Cela va faire treize ans que les gallois de Bullet For My Valentine sont arrivés sur la scène metal de manière fracassante avec le plébiscité The Poison (2005). Depuis, le groupe a enchainé les succès sur un rythme de croisière, au moins jusqu’à Fever (2010). Justement, la volonté du groupe de sortir de sa zone de confort avait froissé certains fans qui ne se retrouvaient pas dans le mitigé Temper Temper (2013), Bullet For My Valentine s’est empressé de corriger le tir en revenant à sa formule initiale faite de mélodies heavy et de shreds avec Venom (2015). Pourquoi revenir sur la carrière bien connue du quatuor ? Parce que celle-ci prend un tournant décisif à l’occasion de la sortie de leur nouvel opus intitulé Gravity. Nouveau line-up avec l’arrivée du batteur Jason Bowld remplaçant le membre original Michael « Moose » Thomas, sans compter la première participation du bassiste Jamie Mathias à un album, et nouvelle orientation musicale. Au contraire de Temper Temper, Matt Tuck voit en Gravity l’occasion d’affirmer et d’entériner l’évolution du groupe.
Effectivement, ceux qui ont suivi Bullet For My Valentine depuis leurs débuts doivent se faire une raison. Le groupe ne souhaite pas rester figé dans un espace-temps qui ne lui appartient plus dans le seul objectif de satisfaire ses fans. Sur ce plan, difficile de blâmer Matt Tuck lorsqu’il évoque le besoin du groupe de « se revigorer ». Par ailleurs, c’est ce même Matt Tuck qui s’est réellement mis en avant dans le processus de composition via des textes directement liés à sa vie personnelle et aux évènements difficiles qu’il a traversé. Le premier constat à l’écoute de Gravity est simple : exit les soli, les démonstrations techniques et tout artifice flamboyant. Bullet For My Valentine privilégie les compositions par couches et une forme de « simplicité » apparente pour mettre davantage en valeur les refrains. Toute la démarche a été repensée, jusqu’à consulter des producteurs extérieurs au monde du metal (tel le DJ Matt Schwartze qui a travaillé avec Massive Attack). Ce recours aux inspirations de la musique électronique se perçoit notamment sur « The Very Last Time » (qui fera indéniablement jaser les puristes) reprenant quelques poncifs de l’EDM sur les gradations mélodiques. Les arrangements électroniques ne sont pas nouveaux pour Bullet For My Valentine, en revanche leur intégration et leur prégnance illustrent la nouvelle facette du groupe et ce dès l’introduction de « Leap Of Faith ». Alternance d’ambiances électro éthérées (proches de celle d’un Linkin Park) portées par la voix d’un Matt Tuck plus « sensible » et riffs rentre-dedans facilement appréhensibles, le Bullet For My Valentine 2.0 se rapproche furieusement de l’évolution de Bring Me The Horizon sur That’s The Spirit (2015) (jusque dans l’utilisation de chœurs sur « Leap Of Faith »). Il y a même une légère influence deftonienne sur le début de « Piece Of Me » avec ce filet de guitare soutenu par le jeu de batterie tout en tension de Jason Bowld. Par ailleurs, ce dernier a parfaitement rempli le contrat : les parties rythmiques du groupe n’ont jamais été aussi épurées sans perdre en subtilité, ce qui renforce inévitablement l’accroche des compositions.
L’essentiel du travail de Bullet For My Valentine réside dans les refrains ; en atteste l’entêtant « Letting You Go ». Le fédérateur « Not Dead Yet » et ses accords massifs de guitare n’a besoin d’aucune complexité pour être mis en valeur. On peut alors faire sourire en annonçant que Bullet For My Valentine se veut encore plus accessible qu’il ne pouvait l’être… Pour autant les gallois restent bel et bien un groupe de heavy avant tout. Matt Tuck retrouve un scream agressif principalement sur « Piece Of Me » et « Don’t Need You ». Lorsque Bullet For My Valentine s’emploie au riffing sur Gravity, il ne tergiverse pas. Seulement, loin des inspirations que pouvaient être Metallica ou Iron Maiden, BFMV lorgne vers davantage de simplicité et d’efficacité (« Under Again » voit ses guitares littéralement calquées sur la voix de Matt Tuck) avec des guitares syncopées à la Nothing More. Le bât blesse parfois, « Gravity » emploie des arrangements presque disgracieux sur la voix de Matt Tuck lors du refrain et la pseudo-ballade « Breathe Underwater » fait retomber en fin de parcours l’intensité de l’album d’une manière languissante.
Gravity pose la question de la distorsion entre la volonté du groupe et celle de ses fans. Bullet For My Valentine ne pouvait pas continuer à exécuter la musique qui l’a fait connaître et apprécier par des milliers de gens (dont certains étaient adolescents à l’époque). Il ne la renie pas, loin de là, il en a simplement fait le tour. Gravity dérange au premier abord mais fonctionne à terme. La production par couches et la chanson en soi priment, la « simplicité » apparente (et relative) des plages instrumentales deviennent un argument que Matt Tuck se fait fort de défendre convenablement. On pourrait attaquer Bullet For My Valentine sur ce tournant que certains jugeront au mieux opportuniste (pour ne pas évoquer pire) ; il est bien plus constructif de relever le recul qu’a pris le groupe sur sa carrière et sa volonté de toujours chercher l’entrain.
Clip vidéo de la chanson « Letting You Go » :
Chanson « Piece Of Me » en écoute :
Clip vidéo de la chanson « Over It » :
Album Gravity, sortie le 29 juin 2018 via Search And Destroy/Spinefarm Records. Disponible à l’achat ici
Intéressante cette chronique. Je suis curieux d’écouter le nouveau BFMV maintenant, surtout dans la mesure où, même si je suis plutôt ouvert aux changements, je n’avais pas été convaincu par celui du groupe…
En sois, Gravity est un bon album. Il se laisse écouter, et tout l’monde est content.
Moi, ce qui me dérange, c’est que c’est un album de Bullet. J’ai du mal a accepter leur évolution, j’suis restée bloquée sur leurs excellentes chanson du passé comme Her voice reside..
Pourtant à la sortie de Venom en 2015, j’avais encore de l’espoir :c