originels qui ont joué sur cet album et cette chanson de Motörhead sont décédés, donc par respect, ça n’aurait pas été une bonne idée de faire des changements.

« J’ai travaillé pour Chris Cornell, Ritchie Sambora, Prince… Pendant que je faisais l’album de Body Count, j’étais en tournée avec Ariana Grande [rires]. J’apprends toujours des choses quand je travaille avec ces gens. J’apprends la persévérance. J’apprends à écrire de la musique. J’ai étudié leur éthique de travail et j’essaye de l’appliquer à mon groupe. »

Un autre exercice auquel vous vous êtes de nouveau livrés, c’est celui de reprendre des chansons de Ice-T en solo. Après « 99 Problems » sur Manslaughter, vous avez cette fois-ci réalisé des versions metal de « Colors » et « 6 In Tha Morning ». Comment est-ce que vous abordez ça ?

C’est facile de faire ça avec ces chansons. Il y a quinze ou seize ans, je crois, Body Count a joué une setlist complète de Ice-T sur une île privée devant peut-être trente personnes, donc nous avions l’expérience, nous savions depuis longtemps comment faire, comment… Nous appelons ça « faire que ça rocke ». C’est facile à faire, car c’est du rythme. Tout rap est basé sur le rythme, donc tout ce qu’il y a à faire, c’est de prendre une guitare et d’y mettre du riffing dessus, et c’est bon. Ça faisait longtemps que nous voulions faire « Colors ». Nous avions prévu de la faire sur la dernière étape européenne de la tournée, mais nous n’avons jamais trouvé le temps de nous pencher dessus. D’abord, nous allions faire une chanson de Public Enemy. Ça n’a pas très bien marché. Donc nous sommes passés à d’autres trucs. Je me souviens que nous avons failli faire une chanson de Mobb Deep, « Survival Of The Fittest », sur Bloodlust, en fait. Mais pour ce qui est de « 6 In Tha Morning » et « Colors »… « 6 In Tha Morning », Ice était partant pour la faire. Pour « Colors », il a fallu le convaincre [petits rires] mais c’est quelque chose qu’il fallait vraiment faire. Et puis, si tu écoutes les paroles de « Colors », ça décrit l’illustration de l’album. Le personnage qu’on voit sur la pochette, c’est les paroles de « Colors ». Ice a rencontré l’artiste [Zbigniew M. Bielak] en Pologne sur notre dernière tournée et il a dit à l’artiste quoi faire et voilà ce qu’il fait ! Il a tapé dans le mille, du premier coup !

C’est dur de convaincre Ice-T ?

Oh, c’est très facile [rires]. C’est facile et dur à la fois. En gros, ce qu’il faut faire, c’est finir le truc et le lui présenter : « Voilà. » Il te dit oui ou non. C’est comme la chanson « When I’m Gone » avec Amy Lee : je ne lui ai pas dit que j’allais faire chanter Amy Lee sur la chanson, je ne lui ai rien dit du tout, puis je lui ai envoyé la chanson et je me disais : « Bon, soit il va aimer, soit il va détester. » Et quand il a dit : « Wow, comment t’as réussi à faire ça ? » J’étais là : « Super ! » C’est comme la setlist : j’ajoute un tas de chansons et il dit juste oui ou non. On ne sait jamais ce qui va se passer.

Il dit souvent non ?

Oh, putain, ouais ! [Rires] Mais ça dépend, ça s’équilibre.

Est-ce que Body Count et la carrière solo d’Ice-T démontrent qu’il y a une porosité naturelle entre le hip-hop et le metal ?

Les deux ne sont pas différents. Il y a des festivals de nos jours où on retrouve des groupes de metal et des groupes de rap. Il y a Lollapalooza, où tout est mélangé. Nous avons joué des festivals avec Wu-Tang Clan et ce genre de choses à l’affiche. Je crois même que nous avons déjà joué avec Snoop Dog ou un truc comme ça. Tout ça, c’est plus ou moins pareil – plus que les gens ne le pensent. Et puis presque tout le monde dans le metal aime le rap, genre à quatre-vingts pour cent.

Pourtant, on voit encore beaucoup de metalleux cracher sur le rap sur les réseaux sociaux…

Ouais, mais ça c’est sur internet. Je suis sûr qu’une fois qu’ils ferment internet, ils écoutent Ice Cube ou un truc dans le genre en catimini [rires]. Tout ça c’est du rythme. C’est comme quand on dit que le classique et le metal c’est pareil : tu prends du classique, tu mets de la distorsion dessus et tu obtiens du metal ! Yngwie Malmsteen c’est du classique et c’est du metal. C’est tout du rythme, c’est tout de la musique, c’est tout pareil. Pour moi, tout est la même chose. Tu vas adorer, puis tu vas en avoir marre. Je suis sûr que certains jours tu en as marre d’écouter certains styles de musique, et tu te dis : « Je veux changer. » Donc tu écoutes du thrash metal, du metal des années 80 ou un truc comme ça. Ou tu te dis : « Oh, allez, je vais m’écouter du Dream Theater. » On en a tous marre des choses à un moment donné. Pour ma part, personnellement, j’écoute de tout tous les jours parce que mon iPod est en mode aléatoire, donc ça peut passer de Satyricon à Lil Wayne ! [Rires] En un clin d’œil. Je ne peux pas écouter la même chose sans arrêt. Ceci dit, j’ai mes racines dans le punk rock. Mon groupe préféré est Discharge. Je peux écouter ça tous les jours, sans problème, je n’en ai jamais marre. Mais j’aime le speed, le thrash, le doom – j’adore Candlemass, Trouble, Solitude Aeturnus, etc. –, le progressif… Je veux dire, je joue dans un groupe de metal progressif aussi, Steel Prophet. D’ailleurs, je dois bientôt commencer à écrire de la musique pour ça. Nous avons sorti un album l’an dernier et maintenant nous allons faire le nouveau. Tout ça c’est de la musique. Tout ça c’est marrant.

J’imagine que tu as pas mal de pain sur la planche entre Body Count, Steel Prophet…

Oui, et le fait que je suis technicien guitare ! C’est ce que je fais pour gagner ma vie : je suis technicien guitare, basse et clavier. Je suis en train de me préparer à partir avec les Dixie Chicks [rires].

« Je connais les rouages du metal. […] Il faut comprendre le metal pour écrire du metal. »

Est-ce que ça veut dire que vous ne gagnez toujours pas votre vie avec Body Count ?

Non. Personne ne gagne sa vie à faire de la musique… Tout le monde se fait une fausse idée. C’est pourquoi le boulot d’Ice c’est d’être un acteur. Nous faisons Body Count pour nous amuser. Ce n’est pas notre boulot. Nous avons tous des gagne-pain. Je suis technicien guitare, mon batteur est technicien batterie – il travaille pour Offspring –, tous les autres ont un autre travail… Mais non, nous ne gagnons pas notre vie avec Body Count. Nous ne sommes pas Iron Maiden, Metallica ou Slayer. On pourrait croire que Body Count est un gros groupe, mais ça ne marche pas comme ça. Ce n’est pas ce que les gens croient. C’est pour ça que ce groupe ne tourne pas tout le temps. Les groupes doivent tourner tout le temps pour en vivre, mais nous ne le faisons pas parce qu’on ne gagne pas d’argent en tournant tout le temps [rires]. Il faut comprendre que ces groupes qui tournent tout le temps doivent payer leur équipe, ils doivent payer le management, ils doivent payer pour les bus, ils doivent payer les hôtels… On dépense constamment de l’argent, plus qu’on en gagne. Il y a plein de trucs à payer avant de pouvoir vraiment gagner de l’argent. C’est pour ça qu’ils partent pendant trois ans sur les routes. C’est pour ça que c’est considéré comme un boulot. Nous, nous considérons ça comme un loisir.

Je veux dire que quand on tourne tout le temps, ça devient la galère et c’est comme ça que les groupes se séparent et arrêtent. C’est trop une prise de tête. C’est tout le temps la même chose. Personne n’a la patience pour ça. Moi, je n’ai pas la patience pour ça. J’ai déjà à faire ces trucs tous les jours pour mon boulot, je ne peux pas en plus le faire avec un groupe, c’est trop. Nous sommes trop vieux ! Nous avons soixante piges [rires]. Les chambres d’hôtel ne sont pas prêtes, les backstage ne sont pas ce que devraient être des backstages, les repas ne sont pas prêts quand on veut… Et après ça, il faut jouer de la musique, laisse tomber ! C’est pour ça que nous ne jouons pas tous les jours, nous ne tournons pas tout le temps, nous faisons un album une année ou nous tournons une année. Avec le groupe, nous avons de la longévité parce que nous ne sommes pas comme tous les autres groupes.

A quel point c’est enrichissant d’être technicien guitare pour d’autres groupes ?

C’est super ! J’étais le dernier tech de Chris Cornell. J’ai travaillé pour Chris pendant onze ans. J’ai fait ses trucs acoustiques et ensuite il m’a invité à partir avec Soundgarden. J’étais là : « Ouah ! » J’ai pu voir comment il travaillait… A propos de Chris, je peux dire une chose : parmi tous les artistes, lui n’utilisait pas de téléprompteur ! Plein de chanteurs ont besoin de téléprompteurs, mais pas lui. Donc j’ai travaillé pour Chris Cornell, Ritchie Sambora, Prince… Pendant que je faisais l’album de Body Count, j’étais en tournée avec Ariana Grande [rires]. J’apprends toujours des choses quand je travaille avec ces gens. J’apprends la persévérance. J’apprends à écrire de la musique. J’ai étudié leur éthique de travail et j’essaye de l’appliquer à mon groupe. Chris Cornell, tout comme Prince, voulait que tout soit comme il faut, à tout moment. Ces artistes veulent que tout soit en place et ils veulent que ce soit fait maintenant [rires]. Et je vois la quantité d’argent qui est dépensée, je vois tout ça. Il faut vraiment gagner beaucoup d’argent pour gagner de l’argent.

Tu n’es pas seulement bassiste dans Body Count, tu es aussi considéré comme le « directeur musical » du groupe. Qu’est-ce que ça veut dire ? Quel est ton rôle et ton job en tant que tel ?

Planifier les répétitions, faire que la musique soit comme il faut… En gros, il s’agit de faire en sorte que tout soit comme il faut ! Grace à mon boulot, je vois comment c’est fait et, comme je l’ai dit, je l’applique au groupe, car personne d’autre ne le fait. Quand on répète les chansons, il faut vraiment savoir ce qu’on fait, il faut adopter un regard de fan pour savoir comment on veut que ça rende. Je veux dire, regarde Metallica ! Plein de gens ne le savent pas, mais Metallica répète une heure avant de faire le concert ! Ils ont une petite pièce, ça s’appelle la jam room, et ils jouent. Je l’ai moi-même vécu, parce que j’ai travaillé pour Disturbed quand ils ouvraient pour Metallica, et Metallica a une pièce dans laquelle ils jouent. Quand ils ont fini de jouer, ils vont directement sur scène déjà échauffés. Donc j’ai pas mal de connaissance parce que j’ai l’opportunité de voir ce qui se passe, et je me demande : « D’accord, comment est-ce que je peux mettre à profit ce que je vois pour faire passer un cap à ce groupe ? » En plus, je suis fan de musique. Je suis fan de metal ! Je connais les rouages du metal. J’essaye de trouver des manières de rendre les chansons plus intéressantes, car personne n’a envie d’entendre le même truc encore et encore : « Oh, ils ont encore joué cette partie… » Tu veux que les gens soient sur le qui-vive, qu’ils ne sachent pas ce qu’il va arriver.

« Je me souviens d’un gars qui était à fond dans les solos de Randy Rhoads, les chansons d’Iron Maiden, etc. et il me regardait d’un air supérieur en disant : ‘Tu ne vas jamais réussir dans le metal’ [rires]. J’ai écouté ça et ça a toujours été une motivation. »

Tu viens de dire qu’« il faut adopter un regard de fan ». Est-ce ton atout, le fait que tu sois autant un fan qu’un membre du groupe ?

C’est ce que je fais dans tous les domaines. Je ne suis pas un gros fan à proprement parler, car je suis dans le groupe ! [Rires] Mais ce que j’aime faire, c’est tout regarder sous la perspective d’un fan, sous ma propre perspective, parce que je suis un fan de musique. Il y a de nouveau designs de T-shirts qui vont sortir, et je me suis demandé : « Qu’est-ce que les fans aimeraient ? Qu’est-ce que j’aimerais ? Qu’est-ce que j’aimerais voir si j’allais au stand de merch pour dire ‘oh, ça tue !’ et pour que j’achète le T-shirt ? » C’est pareil avec la musique – on n’achète plus de musique aujourd’hui, on fait du streaming, mais… C’est comme hier soir, nous répétions, j’étais assis là et j’ai fait [chante un riff]. « C’est quoi ça ? » « Oh, c’est juste un truc que j’ai commencé à bricoler. » « Vas-y, garde-le, enregistre-le ! »

A partir du moment où tu as rejoint Body Count en 2001, comment t’es-tu retrouvé à endosser une si grosse responsabilité dans le groupe ?

Oh purée, c’est venu plus tard dans la carrière du groupe. Ce n’était pas avant que je voie vraiment ce que je pouvais faire, et là j’ai simplement commencé à le faire. Nous avons connu un paquet de line-up différents dans ce groupe, donc quand un nouveau membre arrivait, je me disais : « Mouais, ça ne va pas. » En gros, ça s’est fait tout seul. J’ai vu le groupe il y a longtemps… Je veux dire que j’ai eu l’album, je ne l’ai pas aimé, mais je les ai vus en concert et je me suis dit : « Wow, ces gars ont quelque chose ! » Puis je suis devenu un membre et c’est là que je me suis demandé : « Qu’est-ce que je peux faire pour que ce soit mieux qu’actuellement ? » Et on connaît la suite [rires].

D’un autre côté, Ernie-C, le compositeur historique, est de moins en moins impliqué dans la composition…

Il a toujours une tonne de riffs, c’est juste qu’ils ne conviennent pas pour le moment. Les gens qui ont contribué par le passé composent les mêmes trucs. C’est pourquoi à partir de Manslaughter, nous avons dû faire certaines choses un peu différemment, parce qu’on n’a pas envie d’entendre les mêmes trucs sans arrêt. Combien de fois peut-on écrire la même chanson ? Murder 4 Hire, cet album a été fait différemment, mais il n’a pas eu de reconnaissance parce que… Bref. Ça aussi c’est le rôle du directeur musical : prendre des choses, faire des choses, et les rendre meilleures. Il faut vraiment comprendre comment faire fonctionner les choses. Tu vois un modèle, tu vois comment ça marche, et il faut suivre ce modèle. Si ce n’est pas cassé, tu ne peux pas le réparer, ou pourquoi essayer de le réparer ? Tout ce qu’il faut faire, c’est voir ce qui se passe. Ernie contribue, c’est juste qu’il ne le fait plus autant qu’avant, parce que maintenant, les chansons ont un côté plus rythmique, avec plus autant de solos, car personne n’écoute les solos et on ne peut pas jouer constamment plein de solos. Mais Ernie reste un élément important !

Beaucoup de chansons ont été écrites pour Bloodlust et pour Carnivore, nous avons commencé à les écouter et ça ne sonnait pas comme il faut, il manquait un truc. Nous voulions que ça tue. Je veux dire, qui sait ? Le prochain album pourrait très bien être écrit par Ernie-C ou par Juan [Garcia]. Mais quand tu joues ces trucs et que tu les réécoutes, et tu te dis « ça ne va pas ! »… Nous voulons des choses qui dominent, et il faut comprendre le metal pour écrire du metal. Quand c’est le cas, tu prends des choses, tu les entremêles et tu crées quelque chose de meilleur. Je trouve énormément de riffs et nous sommes là : « Ça ne va pas. » Puis je me réveille le lendemain et je suis là : « Qu’est-ce que vous dites de ça ? » « Ouah, mec ! Tu as pris ce riff et ce riff, et tu en as fait ce riff ! » « Eh bien, oui, parce qu’on peut le faire ! » C’est comme si tu avais une glace toute simple et que tu y ajoutes de la fraise, ça la rend meilleure, puis tu ajoutes des cerises, ça la rend encore meilleure. Tu continues à faire des trucs pour améliorer ce que tu as, sans tout le temps faire la même chose. Quand tu fais tout le temps la même chose, c’est là que tu en pâtis.

« Si nous tournions tout le temps, la musique ne serait plus notre centre d’attention. Si nous tournions tout le temps, nous serions là à essayer de comprendre comment maintenir la cohésion du groupe. Quand nous nous retrouvons, c’est comme une reformation. »

Est-ce que, selon toi, être un bassiste, c’est-à-dire jouer entre la batterie et la guitare, te permet d’avoir une vision plus complète de la musique ?

Je joue aussi de la guitare. Toute ma musique me vient sur la guitare ; tous mes rifs, et tout vient d’abord de la guitare et ensuite j’incorpore la basse. C’est juste que j’ai une pulsion. Et ma pulsion me vient du temps où je jouais de la musique et où quelqu’un me disait que je ne peux pas faire ci, je ne peux pas faire ça, etc. Dans le temps, je me souviens d’un gars qui était à fond dans les solos de Randy Rhoads, les chansons d’Iron Maiden, etc. et il me regardait d’un air supérieur en disant : « Tu ne vas jamais réussir dans le metal » [rires]. J’ai écouté ça et ça a toujours été une motivation. Quand quelqu’un me dit que je ne peux pas faire quelque chose… L’exemple parfait, c’est quand je trouve un riff de guitare et que quelqu’un me dit qu’il ne l’aime pas, ça me motive à faire mieux ! Quand quelqu’un me dit que je ne peux pas faire quelque chose, je vais faire ce qu’il faut pour que ce soit mieux, car j’ai la motivation et la passion. Plein de gens diraient : « Oh, tu as raison, je ne peux pas faire ci, je ne peux pas faire ça. » Comme je l’ai dit à propos du terme « carnivore » : prends ce que tu as et sois au top !

Je joue de la batterie, je… Je ne sais pas comment l’expliquer autrement. Je comprends la musique. J’observe, j’écoute, j’apprends. J’absorbe tout, peu importe le style de musique. Je vais même voir Will [Dorsey] à l’arrière s’il ne joue pas un truc comme il faut, et je dis : « Hey mec, essaye ça ! » « Oh, je n’y avais même pas pensé ! » Et on a toujours parlé des bassistes comme étant l’élément faible d’un groupe parce qu’ils ne jouent que sur quatre cordes. Je suis là pour changer cette perception ! [Rires] C’est comme Lemmy dans Hawkwind, il a la même histoire. Ils lui disaient qu’il ne pouvait pas faire ci, il ne pouvait pas faire ça. Puis il est devenu l’un des plus grands influenceurs qui soient dans le metal. Ils l’ont viré, et ensuite il est devenu plus fort et plus rapide. C’est aussi ça le truc avec les bassistes : les bassistes aiment prendre le contrôle. C’est pour ça que Gene Simmons a dit que lui et Paul ne se sont pas entendus pendant longtemps, parce que Gene aime gérer les choses. Nous, les bassistes, nous aimons le boulot bien fait. Enfin, regarde Steve Harris ! Regarde le nombre de membres qu’il a eus dans son groupe. Steve Harris a eu plein de musiciens à ses côtés avant de trouver le bon line-up.

Carnivore est le troisième album pour lequel vous avez collaboré avec le producteur Will Putney. Il est même crédité comme co-compositeur sur de nombreuses chansons. Qu’y a-t-il de si spécial dans votre relation ?

Body Count n’a jamais vraiment eu de producteur avant, et Will est presque comme le septième membre du groupe maintenant, parce qu’il rend les albums à chaque fois meilleurs. Quand nous avons fait Bloodlust, il a logé chez moi. Nous sommes allés dans mon studio personnel, nous y étions tous les jours avec Will Dorsey, à essayer de trouver tout un tas de choses pour faire un bon album. Et ensemble, nous comprenons le metal ! Comme je l’ai dit, il faut comprendre le metal pour écrire du metal. J’appelle ça DDP : Dorsey, Dennis, Putney. C’est l’équipe de composition. Bloodlust et Carnivore ont été écrits de la même manière, et le prochain album sera fait pareil, et ainsi de suite. Nous pouvons nous retrouver dans une pièce, tous les trois, et vraiment trouver de très bonnes choses. Ceci dit, les autres apportent aussi des choses, mais comme je l’ai dit, si ce n’est pas ce qu’il faut pour le moment, ce n’est pas ce qu’il faut.

Pour Carnivore, cette fois, nous ne l’avons pas fait chez moi. Nous l’avons fait au New Jersey où Ice habite à vingt minutes de chez Will Putney, donc Ice a pu venir et dire : « D’accord, on va mettre telle partie ici, telle partie là, telle partie ici… D’accord, maintenant je vais aller écrire des paroles. » Ce qu’Ice fait est qu’il écoute certains riffs et il a une vision. Je me souviens quand nous composions « Gears Of War », la chanson pour le jeu vidéo. J’avais écrit environ vingt riffs, et puis Ice a dû tout écouter et choisir ceux avec lesquels nous ferions une chanson complète. Si ça ne va pas, il ne chante pas dessus. Donc nous sommes allés là-bas dans le New Jersey pour qu’il puisse avoir le luxe de venir et faire des arrangements. Nous jouions des trucs et il était là : « Nan, pas bon. » « Oh d’accord, ça c’est cool. » « Je n’aime pas cette partie. » Donc Ice participe pas mal à la composition aussi.

« Nous voulons que Body Count soit connu comme étant un groupe qui écrit de la super musique, pas juste comme étant le groupe dans lequel Ice-T chante. »

Du coup, Carnivore a été fait entre vous quatre…

Oui, ce dernier album a été fait avec Will Putney, Will Dorsey et moi, et Ice-T. Quand il y a trop de gens impliqués dans un truc, c’est dur de vraiment travailler [petits rires], car tout le monde a un emploi du temps et tout, c’est dur de réussir à rassembler tout le monde d’un coup. C’est genre : « D’accord, qui est disponible pour faire quoi ? Qui veut faire ça ? » C’est comme ça que ça fonctionne. C’est quand nous répétons que nous nous retrouvons tous. Ça fonctionne mieux comme ça. En gros, Will Dorsey et moi sommes la section rythmique, et nous nous concentrons plus sur le rythme, parce que c’est ce qui porte la musique, le rythme. Ensemble, nous essayons de proposer plein de super rythmes de façon à ce que Ernie-C et Juan puissent faire des solos et des trucs à la guitare par-dessus, mais le cœur du travail, c’est de poser les rythmes. Une fois que les rythmes sont posés, Ice peut chanter dessus. S’il ne sent pas la chanson, la chanson ne devient pas une chanson ; il faut qu’il chante dessus pour que ça devienne une chanson, et ensuite les gars ajoutent leurs parties de guitare par-dessus.

Body Count est sur une excellente dynamique depuis son retour avec Manslaughter en 2014, autant en termes de popularité que de créativité. Le point commun entre les trois derniers albums, c’est le fait que tu étais très impliqué dans la composition et la direction artistique. Es-tu donc la clé du succès renouvelé de Body Count ?

Je suppose ! [Rires] Je ne m’attribue aucun mérite, mais tu sais… Nous avons le bon line-up ! C’est comme une équipe de football : il faut avoir la bonne équipe pour gagner. Si tu n’as pas la bonne équipe, il faut trouver les bons joueurs pour y arriver. Je veux dire que Body Count a commencé avec Ice-T et Ernie-C, et ils ont perdu tous les autres gars, donc mon but est d’essayer de faire que ce groupe soit meilleur. D’abord, ça a commencé avec Will Dorsey à la batterie. J’avais désespérément besoin d’un batteur, parce que notre batteur était parti et que nous allions faire les quinze ans du Warped Tour, en jouant quatre chansons. J’ai donc demandé à mes amis : « Hey mec, tu connaîtrais des batteurs ? » « Ouais, je connais un batteur de malade. » Je l’ai donc fait rejoindre le groupe et il joue de la batterie avec nous depuis lors. Puis nous avons commencé à nous dire qu’il nous faudrait un autre guitariste, parce que celui que nous avions n’assurait pas. Un concert se profilait à l’horizon et Ice a dit : « Hey, quand est-ce que tu trouves un guitariste ? Je me fiche de sa nationalité, il nous faut un autre guitariste. » Donc j’étais là : « Juan, je veux que tu joues de la guitare pour nous. » Juan et moi, ça date d’il y a un bail. Nous avons joué ensemble dans un autre groupe qui s’appelle Obscene Gesture, il jouait dans Agent Steel, je jouais dans Steel Prophet, donc je connais son éthique de travail et tout. C’est notre line-up et nous sommes plus forts depuis.

Et en gros, nous nous développons. Même si nous allons dans notre soixantaine, nous continuons à grandir [petits rires]. Comme je l’ai dit, nous ne tournons pas tout le temps. Si nous tournions tout le temps, la musique ne serait plus notre centre d’attention. Si nous tournions tout le temps, nous serions là à essayer de comprendre comment maintenir la cohésion du groupe. Quand nous nous réunissons, c’est comme une reformation. En général ça commence comme ça : en Europe, si nous ne sommes pas retenus par le coronavirus, Ice fera de la promo avec la presse, il va trouver un titre d’album pour je ne sais quelle étrange raison [petits rires], et là je vais me dire : « Oh bon sang, il a trouvé un titre d’album. Ça veut dire qu’on doit composer de la musique ! » Ça arrive à chaque fois, parce que la presse retient le titre et le divulgue. Genre, il donne des interviews en disant : « Oh, le prochain album s’appellera Killing All » et alors nous devons écrire de la musique pour ça [rires]. Enfin, ce n’est pas toujours… Je veux dire que Bloodlust, à l’origine, allait s’appeler Rise. En fait, en général, les titres d’album viennent d’une chanson qu’Ice a déjà écrite. J’ai oublié d’où vient Mansleughter, il a dû voir un film ou autre et ça lui a donné l’idée du titre, mais Bloodlust vient de la chanson « Gears Of War ». Et Carnivore vient des paroles de la chanson « Bloodlust » : « I’m a carnivore, I can eat meat raw. » Mais bref, notre but est de faire mieux que l’album d’avant. Je ne sais pas ce qui va se passer avec Carnivore. Carnivore est probablement notre meilleur album, donc comment allons-nous faire mieux que Carnivore ? Je n’en ai aucune idée ! Mais il le faut, et c’est ce que nous essayons de faire avec Body Count. Nous essayons de surpasser ce que nous faisons. Nous voulons que Body Count soit connu comme étant un groupe qui écrit de la super musique, pas juste comme étant le groupe dans lequel Ice-T chante. C’est ce qu’il y a de plus important pour moi, quoi qu’il en soit.

Interview réalisée par téléphone le 28 février 2020 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel de Body Count : www.bodycountband.com/a>.

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