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Interview   

Buckcherry repart au combat


Ça y est, Buckcherry repart sur « le champ de bataille », mené par son leader, le frontman Josh Todd, paré de son « armure » de tatouages, pour reprendre l’analogie guerrière employée par ce dernier. Car oui, si le rock n’ roll a cette image fêtarde, d’excès et de débauche, c’est avant tout une saine compétition où chacun veut atteindre le sommet. Et tant pis pour ceux qui ne suivent pas la cadence : l’endurance, ça se gagne à l’huile de coude et avec une motivation sans faille.

Cela fait vingt ans cette année que Buckcherry a sorti son premier opus, surtout connu pour son tube « Lit Up » qui à l’époque avait envahi MTV et les radios américaines. Le guitariste et co-compositeur Keith Nelson n’aura pas été jusque-là, puisqu’il a jeté l’éponge il y a deux ans, laissant le chanteur désormais comme seul membre fondateur encore en activité aux commandes du groupe. Loin de se démonter, Josh Todd relance aujourd’hui la machine, après un détour du côté de son récent projet solo Josh Todd & The Conflict, épaulé par un de ses plus vieux amis, le guitariste Stevie D, pour nous servir aujourd’hui l’album Warpaint.

Dans l’entretien qui suit, Josh Todd fait le point sur où en est Buckcherry en 2019 et nous présente Warpaint, avec au programme la symbolique du tatouage, le fait de vivre dans l’instant présent, l’entretien de la sobriété, la capacité de rester intègre tout en faisant vivre l’ambition d’atteindre le plus grand nombre…

« C’est pour ça que j’adore être tatoué : j’ai l’impression que c’est mon armure pour affronter le monde, la société et ce genre de chose. »

Radio Metal : Warpaint est le premier album de Buckcherry en quatre ans, ce qui peut être en partie expliqué par le changement de line-up qu’a connu le groupe avec les départs de Keith Nelson et Xavier Muriel à cause de désaccords sur la direction du groupe. Tous les deux étaient dans le groupe depuis longtemps, surtout Keith, du coup qu’est-ce qui a changé pour qu’un désaccord émerge ?

Josh Todd (chant) : Pas grand-chose, en fait ! Ils sont tous les deux partis, mais il faudrait que tu leur demandes pourquoi ! Je n’ai pas vraiment discuté de leur décision, je suis passé à autre chose. Qu’est-ce qu’on peut faire ? Ils sont partis, il n’y a rien que je puisse faire. Avant le départ de Keith, ça faisait trois ans que Buckcherry n’avait plus la mentalité d’un gang. On ne s’amusait plus ! Mais désormais, c’est génial, nous nous éclatons à nouveau. Nous avons écrit un album vraiment super, nous avons composé plein de chansons pour cet album. Nous avons fait tout ce qui devait être fait pour ressusciter la marque Buckcherry et lui rendre sa grandeur. C’est ce qui est super. Et tu sais quoi ? J’ai créé ce groupe à partir de rien. J’ai commencé sur un quatre-pistes dans ma chambre il y a plus de vingt ans, donc je sais exactement ce qui nous fait vibrer, je sais exactement ce que mon implication signifie dans cette situation, et je sais exactement comment obtenir un super album de Buckcherry.

Pourquoi passé un temps vous ne vous amusiez plus ?

Il y avait un tas de facteurs, avec la vie personnelle des gens… Je ne sais pas comment ils se sentaient personnellement. Tu sais, tous les gens qui ont quitté Buckcherry n’ont pas fait grand-chose dans l’industrie de la musique en dehors de Yogi [Lonich], et Yogi était un mercenaire que nous avons embauché après avoir fait notre premier album ; il n’était même pas dans le groupe avant que l’album soit terminé, quand nous avons voulu prendre un guitariste supplémentaire, et c’est un gars qui était un mercenaire dans l’industrie depuis un certain temps. C’est donc vraiment le seul gars ayant quitté Buckcherry qui a continué à être un musicien qui tourne. Tous les autres sont partis parce qu’ils ne voulaient plus faire de musique, d’après ce que je comprends, car je ne les ai pas vus partir sur les routes faire de la musique depuis. C’est tout simplement ce qu’il s’est passé. Je veux dire que nous tournons énormément, nous avons un planning effréné, ça use les gens. Il faut être vraiment solide pour faire partie de ce groupe. C’est beaucoup de sacrifices, vis-à-vis de la vie à la maison, c’est certain.

Buckcherry a connu un certain nombre de changements de line-up au fil des années. Même Sean Winchester, de ton projet Josh Todd & The Conflict et qui a remplacé Xavier Muriel, est parti du groupe l’an dernier…

Ouais, laisse-moi clarifier quelque chose. Les gens parlent beaucoup des changements de line-up dans Buckcherry, alors qu’en fait il n’y en a pas eu tant que ça. Tous ceux qui ont quitté ce groupe sont partis d’eux-mêmes. Nous n’avons en fait viré que deux personnes, et l’une d’entre elles était effectivement Sean Winchester. Mais il n’y pas eu beaucoup de changements de line-up. Stevie est dans le groupe depuis quatorze ans, Kelly depuis huit ans ou peut-être même plus longtemps, Kevin ça fait déjà deux ans, et nous venons juste de remplacer Sean Winchester, c’est vrai. Nous avons beaucoup discuté avec le gars, et ça ne fonctionnait pas avec tout le monde ; ce n’est pas que moi, c’est juste que ça ne collait pas. Après deux ans avec le gars, nous nous sommes rendu compte que ça ne marchait pas, tout simplement.

Warpaint est la première fois où Stevie D et toi avez eu l’occasion de composer ensemble pour un album complet de Buckcherry, du coup c’était nouveau pour vous. Au final, comment était cette expérience pour tous les deux, surtout par rapport à ce que tu as connu toutes ces années à composer avec Keith Nelson ?

C’était génial ! Stevie a eu pas mal d’entraînement car nous avons écrit tout l’album de Josh Todd & The Conflict qui est sorti en 2017 ; c’est un super album que nous avons fait avant celui-ci, nous avons écrit plein de chansons ensemble pour cet album. Ça a donc déjà très bien entraîné notre muscle créatif avant d’en arriver à l’album de Buckcherry. C’était l’éclate ! Stevie et moi avons une belle alchimie pour composer les chansons. Ça fait quatorze ans que Stevie est dans le groupe mais je le connais d’avant ça encore. C’est un ami de longue date. Je l’ai rencontré quand j’avais dix-neuf ans. Je le connais depuis plus longtemps que n’importe quel musicien avec qui j’ai joué ; depuis plus longtemps que Keith ! Ce n’est donc que du plaisir et nous continuons à nous éclater. Stevie me connaît très bien. Il connaît mon background, il sait d’où je viens musicalement. C’est aussi un excellent musicien. Pendant de nombreuses années, Stevie n’a vraiment pas eu l’occasion de briller dans Buckcherry en tant que compositeur, simplement à cause de notre politique sur notre façon d’écrire les chansons, du timing lorsqu’il est arrivé dans le groupe et tout ça, mais ça a changé maintenant. Désormais, c’est le bon moment. L’album reflète vraiment ça, et nous avons pris beaucoup de plaisir à écrire ces chansons ensemble. Nous avons travaillé très dur dessus. Je trouve que c’est le meilleur album depuis 15. Donc je suis surexcité à l’idée de partir sur les routes et de le présenter au public.

Comment se fait-il qu’à l’origine, tu n’aies pas fondé Buckcherry avec lui si ça fait si longtemps que vous êtes amis ?

Stevie est également un très bon chanteur, il est très juste. Quand j’ai rencontré Stevie, en fait, nous avions un gagne-pain où nous travaillions ensemble à Los Angeles ; nous étions tous les deux des musiciens qui crevaient de faim, et ensuite nous sommes devenus colocataires. Il adore Prince et il faisait de la musique dans cette veine où il chantait, jouait de la guitare et composait ses propres chansons. C’était ça qui l’intéressait à l’époque. Quand je suis arrivé à L.A., j’étais un jeune punk rockeur qui jouait dans un groupe baptisé Slamhound. Nous étions donc simplement amis, et colocataires, nous traînions tout le temps ensemble, mais nous étions dans deux styles de musique différents à l’époque. L’idée n’avait même pas été soulevée à l’époque !

« J’appelle toujours la scène “le champ de bataille”. Tu y vas et la compétition fait rage, il y a plein de groupes qui veulent être au sommet. C’est toujours une guerre là-dehors, pour se faire connaître et devenir inoubliable. »

Tu as mentionné l’album que tu as fait avec Josh Todd & The Conflict entre le précédent disque de Buckcherry et Warpaint ; c’était un album assez heavy. Et tu n’as même pas joué un seul titre de Buckcherry en live avec ce groupe. Etait-ce nécessaire pour toi, à ce stade, de t’éloigner de Buckcherry pendant un temps ?

Ouais, c’était super marrant à faire ! C’est un truc que j’adore, construire quelque chose à partir de rien. Cet album, Year Of The Tiger, est l’un des meilleurs albums que j’ai jamais écrits. Je l’adore et nous avons travaillé très dur dessus, et nous nous sommes éclatés à jouer ces chansons en live. Tu sais, c’est très facile pour moi d’écrire des chansons heavy [petits rires]. C’est très facile de faire ce type de chanson parce que ce sont mes fondations. C’est de là que je viens. Les groupes dans lesquels j’ai été avant étaient des quatuors et, putain, c’était téméraire et impitoyable. C’était complètement ça l’idée de The Conflict, mais aussi avec de la mélodie. Il y a quand même pas mal de mélodie dans l’album de The Conflict. Mais sur l’album de The Conflict, nous sommes accordés en Do sur certaines chansons, c’est pas mal heavy ! Alors que sur tous les albums de Buckcherry, je crois que l’accordage le plus bas que nous ayons c’est en Ré. Donc nous ne sommes jamais ultra-heavy avec Buckcherry, c’est plus un son rock traditionnel, c’est un peu un autre animal, nous avons toujours eu des ballades sur nos albums ; c’est plus mélodique et moins énervé. Il faut donc mettre une autre casquette quand on commence à composer des chansons pour Buckcherry. Mais ouais, c’était sain pour moi de faire ça, mec. Il faut se développer ou bien mourir ! Il faut que j’en apprenne plus sur chaque aspect de ma vie, ou alors quel intérêt ? Pourquoi même se lever le matin ?

Tu as dit plus tôt que vous aviez composé « plein de chansons » pour Warpaint, et en l’occurrence, vous êtes entrés en studio avec pas moins d’une trentaine de chansons. Comment avez-vous finalement opté pour les onze qu’on retrouve aujourd’hui sur l’album ?

Nous avons réduit ça grâce à un listing ; nous avons tous fait des listes – moi, Stevie, notre manageur et notre producteur Mike Plotnikoff. Nous nous sommes assis et avons bien écouté toutes les démos, et ensuite nous avons compilé une liste. Tout le monde avait, grosso modo, les mêmes chansons sur sa liste de dix. Ensuite, nous avons un peu discuté à la fin de deux ou trois chansons que nous voulions caser et sur lesquelles nous étions tous d’accord, et c’est tout !

L’album s’ouvre sur la chanson éponyme, qui est une chanson rock n’ roll pour faire la fête dans le pur style de Buckcherry. Tu chantes : « Je veux m’amuser en t’éclatant les tympans, continuer à balancer du rock d’un Etat à l’autre. » Est-ce que la fête rock n’ roll ne t’a jamais usé ? Est-ce toujours aussi intense qu’il y a vingt ans ?

Cette phrase en particulier parle de l’expérience live et c’est ce pour quoi je vis. J’adore ça ! J’ai toujours adoré jouer live depuis que j’ai commencé à jouer dans des soirées chez des gens quand j’étais gamin à Orange County, en Californie. C’est excitant. Ça a toujours fait partie du jeu. Donc ouais, j’adore ça. Ça n’a pas changé, ça me passionne toujours autant.

L’album s’intitule Warpaint et on ne peut s’empêcher de dresser un parallèle entre cette idée de peinture de guerre des Indiens d’Amérique et les tatouages que tu as partout sur le corps. Te sens-tu proche des Indiens d’Amérique à cet égard ?

Oui. J’adore les Indiens d’Amérique. Tu sais, ce ne sont pas que des tatouages. Les gens décorent leur corps pour tout un tas de choses dans leur vie. Chez les Indiens d’Amérique, les garçons le faisaient pour devenir des hommes, et les femmes le faisaient quand elles allaient avoir un bébé. Ça symbolise donc des événements majeurs dans la vie des gens. Quoi qu’on fasse, si on s’en va en guerre, si on va sur un terrain de football, si on monte sur scène, j’ai le sentiment que… C’est pour ça que j’adore être tatoué : j’ai l’impression que c’est mon armure pour affronter le monde, la société et ce genre de choses. J’adore le symbolisme, et c’est pourquoi nous avons choisir Warpaint comme titre.

Quand tu retires ton T-shirt sur scène et dévoile tous tes tatouages, et donc tes peintures de guerre, as-tu l’impression d’être au combat, le combat du rock n’ roll ?

Absolument ! C’est pourquoi j’appelle toujours la scène « le champ de bataille ». Tu y vas et la compétition fait rage, il y a plein de groupes qui veulent être au sommet. C’est toujours une guerre là-dehors, pour se faire connaître et devenir inoubliable, c’est certain. Il y a toujours une grande compétition entre les groupes, et c’est normal, c’est comme ça que ça doit se passer ! C’est ce qui nous motive. Il y a des compétitions entre équipes, entre groupes, entre coureurs… C’est excitant ; c’est le meilleur côté de la chose. J’aime rivaliser ! Mais ce n’est pas la raison pour laquelle je retire mon T-shirt. Je m’échauffe beaucoup ! J’ai commencé à retirer mon T-shirt quand j’étais gamin, simplement parce que je transpirais énormément et c’est quelque chose que je faisais un peu chaque soir, et puis c’est un peu devenu ma marque de fabrique [petits rires] dont tout le monde parle à chaque fois, parce que je finis toujours torse nu, mais c’est seulement parce que j’ai chaud.

Quel est le tatouage le plus important que tu aies sur ton corps ?

Probablement celui dans mon dos, le roi de cœur – le seul roi dans le jeu de cartes avec une lame qui lui traverse la tête, ça tue. Il m’a fallu longtemps pour qu’il soit terminé. Ça a été très douloureux. Mais j’adore ce qu’il symbolise dans ma vie, il possède certains de mes mots préférés – « amour » et « désir » – et il est classe à voir de loin.

« C’est dur de rester honnête avec son art, car les gens veulent s’immiscer et essayer de te changer et te façonner afin de pouvoir te vendre, et alors tu ne deviens plus qu’un produit et tu perds la notion de qui tu es. C’est quelque chose que j’ai toujours refusé. »

Il y a de toute évidence un côté très honnête dans ton approche de ce groupe mais aussi de ta façon de vivre, allant jusqu’à exposer ta vie sur ton corps. Penses-tu que ça signifie beaucoup à notre époque où tant de choses semblent n’être que façade ?

J’ai toujours envie d’être honnête avec mon art. C’est la chose à laquelle je suis dévoué depuis le premier jour. Ça m’a même desservi parfois. C’est dur de rester honnête avec son art, car les gens veulent s’immiscer et essayer de te changer et te façonner afin de pouvoir te vendre, et alors tu ne deviens plus qu’un produit et tu perds la notion de qui tu es. C’est quelque chose que j’ai toujours refusé. Ça a commencé dès le premier album : ils ont voulu sortir le single « Lit Up » et ils ont essayé de changer les paroles. Ils étaient là : « Hey, tu peux dire “I love the cold train, I love the cold train” ? » Et j’étais là : « Hein ? La chanson ne parle pas de ça, je n’ai pas envie de chanter ça. » Ils ont même essayé de me faire dire : « I love the propane. » Et j’étais là : « Wow… » J’ai dit : « Ecoutez, je vais écrire d’autres chansons et on ne sera pas obligés de sortir celle-là, parce que je n’ai pas envie… » Voilà ce que je veux dire quand je dis que ça m’a desservi, parce qu’au fil des années, j’ai parfois dû me battre contre les maisons de disques pour rester fidèle à mon art et défendre mes idéaux. Ça nous a causé beaucoup de tort du temps de l’album Time Bomb, parce qu’ils voulaient vraiment que nous fassions une reprise, or je ne voulais pas, je voulais juste écrire des chansons originales. J’ai gardé la tête haute à l’époque et ça nous a vraiment fait du mal. Avec le recul, je me dis que j’aurais probablement dû me contenter de faire une reprise…

Tu as déclaré : « Conservez votre intégrité, mais tout en plaisant aux gens. Si vous pouvez faire ça, de grandes choses peuvent se produire. » Mais n’est-ce pas une équation impossible à résoudre parfois ?

Ouais, il faut le faire avec beaucoup de précaution. Il faut emmener son intégrité avec soi. J’ai grandi depuis, tu sais, donc j’écoute les suggestions de tout le monde, du label et d’autres, et à la fois je conserve mon intégrité. En l’occurrence, il y a une chanson sur cet album qui est celle d’un compositeur extérieur. Elle s’appelle « Right Now », mais quand ils m’ont donné la chanson, elle ne s’appelait pas comme ça et j’ai réécrit tout le texte, car il fallait que je me sente attaché à la chanson, et alors c’est devenu « Right Now ». C’est une chanson que j’aime beaucoup désormais. C’est quelque chose que je n’aurais jamais fait dans le passé. Des choses comme ça ou bien mettre une reprise dans l’album. Je suis là : « D’accord, je vais le faire tant que j’aime vraiment la chanson et que je peux me l’approprier. » C’est très important pour moi parce que si je dois monter sur scène et chanter une chanson tous les soirs sans y être attaché émotionnellement, alors ça ne marchera pas.

En parlant de « Right Now », dans cette chanson tu chantes « le moment, c’est maintenant », et tu as déclaré que ton but pour cet album était de « sonner actuel. [Tu] ne voulais pas sonner rétro. » Ça a toujours été important pour toi que ton rock n’ roll soit en phase avec son époque, au lieu d’essayer de faire comme si on vivait dans un temps révolu ?

C’est très important. C’est vraiment important d’évoluer. Si on veut continuer à faire des albums, il faut faire attention à tout ça, car tout change très rapidement, non seulement la musique mais aussi la façon dont les gens obtiennent l’information, et il faut en avoir conscience si on veut en vivre. Donc ouais, c’est exactement ce que tu as dit, je voulais avoir un meilleur impact sonore. C’est pourquoi nous avons fait revenir Mike Plotnikoff au bercail. Il a produit 15 et nous avons eu beaucoup de succès avec cet album grâce à la façon dont il sonnait. Nous avons refait appel à lui pour ça et nous en avons tiré tout ce que nous voulions. C’est vraiment super !

Je sais que ta philosophie est de vivre l’instant présent. Mais est-ce seulement possible à notre époque où tout va plus vite et où il faut toujours anticiper ?

Ecoute, je n’ai pas envie de regarder en arrière. Je n’ai pas envie de me projeter et d’avoir un tas d’attentes. C’est très important de vivre là maintenant et de passer du bon temps, et c’est très dur d’entraîner ton cerveau à penser comme ça. J’y travaille tous les jours via la méditation, et grâce à ça, ma vie est bien plus agréable. Il s’agit vraiment de voir ce que tu autorises à entrer dans ton esprit au quotidien. C’est différent pour tout le monde, mais j’ai mis certaines limites aux choses que j’assimile chaque jour. Par exemple, je limite mon usage des réseaux sociaux, je ne regarde pas les infos à la télé… Il y a plein de choses que je ne fais pas parce que ce n’est pas sain pour moi, et je n’ai pas envie de les mettre dans mon esprit. J’ai envie de me remplir l’esprit d’autres choses.

Warpaint reflète en grande partie la philosophie qui t’a aidé à maintenir ta sobriété. C’est notamment ce que tu as mentionné : méditer quarante-cinq minutes par jour et se concentrer sur l’instant présent. Comment ceci t’a aidé à rester sobre pendant vingt-quatre ans ?

Tout ça joue un rôle clé. C’est l’entretien qu’il est nécessaire de faire afin de rester en marge de ce type de comportement. C’est très facile pour moi maintenant, mais il y a vingt-quatre ans, c’était très difficile. Il n’y a pas que la méditation, c’est aussi l’activité physique, tous les jours ; c’est très important pour mon esprit également. Et puis il y a le simple fait de travailler avec d’autres gens et d’aider les autres à faire ressortir leur personnalité. C’est le problème. L’alcoolisme est une maladie du moi. Quand tu te bourres la gueule, c’est la volonté qui part en vrille. Quand tu deviens sobre pour la première fois, tu es en faillite spirituelle, tu n’as aucun programme spirituel. C’est ce que tu dois changer. Le fait de boire n’est qu’un symptôme du problème.

Tu as commencé ce groupe et eu du succès alors que tu étais déjà sobre. Y a-t-il eu des moments où ta sobriété a failli céder à cause du mode de vie rock n’ roll et toutes les tentations qui vont avec ?

Bien sûr ! Il y a toujours des tentations. C’est une question d’avoir des fondations solides. J’ai travaillé très dur sur mes fondations et ma sobriété avant de partir sur les routes. Mais ouais, il y a eu des moments où j’étais fatigué, démoralisé et loin de chez moi, où le fait de boire une drogue semblait vraiment génial.

« L’alcoolisme est une maladie du moi. Quand tu te bourres la gueule, c’est la volonté qui part en vrille. Quand tu deviens sobre pour la première fois, tu es en faillite spirituelle, tu n’as aucun programme spirituel. C’est ce que tu dois changer. Le fait de boire n’est qu’un symptôme du problème. »

Toujours dans « Right Now », tu chantes : « Je le fais par amour, je le fais pour l’argent. » Est-ce une déclaration pour dire que les deux ne s’excluent pas mutuellement ?

[Rires] S’exclure mutuellement ? Non. C’est vraiment la vérité : je le fais vraiment par amour et je le fais pour l’argent. C’est mon boulot, mec, c’est mon putain de gagne-pain ! Je me casse le cul non seulement parce que j’adore faire ça, mais je travaille sur mon art et je voyage à travers le monde également pour subvenir aux besoins de ma famille. C’est tout simplement une vérité !

Pour la chanson « No Regrets », tu as songé aux albums indépendants que tu écoutais quand tu étais un jeune punk de quinze ans, et à ce que ça signifiait pour toi, ainsi qu’à tous les problèmes qu’il y avait chez toi étant gamin. Comment tout ceci a fait de toi l’homme que tu es aujourd’hui ?

Ça m’a appris comment être honnête dans mon art. C’est pourquoi j’adore ces albums. Ils n’avaient pas de grandes maisons de disques qui leur expliquaient quoi dire ou faire. Ces gamins sortaient des albums et ils disaient ce qu’ils avaient sur le cœur, le mettaient dans des chansons, et ils créaient ces sociétés secrètes qui suivaient leur groupe, achetaient leurs T-shirts… Ils mettaient en place un style de vie, rien qu’avec leurs groupes. C’était plusieurs styles de vie indépendants. J’admirais vraiment ça et j’en avais besoin, parce que j’avais plein de choses à exprimer en moi et je ne savais pas comment faire. Donc, quand j’ai été à ma première répétition de groupe dans un garage, j’ai immédiatement commencé à écrire une chanson originale. Je ne savais pas ce que je faisais mais ça s’est fait. Tout a changé pour moi ce jour-là, en cet instant. J’avais trouvé la chose qui m’a toujours rendu heureux. Mais pour ce qui est des problèmes à la maison étant gamin, ce serait une trop longue histoire ! Où est-ce que je pourrais bien commencer ? [Rires] Ecoute, ça devait arriver pour je ne sais quelle raison. C’était mon histoire et tout le monde en a une. Plein de choses se sont passées dans ma vie à l’époque. Il y avait plein de mauvaises choses et plein de bonnes choses. J’en ai tiré des leçons et ça a fait de moi l’homme que je suis aujourd’hui.

A quel point cet adolescent est toujours en toi aujourd’hui ?

Il est complètement là et je l’écoute beaucoup. C’est mon plus grand critique, ce moi adolescent, car quand j’étais gamin, je n’ai jamais suivi la majorité. Pas parce que je voulais être un rebelle, mais parce que ça ne m’intéressait pas, et je n’avais pas peur de dire : « Euh, je n’aime pas ça ! C’est nul, ça ne me branche pas. » Donc, peu importe ce que j’ai fait sur un album, si je peux me poser, l’écouter et me mettre dans l’état d’esprit de ce gosse qui avait des avis très arrêtés et est tombé dans la musique pour les bonnes raisons, si je peux être content en faisant ça, alors je sais que j’ai un bon album.

« Radio Song » est un regard introspectif envers toi-même : quel est le message de cette chanson ?

Je traversais des choses difficiles, pas seulement dans ma vie professionnelle mais aussi dans ma vie personnelle. Il y avait beaucoup de tristesse parce qu’il y avait beaucoup de changements. C’est là que cette chanson est venue. En fait, j’ai écrit cette chanson sous la douche. J’ai commencé à la chanter, j’ai chanté toute la chanson sous la douche, et ensuite je l’ai enregistrée sur mon iPhone. Puis je suis descendu et j’ai écrit toutes les paroles, et c’était fini ! Je suis venu le lendemain avec Stevie, et j’ai chanté la chanson a cappella et j’ai dit : « Cherchons la tonalité. » Je voulais que ce soit notre « Purple Rain » ; c’est là-dessus que nous nous sommes concentrés quand nous avons écrit cette chanson. Pour les paroles de la chanson, j’ai dû me regarder moi et mes propres actions, comment elles ont affecté les gens dans mon entourage. C’était très important. J’ai fait de grandes avancées grâce à ça, c’est-à-dire que beaucoup de bien en est ressorti, mais il y avait aussi beaucoup de douleur.

Ecris-tu parfois délibérément des chansons pour la radio ?

Bien sûr ! Je veux dire qu’on veut que notre musique passe à la radio. Je ne suis pas rentré dans ce jeu parce que je voulais que personne n’écoute ma musique. Je veux que ce soit aussi gros que possible ! Et comment fait-on ça ? Eh bien, il faut écrire des chansons qui nous sont personnelles mais auxquelles un large groupe de gens peuvent s’identifier également. C’est tout le défi de la composition et de l’écriture de textes. Je travaille là-dessus depuis que je suis gamin !

Est-ce toujours pertinent de composer des chansons radiophoniques à notre époque, alors qu’Internet a pris le relais ?

Non, c’est toujours nécessaire. Je veux dire que ça reste très important aux Etats-Unis ; je ne sais pas comment c’est par chez toi mais… Car la radio, c’est là que les gens prennent connaissance des festivals et des concerts, et c’est là qu’ils vont pour planifier leur divertissement. Tu as donc envie d’être à la radio, tu veux figurer dans la sélection. Mais ouais, il est clair que la manière dont les gens obtiennent l’information a beaucoup changé, c’est certain. Ça n’a plus autant d’impact que par le passé mais ça reste pertinent, car c’est un autre format, c’est Spotify, Apple Music et ce genre de choses, mais ça reste un format type radio avec les playlists et toutes ces conneries. De toute façon, on en revient toujours à la même chose : une super chanson ! Une super chanson perce à travers n’importe quoi, car les gens veulent entendre une super chanson, et une fois qu’ils en ont entendu une, ils veulent l’avoir, ils veulent l’entendre, et alors ça lance le feu de forêt. Ça a toujours été comme ça.

« C’est mon plus grand critique, ce moi adolescent, car quand j’étais gamin, je n’ai jamais suivi la majorité. Pas parce que je voulais être un rebelle, mais parce que ça ne m’intéressait pas […]. Donc, peu importe ce que j’ai fait sur un album, si je peux me poser, l’écouter et me mettre dans l’état d’esprit de ce gosse [et] être content, alors je sais que j’ai un bon album. »

L’une des surprises de l’album est certainement la reprise de « Head Like A Hole » de Nine Inch Nails. C’est assez inattendu mais ça fonctionne bien. Apparemment, ça a juste été fait live en studio…

Nous étions en train de faire les idiots dans la live room où nous nous étions tous installés. Nous parlions d’idées de chansons à reprendre. C’est très important de trouver quelque chose qui fonctionne avec ma voix et il faut que je sois attaché aux paroles aussi. Donc j’ai évoqué cette chanson. Ça a toujours été une chanson qui me branchait. Même l’album, Pretty Hate Machine, je l’aimais beaucoup. Je trouvais que c’était alternatif mais il avait un côté indépendant. C’était vraiment honnête. J’adore ça, ce côté honnête. Donc nous avons jammé sur « Head Like A Hole ». Nous ne savions pas que Mike Plotnikoff, notre producteur, était en train d’enregistrer en même temps. Il a donc balancé une ébauche de mix et a dit : « Eh, les gars, venez écouter ça. » Nous étions là : « Quoi ? » Nous y avons été et avons écouté, et nous étions épatés parce que ça sonnait comme une chanson de Buckcherry. Ça sonnait comme si nous l’avions écrite et que nous jammions sur une de nos propres chansons. C’était vraiment cool, c’est ce qu’on recherche. Quand on reprend une chanson, on veut se l’approprier, et j’ai vraiment l’impression que c’est ce que nous avons fait.

Trent Reznor est clairement un de ces artistes qui ont conservé leur intégrité et n’obéissent à aucune règle. Est-ce quelqu’un que tu admires en tant qu’artiste, que tu considères être un bon exemple à suivre ?

Complètement ! Je l’admire vraiment pour ça. Je le trouve super cool. J’adore ses textes. Je suis un parolier. J’ai écrit tous les textes dans tous les albums de Buckcherry et tous les albums que j’ai jamais faits. J’adore vraiment les paroles de chansons et en particulier les siennes. Comme tu l’as dit, il a toujours campé sur ses positions et est resté fidèle à qui il était, et grâce à ça, il a un son unique qui lui est propre. Quand tu entends une chanson de Nine Inch Nails, tu sais immédiatement que c’est Nine Inch Nails. C’est ce que, je le ressens, nous avons fait avec Buckcherry au fil des années : quand tu entends Buckcherry, tu sais que c’est Buckcherry, et ça c’est dur à obtenir !

Tu as déclaré : « Je dis des grossièretés dans ma vie de tous les jours et c’est tout autour de moi, et de nous. Donc, sur cet album, j’ai regardé les textes, et si j’avais le sentiment que les jurons pouvaient être excessifs, je les changeais. Mais si c’était nécessaire, je les laissais, car, au final, il faut que j’en sois content. » Et il se trouve qu’il y a quelques années, vous aviez sorti l’EP Fuck. Qu’est-ce que les jurons signifient pour toi ?

J’ai tout fait, tu sais ! Nous avons sorti l’EP Fuck et nous aurions pu même faire un album Fuck. Je veux dire qu’il y a tellement de sens au mot « fuck » et je trouve que nous avons fait un super boulot avec ça. Nous avons aussi fait un album par le passé, All Night Long, qui était totalement clean. Donc nous avons tout fait. Je veux des défis. C’est exactement comme je l’ai dit, la citation que tu m’as lue. Je voulais m’assurer que je ne faisais pas que jurer pour jurer, pour utiliser des grossièretés, que c’était plus intelligent que ça et que c’était exactement là où il fallait que ce soit. Je pense que, quand on essaye de faire passer une émotion et qu’on emploie certains mots, le fait d’utiliser des grossièretés a nettement plus d’impact à certains endroits. Je dois dire qu’une de mes chansons de Buckcherry préférées de tous les temps est celle qui s’appelle « Somebody Fucked With Me ». Je l’adore parce qu’elle est brutalement honnête. J’adore l’interpréter en live. Je suis tellement content d’avoir écrit cette chanson, mais parfois, je l’écoute et je me dis : « Mec, c’est tellement putain de mal que c’en est vraiment bon ! » [Rires] Mais je peux comprendre pourquoi elle pourrait vraiment déranger quelqu’un.

Tu es un chanteur très rythmique, et à cet égard tu as même été jusqu’à dire que « jouer avec un batteur que [tu] aime[s] vraiment est important » pour toi. Mais comment t’es-tu construit ce style rythmique ?

Je crois que ça fait simplement partie de qui je suis. Je m’échauffe vite, j’ai une énergie débordante, et j’ai toujours été un danseur. Je dansais beaucoup quand j’étais gamin. Danser, c’est rythmique, et j’adore la batterie. Si je pouvais jouer d’un instrument vraiment bien, ce serait la batterie. Ce serait vraiment sympa de savoir bien jouer de cet instrument, car il faut bien faire marcher l’indépendance entre le cerveau droit et le cerveau gauche. J’ai beaucoup de mal à jouer de la batterie, mais j’adore danser. C’est marrant parce qu’il n’y a pas beaucoup de batteurs qui savent danser. C’est tellement bizarre ! Les batteurs ont un esprit d’ingénieur parce qu’ils font des signatures rythmiques différentes avec différentes parties de leur corps, et c’est très dur à faire. Mais ouais, c’est juste que je suis rythmique avec mes mélodies et le reste. J’écoute beaucoup d’artistes afro-américains, comme James Brown, Stevie Wonder, Prince, Michael Jackson… Ils sont très rythmiques, ils travaillent très bien avec la pulsation. Je les étudie et je les adore. Donc j’incorpore ça dans le rock n’ roll. Tous les grands frontmen du passé ont fait la même chose : Steven Tyler, Mick Jagger, etc.

Warpaint sort à l’occasion des vingt ans de votre premier album. Avec le recul, quel est ton sentiment sur celui-ci ?

C’est dur pour moi d’écouter ce premier album. Je le trouve sous-développé. J’aurais pu écrire de meilleures chansons ! Vraiment j’aurais pu, mais celles-ci sont les meilleures chansons que nous avions à l’époque. Il faut donc le prendre pour ce qu’il est. Est-ce que je trouve qu’il sonne super bien ? Je ne sais pas. Il ne sonne pas aussi bien que je pensais qu’il pouvait sonner. Mais nous n’étions pas mûrs, nous étions très jeunes, mais il a un certain charme, et je comprends pourquoi les gens l’aiment. Mais depuis, j’ai beaucoup évolué en tant que chanteur et compositeur, donc je suis content de là où j’en suis ! Ça fait vingt ans que je suis dans le business de la musique, c’est vraiment dur là-dedans. Il n’y a pas beaucoup de groupes qui ont de l’endurance. J’en suis très reconnaissant.

Quels ont été les meilleurs et pires moments dans cette carrière ?

Les hauts et les bas, quand on a beaucoup de succès et ensuite on n’en a plus, on se bat pour revenir sous le feu des projecteurs et faire que ça tourne encore. C’est toujours le défi. Je pourrais continuer à déblatérer sur ce que ça m’a apporté dans ma vie personnelle et toutes sortes de choses, mais, au bout du compte, ceci est ma passion, j’aime toujours écrire des chansons, j’adore me produire et c’est ce que j’ai choisi de faire.

Interview réalisée par téléphone le 31 janvier 2019 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel de Buckcherry : buckcherry.com

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