Même quand on est un musicien hyper-expérimenté avec une carrière de plusieurs décennies, on peut encore avoir des plaisirs simples à partager, comme jammer et faire des reprises de morceaux qu’on « kiffe » entre potes. Même quand on s’appelle Bobby « Blitz » Ellsworth (Overkill), Mike Portnoy (Sons Of Apollo, Winery Dogs, Transatlantic, ex-Dream Theater), Phil Demmel (Vio-lence, ex-Machine Head) et Mark Menghi (Metal Allegiance). Quelque part, c’est rassurant : ça démontre que les fondements par lesquels tout musicien novice passe avec son premier groupe ne disparaissent pas et peuvent aller jusqu’à raviver le goût de l’apprentissage.
Pour BPMD – initiales des noms des quatre musiciens susmentionnés – c’est aussi l’occasion de donner un coup de boost à des classiques du rock américain des années 70 et de les faire découvrir aux jeunes générations grâce à ce premier album American Made. Nous en parlons ci-après avec le bassiste Mark Menghi, initiateur du projet tout comme il l’avait été pour Metal Allegiance, et le guitariste Phil Demmel qui, après un moment de doute suite à son départ de Machine Head, a retrouvé toute son assurance, notamment grâce à BPMD. Les deux musiciens nous donnent également, à la fin, quelques nouvelles de Metal Allegiance et du fraîchement reformé Vio-lence.
« J’ai quitté Machine Head avec un gros manque d’assurance, je doutais de moi, de mon jeu et de ma place dans l’industrie. […] Cet appel que j’ai reçu de Mark était très gratifiant, en ce sens, genre : ‘Eh, tu es aimé et tu es bon !’ [petits rires]. »
Radio Metal : Mark, tout comme le projet Metal Allegiance, BPMD est un groupe formé à ton initiative. Quel a été ton cheminement de pensée pour créer un super-groupe de reprises ?
Mark Menghi (basse) : C’est une excellente question ! [Rires] Ce n’était pas mon intention, pour être honnête avec toi. L’été dernier, je traînais dans mon jardin avec mes enfants, je me détendais près du feu et « Saturday Night Special » est passé à la radio ou dans la playlist que j’écoutais. Mon fils a trouvé que ce serait une bonne idée que nous jouions cette chanson, et quand je dis « nous », je crois qu’il pensait à Metal Allegiance, ce qui dans mon esprit n’aurait pas fonctionné. J’ai commencé à entendre des parties de guitare, des parties de batterie, des phrasés, des motifs et toutes sortes de choses dans ma tête. J’ai appelé Bobby… Bobby et moi sommes connus pour nous moquer l’un de l’autre, c’est un euphémisme [petits rires]. Je lui ai demandé : « Que dirais-tu de faire quelque chose comme ça ? » et il était partant. Nous avons contacté Portnoy parce qu’évidemment j’ai travaillé avec lui dans Metal Allegiance. Ensuite, en tout cas dans mon esprit, Phil était le guitariste parce que c’était le gars qui, selon moi, était capable non seulement d’assurer ça rythmiquement mais aussi au niveau des leads. Certains de mes solos préférés de tous les temps signés Phil Demmel sont sur cet album. Voilà un peu comment le projet est né. Quelques semaines plus tard, nous étions chez Portnoy en Pennsylvanie.
Vous avez tous, d’une manière ou d’une autre, participé au projet Metal Allegiance : vois-tu BPMD comme une extension de ça ?
C’est différent. Metal Allegiance était le catalyseur pour BPMD, si tu veux. Mike et moi avons une super alchimie en studio, ceci est notre quatrième album ensemble. Je sais comment il fonctionne, il sait comment je fonctionne, et ça fonctionne, tout simplement. Bobby et moi avons une super alchimie aussi, nous avons coécrit le texte d’une chanson de Metal Allegiance ensemble, nous nous sommes bien amusés et, comme le sais Phil, nous rendons probablement les gens mal à l’aise quand nous sommes ensemble [rires]. J’ai toujours eu une super alchimie scénique avec Phil, lorsque nous jouions et jammions aux concerts de Metal Allegiance. Phil a aussi fait des solos sur notre premier album de Metal Allegiance. Metal Allegiance était le catalyseur, mais c’est un truc et un état d’esprit totalement différents. D’où la raison pour laquelle ce n’est pas Metal Allegiance. Avec Metal Allegiance, il y a d’autres membres, donc nous voulions que ça reste quelque chose à part entière.
Phil, après avoir passé toutes ces années à jouer avec Machine Head, un groupe très professionnel et ambitieux, qu’est-ce que ça fait de prendre part à un projet purement pour le fun comme celui-ci ? Est-ce que ça apporte une forme de soulagement, d’une certaine manière ?
Phil Demmel (guitare) : [Rires] J’aime la manière dont tu as formulé ça ! J’ai toujours eu une affinité pour les jams avec des gens et les reprises, c’est quelque chose que j’ai toujours beaucoup apprécié faire. C’est pourquoi lorsque Mark faisait les Metal Masters, j’ai toujours voulu en faire partie, afin de jouer des reprises avec ces mecs et jammer avec des gens. C’est ensuite que la connexion avec Metal Allegiance s’est produite. J’essaye toujours de rassembler des gens et d’enregistrer quelques reprises ici et là. Ce projet était naturel pour moi, j’ai grandi au milieu des années 70 et comme tu l’as dit, c’était purement pour le fun. Nous sommes allés chez Portnoy. Nous avons pris un vol de nuit, nous sommes arrivés le matin, nous avons fait une sieste de quelques heures et Mark m’a emmené chez Mike. Nous avons envoyé tous les morceaux et nous nous sommes éclatés, à jammer sur ces morceaux avec des gens dont nous apprécions la compagnie. Ça changeait de mes habitudes et c’était sympa.
Tu as ranimé ton premier groupe Vio-lence et maintenant tu joues des reprises de certains de tes morceaux de rock préférés avec BPMD, exactement comme le font généralement les jeunes musiciens lorsqu’ils commencent à jouer de la musique dans un groupe. Vu ce qui s’est passé ces dernières années avec Machine Head et ton départ du groupe, as-tu ressenti un besoin de trouver du réconfort dans tes racines ?
Je pense que j’ai toujours été à l’aise avec ce que j’étais. Je n’étais pas le catalyseur pour la reformation de Vio-lence, c’était vraiment l’initiative de Sean Killian. Honnêtement, je n’ai jamais cru que j’allais un jour le revoir vivant (Sean Killian a été diagnostiqué avec une cirrhose de stade quatre en 2017, NDLR). Son appel que j’ai reçu pour remonter le groupe était un vrai choc pour moi. C’était lui le catalyseur pour Vio-lence. J’ai quitté Machine Head avec un gros manque d’assurance, je doutais de moi, de mon jeu et de ma place dans l’industrie. J’ai passé une bonne année à expliquer mon histoire dans cette situation et j’ai eu l’impression d’avoir un peu franchi la limite en repensant négativement à cette époque, mais je dirais qu’à la fin de ma période avec Machine Head, je suis vraiment parti en me demandant ce que je valais. J’ai quitté Machine Head et le lendemain, j’ai reçu un appel de Kerry King pour venir remplacer Gary Holt en tournée avec Slayer. Quand tu reçois un appel comme celui-ci, ça remet pas mal de choses en place et tu retrouves ton estime de soi. De même, je pense que BPMD, vu qu’il n’y a qu’une place de guitariste et que ces gars me demandaient de prendre part à ce projet, cet appel que j’ai reçu de Mark était très gratifiant, en ce sens, genre : « Eh, tu es aimé et tu es bon ! » [petits rires].
« Je suis choqué de voir à quel point les gens connaissent mal James Gang, que des gens ne connaissent même pas ce qu’est James Gang, je n’arrivais pas à le croire. Je suis content que les gens découvrent […] de la nouvelle musique dans de la vieille musique. »
J’ai pu faire passer à la vitesse supérieure et jouer ces chansons en tant qu’unique guitariste et les enregistrer. Je n’ai pas enregistré de guitare rythmique durant les dernières années avec Machine Head. C’est Robb [Flynn] qui enregistrait toutes les guitares rythmiques et moi je faisais mes solos. C’est donc la première fois probablement en douze ans que j’enregistrais des parties rythmiques. Je ne dirais pas que c’était intimidant, mais c’était nouveau. C’était très inspirant de pouvoir balancer des rythmiques avec l’ingénieur Juan [Urteaga]. Nous avons fini par enregistrer toutes les rythmiques de l’album en un jour. Comme disais Mark, certains de mes solos préférés sont sur cet album, simplement parce que c’est très différent des solos metal que je faisais. J’ai joué tous les morceaux sur une guitare à chevalet fixe, ce que je n’avais pas fait depuis longtemps, car je suis plutôt du genre à jouer sur un Floyd Rose. Ça te pousse à aller chercher le blues en toi. Il y a beaucoup de blues dans ce type de classic rock, donc il faut aller puiser là-dedans. J’ai trouvé une part de moi qui ne s’était pas exprimée depuis longtemps. Je me suis senti très accompli et fier de ce que j’ai fait. Je dois un grand merci à Mark, Mike et Bobby pour avoir cru en moi. Nous ne reprenons pas beaucoup de trucs progressifs, super durs, mais le fait qu’ils aient voulu que je fasse partie de ce projet a été réconfortant. Désormais, je me sens mieux que jamais, plus occupé que jamais. Je suis la personne la plus heureuse et comblée que peut-être j’ai jamais été musicalement. Ma confiance en moi est plus élevée que jamais.
C’est évidemment un album de party rock, feel-good, sans prétention, mais aussi un album grâce auquel les plus jeunes peuvent découvrir certains classiques du rock. Vous sentez-vous investis d’une mission pour « éduquer » la plus jeune génération au grand rock n’ roll du passé ?
Mark : Jusqu’à ce que le premier single, « Toys In The Attic », sorte, je n’y avais jamais pensé. J’ai vu plein de commentaires de gens qui n’avaient jamais entendu la chanson originale avant. J’étais choqué, je n’arrivais pas à le croire. J’en ai d’ailleurs parlé à Portnoy et je lui ai demandé : « Est-ce que tu crois que les gens sauront qui sont James Gang, Cactus ou Mountain ? » Je m’en suis rendu compte après-coup. Notre but était juste de faire un album vraiment cool avec de la musique que nous adorons. Je suis un énorme fan de ZZ Top et de Lynyrd Skynyrd, ce qui explique pourquoi je les ai choisis, c’était pour moi quelque chose de complètement amusant et normal à faire. Maintenant, surtout avec toutes les interviews que j’ai faites, je suis choqué de voir à quel point les gens connaissent mal James Gang, que des gens ne connaissent même pas ce qu’est James Gang, je n’arrivais pas à le croire. Je suis content que les gens découvrent cette musique et peut-être qu’ils se procureront un album de James Gang, de Mountain, de Blue Öyster Cult ou je ne sais qui, et découvriront de la nouvelle musique dans de la vieille musique. C’est vraiment sympa que ça arrive.
Phil : Je trouve aussi. Bobby a choisi Mountain et Cactus. J’avais entendu Mountain mais je n’avais jamais entendu cette chanson de ma vie et je n’avais jamais entendu parler de Cactus, c’était nouveau pour moi. Donc rien qu’au sein du groupe, ça m’a ouvert les yeux sur certaines musiques. Ces gars sont tous de la côte Est, moi je suis un gamin de la côte Ouest, donc nous avons un regard différent sur les années 70 et je crois que Mark est un petit peu plus jeune. C’est super d’entendre l’interprétation d’un groupe actuel de ces vieilles chansons et de motiver les gens à aller les découvrir. Nous avons tous choisi des chansons assez heavy, il y en a deux ou trois que nous avons peut-être un peu musclées, mais elles étaient presque toutes pas mal heavy déjà au départ.
Mark : C’est marrant, avec Blue Öyster Cult, Phil a choisi « Tattoo Vampire ». Evidemment, je connaissais et j’avais déjà écouté Blue Öyster Cult, ils viennent d’ailleurs de là où je vis à Long Island, à New York. C’est l’un des groupes de Long Island avec lesquels j’ai grandi, mais je ne les écoutais pas très souvent. Ensuite, Phil a amené « Tattoo Vampire » et je n’avais vraiment jamais entendu cette chanson.
Phil : Je crois que personne ne l’avait entendue ! Je pense que j’étais le seul.
Mark : C’était un défi pour moi de l’intégrer, parce qu’en une semaine, j’ai dû non seulement l’apprendre mais aussi l’enregistrer. C’était une de ces chansons pour lesquelles j’ai dû réfléchir un peu, surtout parce que nous en avons fait une version complètement différente de l’originale. Ça m’a assurément motivé à me plonger dans la discographie de Blue Öyster Cult.
Mark, tu as expliqué que l’étincelle pour cet album est venue de ton fils. Est-ce vous éduquez vos enfants respectifs, ou bien les laissez-vous faire leurs propres choix musicaux ?
J’ai deux garçons, l’un a quatorze ans et l’autre a huit ans. Ils n’ont pas le droit de toucher la stéréo dans ma voiture ou mon camion ! [Rires] C’est strictement interdit. Ils ont donc grandi avec tout, de Motörhead, Exodus, Slayer à Stevie Wonder, Muddy Waters, ZZ Top, Lynyrd Skynyrd. Je pars dans tous les sens, mais je sais que mes enfants sont des fans obsessionnels des Beatles, tout comme moi. Ils adorent Skynyrd, ils adorent ZZ Top. J’ai emmené mon aîné voir ZZ Top il y a quelques années, où il a pu rencontrer Billy Gibbons et le groupe. Ils sont à fond là-dedans. C’est tout ce que mon plus petit écoute, il adore ce que j’écoute. Mon plus grand est plus moderne et il se fait ses propres goûts musicaux ; c’est un adolescent, donc il écoute de tout dans la musique moderne. Je ne le décourage pas parce que je me souviens quand j’étais enfant, j’avais ramené à la maison une cassette de D.R.I. et mon père l’a fracassée avec une batte de baseball. Ça ne m’a pas découragé, car je suis ressorti le lendemain pour racheter la cassette [rires]. Donc je n’essaye pas de faire ça, mais j’essaye au moins de l’encourager à écouter ce que j’écoute.
« Quand j’étais enfant, j’avais ramené à la maison une cassette de D.R.I. et mon père l’a fracassée avec une batte de baseball. Ça ne m’a pas découragé, car je suis ressorti le lendemain pour racheter la cassette [rires]. Donc je n’essaye pas de faire ça [avec mes enfants]. »
Phil : J’ai un fils de treize ans qui n’écoute pas trop de musique. Il en écoute un petit peu, mais c’est principalement du Parry Gripp [chante] : « He’s a cat, flushing the toilet, meow, he’s a cat… » et tous ces trucs idiots. Ceci dit, je l’ai mis dans une école rock, il y joue de la batterie et apprécie les classiques. Il ne touche pas à la radio, il n’est pas du genre à beaucoup écouter de musique. Mais tous les vendredis matin, quand ils étaient à l’école, j’allais avec lui à sept heures du matin. Ils ont une session de jam avec douze amplis de guitare et quatre batteurs, et ils jouent « Enter Sandman » et « 99 Luftballons », quelques morceaux de Rush, etc. C’était marrant d’aller là-bas et de jammer avec lui à l’école. Je les laisse assez libres. Quand mon petit de trois ans revient de la crèche, je ne joue pas de guitare, parce qu’il trouve que je suis trop bruyant. Je ne peux pas jouer, je dois mettre mon casque et c’est lui qui contrôle le volume. Le loup règne sur sa tanière !
Recommandez-vous aux jeunes groupes de commencer à faire des reprises afin de vraiment comprendre ce qui fait d’une bonne chanson, une bonne chanson ?
Mark : Absolument. Nous avons tous grandi en faisant ça, en tout cas pour ma part. J’ai grandi en jouant des reprises et évidemment, Metal Allegiance a démarré en tant que groupe de reprise glorifié, si tu veux. Nous jouions des reprises – seulement des reprises – et c’est ensuite que nous nous sommes concentrés sur l’écriture de notre propre musique, mais les reprises ont été le catalyseur. C’est comme ça qu’on trouve son identité. J’ai trouvé mon identité en reprenant des bassistes tels que Cliff Burton ou Geezer Butler, en apprenant leur style de musique. C’est ce qui m’a attiré à la basse et à leur musique. Il est clair que c’est important.
Pensez-vous que, même pour des musiciens très expérimentés comme vous, qui ont une belle carrière derrière eux, ce soit sain de se rappeler ces classiques et ce qui vous a poussés à avoir cette carrière à l’origine ?
Phil : J’adore les reprises. J’adore apprendre de vieux morceaux et je vois ça comme une occasion de développer ma composition, avec différents accords, phrasés et harmonies que les gens utilisent. Je fais également ça avec d’autres types de musique. J’ai un groupe de reprises constitué de potes de lycée, de ma femme et de quelques personnes qui viennent d’ici, de Dublin, en Californie. J’adore jouer des morceaux de Journey et des reprises de Bon Jovi [petits rires]. Ça me diversifie en tant que musicien.
Mark : C’est là où Phil et moi sommes différents. Quand il dit « Bon Jovi », je vais dans la direction opposée ! [Rires]
Phil : Pourtant, tu vas taper du pied et chanter ! [Rires]
Mark : L’enregistrement de cet album de BPMD me fait réaliser que je voulais apprendre plus. Il a fallu que je change mon style de jeu pour cet album, il a au moins fallu que je comprenne quelques trucs, je voulais conserver cette approche années 70. Après avoir fait cet album, j’ai contacté Billy Sheehan – le grand Billy Sheehan – pour voir si ça l’intéressait de me donner des cours spirituels et techniques hebdomadaires pour m’améliorer en tant que musicien. Je m’en suis rendu compte après les sessions de BPMD, j’ai voulu en apprendre plus, être une sorte d’éponge et continuer à apprendre. Encore une fois, les reprises en ont été le catalyseur.
En tant que bassiste et producteur, Bobby t’a qualifié de « police du groove » : comment ces gars expérimentés réagissaient à la « police du groove » ?
Même dans Metal Allegiance, quand nous écrivons, si Alex, Mike et moi, ou qui que ce soit, sommes dans la pièce… Le thrash metal est un style de musique intéressant parce que ça va vite, c’est rapide, c’est thrash, c’est ce que c’est, mais si tu écoutes les vieux albums de Metallica, Bonded By Blood d’Exodus, Slayer ou même Vio-lence, il y a du groove aussi. Il y a certaines chansons qu’on ne peut pas faire groover, c’est juste rapide, rentre-dedans, mais j’aime qu’il y ait du groove entremêlé là-dedans. J’ai d’ailleurs appris ça de Cliff Burton. Si tu écoutes un grand nombre de ses chansons et son jeu de basse, le mec part dans tous les sens, il balançait ses cheveux et groovait en même temps. Même si c’était rapide, il y avait quand même du groove. C’est également ce que je recherche : « Est-ce qu’on peut secouer la tête ? Même si c’est rapide, est-ce qu’on retrouve quand même ce swing et ce groove ? » Je me souviens en studio, quand nous étions chez Mike à faire ça, nous faisions différents trucs et différentes prises, à trouver différents rythmes pour nous assurer que le groove restait intact. C’est super important pour ces chansons des années 70, car chacune d’entre elles a son propre groove caractéristique.
« Après avoir fait cet album, j’ai contacté Billy Sheehan – le grand Billy Sheehan – pour voir si ça l’intéressait de me donner des cours spirituels et techniques hebdomadaires pour m’améliorer en tant que musicien. Je m’en suis rendu compte après les sessions de BPMD, j’ai voulu en apprendre plus. »
D’un autre côté, Mike Portnoy est un batteur qui a beaucoup de groove, et même Bobby est un chanteur qui sait groover. Y a-t-il eu des moments où tu avais l’impression qu’ils manquaient de groove et où tu as dû, pour ainsi dire, les rappeler à l’ordre ?
Non, je n’ai jamais ressenti ça. L’alchimie était géniale, en tout cas pour ma part. Je racontais justement à Bobby tout à l’heure, durant la dernière interview que j’ai faite, que c’était rafraîchissant de voir l’enthousiasme de Phil, de le voir jouer ces chansons. Phil avait tout le temps un sourire sur le visage, il était debout, il allait voir Portnoy dans sa pièce où il joue la batterie, ils s’éclataient et se complétaient l’un et l’autre. Je crois que c’est la première fois qu’ils travaillaient ensemble en studio et dans un tel environnement créatif. Ce feeling s’est retrouvé sur le disque. Pendant ce temps, je me souviens que Bobby et moi étions assis sur le canapé, en train de nous dire à quel point l’alchimie fonctionnait et comme tout collait bien. Pendant que nous enregistrions les différentes parties de guitare, de basse et de chant, on pouvait voir les fondations de la maison commencer à se mettre en place. Nous nous disions : « Ouah, c’est super, ça marche bien ! » Tous les quatre, nous avons apporté nos propres spécialités identifiables à ces chansons, ce qui est génial. C’est génial de voir ce que Mike, Phil et Bobby font. Il n’y avait aucune dispute – pas que je me souvienne – au sujet du groove, du tempo ou des bpm, ou quoi que ce soit. Je ne sais pas si les souvenirs de Phil sont différents…
Phil : Non, j’étais à fond dans l’ambiance. Tu étais là : « Je vais m’asseoir, c’est mon coin, c’est là que j’enregistre. » Mais moi je ne peux pas enregistrer assis, à moins d’avoir envie d’un peu plus de confort pour une situation donnée. Mais c’était la première fois que nous jouions ces chansons ensemble, donc j’étais debout et Mike et moi, nous nous échangions de bonnes ondes. C’est mon truc. J’aime m’impliquer à fond et ressentir la chose. Je voulais aussi pousser Mike à donner une bonne prestation, lui donner l’impression que ce n’était pas stérile et qu’il y avait un vrai feeling.
Vous dites qu’il n’y a pas eu de dispute, mais apparemment, il y a eu pas mal de raillerie… Est-ce votre manière de témoigner votre amitié ?
Je ne suis pas responsable ! Je vais laisser Mark répondre à cette question parce que c’est probablement le plus gros railleur que je connais [rires].
Mark : [Rires] Si tu veux un spectacle comique qui n’a rien à voir avec la musique, rassemble Blitz et moi dans une pièce. Nous nous marrons. Nous sommes amis, c’est comme ça que je vois les choses. Si vous ne pouvez pas vous entendre, pourquoi faire ça ? Surtout avec quelque chose d’aussi nouveau. En tout cas, je ne voudrais pas me mettre dans une situation où j’ai cette idée tout en me retrouvant coincé dans une pièce avec trois autres connards ; je ne m’infligerais jamais ça ou alors je péterais les plombs. Tous les jours, je peux compter sur Blitz pour m’envoyer un SMS se payant ma tête, se moquant de moi, et il peut compter sur moi pour lui répondre, littéralement tous les jours, mais c’est un bon esprit. Avec Mike, comme je l’ai dit plus tôt, nous en sommes à notre quatrième album. Phil a mentionné : « Mark a son coin », ce à quoi il faisait référence en disant ça, c’est que j’avais mon coin personnel sur le canapé chez Mike. Nous plaisantons, nous nous marrons et durant ces sessions, nous nous éclations, nous traînions ensemble, etc., Blitz et moi, nous nous envoyions des piques, nous buvions quelques bières, c’était juste quatre mecs faisant un album sympa.
Phil, tu as choisi « D.O.A. » de Van Halen et pour un guitariste, ce n’est pas un choix anodin. Qu’est-ce qu’Eddie Van Halen représente pour toi en tant que guitariste ? Quel impact a-t-il eu sur toi et ton jeu ?
Phil : C’était une des premières chansons à avoir été proposée. J’ai vu les échanges d’e-mails et il se trouve que Portnoy l’avait sur sa liste. C’était une des premières chansons auxquelles j’ai pensé parce qu’elle est portée par un riff heavy entraînant. En ce qui concerne Eddie, le premier album est extraordinaire, rien que les chansons, je trouvais qu’Eddie était un mec hyper-innovant. J’étais à fond sur Angus Young au tout début de cette époque quand je me suis mis à la guitare. Ensuite, peu de temps après, je me suis intéressé à Randy Rhoads. Il y avait une grosse compétition Randy versus Eddie au début des années 80, donc j’ai laissé l’adolescent en moi prendre le dessus et je me suis détourné d’Eddie Van Halen pendant un moment. Ma petite amie au lycée était amoureuse de Van Halen, donc évidemment je les détestais encore plus. Il y a eu un bref moment au milieu des années 80 où j’étais anti-Van Halen. Je l’ai beaucoup plus apprécié après. Mais le fait de reprendre une chanson, de jouer du Eddie et d’enregistrer ça sur l’album… Toutes ces chansons ont été jouées sur un chevalet fixe, sur une de mes guitares Demmelition Fury. Les deux chansons qui sont sous-accordées en Mi bémol sont « D.O.A. » et la chanson de James Gang, et je les ai jouées sur ma Demmelition Rhoads avec un Floyd.
Je crois que j’ai enregistré la plupart des chansons en deux pistes, avec la piste solo par-dessus, sauf le morceau de Van Halen. Enfin, le solo de Cactus, il n’y a qu’un guitariste et une basse derrière aussi, donc je voulais rester fidèle à ça. Sur la chanson d’Aerosmith, il y a deux guitares différentes qui jouent, mais je voulais me contenter d’une que je pourrais doublier pour la rendre plus heavy. Il y a plusieurs chansons comme ça. Quant au solo de « Wang Dang Sweet Poontang », c’était probablement mon plus gros défi. C’est Ted [Nugent] et il n’y en a pas deux comme lui. C’est un long solo – il n’y a quasiment que lui et un batteur pendant une minute –, donc il fallait que je réussisse à faire la même chose. Mais pour « D.O.A. », j’ai commencé par faire le solo séparément et je me suis dit : « Eddie aurait probablement fait ça en une prise, il faut y aller au feeling, on n’insère pas des solos de Van Halen après coup. » J’ai joué ce solo en me rapprochant pas mal de ses notes signature, mais il fallait évidemment que je joue mon propre solo, car Eddie est l’un des meilleurs au monde. C’était une prise de solo d’un bout à l’autre, ce n’était pas ma première prise, mais il n’y a qu’une prise, pour capturer le feeling. J’ai dit à Juan : « Laisse tourner l’enregistrement, je vais jouer tout d’une traite, s’il y a quelques notes loupées, on laisse le côté live. » Grand respect à Eddie pour tout ce qu’il a fait pour le monde du classic rock.
« Il y avait une grosse compétition Randy [Rhoads] versus Eddie [Van Halen] au début des années 80, donc j’ai laissé l’adolescent en moi prendre le dessus et je me suis détourné d’Eddie Van Halen pendant un moment. Ma petite amie au lycée était amoureuse de Van Halen, donc évidemment je les détestais encore plus. Il y eu un bref moment au milieu des années 80 où j’étais anti-Van Halen. Je l’ai beaucoup plus apprécié après. »
De nombreuses chansons sur cet album sont des classiques. Ce n’est pas délicat de s’attaquer à de telles reprises ?
Je pense que ça faisait partie du charme. Nous avons pu faire ça et y mettre notre patte. Je pense que c’est la raison pour laquelle, à l’origine, Mark voulait faire « Saturday Night Special ».
Mark : « Saturday Night Special » était le catalyseur. Lynyrd Skynyrd est un groupe à trois guitaristes. Comment fait-on une version différente et plus heavy avec un groupe n’ayant qu’un guitariste ? J’ai entendu ces triplets en picking descendant à la guitare rythmique dans ma tête. Je me souviens quand Phil enregistrait, je disais : « N’oublie pas, Phil ! » Je ne sais pas si tout le monde entendait ce que j’entendais mais au final, la chanson est exactement comme je l’imaginais, avec ces triplets joués par la batterie, la basse et la guitare sur les couplets, avec un côté heavy. Ensuite, il y a une chanson comme « Beer Drinkers & Hell Raisers » : mon idée était de faire une version metal façon jam band, genre Grateful Dead, Allman Brothers, complètement dingue, avec des parties totalement libres… Il y a des guitares qui partent en vrille, de la batterie qui part en vrille dans une autre direction, je fais quelque chose de complètement différent et Blitz crie comme un malade sur cette chanson. Ça part dans tous les sens. C’était ma vision de ces deux morceaux de l’album.
Vous venez tous du heavy metal, et on peut clairement l’entendre dans vos interprétations de ces chansons rock. Avez-vous consciemment cherché à booster leur côté heavy ou bien est-ce que ça vient naturellement avec votre jeu ?
Nous ne pouvons pas faire autrement, c’est ce que nous sommes. Mike est Mike, Phil est Phil, Bobby est Bobby et je suis moi-même. On entendra forcément du Metallica ou Judas Priest, on entendra forcément ces influences ressortir, que ce soit dans des morceaux originaux ou dans des reprises. Comme je l’ai dit plus tôt, il a fallu que j’adapte mon style de jeu pour cet album, partant de la musique thrash rapide que je compose et joue habituellement pour aller vers le groove et le fait de tenir les basses fréquences. Sur plein de chansons, il n’y a pas de guitare rythmique et je dois remplir l’espace à ce moment-là. Je m’adaptais aux chansons, mais on retrouve quand même ces influences que nous avons tous en commun.
L’album s’appelle American Made et met l’accent sur le savoir-faire américain en matière de classic rock. Comment définiriez-vous ce savoir-faire américain ?
Phil : Je vois ces morceaux comme de la musique d’ouvrier, de classe moyenne, pour le travailleur. A quoi je pense quand je pense à cette musique ? Je pense à des voitures de course, de la bière pas chère, à construire des clôtures [rires], à tondre la pelouse, à laver notre propre voiture. Nos versions de ces chansons représentent tout ça, avec peut-être de la boisson énergisante et un petit peu de stéroïdes et d’adrénaline infusés.
De toute évidence, vous mettez en avant votre fierté d’appartenir à la scène et à la culture américaines, et c’est quelque chose de très américain, le fait de montrer sa fierté d’être américain – on ne voit pas ça dans beaucoup d’autres pays, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas fiers, simplement ils ne le revendiquent pas ouvertement. Du coup, culturellement, qu’est-ce qui pousse les Américains à vouloir revendiquer à ce point leur fierté d’être américains ?
Mark : C’est une bonne question. Je vais choisir mes mots avec beaucoup d’attention [rires]. L’Amérique est très divisée aujourd’hui : « Faisons comme si le coronavirus n’existait pas, faisons croire que l’on vit dans un monde parfaitement sain. » L’Amérique est une nation très divisée actuellement à cause de la politique. Quand j’ai écrit le dernier album de Metal Allegiance, les textes, essentiellement, renvoyaient à l’homme de classe moyenne coincé au milieu, qui essaye de savoir vers qui se tourner entre les républicains et les démocrates, les libéraux et la gauche, en étant un pion dans le système. J’ai écrit plein de paroles de Metal Allegiance sur ce sujet, le fait d’être coincé au milieu et d’essayer de vivre et survivre dans ce pays qui est si divisé. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui que nous sommes en pleine élection. Je ne vais pas rentrer dans de la politique, je n’aime vraiment pas parler de politique, mais encore une fois, il y a cette question aujourd’hui d’être coincé au milieu, à essayer de distinguer les faits et la fiction. Ensuite, tu ajoutes la crise du Covid-19, qu’est-ce qui est réel et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Plein de gens sont malades ici à New York, où je vis. Des milliers et des milliers de gens sont morts. On a près de huit cents morts par jour ici, rien qu’à New York. Où je vis, à Long Island, rien que dans mon petit comté, il y a trente mille cas. Ça fait beaucoup, plus que la plupart des pays et où je vis, ce n’est qu’une petite partie. Encore une fois, c’est divisé. Ma vision en tant qu’Américain est que je suis patriote. J’ai un drapeau américain qui flotte dehors chez moi. J’adore mon pays, j’adore la musique, j’adore la culture, j’adore mon camion, j’adore aller à la pêche, j’adore boire de la bière, j’adore manger un hamburger, j’adore tout ça ici en Amérique. Mais d’un autre côté, je ne penche ni à gauche ni à droite, comme l’a dit Phil, je suis de la classe moyenne et j’essaye de filtrer les conneries. Pourtant, tous les Américains peuvent être d’accord pour dire que nous sommes tous très patriotiques.
« A quoi je pense quand je pense à cette musique ? Je pense à des voitures de course, de la bière pas chère, à construire des clôtures [rires], à tondre la pelouse, à laver notre propre voiture. Nos versions de ces chansons représentent tout ça, avec peut-être de la boisson énergisante et un petit peu de stéroïdes et d’adrénaline infusés. »
Phil : Je me considère toujours très chanceux que mon âme ait atterri là où elle a atterri. Un homme blanc de classe moyenne, en Californie, c’est une manière très chanceuse d’être né. J’ai eu beaucoup de privilèges et pas seulement en tant que blanc, donc je m’estime heureux, en ce sens. Je suis fier d’être américain, je suis fier d’être de la Californie, je suis fier d’être de la Californie du Nord, je suis fier d’être de Dublin, en Californie, de cette communauté et de faire partie de ma famille, de la team Demmel. Je pense que, comme partout, il y a plein d’idiots qui vivent dans ce pays. Les Américains sont tellement divisés, avec la manière dont les choses sont glorifiées ou dramatisées, tout dépend où on regarde. Je pense qu’on trouve des gens fiers d’où ils viennent dans tous les pays. Le fait que nous soyons un pays où on est libre de parler, avec notre liberté de parole, la manière dont nous sommes libres d’afficher ce que l’on ressent et autre, ça fait que l’Amérique est un gros cartoon. Comme Mark disait, je n’ai aucun penchant politique, je crois au bien chez les gens, je ne parle pas de religion ou de politique, ça me regarde, mais l’Amérique, c’est là où tout peut avoir lieu librement. J’ai un drapeau américain devant ma maison, mais en traversant mon voisinage, en allant en voiture au magasin, tu croises deux ou trois drapeaux arc-en-ciel, le drapeau de la gay pride. Ceci est le pays où tu peux brandir librement ton drapeau.
Vous avez choisi de vous concentrer sur les années 70 et seulement sur des chansons de cette décennie. Voyez-vous ça comme l’âge d’or du rock ?
Mark : Dans ce que j’aime, oui. Les années 70, pas juste en Amérique, mais probablement plus encore en Angleterre : Black Sabbath, Pink Floyd, Led Zeppelin, Deep Purple, la liste est sans fin avec tout ce qui se passait là-bas à la même période… Les Beatles, tous les albums solos des Beatles avec George Harrison et puis McCartney et Wings. Ce que l’Angleterre faisait était juste hallucinant. Comme Phil l’a dit, je suis un petit peu plus jeune, je ne suis pas né à cette époque, mais c’est ce vers quoi mon cœur se tourne quand j’écoute de la musique. Je crois que cette décennie est l’âge d’or de toute musique, partout dans le monde : en Amérique, en Angleterre, en Allemagne, partout. Je n’arrête pas d’apprendre des musiciens de cette décennie et j’ai encore beaucoup plus à apprendre d’eux [rires].
Qu’avez-vous appris de cette décennie ?
Phil : Tout était tellement organique, tout était tellement naturel. Plein de gens se contentaient de se brancher directement dans leur tête d’ampli, on entendait le son et le feeling directement de sa main, de ses doigts et de ses cordes vocales. Il fallait être bon à l’époque pour être signé, il fallait avoir du talent pour obtenir un contrat avec une maison de disque. Dans les années 80 et 90, le marché se diluait, tout le monde sortait des choses, la technologie évoluait… Alors que dans les années 70, c’était un événement de pouvoir sortir un album. Ils ont mis la barre très haut à l’époque, ce serait bien que ça redevienne comme ça.
Mark : Une chose que j’ai apprise et que je sais depuis longtemps est que lorsque ces gars faisaient des albums, il n’y avait pas de bouton « annuler » ou de « control Z ». C’était tout sur bande et si tu ne connaissais pas la satanée chanson, tu coûtais des milliers de dollars, en temps de studio et en bandes. Il fallait non seulement connaître son instrument et son art, mais il fallait aussi connaître sa musique et la connaître de plein de façons différentes. C’était une des approches avec lesquelles j’ai abordé cet album. J’utilisais la technologie moderne pour enregistrer, mais j’ai essayé de ne pas faire d’overdub, de « control Z » sur le clavier, de faire en une prise, deux prises, un peu comme l’a fait Phil avec « D.O.A. ». Eddie ne faisait pas d’overdub, il y allait à fond, une prise, d’un bout à l’autre. Non seulement j’ai appris de ce style de musique, mais c’est aussi l’une des raisons pour lesquelles j’ai contacté Billy Sheehan, pour améliorer ma connaissance et ma technique, et essayer de m’améliorer. J’apprends constamment, mais ces musiciens exceptionnels, c’étaient des machines à l’époque.
Phil, tu viens de dire qu’à l’époque, ils devaient « avoir du talent pour obtenir un contrat avec une maison de disque ». Selon toi, le talent n’est plus un prérequis pour sortir un album ?
Phil : En effet, je ne le pense pas [rires]. Le talent, c’est un point de vue, ce n’est pas totalement objectif, mais je pense clairement que la barre a été rabaissée. Je crois que Steel Panther a sorti un album qui s’appelle Lower The Bar. Je trouve que le niveau est significativement plus bas maintenant, rien que parce qu’il y a énormément de labels et d’options permettant aux gens de sortir leur musique.
Chaque musicien a choisi deux morceaux de rock des années 70 et tout le monde devait les apprendre, peu importe s’ils les aimaient ou pas. Est-il arrivé que quelqu’un ait dû enregistrer une chanson sur l’album alors qu’il ne l’aimait pas ?
[Rires] Il y a un morceau que j’aime moins que les autres. « Walk Away » – la chanson de James Gang – est celle que j’aime le moins. C’est une reprise d’une reprise. Nous en avons fait une version à la Van Halen et au final, c’est plutôt pas mal. Je ne connaissais pas le morceau de Cactus, mais en fin de compte c’est un de mes préférés. « Never In My Life » est un autre morceau qui était assez bas dans ma liste d’intérêt mais il doit y avoir vingt-cinq breaks solos dans cette chanson. Cette chanson était presque un solo d’un bout à l’autre. J’ai rajouté les solos après coup, mais nous avons laissé dérouler. Il y avait une vingtaine de breaks solos et pour la plupart, ils ont tous été faits en une prise. Il y avait tellement de solos sur cet album, c’était vraiment amusant.
« Il fallait être bon à l’époque pour être signé, il fallait avoir du talent pour obtenir un contrat avec une maison de disque. […] Dans les années 70, c’était un événement de pouvoir sortir un album. Ils ont mis la barre très haut à l’époque, ce serait bien que ça redevienne comme ça. »
BPMD sont les quatre premières lettres de vos noms respectifs : vous n’arriviez pas à trouver de nom original ou y a-t-il une raison particulière derrière ce choix ?
Mark : Je me souviens avoir suggéré plusieurs choses sur la base d’initiales, pour rester dans le thème des années 70. La première idée que j’ai eue est venue d’un groupe qui s’appelait BBA – Beck, Bogert et Appice –, ils ont fait un album ensemble dans les années 70. Il y avait aussi CSNY – Crosby, Stills, Nash and Young – et ELP – Emerson, Lake and Palmer. J’ai remarqué ce thème dans les années 70, tout le monde utilisait leurs initiales. L’idée est restée. Nous n’avons pas fait de liste de noms de groupe, nous ouvrions un dictionnaire pour trouver des mots. Blitz voulait baptiser le groupe BBDH, c’est-à-dire Bobby Blitz’s Dick Heroes [rires]. Mais il n’y a pas eu trop de réflexion derrière le nom du groupe, BPMD était juste quelque chose que nous trouvions à peu près correct.
Ce groupe va-t-il rester un groupe de reprises ou bien pensez-vous qu’il pourrait évoluer et devenir un groupe « normal » qui joue des chansons originales ?
Tout le monde pose cette question ! [Rires] Je réponds toujours de la même façon : l’avenir nous le dira. Plus tôt, quelqu’un a demandé : « Quand vous étiez rassemblés dans une pièce, n’aviez-vous pas tendance à vouloir jammer et voir ce qui se passerait ? » Je n’y ai jamais pensé ; nous n’avions pas le temps d’y penser. Nous sommes arrivés, nous savions ce que nous voulions faire et nous avons passé tout notre temps à arranger ces chansons. Ecrire de la musique originale ? Il est clair que nous avons l’alchimie, on ne peut le nier, nous avons tous joué en live ensemble, nous avons tous écrit ensemble d’une manière ou d’une autre… On ne sait jamais !
Mark, as-tu prévu un troisième album de Metal Allegiance ?
Oui ! Nous avons commencé à l’écrire. J’ai tout le temps du monde maintenant. Alex [Skolnick] et moi communiquons, nous échangeons des riffs et des paroles, nous profitons de notre temps pour être créatifs. Je pense qu’en ce moment, tous les musiciens jouent beaucoup plus de guitare, de basse, de batterie ou je ne sais quel instrument. J’ai commencé à mettre en place une feuille de route pour l’album, avec certaines idées ou des squelettes un peu grossiers, si tu veux.
Phil, quels sont tes plans avec Vio-lence aujourd’hui ?
Phil : Nous venons de signer chez Metal Blade. Nous allons leur donner un EP de cinq chansons, donc nous sommes sur la composition. Nous avons deux chansons qui sont géniales ! Pour l’instant, je suis super fier de ces deux chansons. La troisième ne m’a pas donné la trique que m’ont donnée les deux premières, donc il se peut que je l’abandonne. Nous avons atteint un certain niveau de trique, nous avons mis la barre en matière de trique assez haut, donc nous devons maintenir la trique bien élevée ! [Rires] J’ai aussi écrit de la musique avec Dave McClain, l’ancien batteur de Machine Head, Brandon [Schieppati] de Bleeding Through et David Ellefson de Megadeth. Nous avons trois ou quatre chansons que nous avons écrites ensemble et qui pourraient voir le jour bientôt. Plein de choses marrantes !
Comment c’était de retrouver, vingt-cinq ans plus tard, le groupe que tu as fondé quand tu étais encore un jeune musicien inexpérimenté ?
Il se trouve que je suis en train de revoir de vieilles photos de Vio-lence en ce moment, des trucs datant du milieu des années 80. J’ai une photo où on me voit marchant sur des têtes d’ampli quand nous avons ouvert pour Testament en 1988 et Chuck me regardait : « Mais qu’est-ce que t’es en train de faire, mec ? » [Petits rires] C’est vraiment excitant de pouvoir refaire de la musique avec ces mecs, surtout Sean. Nous croyions qu’il était sur son lit de mort. Les gens étaient excités, nous faisons des concerts et ça marche bien. Les gens qui n’ont pas eu la chance de nous voir à l’époque peuvent nous voir maintenant. Je n’ai pas l’impression que nous fassions une reformation de vieux types qui montent sur scène et font semblant pour avoir un chèque. Je trouve que notre groupe assure en live, comme toujours, nous n’avons jamais eu peur de jouer avec n’importe qui. Je pense que nous nous sommes toujours défendus face à n’importe quel groupe, sur n’importe quel terrain, et c’est toujours le cas.
Mark : Je suis d’accord avec cette déclaration [rires].
Phil : Nous avons toujours été un groupe culte. Nous étions assez gros dans la baie de San Francisco mais partout ailleurs, pas tellement. Nous n’avons jamais vraiment eu la chance de promouvoir ce groupe. Nous avons d’ailleurs fait notre premier concert de l’autre côté de l’Atlantique l’été dernier. Nous n’avions jamais joué en Europe, donc c’était très excitant de pouvoir jouer dans ces endroits où nous n’avions jamais été avant.
Interview réalisée par téléphone le 12 mai 2020 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Emilie Bardalou.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Scott Diussa.
Site officiel de BPMD : www.bpmdmusic.com.
Acheter l’album American Made.