BPMD va faire sourire : il s’ajoute à la longue liste de projets de Mike Portnoy qui prend l’allure d’un super-groupe. Le nom de la formation est issu des initiales de ses membres : Bobby Blitz d’Overkill au chant, Mike Portnoy (The Winery Dogs, Sons Of Apollo, Metal Allegiance, Transatlantic, ex-Dream Theater…) à la batterie, Mark Menghi (Metal Allegiance) à la basse et Phil Demmel (Vio-lence, ex-Machine Head) à la guitare. Avec American Made, premier album du quatuor, BPMD se distingue cependant des autres projets de ses musiciens : il veut reprendre des classiques du rock américain des années 70 à la sauce heavy. Une idée qu’a insufflée le fils de huit ans de Mark Menghi. BPMD n’est pas à prendre au sérieux : il s’agit avant tout d’une cour de récréation (les quatre ont travaillé ensemble sur Metal Allegiance) et d’un hommage. Il est aussi une réaction bénigne au paradigme de la musique contemporaine centrée sur l’EDM, les difformités issues du rap et la pop standardisée. Sans être réactionnaire, BPMD est un rappel d’une culture qui rend fiers ceux qui la représentent et qu’une génération ne connaît plus.
Il n’y a pas de coups d’éclat sur cet opus : BPMD se montre même plutôt studieux, évidemment appliqué à respecter les œuvres originales. Plus que l’interprétation, ce sont les caractéristiques des membres de BPMD qui intriguent, à commencer par le timbre aigu de Bobby Blitz. Son extravagance lui permet d’introduire avec fougue la formation, singeant à sa manière le bagou de Ted Nugent, avant de s’illustrer sur la reprise de « Wang Dang Sweet Pontang ». L’énergie reste la même, avec des arrangements de voix similaires sur le refrain qui rappelle le timbre aigu de l’original. Le solo de Demmel reprend une amorce similaire. Dans l’ensemble BPMD se contente de muscler l’interprétation originale. La recette prend davantage sur « Toys In The Attic » d’Aerosmith pour peu que l’on tolère l’interprétation nasillarde de Bobby. Le travail d’arrangement est plus impressionnant sur « Evil » d’Howlin’ Wolf, bien loin de l’original ou de la reprise proprette de Greta Van Fleet. BPMD réussit à proposer une véritable relecture du classique, qui montre la pertinence de son entreprise quand elle fonctionne : un relooking heavy qui reprend l’essence de l’original sans avoir l’air d’une redite inutile. Le hard rock de « Beer Drinkers & Hell Raisers », composition de ZZ Top, accentue la lourdeur du groove sans pour autant vraiment rafraîchir la première version. Le titre a son efficacité, tout comme en 1973…
En réalité, BPMD se montre plus convaincant lorsque l’écart avec l’œuvre originale est important. « Saturday Night Special » version BPMD a son propre charme via un riffing plus acéré, ne capitalisant pas seulement sur l’excellent songwriting de Lynyrd Skynyrd, tout comme « Walk Away » de James Gang. « Tattoo Vampire », et son introduction aux toms, prouve qu’avec des arrangements plus audacieux et une prise de liberté, BPMD accroît l’efficacité de ses reprises. Le jeu de comparaison entre le titre de Blue Oyster Cult et sa revisite survitaminée en devient amusant. Lorsque le calque est trop précis, à l’instar de « D.O.A. » de Van Halen, l’œuvre de BPMD devient anecdotique et l’auditeur pourra se rabattre seulement sur la prestation de Bobby Blitz qui accomplit un vrai travail de réinterprétation. De plus, n’est pas Eddie Van Halen qui veut : Phil Demmel, avec un son rachitique et quelque peu brouillon, s’y brûle les ailes. BPMD conclut son petit jeu par la fibre patriotique : « We’re An American Band » de Grand Funk Railroad. L’allure de rock FM que confère BPMD à la composition la dépoussière complètement. Encore une fois : l’art de la reprise est un dosage entre la personnalité de l’interprète et les forces de l’original.
Le projet de BPMD laisse une impression mitigée. Son intérêt premier réside dans le rappel des classiques qu’elle propose et une forme de bonhomie qui se dégage de l’opus. Le groupe veut se faire plaisir et le communique aisément. Il est pourtant trop sage trop souvent. Lorsque le parallèle est évident, BPMD peine à intéresser et nous incite malgré lui à retourner aux interprétations originales qui ne sont pas forcément moins « heavy »… C’est lorsque son travail de reprise implique un changement de registre que la formule prend. Sans cela, c’est une pauvre répétition qui ne fait qu’éveiller ou raviver légèrement une curiosité quant à ces monuments des années 70.
Clip vidéo de la chanson « Evil » :
Clip vidéo de la chanson « Toys In The Attic » :
Album American Made, sortie le 12 juin 2020 via Napalm Records. Disponible à l’achat ici