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Interview   

Borknagar : Øystein G. Brun trouve son équilibre entre progression et tradition


Nul ne sait vraiment si c’est le retour du célèbre bassiste-chanteur ICS Vortex qui a déclenché un accès de créativité chez Borknagar ou si c’est la créativité qui a motivé ce premier à réintégrer le groupe. Probablement un peu des deux. Toujours est-il que le groupe norvégien est sur le point de sortir Urd, une œuvre des plus abouties et des plus riches. Probablement la plus aboutie et la plus riche de sa carrière.

Il nous fallait donc comprendre la genèse d’un tel disque. Car ce genre de résultat n’est pas quelque chose qui s’obtient en un claquement de doigts, du jour au lendemain. Øystein G. Brun, le fondateur, guitariste et principal compositeur du groupe, nous le dit : non seulement Urd a commencé à être pensé avant l’enregistrement de son prédécesseur, Universal, mais est également le fruit d’un travail ayant monopolisé son temps vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, pendant six mois. Car, au-delà de la composition, Borknagar a voulu cette fois-ci soigner tous les détails et tout particulièrement le volet production.

Alors, voilà, Borknagar revient avec, sous le bras, un album qui mérite une vraie attention. Un album qui plus est équilibré, se situant quelque part entre un désir de progression et celui de conserver les éléments-clef qui font la force du groupe depuis ses débuts. Voilà pourquoi le titre de l’album, Urd, est un hommage au passé, celui qui fait avancer vers l’avenir.

Cette analyse nous l’avions déjà eu dans ces colonnes mais laissons Øystein G. Brun confirmer et détailler tout ceci.

« Ma plus grosse crainte était en fait d’en faire trop. »

Radio Metal : Lorsque le retour de Vortex dans le groupe a été annoncé l’année dernière, tous les membres du groupe avaient l’air extatique et se sentaient très créatifs. Effectivement, Urd est un des albums les plus créatifs que Borknagar ait fait jusqu’à maintenant, même en dehors du travail vocal. Est-ce le retour de Vortex qui a embrasé cette créativité ?

Øystein G. Brun (guitare) : Oh oui, en grosse partie, clairement. On en a parlé pendant un bon bout de temps mais lorsqu’on s’est rendu compte qu’on allait à nouveau faire équipe, je pense que ça a embrasé notre créativité et tout est vraiment devenu très clair. Il y a aussi le fait qu’on ait mixé l’album au Fascination Street Studios en Suède qui nous a poussé à nous surpasser, on avait donc une opportunité de faire un excellent album. Donc, bien sûr, le retour de Vortex a été quelque peu une inspiration. Il a fait son truc avec Dimmu Borgir pendant tant d’année, nous avons donc continué de notre côté et ça a parfaitement bien marché, donc les deux comptent. Mais on s’est rendu compte rétrospectivement qu’il était clairement la pièce manquante dans le puzzle du combo. C’est un excellent musicien, à la fois au chant et à la basse, j’admire sa façon de travailler avec la musique. Ça nous donc a vraiment fait du bien et je pense que ça se ressent dans l’album également.

Avec l’annonce du retour de Vortex, les réactions des membres du combo étaient tellement enthousiastes qu’un groupe a rarement eu l’air aussi content. Cela a provoqué beaucoup de pression et une grande attente de la part des fans. Étiez-vous sûrs de la qualité de ce que vous étiez en train de faire au point de n’avoir aucun problème à supporter cette pression ?

Tu sais, en fait, ma plus grosse crainte était d’en faire trop, de faire trop de chant au point de frimer. Je me suis donc dit : « Bon, restons de bon goût, on va éviter de faire de la musique d’opéra » parce qu’il y avait tellement de potentiel dans le groupe, pas seulement avec Simen [Hestnæs, le vrai nom d’ICS Vortex], il y a également Andreas [Hedlund, chant] et Lars [Nedland, synthé] qui sont de très bons chanteurs. Ça nous a fait énormément de bien à beaucoup de niveaux, d’un point de vue personnel, d’être amis mais aussi de travailler à nouveau ensemble sur de la musique et l’album a un peu évolué à partir de ça. Je pense que tout le monde voulait vraiment faire au mieux. Tu sais, dans ce business, c’est difficile, donc lorsque tu vois une petite étincelle de lumière tu te dis : « Wow, on va faire le maximum ». Il y avait une atmosphère très positive, musicalement c’était génial de travailler à nouveau et… Que dire de plus, vraiment ? C’était génial à composer. Comme je le disais avant, je pense que le fait que l’on se soit amusé en studio se sent dans l’album. J’ai travaillé à longueur de journée pendant six mois, depuis juin presque. J’ai toujours travaillé dur pour les albums mais cette fois-ci je me suis vraiment dit : « Okay, il faut que ça soit bon ». Il fallait à la fois satisfaire les attentes des fans mais aussi celles que nous avions envers nous-mêmes.

Votre album précédent s’appelait Universal, un titre très ambitieux, mais au bout du compte la musique, bien que complexe, ne sonne pas aussi ambitieuse que ce que l’on entend dans votre nouvel album Urd. Peut-on dire qu’à l’époque d’Universal vous avez, en quelque sorte, sous-estimé les possibilités du groupe que vous avez réussi à dévoiler avec Urd ?

Je pense qu’on était sur le même groove à l’époque. Lorsqu’on a fait Universal, je crois que ce qui a posé problème, ce que je me dis depuis un bon bout de temps d’ailleurs, c’est la production. Nous avons toujours dû faire des compromis au niveau de la production parce que la musique que nous faisons est assez compliquée, il y a beaucoup de couches, beaucoup de choses se passent en même temps. C’est parfois un travail très exigeant de mixer nos albums. Je pense donc qu’on avait déjà la vision de ce qu’on voulait faire pour Urd avant même d’avoir fait Universal. Avec ce dernier, nous avons fait un pas dans la bonne direction mais nous n’avons pas été jusqu’au bout. Bien entendu, Fascination Street est un excellent studio, Jens Bogren, le type qui gère le studio est un génie, ni plus ni moins. Donc, je pense que c’était une très bonne décision pour nous de faire cet album au Fascination Street parce que nous avons trop eu besoin de faire des compromis par le passé, sur Universal par exemple. On ne s’est pas vraiment rapproché des visions que nous avions pour cet album. Bien sûr, le résultat était satisfaisant à l’époque, je pense que c’est un bon album. Pour moi, c’est un peu le premier disque de notre nouveau voyage musical, c’est donc un bon début. C’est un bon nouveau premier album, en quelque sorte.

Je pense qu’avec notre nouvel album, nous avons atteint ce que nous voulions faire depuis le début. Tu sais, c’est également un test pour nous, je pense. Au niveau de la production, des budgets et tout le reste, c’était un bon test pour voir ce que nous étions capables de faire. Nous avons un endorsement avec Steinberg donc nous avons beaucoup de bon matériel. En plus, j’ai un studio chez moi où je peux enregistrer les guitares et faire mon propre montage. Par ailleurs, nous avons gagné en expérience en tant que producteurs et ingénieurs donc nous avons pris beaucoup plus de contrôle de l’ensemble. Comme je le disais avant, j’ai travaillé à longueur de temps pendant six mois pour l’album rien que pour polir la musique et l’améliorer, changer des choses par ci par là, en déplacer d’autres… Il y a aussi le fait que les environnements dans lesquels on enregistre sont très différents. Je peux être chez moi, tranquille et lorsque l’envie me prend, je vais dans mon studio et j’y travaille. C’est beaucoup mieux, plus pratique et je suis bien plus concentré que si je devais aller jusqu’à Oslo, ou je ne sais où, pour faire des prises pendant le week-end, par exemple. Ça me permet de passer plus de temps sur la musique elle-même. Je passe tout mon temps à faire de la musique maintenant mais avant je passais beaucoup de temps à voyager, trouver un endroit où dormir et tous les autres détails logistiques. Là, c’était moins stressant et l’ensemble du processus était plus efficace. Je pense qu’on est dans une bonne période, nous avons trouvé une bonne formule que nous cherchions depuis trois ou quatre ans. Le prochain album sera très bon également, je peux te l’assurer !

Avec tout ce que tu as appris au niveau de la production, serais-tu intéressé par produire d’autres groupes ?

Oui, ça serait cool. Je ne me suis jamais déclaré producteur ou ingénieur ou quoi que ce soit, mais évidemment, ça serait intéressant. Avec la musique en général je suis très franc donc il faut que ce soit de la musique qui me plaise, où je vois de la valeur. J’y ai beaucoup pensé à vrai dire, à aider des jeunes groupes du côté de chez moi, ça serait cool. Nous avons fait tant d’albums, j’ai été dans tant de studios que nous commençons à savoir comment ça se passe. On sait comment ça se passe en pré-production et tout le processus d’enregistrement, mixage et mastering et ainsi de suite. Je ne suis pas certain alors peut-être pas demain ou la semaine prochaine mais à un moment donné, dans le futur, je ferai probablement quelque chose en tant que producteur. Parce que c’est également ce qu’on a fait avec le nouvel album. Certaines des chansons étaient écrites avant la sortie d’Universal. Les structures et les riffs des morceaux étaient faits longtemps avant qu’on ait commencé à enregistrer les morceaux donc j’ai passé beaucoup de temps en tant que producteur. J’essayais de prendre du recul par rapport à ma position de musicien, d’avoir une perspective différente, j’ai écouté l’album d’une façon différente et j’ai essayé d’avoir le même état d’esprit qu’un producteur. Nous n’avons jamais laissé les producteurs ruiner notre musique, nous avions toujours une idée de comment nous voulions que ça sonne. C’est toujours le cas mais aujourd’hui nous sommes plus doués en tant que producteurs et en tant que musiciens.

« Le jour où je commence à me répéter, je prends ma retraite, ça n’a aucun sens pour moi de me copier moi-même. »

Urd est le nom d’une Norne qui symbolise le passé. Pensez-vous que le passé est ce qui nous pousse vers le futur ? Est-ce ce qui s’est vraiment passé avec Borknagar pour Urd ?

Tu sais, nous avons toujours été de l’avant, musicalement et au niveau des paroles. Nous avons toujours cherché à aller vers l’avenir. Mais, pour moi, c’est très important de garder nos racines, notre histoire, ce qui fait de nous qui nous sommes. Globalement, nous ne sommes rien sans notre histoire. Nous réfléchissons beaucoup à l’Histoire parce qu’il faut réfléchir à ce qui a déjà eu lieu. Avec le recul on peut comprendre ce qu’il s’est vraiment passé et déduire la meilleure solution à tel ou tel problème. Donc l’Histoire a beaucoup d’importance pour moi en tant que personne mais également en tant que musicien parce que je ne veux pas me perdre. Je veux dire : nous faisons du progressif, mais le danger du progressif c’est que tu peux soudainement te retrouver dans un style que tu n’aimes pas vraiment et où tu ne sais pas trop ce que tu fais. C’est donc toujours important pour moi pendant le processus d’écriture d’avoir de la perspective sur la musique à tout moment. Parfois c’est juste pour vérifier l’ancre, voir si elle est encore là. Est-ce qu’on conserve toujours les mêmes éléments qu’avant ?

Il y a une sorte de dualité car être progressif c’est génial et pour moi c’est crucial. Le jour où je commence à me répéter, je prends ma retraite, ça n’a aucun sens pour moi de me copier moi-même. Nous devons garder certains de nos liens avec notre passé et ce qui a fait du groupe ce pour quoi nous sommes connus. Des fois, il faut faire attention à ce que tu fais et je pense que nous sommes dans une position à l’heure actuelle pour équilibrer ces deux éléments parfaitement. Je suis content de notre situation actuelle. Le titre « Urd » est certainement une référence à tout ça, pas seulement d’un point de vue musical mais aussi d’un point de vue philosophique, à propos du fait que l’Homme n’est rien sans l’Histoire. Nous avons besoin de l’Histoire afin de faire face à l’avenir. C’est donc un album qui regarde le passé, pas forcément dans le sens du fil du temps, mais plutôt d’où on vient. Une idée qui m’a vraiment plu dans cette philosophie, et qu’on aborde dans les paroles, est le fait que certains philosophes semblent beaucoup regarder les étoiles et le cosmos. Ils regardent vers le ciel pour leurs pensées existentielles ou je ne sais quoi. Mais dans cet album je voulais revenir sur Terre, plus vers le micro-cosmos, plus vers les petites choses. Une idée qui me donne des frissons, de la même manière que quand on essaie de compter les étoiles, est que notre ADN, ce qu’il y a dans nos cellules, vient de la nuit des temps. Nous avons des choses en nous-mêmes qui viennent directement de la nuit de temps. Ça me file vraiment des frissons [rires], c’est le genre d’idées philosophiques qui me plaisent beaucoup, donc c’est ce qu’on aborde dans le nouvel album.

Penses-tu que le groupe aurait pu se perdre dans sa propre créativité sans avoir l’ombre de son passé en tête ?

Pas nécessairement. Notre groupe a besoin d’être comme nous sommes maintenant. C’est comme ça que nous fonctionnons en tant que créature musicale, si tu veux. Mais j’ai vu beaucoup de groupes qui font des choses complètement nouvelles à chaque album, comme Ulver par exemple, un groupe ambient norvégien. Avant ils faisaient du black metal, maintenant ils font un truc qui se rapproche plus des musiques de films, de musiques d’ambiance. Je pense qu’ils sont brillants mais tous les groupes ne sont pas capables de faire ça. Et un des éléments essentiels pour nous, c’est de rester cohérents, de garder nos racines. Pour nous, c’est vraiment important. C’est comme ça que je veux que le groupe soit. Peut-être qu’on pourrait faire un album de jazz l’année prochaine et il pourrait très bien marcher au sein de la communauté jazz mais ce n’est pas intéressant pour moi parce que, pour moi, l’honnêteté est essentielle à la musique. On n’enroule pas notre musique dans du coton pour vendre plus d’albums. On ne fait pas de compromis avec un intérêt commercial. On fait notre musique aussi honnêtement que possible, je pense qu’en tant que musiciens, compositeurs ou membres du groupe, notre lien avec les fans devrait être aussi ténu que possible. Je veux que les fans écoutent ce qu’on fait réellement, ce qu’on est capables de faire. Pour moi il s’agit d’honnêteté, c’est aussi simple que ça, pour moi l’Histoire c’est important. Je suis quelqu’un de très nostalgique, je pense beaucoup à mon enfance et à des choses comme ça. Pour moi c’est une façon naturelle de m’exprimer. Tu sais, j’ai grandi à la campagne, loin de toutes villes, et les forêts et les montagnes étaient mon terrain de jeu. Ça doit probablement transparaitre quelque part. C’est pour ça qu’il y a beaucoup de forêts et de choses comme ça dans l’univers visuel du groupe, ou dans nos paroles, parce que c’est une partie très importante de ma vie. Pour moi, il s’agit d’honnêteté, vraiment.

Donc, penses-tu que des groupes comme Morbid Angel, qui ont totalement changé de style musical pour leur dernier album, manquent d’honnêteté envers les fans ?

[Soupir, hésitation] Peut-être, peut-être pas. Je ne suis pas sûr, je n’aime vraiment pas spéculer sur ce qu’ils ressentent ou sur ce qu’ils avaient dans la tête. De mon point de vue, j’ai à peine écouté l’album deux minutes et je me suis dit « Mais il se passe quoi ? Qu’est-ce qu’ils foutent ? » Mais il y a clairement des qualités. Je ne sais pas, je n’ai vraiment pas envie de spéculer à propos d’autres groupes. Je veux dire, si c’est ce qu’ils voulaient faire, ça me va, c’est cool. En tant que musicien, je ne m’attends pas à ce que nos fans nous suivent toute leur vie, je ne m’attends pas à vendre beaucoup d’albums, je ne m’attends pas à garder la même base de fans. On fait ce qu’on fait et au mieux, quelqu’un va l’aimer, au mieux notre fan-base aimera toujours le groupe. Je n’y ai pas vraiment pensé mais ce qu’ils ont fait les regarde, c’est à eux de décider. Pour moi, en tant qu’auditeur de Morbid Angel, ça paraît un peu hors contexte. Mais, en même temps, nous avons fait des choses semblables également. Par exemple, un de nos albums précédents : Epic. C’était un album pour lequel nous avions beaucoup d’idées, on a été jusqu’au bout de nos idées, avec des textes très philosophiques, un album long et compliqué avec des arrangements complexes. Pour nous, c’était de la survie musicale, on avait besoin de le faire. On avait fait quatre albums avant ça et je pense que tout groupe qui a existé pendant plus de dix ans a besoin de sortir un peu des sentiers battus pour se donner un nouveau défi et tester les limites de leur monde musical. Il y a aussi Origin qui était un album acoustique, quelque chose que je voulais faire depuis longtemps. Je pense que c’est un super album, à beaucoup de niveaux, et il fallait que je le fasse en tant que musicien, instinctivement, je voulais le faire. Ensuite, évidemment, ce n’est pas une bonne idée commercialement parlant et tout ça, et nous avons probablement perdu des fans avec cet album mais on n’y accorde pas tant d’importance que ça. On y accorde de l’importance, bien sûr, mais il faut qu’on soit honnête envers nous-mêmes en tant que musiciens également. Je pense que pour un groupe qui arrive à dix albums, il faut se permettre de se donner du défi, c’est crucial. Donc peut-être que c’est ce que Morbid Angel a voulu faire. Je ne sais pas.

Lorsque nous avons parlé à Vortex l’an dernier, il venait de rejoindre le groupe et il nous a confessé qu’il ne se considérait pas comme un très bon chanteur. Il nous a dit qu’il se verrait plutôt comme le bassiste dans Borknagar et qu’il pensait juste faire des harmonies vocales sur le nouvel album. En fin de compte, il fait beaucoup plus que ça. On dirait un second chanteur dans le groupe. Avez-vous eu besoin de le pousser pour s’impliquer au niveau du chant dans l’album ?

Pas vraiment, c’est venu très naturellement, je dirais. C’est assez marrant parce que quand on a annoncé son retour dans le groupe, il y a toujours eu beaucoup de spéculations à propos de qui est le meilleur chanteur. Certains sont fans de Vortex, n’aiment pas Andreas ou l’inverse. Il y a donc beaucoup de spéculations là-dessus, Simen ayant une certaine renommée grâce à son passé dans Dimmu Borgir. Mais pour Simen et les autres, on a juste atteint un point où on s’est dit : « Voyons où ça peut nous mener », on n’en savait rien. Comme je le disais, la seule réticence que j’avais de mon côté, c’était d’en faire trop. Je voulais que ça reste de bon goût et je pense que c’est plus ou moins la même approche qu’avait Simen à l’époque. Et il y avait un respect mutuel dans le groupe, entre Simen et Andreas. Simen pense qu’Andreas fait un super boulot donc il voulait trouver sa place dans le groupe. C’est quelque chose qui avait besoin d’évoluer naturellement. Donc, je pense que l’ensemble s’est vraiment passé à l’instinct, ça s’est passé tout seul et je pense que le résultat est parfait. Andreas fait le chant principal, il fait le chant sinistre et probablement la plupart du chant clair, mais Simen est aussi très impliqué. Pas juste au niveau du chant. Souvent, quand les gens parlent de Simen, ils parlent du chant mais c’est aussi un excellent bassiste. Les lignes de basse sur l’album sont juste fantastiques. Donc l’ensemble de sa présence dans le groupe est vraiment géniale et semble naturelle. On avait des attentes, mais pas tant que ça, pas de règles strictes sur comment nous devrions nous y prendre. Nous ne nous sommes pas dit : « O.K. Simen devrait faire 40% du chant clair » ou quelque chose comme ça [rires]. On ne marche pas comme ça. C’était plutôt : « Voyons où cela va finir et quel résultat va en sortir ». C’était à la fois aussi simple et aussi compliqué que ça.

« Je ne veux pas particulièrement sonner comme un groupe de rock’n’roll ou de progressif des Seventies mais j’aimerais capturer une partie de la magie, de l’honnêteté qu’ils avaient dans la musique à l’époque. »

Est-ce que la complexité vocale sera reproductible en concert ?

On verra. J’espère qu’on arrivera à en faire une partie. A vrai dire, c’est probablement plus compliqué en ce qui concerne les guitares parce qu’il y a parfois quatre lignes de guitare différentes, donc c’est plus complexe. Mais, en même temps, j’ai toujours considéré le live et le studio comme deux mondes différents. Je veux dire, c’est différent de faire un concert ou une répète, et être en studio ça n’a rien à voir. Ce n’est donc pas notre plus grand but de reproduire le son de l’album sur scène. Il faut que ça sonne, bien sûr, il faut qu’on fasse un bon concert et il faut pouvoir reconnaître les morceaux et tout ça mais ça ne doit pas forcément être la copie conforme de l’album parce que c’est une situation différente, peut-être que tu veux souligner des éléments différents. Les concerts sont généralement des concerts de rock [rires]. Et en concert de rock, on fait généralement plus attention aux guitares. Donc, peut-être qu’on fait plus attention aux guitares en concert et peut-être que certaines lignes de synthé seront donc un peu plus épurées, par exemple. Je ne sais pas si un album live de Borknagar a besoin de sonner exactement comme l’album studio. Je pense qu’un artiste comme Bob Dylan est un très bon exemple de ça. Il fait une version sur l’album et une version en concert. Bien sûr, ça peut être un peu déstabilisant quand on fait tout ça mais je pense qu’on devrait pouvoir se permettre de penser, réagir et s’adapter à des environnements si différents. Donc ouais ! Ça va sonner quoi qu’il arrive !

La chanson « The Beauty Of Dead Cities » a un feeling très années 70. Est-ce quelque chose que Vortex a amené avec lui ? Parce que je sais qu’il aime beaucoup le rock des Seventies qui a influencé certains morceaux de son album solo…

Il y a longtemps, quand il était dans le groupe et qu’on faisait The Archaic Course, c’était un des mecs qui a vraiment introduit l’approche des années 70 dans notre musique. Depuis, on a plus ou moins continué avec ça. C’est plus évident dans certains albums que dans d’autres mais le feeling des Seventies a toujours été un élément très important de notre musique. Parce que, rien qu’en pensant à moi-même, mon père avait une énorme collection de vinyles quand j’étais un gosse et j’écoutais toutes les vieilles valeurs sûres comme Black Sabbath, Led Zeppelin, Steppenwolf et tout ça. Toute l’atmosphère des Seventies, l’honnêteté de la musique, est quelque chose que j’ai toujours adoré. Je voulais vraiment incorporer ça à notre musique. Je ne veux pas particulièrement sonner comme un groupe de rock’n’roll ou de progressif des Seventies mais j’aimerais capturer une partie de la magie, de l’honnêteté qu’ils avaient dans la musique à l’époque. Je pense que ça colle très bien avec l’approche musicale de Simen. Je crois que ça a été amplifié par son retour dans le groupe bien sûr, mais d’un autre côté c’est Lars, notre synthétiste, qui a écrit cette chanson et il écoute également beaucoup de musique des années 70. Je pense qu’on a tous en commun le fait d’apprécier de la vieille musique et l’honnêteté qu’il y a dedans, la pureté de la musique de l’époque. On essaie toujours de l’intégrer à notre musique, d’une façon plus ou moins grande, mais je pense être d’accord avec toi pour dire que « The Beauty Of Dead Cities » est une idée brillante… En fait, certains disent qu’elle leur rappelle les Beatles, ce qui est plutôt cool. [rires]

Tu aimes bien les Beatles ?

Certains morceaux sont bons, je pense que le groupe était génial musicalement, certainement. Ils étaient parmi les plus grands compositeurs de leur temps. Le talent musical qu’ils avaient est génial, bien sûr. J’admire certains des morceaux qu’ils ont faits mais je ne peux pas dire que je suis un énorme fan. C’est un groupe cool, bien entendu.

Comme je le disais plus tôt, la musique du groupe a atteint avec Urd un haut niveau de richesse et de complexité. Est-ce que ça vous laisse de la place pour vous améliorer ou évoluer ?

J’espère bien ! [rires] Oui. Tu sais, j’ai eu la même chose avec chaque album, je me disais : « OK, et maintenant ? ». Je suis très content de chaque album qu’on a fait. Ça fait partie de l’excitation d’être musicien, de faire partie d’un groupe et de faire des albums. Je suis à peu près certain qu’on se surpassera sur le prochain album. On a déjà commencé à composer des morceaux et je suis sûr qu’il sera vraiment génial. C’est donc un peu un défi qu’on se lance à nous-mêmes. Donc, oui, je pense que le prochain album sera aussi bon que celui-ci, certainement.

En octobre dernier, David Kinkale a quitté Borknagar pour Soulfly. C’est surprenant car, si on se fie à ses dires plus tôt dans l’année, il semblait aussi motivé que les autres membres de Borknagar et il avait même déménagé en Norvège pour se concentrer sur le groupe. Penses-tu que l’argent qu’il pouvait se faire avec Soulfly l’a emporté sur son ambition créative ? Je ne dis pas ça de façon péjorative parce que je comprends que ça devient de plus en plus difficile pour les musiciens de vivre de leur art ces temps ci…

Non, tu sais, c’était un peu compliqué et il y a des choses dont je n’ai vraiment pas trop envie de parler, c’est assez personnel. Mais avant tout, il y a une grosse différence culturelle entre les Norvégiens et les Américains, dans notre rapport aux choses et dans notre façon de parler et même de penser. Ce sont deux cultures différentes. La vérité est qu’on l’a viré du groupe car il ne s’en sortait plus. C’est devenu impossible de travailler en tant que groupe avec un batteur américain, c’est venu au point où ça ne marchait pas comme on l’aurait voulu. Il a essayé de s’installer en Norvège mais il a eu beaucoup de problèmes d’immigration, etc. Tu sais, c’est une longue histoire mais ça n’a pas marché à cause de tous les trucs politiques qui se passent. S’il avait été européen, ça aurait été beaucoup plus facile. Au bout du compte, les choses sont devenues très difficiles, de travailler avec lui mais aussi tout simplement qu’il vienne en Norvège et qu’il y reste. Donc, on a plus ou moins perdu espoir, il n’y avait rien de personnel, vraiment, mais nous avons fini par faire face à la réalité et nous avons dit que nous ne pouvions plus travailler comme ça. C’était une décision amicale et mutuelle, je pense. Lorsqu’il est rentré dans Soulfly nous avons décidé de tirer un trait là-dessus. Donc ce n’est pas qu’il a commencé à s’impliquer de plus en plus dans Soulfly et a fini par quitter le groupe, ce n’est pas comme ça que ça s’est passé. Mais c’est devenu très difficile pour nous de continuer. Cela dit, c’est quelqu’un de génial et on lui souhaite beaucoup de bonheur dans Soulfly.

Avez-vous trouvé un remplaçant ?

Oh oui !

Qui est-ce ?

On ne l’a pas annoncé officiellement mais ce n’est plus un secret à vrai dire. C’est un batteur norvégien très jeune et extrêmement talentueux. Ça faisait quelques mois qu’on gardait un œil sur lui. Il a fait la batterie sur ICS Vortex et il a fait une reprise d’une chanson de Metallica pour Metal Hammer en septembre dernier ou quelque chose comme ça. C’est donc le nouveau batteur de Borknagar, il s’appelle Baard Kolstad. Il est beaucoup plus jeune que nous mais c’est quand même un musicien brillant et il a un jeu vraiment unique. Il deviendra certainement une star dans le monde de la batterie. Donc, on lui a parlé, il était motivé et passionné et tout, c’est super.

Avez-vous envisagé de reprendre Asgeir Mickelson dans le groupe à un moment donné ?

Non. Lorsque nous nous sommes séparés en… je ne sais pas… il y a longtemps… Je pense que c’était réciproque lorsqu’on s’est dit que c’était fini. Parce que nous avons des idées musicales et des goûts trop différents. Nous sommes simplement arrivés au point où c’était vraiment fini. C’est toujours un bon ami et je lui parle toujours, il n’y a pas de problème entre nous, il nous a aidé avec le chant et tout sur le nouvel album. Il n’y a donc pas de problème, vraiment. Mais nous étions tout simplement arrivés à un point où on s’est rendu compte qu’on ne partageait pas les mêmes buts et aucun de nous ne voulait faire de compromis. Par conséquent, Asgeir et moi nous disputions beaucoup : je ne voulais pas faire ceci ou cela, lui ne voulait pas faire autre chose. C’est la réalité des choses et il faut faire avec. C’est un bon ami mais ce n’est vraiment pas envisageable.

Interview réalisée le lundi 20 février 2012 par téléphone
Retranscription et traduction : Stan

Site Internet de Borknagar : www.borknagar.com
Album de Borknagar : Urd, sortie le 26 mars 2012



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