ENVOYEZ VOS INFOS :

CONTACT [at] RADIOMETAL [dot] FR

Interview   

Bukowski : à la vie, à la mort


Dire que la sortie du nouvel album de Bukowski a un arrière-goût amer est un euphémisme. Le décès de Julien Dottel – bassiste, hurleur, parolier et frère du frontman, Mathieu – a forcément mis un voile noir sur le sixième album des Parisiens, qui était déjà en boîte à ce moment-là. Après avoir éclairci les doutes sur la marche à suivre, Bukowski a finalement décidé d’ouvrir un nouveau chapitre et de poursuivre l’aventure, non sans bouleverser ses plans afin de rendre un vibrant hommage à son frère d’armes disparu : nouveau nom d’album – sans titre – et nouvelle pochette sur laquelle la silhouette de Julien est à l’honneur.

L’album lui-même suit l’évolution naturelle de Bukowski, c’est-à-dire avec plus d’ouverture – jusqu’à la concrétisation de l’influence hip-hop – sans pour autant trahir son identité. En d’autres termes, il s’agit de la création d’un groupe qui ne s’empêche plus rien, ou presque. Mathieu nous parle de ce disque, de l’impact de la pandémie sur celui-ci, des thématiques, mais aussi de Julien, forcément, et de famille.

« L’idée d’arrêter le groupe m’a un tout petit peu traversé l’esprit, mais j’ai vite compris qu’il ne fallait pas. Même Julien aurait été dégoûté de savoir que le groupe s’arrêterait avec lui. Nous avons donc décidé de continuer parce que c’est viscéral pour nous et ça fait vivre sa mémoire. »

Radio Metal : Tu es là pour défendre un nouvel album de Bukowski, mais forcément on va parler de Julien dont on retrouve la silhouette sur la pochette de l’album et dont la disparition est encore très récente – il y a moins d’un an. Ce n’est pas trop dur pour toi ?

Mathieu Dottel (chant & guitare) : Si, c’est toujours un peu compliqué, mais je commence à être un peu rodé, car nous avons fait une journée entière de presse qui m’a formé. Cette journée-là a été un peu dure au début, mais maintenant ça va. De toute façon, ça fait partie du jeu. C’est un peu particulier, c’est certain, mais ça va. Ça me permet d’avoir plein de choses à faire et de ne pas trop cogiter, donc c’est bien. Ça ne me pose pas de problème d’en parler.

Sans rentrer dans les détails et l’intimité, tu nous disais par le passé que Julien avait traversé pas mal d’épreuves et des périodes assez sombres, notamment à un moment donné avec l’alcool. Est-ce une issue que tu avais pu déjà craindre par le passé ?

Franchement, oui. Il a fait deux cures de désintoxe et il a fait une nouvelle rechute qui a été fatale. C’est-à-dire qu’il a fait un œdème pulmonaire fulgurant. Il n’a pas souffert. Mais c’est vrai que je me préparais au pire. Depuis trois ans, j’avais quand même très peur de ça. Malheureusement, l’histoire ne s’est pas trompée.

Sur l’album précédent, vous aviez le morceau « Idols » dans lequel vous rendiez hommage à vos idoles disparues, même si vous ne citiez pas de noms. Aujourd’hui, vois-tu ce morceau comme étant aussi adressé à Julien, quelque part ?

Complètement. C’est pour ça que je l’écoute assez souvent pour me remémorer les bons souvenirs. Il fait partie de la liste maintenant.

Est-ce que l’idée d’arrêter le groupe t’a traversé l’esprit ?

Un tout petit peu, mais j’ai vite compris qu’il ne fallait pas. Même lui n’aurait pas voulu entraîner la mort du groupe avec son décès. Nous avons donc décidé de continuer parce que c’est viscéral pour nous. En fait, il nous restait deux concerts à faire, nous avons pris un bassiste de session et nous les avons faits. Suite à ça, nous nous sommes dit que nous allions voir comment nous digérons ça, s’il y a vraiment quelque chose qui est complètement craqué au point que nous ne surmonterons pas le truc. Au final, nous nous sommes dit que ce ne sera jamais comme avant, que c’est Buko 2.0, mais que nous continuons quand même l’aventure. Et puis je pense que lui-même en serait content. Il aurait été dégoûté de savoir que le groupe s’arrêterait avec lui. Ça fait vivre sa mémoire aussi. D’autant que le bassiste est gaucher et joue sur son matériel. C’était aussi un bon copain de Julien, et Julien avait du très bon matériel, donc même s’il avait le sien, il était content de jouer sur celui de Julien. Pour la symbolique, c’est chouette. Ça fait plaisir de voir toujours ces instruments continuer à faire du bruit.

Après On The Rocks, vous accueilliez Clément Rateau à la guitare suite au départ de Fred Duquesne. Après Strangers, c’était au tour de Romain Sauvageon à la batterie d’intégrer le groupe suite au départ de Timon Stobart. Comment gardes-tu la foi en Bukowski malgré ces changements incessants ?

Oui, c’est relou ! C’est casse-couille. Je ne me pose pas trop la question. J’ai envie de continuer, donc je fais tout pour. C’est vrai que dans le Val-d’Oise, on a un bon vivier de musiciens, on est une espèce de grande famille, on se connaît un peu tous, donc c’est facile d’aller piocher chez les copains. Et c’est vrai que dans le coin, Bukowski est un groupe qui est quand même assez réputé, donc les gens sont contents d’intégrer le projet. Et puis ce line-up-là ne va vraiment pas bouger. Quand Timon s’est barré, nous n’avons pas vraiment su pourquoi. Il voulait travailler le bois dans les Cévennes, c’est son choix. Il fait des sculptures, il est dans son petit monde là-bas. C’est cool, nous avons toujours de très bonnes relations, mais ça s’est passé un peu soudainement. Je pense qu’il adore jouer et enregistrer des albums, mais les concerts et les tournées, ce n’était pas son truc, ça le fatiguait beaucoup. Nous sentions bien à la fin qu’il fallait le tirer. C’est vrai que surtout les batteurs, nous les avons enchaînés, nous en avons eu quatre ou cinq, mais je ne me pose pas la question, je me dis qu’il faut que ça continue quoi qu’il arrive. J’ai créé ce groupe-là, j’étais tellement fier de ce qui se passait que depuis, je le fais perdurer. Exister avec ce groupe, c’est vraiment un truc viscéral chez moi. C’est un trait de caractère que j’ai, en général. Quoi qu’il en soit, maintenant le line-up est stable, il ne bouge plus.

Julien a été « remplacé » par Max Müller, qui passe donc de la guitare à la basse, et avec qui Julien avait joué dans Full Throttle Baby, tandis que tu avais toi-même déjà joué avec Romain au sein de Perfecto. On avait parlé de l’idée de famille la dernière fois. C’était important que Bukowski reste en famille ?

Complètement. Déjà, par exemple, faire un casting pour avoir un mec que nous ne connaissions pas, juste parce qu’il fait bien le boulot, c’était hors de question pour moi. Je n’ai même pas voulu faire de casting. J’ai même presque forcé Max au début : « Allez, s’il te plaît, viens… » Il était gaucher et c’est vrai qu’il s’est un peu lancé dans la basse avec cette histoire. Il en jouait un petit peu avant, mais là il a été obligé de passer la cinquième, mais maintenant il y a pris goût, il adore ça. Ça lui a fait découvrir un autre truc. Il est passionné. Il s’est acheté tout un tas de matos, il est à fond, et puis il dit que quatre cordes, c’est quand même vachement mieux que six. Il trouve ça plus simple et il s’éclate ! [Rires] Mais oui, j’aime bien jouer avec des amis. Nous sommes des potes avant tout et c’est pour ça qu’il y a une bonne ambiance. C’est très familial.

« Il faut que la vie soit belle, mais elle ne l’est pas. Malheureusement, ce monde-là est de plus en plus compliqué, mais il faut réussir à trouver son équilibre là-dedans. Donc Bukowski me permet de cracher tout ce qui ne va pas. »

Julien était celui qui apportait une touche de hardcore avec son chant. Ça faisait partie de l’identité de Bukowski. Comment combler ce vide maintenant ?

Ecoute, je m’y suis mis. Avant je gueulais dans un groupe de hardcore et ça faisait un bout de temps que je ne l’avais pas fait, mais je m’y suis remis, donc je reprends un peu les rênes des cendres de Julien. Max gère aussi toutes les parties mélodiques que Julien faisait, avec une voix différente mais il chante très bien aussi. Il peut apporter les harmonies que Julien faisait et moi, je m’occupe de brailler, de hurler même. Après, Julien avait aussi une attitude scénique qui était très agressive et que je n’ai pas. Forcément, avec lui a disparu ce côté-là. Limite il insultait les gens, il disait n’importe quoi, il était complètement incontrôlable… C’est ce qui faisait son charme ! Là-dessus, je ne vais pas pouvoir l’imiter parce que je ne sais pas faire. Max, de son côté, c’est différent aussi, mais il est là, il tchatche. Il ne fait pas qu’un rôle de backing et de basse. Il se permet de parler entre les morceaux et tout, c’est bien. Je suis très fier de lui là-dessus.

La bio mentionne qu’« avec cet album éponyme, Bukowski réalise une profession de foi et célèbre autant la continuité qu’un nouveau départ ». Or je sais que tu considérais déjà l’album précédent comme un nouveau départ. As-tu l’impression que Bukowski est constamment en train d’opérer des nouveaux départs ?

C’est exactement ça ! Et c’est ce qui fait que ça rebondit tout le temps, qu’il y a toujours des challenges. Il y a toujours un truc qui fait que… Alors, pour Julien, ce n’est certainement pas ça, mais pour le reste, c’est un grain de sable dans l’engrenage qui fait qui ça nous met en porte-à-faux et nous sortons de notre zone de confort, « comment on fait pour rebondir ? ». C’est vrai que ça nous fait exister aussi. C’est un éternel nouveau départ. C’est assez particulier, mais je suis habitué maintenant. Je me dis : « Ça va être quoi le prochain ? Qu’est-ce qui va nous arriver comme galère encore ? » Nous sommes prêts. Nous l’affrontons toujours à bras-le-corps. Ça soude l’équipe et nous en ressortons toujours un petit peu plus grands, donc c’est bien.

Avec cet album éponyme, même si l’essence est bien présente, vous redéfinissez encore une fois, en partie, ce qu’est Bukowski. Est-ce que le secret de la longévité ce n’est pas justement de prendre chaque album, non pas comme son dernier, mais comme son premier ?

C’est totalement ça. A chaque fois, nous recommençons depuis le début. Nous sommes assez curieux, nous écoutons beaucoup de choses. Nous essayons de mettre tout ce que nous aimons en musique, tout en restant à peu près cohérents. Ce sont des influences qui arrivent avec le temps, nous écoutons de nouveaux groupes qui nous influencent, qui nous donnent envie de faire des choses un peu différentes. Et puis, avec le Covid-19, forcément, nous avons travaillé de manière différente, à distance, avec des programmations de batterie – nous n’avions jamais fait ça avant. Ça nous a permis d’avoir plus de temps pour détailler et faire des grands morceaux, comme « Breathin’ Underwater ». Je composais à fond et je voyageais immobile dans mon studio. Ça me permettait de m’évader alors que j’étais seul chez moi. J’aimais bien ça. C’est un petit peu l’effet Covid-19 qui fait que cet album est un petit peu différent, mais ce qui est certain, c’est que nous ne nous empêchons rien. Et par la suite, nous allons continuer à ne rien nous empêcher. Je pense que le prochain sera encore différent. Nous avons hâte de nous remettre à composer, car au final, celui-là a déjà deux ans – enfin, il a été composé il y a deux ans. Nous avons déjà un paquet de morceaux en stock pour le prochain, que nous avons composés pendant la pandémie et plus récemment – j’en ai composé un hier, par exemple.

La pandémie a donc eu un impact concret sur votre créativité…

Oui, et même bénéfique. Je sais que le premier confinement a été très bénéfique pour moi, parce que je suis un peu un ours, donc j’étais tout seul chez moi et je me suis focalisé sur diverses choses. Par exemple, je me suis remis à la peinture, chose que je n’avais pas faite depuis longtemps. Je me suis acheté du matériel, car je savais vaguement enregistrer et je me suis perfectionné là-dedans, parce que de toute façon, il le fallait. Maintenant, je me suis fait mon petit studio. Ça m’a galvanisé. C’est bizarre à dire, mais j’ai plutôt bien vécu le premier confinement – même très bien. Le deuxième, par contre, je n’avais plus rien à dire, j’avais tout fait, je me suis dit : « Oh merde, ça va être moins sympa », mais le premier a été très cool, très créatif. Le deuxième, c’était Netflix [rires].

La musique a toujours eu cette fonction d’évasion pour toi ?

Oui, mais ça a toujours été aussi un exutoire, donc des fois c’est assez sombre, alors que je suis quelqu’un de positif. Bukowski, c’est vraiment un exutoire de constat de la vie et de ce genre de chose. Il faut que la vie soit belle, mais elle ne l’est pas. Je pense qu’on est tous d’accord là-dessus. Malheureusement, ce monde-là est de plus en plus compliqué, mais il faut réussir à trouver son équilibre là-dedans. Donc Bukowski me permet de cracher tout ce qui ne va pas. Les textes sont positifs, la musique est assez sombre. C’est cette espèce de lumière au bout du tunnel. Il faut réussir à être heureux dans ce monde qui t’inflige… Là encore, la perte de mon frère, boum. Et quand tu mets les infos, tu te dis que ce n’est pas possible. Je me rappelle quand j’étais petit ou ado, c’était quand même l’opulence. Il y avait une insouciance qu’il n’y a plus du tout maintenant, et plus ça va, plus ça devient compliqué.

« Nous avons été obligés de mettre quelques morceaux de côté, parce que j’étais parti dans des trucs qui ne ressemblaient plus du tout au groupe : soit carrément trop calmes, soit trop violents. Il y avait des trucs qui allaient un peu dans le death/black, j’étais parti un peu en couille… ça aurait dérouté tout le monde. »

Tu parlais du côté bénéfique de la pandémie pour toi. D’un autre côté, Bukowski est un groupe connu pour l’intensité de ses prestations scéniques. Ça n’a pas été démoralisant de perdre tout un pan de ce qui faisait ce groupe ?

Oui. C’était horrible. Après, nous avons récupéré les concerts dernièrement, parce que nous en avons eu plein qui ont été reportés – pas annulés, heureusement. Mais oui, nous fanions un peu dans notre coin chacun, c’était un peu relou. Ceci dit, nous sommes loin d’être les seuls à avoir vécu ça comme ça. Les musiciens – et tous les artistes en général – ont pris un petit coup dans la gueule. Ça ne risque pas trop de se reproduire, je pense, on croise les doigts. Et puis comme je disais, pour le travail de groupe aussi, nous n’avions jamais fait à distance comme ça. Avec les programmations de batterie… Nous avons besoin de ressentir que tout le monde valide ensemble en répète, genre : « Ouah, il s’est passé quelque chose. » Là, nous n’avons jamais pu le faire, donc c’est vrai que c’était bizarre, mais encore une fois, nous nous sommes demandé comment faire pour transformer ça en positif. Donc ça a été, comme je t’ai dit, des périodes de création intense que nous n’avons pas le temps de faire en répétition. Il y avait quand même du bon, mais c’était assez particulier. Maintenant, nous allons même nous en servir pour maquetter beaucoup plus. C’est quand même quelque chose que nous allons refaire dans la manière de composer les choses.

La dernière fois, tu nous disais qu’il y « avait quelque chose d’un peu stoner au début et qui a disparu avec le temps ». Avec ce nouvel album, vous étendez encore vos horizons. En tant que compositeur principal, en quoi l’évolution de Bukowski suit ta propre évolution personnelle ?

Ça raconte souvent nos vies et nos expériences vécues, donc au final, il y a un lien aussi avec la musique. C’est aussi parce que j’écoute pas mal de musiques différentes et ça m’inspire. Sur le premier album, j’avais des idées en tête et sur le dernier, j’en ai d’autres. Je ne sais pas trop comment dire ça. C’est peut-être l’âge qui fait le boulot. J’étais quand même déjà pas mal éclectique au début, mais ma vision du groupe s’est sûrement ouverte. C’est surtout que je maîtrise plus de choses. C’était très in-you-face avant. Il y avait un côté presque adolescent et maintenant, c’est un peu plus réfléchi, avec une connaissance du matériel, des effets, etc. qui m’amène vers d’autres choses.

La dernière fois tu nous disais aussi : « Nous essayons de nous restreindre parfois parce que sinon ça part trop dans tous les sens, car nous écoutons vraiment de tout. » On a l’impression que vous vous restreignez de moins en moins…

Si j’ai dit ça, c’est sûrement parce que je le pensais à l’époque, mais je ne le pense plus maintenant. Après, il faut que ce soit digeste, donc c’est vrai que c’est toujours un peu compliqué. Et encore, si, je me suis un peu restreint, mais moins. Il y a quand même un équilibre fragile à respecter. Bien sûr, il y a ma voix qui fait le lien entre les albums, mais nous essayons toujours [de garder une certaine identité]. Nous savons que les gens nous aiment dans un certain style et nous aimons aussi le faire, donc nous essayons de faire un milkshake de tout ça, de nos envies du moment et de l’identité du groupe. Pour cet album, il y a des morceaux qui ne collaient pas, nous nous disions : « Non, ça ne va pas du tout. Ça ne ressemble pas du tout à ce qu’on devrait faire. » Il faut qu’il y ait quand même un lien dans les morceaux. Nous avons été obligés d’en mettre quelques-uns de côté, parce que j’étais parti dans des trucs qui ne ressemblaient plus du tout au groupe : soit carrément trop calmes, soit trop violents. Il y avait des trucs qui allaient un peu dans le death/black, j’étais parti un peu en couille… ça aurait dérouté tout le monde. Enfin, ça a dérouté tout le monde, donc j’ai dit qu’on mettait ça de côté et que je garderais ça pour un autre projet ou pour plus tard. Au bout d’un moment, les gens se diront peut-être : « On peut s’attendre à tout dans le prochain », donc je pourrai ressortir ça de la cave et ils feront partie d’un prochain album. On verra, c’est possible, pourquoi pas.

Ce sont les autres membres du groupe les juges de paix ?

Les premiers, oui. Après, il y a ma femme aussi qui a une belle oreille musicale, donc je lui fais écouter, mais c’est d’abord le groupe. J’ai un pote aussi, avec qui j’ai grandi et qui est de très bon conseil. Dès que je fais un truc, je lui fais écouter pour voir ce qu’il en pense, parce que j’estime qu’il est très objectif et qu’il a un peu les mêmes idées que moi. Il me sert pas mal de juge là-dessus.

« Jamais je ne vendrais mon âme au diable. J’ai même eu l’occasion de le faire en musique et je ne l’ai jamais fait. Je le regrette peut-être, parce que j’aurais un peu plus de pognon sur mon compte en banque, mais c’est hors de question. »

On retrouve sur le morceau « Arcus » le rappeur Wojtek. C’est drôle car lors de notre dernière interview, vu que Clément était guitariste d’un trio de hip-hop, Urban Grio, je te demandais si on pouvait s’attendre à des touches de hip-hop à l’avenir dans Bukowski…

Là, on est en plein dedans. Après, ce qu’il fait, c’est plutôt scandé, ce n’est pas vraiment rappé, mais oui, nous y voilà. Maintenant, il est très connu, mais à la base, il était cuisinier dans une salle qui s’appelle l’Observatoire. Il nous avait fait un « osso Buko », ça m’avait fait marrer et nous sommes devenus potes comme ça. Suite à ça, j’ai fait quelques petites musiques avec lui et je me suis dit pourquoi ne pas tenter le français, même si c’était risqué. C’est un mec que je respecte beaucoup aussi. Il est donc venu dans mon petit studio et nous avons fait ça pendant le confinement. Nous avions composé la musique, il a posé son texte et finalement, ça m’a influencé sur la suite, notamment le nom du morceau. Il est très grandiloquent et c’est quelqu’un qui fait des textes qui sont très durs. Je trouve que ce morceau lui ressemblait bien, je le voyais bien dessus. Et puis ne serait-ce que sur l’ambiance du début, il y avait de l’espace musical pour qu’il puisse s’exprimer. Encore une fois, c’est un copain du Val-d’Oise. Il fait partie un peu de la tribu autour de Buko.

Comme tu l’as dit, on retrouve du chant en français sur « Arcus ». J’imagine que c’était plus naturel pour Wojtek, mais penses-tu que vous pourriez davantage utiliser le français à l’avenir ?

Je ne sais pas. C’est vraiment une question que je me pose. Tout est possible. En tout cas, nous allons réessayer. Je veux voir si ça va rematcher comme ça, car sur ce coup-là, ça a vraiment matché, mais à la base, ce n’est pas une musique qui est très appropriée pour le français, je trouve, donc ce n’est pas sûr. Mais pourquoi pas. Nous allons tester, en tout cas. Je ne vais pas dire non tout de suite, mais de là à ce que ça matche encore… On verra. Nous allons maquetter. En tout cas, pour moi, chanter en français, c’est très simple, c’est super, tu ne te prends pas la tête. Et puis même au niveau de la diction, c’est assez appréciable. J’avais déjà vaguement chanté en français il y a très longtemps. C’est vraiment un autre exercice, mais ce qui est chouette, c’est que la langue française est vaste, donc tu peux t’éclater avec. Tout de suite, ça fuse, donc c’est vrai que c’est très agréable.

Toni Rizzotti d’Enhencer apparaît également sur « Vox Populi »…

Et de Perfecto aussi, avec qui je joue ce soir. Pareil, à l’époque je faisais partie de la clique Nowhere. J’avais remplacé le guitariste sur plusieurs dates et nous sommes devenus potes comme ça. Depuis, nous avons créé Perfecto. Lui était parti en Bourgogne, mais il est revenu dans le coin. Nous nous voyons très régulièrement et je lui ai proposé de remettre les gants pour brailler derrière le micro. Là aussi, le morceau lui allait bien. C’est un mec révolté et c’est un morceau qui parle, sans vraiment le dire, des pauvres et des riches, sans tomber dans le pathos du truc, et ça lui correspondait bien, donc il était très content de chanter sur ce morceau. Il est venu ici pendant le confinement et c’était chanmé. Il a fait ça en une prise. D’ailleurs, il m’énerve parce qu’il hurle avec une facilité déconcertante. Là où moi je peux vraiment me faire mal, lui c’est une espèce de cri à la Chester Bennington dans Linkin Park. Il m’a rendu jaloux ! C’est un très bon pote. Encore une fois, Bukowski, c’est une grande famille ; c’est Bukowski and friends.

Vous avez sorti dès décembre 2021 le clip du morceau « Crossroads » : avais-tu l’impression d’être à la croisée des chemins, que ce soit personnellement ou avec le groupe ?

Oui. Nous étions effectivement un peu perdus. Julien n’allait pas très bien. Nous ne savions pas trop ce qu’allait devenir la suite des événements. Après, nous avons eu la chance de signer avec le label At(h)ome et là, d’un coup, les choses sont devenues complètement concrètes. Depuis, c’est quand même très cool. Je les connaissais depuis longtemps, mais ils font un travail exemplaire sur ce dernier album. Je suis ravi d’être chez eux. Mais oui, à ce moment-là, nous étions un peu à la croisée des chemins, effectivement. Là, ça va mieux – enfin, pour le groupe. Après, le morceau, en soi, c’était un hommage à Robert Johnson. C’est l’histoire de vendre son âme au diable. C’était un guitariste qui était mauvais, et à la croisée d’un chemin, le diable lui a proposé de vendre son âme et c’est devenu un super guitariste. C’est un peu le début du black metal, au final ! [Rires] On entend justement un tout petit extrait de Robert Johnson au début du clip, qui s’appelle « Crossroad ». C’est un peu la grandiloquence du truc et un hommage à notre camarade Robert. A la base, le clip n’était pas du tout censé sortir à ce moment-là, mais il y a eu le décès de Julien et nous nous sommes sentis obligés de le sortir tout de suite pour lui rendre hommage, car c’est le dernier clip qu’il a fait, il est présent dessus.

« Quand tu as perdu ton meilleur pote et ton frère… Je me suis surpris à espérer des choses pour lesquelles, avant, j’aurais dit : ‘Mais arrête tes conneries.’ J’aime bien des fois me demander s’il nous regarde de là-haut, alors que je suis athée. En fait, ça rassure, ça fait du bien. C’est totalement paradoxal. »

Dans le clip de Crossroads on voit au début un homme à terre se relever et peindre, mais aussi en proie à des démons. Qui est cet homme pour toi, que représente-t-il ?

C’est une espèce de variation sur le mythe de Faust. C’est-à-dire le côté vendre son âme au diable, ça a du bon, mais forcément, ça se termine toujours mal. C’est un clip assez imaginé. Nous ne voulons pas rentrer dans les grosses ficelles du truc, donc nous avons essayé de poétiser un peu le bordel, mais c’est un peu un clin d’œil à Faust. Donc ce personnage représenterait Faust.

Tu disais tout à l’heure que tu t’étais remis à la peinture : te reconnais-tu, d’une façon ou d’une autre, dans cet homme ?

Complètement. C’est Zariel, notre graphiste, qui a réalisé le clip. Quand j’ai vu ça, cet atelier d’artiste, etc., je me suis revu en train de me remettre à la peinture pendant le confinement. Après, ce n’est pas moi qui ai écrit le scénario, mais ça m’a rappelé moi pendant le confinement, sans le côté Faust – tout va bien ! [Rires] Jamais je ne vendrais mon âme au diable. J’ai même eu l’occasion de le faire en musique et je ne l’ai jamais fait. Je le regrette peut-être, parce que j’aurais un peu plus de pognon sur mon compte en banque, mais c’est hors de question. Je suis quelqu’un de très carré là-dessus. J’ai été éduqué comme ça, dans une famille qui m’a appris des valeurs, donc ça n’arrivera pas.

Tu crois au diable ?

Non, je n’y crois pas. Julien aimait à y croire, mais tout ça, c’est rocambolesque. Déjà, je ne crois pas en Dieu, je suis athée total, j’ai été éduqué comme ça, donc ce serait con de croire au diable si on ne croit pas en Dieu. Je ne connais pas assez tout ça, mais non. J’aime bien l’image, ce que ça représente, mais je n’y crois pas. Je vais me faire des ennemis dans le black metal, mais bon, désolé [rires].

Tu dis être athée. Avec ce qui s’est passé avec ton frère, ça ne t’a pas amené une forme de spiritualité ?

Si, tout à fait, parce que d’un coup, j’ai eu envie de croire à des choses. Quand tu as perdu ton meilleur pote et ton frère… C’était fusionnel, nous étions quasi des jumeaux en plus. Je me suis surpris à espérer des choses pour lesquelles, avant, j’aurais dit : « Mais arrête tes conneries. » Je pense que ça reste quand même encore du folklore, mais oui, j’aime bien des fois y penser, me demander ce qu’il penserait là, est-ce qu’il nous regarde de là-haut, alors que je suis athée, je me dis : « Oh là là, mon vieux, qu’est-ce qui t’arrive ? » En fait, ça rassure, ça fait du bien. C’est totalement paradoxal.

La peinture et la musique jouent-elles chez toi des rôles différents ou est-ce que ça se rejoint ?

J’ai toujours eu les deux dans ma vie. A la base, je voulais faire du dessin et puis j’ai rencontré une guitare, j’ai pété un plomb et j’ai tout arrêté. La musique a vraiment été mon choix principal, mais ça a toujours fait partie de ma vie. Un petit peu moins ces derniers temps, donc j’étais assez ravi de retrouver la peinture. Je trouve que ça a un lien total. En tout cas, la peinture ou le dessin et la musique, ça me représente bien. Ce sont mes deux petites passions, avec la cuisine – mais ça, c’est un autre problème [rires].

Exprimes-tu les mêmes choses en peinture et en musique ?

Non, pas du tout. En peinture, je suis hyper coloré. Je fais vraiment des choses avec plein de couleurs partout, un peu psyché, rien à voir. C’est marrant, d’ailleurs. Après, Perfecto aussi, c’est beaucoup plus joyeux. C’est vraiment typiquement dans Bukowski qu’il y a cette espèce d’exutoire qui fait que c’est un peu sombre, mais sinon, j’ai tendance à être plutôt joyeux. Bukowski, c’est là que je mets en musique les choses pas cool qui se sont passées dans ma vie, donc forcément ça devient sombre et il y a des accords un peu étranges. Je galvanise tout là-dedans et après, le reste, ça va mieux. Le sombre ne m’inspire pas du tout en dessin ou en peinture. En tout cas, je n’y pense jamais. La peinture, c’est assez instinctif chez moi. A chaque fois, je ne réfléchis pas, j’improvise un peu au début et à chaque fois, ça part immédiatement dans des trucs bariolés, avec des couleurs partout.

« Je ne sais pas si tu as vu le film qui s’appelle Idiocracy, pour moi on y est vraiment, c’est incroyable. Il faut réussir à trouver sa bulle là-dedans, parce qu’il n’y a rien de bien. En tout cas, je ne me retrouve pas du tout dans ce monde. […] Le monde est beau, mais l’humain est moche. »

T’arrive-t-il de composer sur la base de visuels que tu aurais en tête et que tu transcris en musique ?

Oui. Après, les paroles, c’était Julien qui les écrivait, donc c’est encore un nouveau rôle pour moi. J’ai écrit quelques textes sur le dernier album, mais en général, je faisais la musique – c’était musique, Mathieu, et Julien, textes. Car c’était quelqu’un qui était assez brillant en langues, il maîtrisait hyper bien. C’est donc un nouveau défi que j’ai à relever, mais c’est vrai que sur les textes que j’ai écrits sur le dernier album, je les visualisais. Il y avait des couleurs… Dans ma tête, chaque morceau avait une couleur spécifique. Après, à savoir si je visualisais quelque chose de plus précis, non, c’était surtout des couleurs. C’est pour ça que sur le clip de « NCFYC », il y a trois thèmes de couleur. C’est quelque chose que j’avais demandé au réalisateur, car je les avais en tête.

« NCFYC », justement, aborde l’engrenage destructeur de l’addiction. Quel message avez-vous voulu faire passer avec ce titre ?

C’est moi qui l’ai écrit. A la base, il s’agissait de parler de toutes les addictions, globalement – ça passe par la bouffe, les réseaux sociaux, la drogue, l’alcool, etc. –, et cette espèce d’extrémisme que ça peut engendrer. Le titre, c’est l’acronyme de « No Cure For Your Condition ». Julien est mort deux mois après, donc ce morceau devient un peu spécial pour nous aussi. Je m’en souviens, je l’écrivais aussi pour lui. Il l’a compris et d’ailleurs, il est parti en cure juste après. Malheureusement, c’est suite à ça qu’il a fait une rechute.

Toi, si tu avais une addiction, ce serait quoi ?

Déjà les clopes, j’en abuse grave, il faudrait que j’arrête, et je bois un peu trop d’alcool – un peu comme beaucoup de gens dans ce milieu malheureusement. Après, ça va, ce n’est pas du tout dramatique au point d’en mourir. La musique c’est un peu viscéral aussi, mais j’estime que ce n’est pas une addiction, ou alors c’est une bonne addiction. La bouffe aussi, c’est une bonne addiction ! Hier, j’ai fait des ravioles maison à la fourme d’Ambert… J’adore et je suis à fond dedans. Ça commence à vraiment devenir une passion. Je vais déménager et je suis à deux doigts de me demander si nous n’allons pas faire un petit Airbnb où je ferais un peu de bouffe. J’ai des projets comme ça, mais en continuant la musique, bien sûr.

Dans Arcus, tu chantes : « Are you ready for the end of the world? ». Penses-tu qu’on arrive à la fin du monde ou, en tout cas, d’un monde, comme le précise justement Wojtek ?

Oui. Je ne veux pas être non plus dramatique. C’est juste un constat. Je ne sais pas si tu as vu le film qui s’appelle Idiocracy, pour moi on y est vraiment, c’est incroyable. Il faut réussir à trouver sa bulle là-dedans, parce qu’il n’y a rien de bien. En tout cas, je ne me retrouve pas du tout dans ce monde. En plus, je ne suis pas du tout réseaux sociaux. On m’a créé un Facebook, je n’y vais jamais. Je n’ai pas d’Instagram. Je suis complètement un vieil ours maintenant [rires], donc ça va trop vite pour moi et ça me fait un peu peur pour la suite. Et à la télé ce qu’ils font, en montrant aux mômes les Anges De La Téléréalité et tout, j’hallucine. Je suis dépité. C’est comment devenir con. La langue française est complexe aussi maintenant, je ne comprends plus rien. Je ne veux pas passer pour un vieux con, il faut vivre avec tout ça et le comprendre. Je comprends, j’ai un petit qui est parti à ses dix-huit ans, mais je l’ai vu grandir dans ce monde-là et c’est sûr que ça ne t’aide pas à réfléchir bien. Après, je n’ai pas envie d’être le prophète de l’apocalypse, ce n’est pas ce que je dis, mais j’ai effectivement peu d’espoir. Quand on voit aussi ce que la planète est en train de devenir… On se voile la face et on la laisse mourir gentiment. Le capitalisme aigu fait qu’on se comporte comme des porcs avec notre mère nourricière, ça fait grincer des dents. C’est dramatique. Par contre, c’est magnifique de voir chaque année au printemps les fleurs repousser ou les animaux… Le monde est beau, mais l’humain est moche.

L’album se termine sur un rire. Que représente ce rire pour toi ainsi placé en fin d’album ? Est-ce un rire nerveux ? Un rire facétieux ? Un rire jaune ?

C’est un peu tout ça, mais il apporte aussi un peu d’espoir. Il clôt le débat en disant qu’il faut quand même continuer à se marrer, parce qu’une vie, c’est tellement court qu’il faut en profiter un maximum, il faut essayer d’être au maximum heureux. C’est beaucoup plus compliqué d’être heureux que d’être triste. C’est donc un petit rire d’espoir, mais avec un fond de sarcasme dans son interprétation, car il est quand même un peu flippant. Ce n’est pas le rire le plus jovial du monde en fin d’apéro où tu es mort de rire avec tes potes.

L’album a été enregistré avec Julien. De façon générale, est-ce que son décès t’a poussé à réécrire des choses ?

Sincèrement, non. Ça n’a pas remis en question des choses. Nous avions acté le truc et je n’ai pas voulu y toucher. Je pense que c’est la manière de composer par la suite qui sera impactée par la mort de Julien.

« Je me rappelle Ice-T au Hellfest qui prend un bout de quiche lorraine et qui le recrache par terre en faisant mine que c’est dégueulasse. Il y a mon frère qui est carrément parti le voir en lui disant : ‘Eh qu’est-ce que tu fais ?! C’est de la quiche lorraine, c’est de la bouffe française, putain ! C’est bon la quiche lorraine !’ [Rires] »

A l’origine, l’album devait se nommer Arcus, avant que vous transformiez vos plans pour en faire un album éponyme et rendre hommage à Julien. Quelles étaient l’idée et la symbolique derrière ce mot, Arcus, à l’origine ?

L’arcus est un énorme nuage. On appelle ça le tsunami du ciel. C’est hyper flippant, mais ça ne fait aucun mal. C’est un nuage qu’on voit beaucoup surtout en Australie et, bizarrement, il y en a eu un à Magny-en-Vexin, juste à côté de chez moi, c’est très rare. C’est comme ça que j’ai connu ce que c’était. Je trouvais le symbole marrant : quand tu vois arriver ça, tu te dis que tu vas mourir, alors que ça ne fait rien du tout. C’était vraiment le paradoxe entre la frayeur qu’on peut avoir quand on voit ça arriver et le fait que c’est un phénomène météorologique complètement inoffensif, qui ramène juste un peu de vent. Il n’y a jamais eu un mort avec un arcus, mais on dirait vraiment que c’est la fin du monde. Ça m’a inspiré. Je trouvais que ça pouvait ressembler un peu aux metalleux, des gens qui ont l’air très méchants mais en fait ce sont des nounours, ou à d’autres choses qu’on peut craindre en première approche et après on se rend compte que ce n’est pas du tout dangereux, ni violent. On peut aussi rapprocher ça du groupe, même si notre musique n’est pas très agressive. Nous en avons parlé tous ensemble et tout le monde trouvait que ce symbole était super chouette.

D’ailleurs, il y avait carrément toute une pochette de faite : à la base, c’était un tout petit phare avec un énorme nuage qui arrive. Ça ressemblait à une peinture du début du siècle avec beaucoup de couleurs. La pochette actuelle est très noire et très simple, alors que l’ancienne était très fournie et très colorée. Notre graphiste Zariel a rebondi très rapidement, mais tout avait été fait. Si un jour nous sortons ce morceau, je pense que nous nous servirons du visuel qu’il avait fait, car c’était mortel, ce serait dommage que ça reste dans les cartons. Peut-être que nous allons faire des sérigraphies de ça sur une grosse date.

Sur la nouvelle pochette, on voit donc la silhouette de Julien avec notamment son tatouage « Metal » bien mis en évidence. Le metal était un mode de vie pour lui ?

Oui, complètement. C’était un passionné absolu et tout ce qui allait avec. Dans notre groupe de potes, c’était vraiment le king of metal. Il vivait et respirait le metal. Il écoutait de tout, jusqu’à Cannibal Corpse et Napalm Death. Il écoutait même les vieux Hed PE. Il était très ouvert. Un peu comme moi, je ne suis pas rangé dans une caste.

Vous avez découvert le metal ensemble ?

Oui. Nous sommes nés à peine à un an d’intervalle. Il est né le 15, je suis né le 16, il né en septembre, je suis né en octobre, il est né en 78, je suis né en 79, donc nous avons un an, un mois, un jour de différence. Nous sommes quasi des jumeaux et nous nous comportions comme tels. Nous faisions tout ensemble. Nous étions cul et chemise en permanence, donc nous avons tout commencé ensemble, dont la musique. Le tout premier groupe, c’était Pantera. C’était un deux-titres avec « Mouth For War ». Nous nous étions pris une grosse tarte dans la gueule. Sinon, nous venions plutôt du rock traditionnel, car mon père écoutait beaucoup de seventies et d’un coup, nous avons passé la cinquième en découvrant Pantera. Après, bien évidemment, il y a eu Metallica et la totale, tous ces groupes de référence.

La dernière fois qu’on s’est parlé, tu nous disais que vous êtes « encore restés avec cette espèce d’âme d’adolescent ». Est-ce que la disparition de ton frère change ta perspective sur la vie ? Est-ce que ça ne te fait pas rentrer dans l’âge adulte par la force des choses ?

Si, complètement. D’un coup, c’est terminé l’opulence, comme dirait Macron. C’est un gros coup de massue sur la gueule. Il faut continuer à vivre malgré tout. Je suis bien entouré, j’ai une femme qui m’aime. Heureusement, d’ailleurs. Forcément, j’ai eu une grosse phase de déprime, parce que oui, l’insouciance est un peu disparue avec la perte de Julien, mais je la retrouve gentiment et je m’organise des choses bien pour aller mieux, car sinon ça ne sert à rien. Il faut trouver les portes de sortie pour continuer à être heureux. C’est de mieux en mieux, mais c’est encore très frais, donc c’est normal que ce soit toujours un peu dur. Avec le temps, ça s’estompe forcément, je pense.

Quel souvenir garderas-tu de ton frère ?

Celui d’un mec flamboyant, très drôle, qui était vraiment très intelligent, qui ne voulait pas le montrer, mais c’était un puits de science, qui adorait les belles choses. C’était un rayon de soleil, donc j’en garde vraiment énormément de bons souvenirs. C’était quelqu’un d’assez formidable. J’ai plein de souvenirs particuliers de lui, mais par exemple, je me rappelle Ice-T au Hellfest, quand nous étions dans le village artiste, qui prend un bout de quiche lorraine et qui le recrache par terre en faisant mine que c’est dégueulasse. Il y a mon frère qui est carrément parti le voir en lui disant : « Eh qu’est-ce que tu fais ?! C’est de la quiche lorraine, c’est de la bouffe française, putain ! C’est bon la quiche lorraine ! » [Rires] Nous sommes restés sur le cul. Le gars va voir Ice-T et il lui dit ça, il n’a pas peur [rires]. Nous étions morts de rire. C’est une petite anecdote dont nous reparlons assez régulièrement, car il a fait assez fort.

Comment a réagi Ice-T ?

Je ne sais pas, il n’a pas compris, il l’a regardé comme ça : « What ? » « C’est de la quiche lorraine ! C’est français, c’est bon. » Et puis il s’est barré. Il est resté un peu circonspect. Il n’y a pas eu plus de problème que ça, mais ça nous a fait de bons souvenirs. Il ne l’a pas fait pour faire chier, mais il a trouvé ça abusé. Après, il rouspétait tout seul dans son coin : « Les Amércains, putain, c’est bon, ils cassent les couilles… » C’était drôle [rires].

Interview réalisée par téléphone le 23 septembre 2022 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Nicolas Gricourt.
Photos : Armen Balayan.

Facebook officiel de Bukowski : www.facebook.com/Bukowskitheband

Acheter l’album Bukowski.



Laisser un commentaire

  • Red Hot Chili Peppers @ Lyon
    Queens Of The Stone Age @ Lyon
    Kiss @ Lyon
    Skid Row @ Lyon
    Hollywood Vampires @ Paris
    Depeche Mode @ Lyon
    Scorpions @ Lyon
    Thundermother @ Lyon
    Ghost @ Lyon
    Spiritbox @ Lyon
    Metallica @ Saint-Denis
    previous arrow
    next arrow
     
  • 1/3