« Ce mec est juste génial ! », voilà ce que je me suis dit en raccrochant le téléphone après m’être entretenu pendant une heure avec Ron Thal a.k.a. Bumblefoot. Ses rêves complètements débiles, sa vision de la Jägermeister comme solution à tout, les T-shirt qu’il met pour faire des blagues à ses collègues sur scène mais aussi son sens du travail ou du partage. En parlant de partage, justement, on peut dire que Ron nous a gâtés dans cet entretien ! Anecdotes à foison, humour, explications sans langue de bois, infos sur ses activités actuelles, que ce soit à son propre sujet ou celui de Guns N’ Roses. Car oui, depuis 2006 qui a vu l’étrange mais non moins talentueux Buckethead quitter le navire, Ron Thal, recommandé par Joe Satriani, est devenu le guitariste vedette du légendaire groupe de hard californien. Et c’est en toute transparence qu’il parle des coulisses de ce dernier, avec des réponses parfois même surprenantes.
Et si vous voulez en savoir plus sur Ron Thal lui-même, vous serez également servis ! Que ce soit Ron Thal, le guitariste au jeu unique, Ron Thal, le prof qui conseille à ses élèves de sortir et de vivre au lieu de passer leurs journées enfermés avec une guitare entre les mains, Ron Thal, le déconneur qui n’en cache pas moins une grande sagesse et une grande sensibilité… Bref, voilà un personnage véritablement passionnant !
« Si je parle de sujets sérieux, je conclue en sortant une petite blague légère sur le sujet, la blague est ce qui restera. […] Ils vont se dire « c’est fou comme cette chanson est drôle ! » alors je me dis : « quoi ?! Ça, c’est une chanson drôle ?! » (rires). « Je suis en train de dire que je suis sur le point de me flinguer et vous trouvez ça drôle ? » (rires). »
La rencontre en audio :
[audio:interviews/bumblefoot_2011_01_20.mp3|titles=Ron Thal (Bumblefoot, Guns N’ Roses) Intervew]Et la retranscription intégrale :
Ron Thal : Bonsoir ! (en français dans le texte)
Bonsoir et bonne matinée pour toi !
(Rires) Ça va bien ? (en français dans le texte)
Très bien ! As-tu bien dormi ?
Ouais mais j’ai fait un rêve particulièrement étrange. C’était le genre de nuit où différents rêves s’enchaînent sans la moindre logique et où le matin suivant tu te demandes quelle genre de drogue on a bien pu te faire prendre avant d’aller dormir… (rires)
Alors quel était ce rêve ?
Voyons voir. Ils avaient tous un rapport avec ce qui se passe en ce moment. Dans l’un d’entre eux il y avait les employés qui travaillent actuellement dans mon studio pour terminer le sous-sol, ils appliquent les dernières retouches pour transformer un vieux sous-sol mal entretenu en un bel espace de travail. J’ai rêvé qu’ils étaient en bas et il y avait des enfants avec eux. L’un de ces enfants était cette minuscule fillette de 15 cm de haut, elle était sur un vélo, un peu comme ceux qui existaient dans les années 1800 avec une grande roue à l’avant et une petite à l’arrière. Elle fonçait à toute allure dans un mur et ensuite rebondissait contre la grande roue à l’avant et rigolait. Après, un de ces autres jeunes enfants s’est approché de moi en courant, il devait avoir autour de 5 ans et me disait : « Sens mes cheveux ! J’ai beaucoup de cheveux! » et je voyais qu’il avait une chevelure incroyablement épaisse sur la tête. Ça n’avait simplement aucun sens ! (Rires) Ensuite j’ai fait un autre rêve… La télé était restée allumée alors j’imagine que ça m’a bousillé le cerveau pendant que je dormais. Ça parlait d’Alzheimer mais je pense que, en fait, c’était vrai ; je crois qu’ils ont trouvé comment diagnostiquer et détecter cette maladie, ils pouvaient faire une sorte de scanner du cerveau pour te dire si tu es atteint de la maladie ou si tu vas l’avoir. Je crois que ce sujet me touche car mon père vient juste d’être diagnostiqué avec cette maladie. Alors c’était juste des trucs bizarres qui trottaient dans ma tête les uns après les autres.
Est-ce que ce genre de rêves t’inspire pour composer ?
C’est souvent le cas, du moins si je peux attraper une guitare et rentrer dans un mode de pensée musical. Mais la plupart du temps, je me réveille et j’ai une cinquantaine d’e-mails à parcourir et quelques feux à éteindre. Par conséquent je me lève plus souvent dans la peau d’un manager que dans celle d’un musicien pour mes quelques premières heures de vie. En général c’est entre 2 et 5 heures du matin que je deviens musicien. Ça commence généralement à partir de 23h. Mais j’essaye de me discipliner et de m’améliorer en allant chaque jour au studio pour travailler sur de la musique et faire en sorte que les choses soient faites.
Ces derniers mois, tu étais en tournée avec Guns N’ Roses et ça n’est pas encore fini. Comment s’est passée la tournée jusque-là ?
Mec, c’était génial. On a commencé la dernière série de concerts en décembre 2009 et repris en 2010 avec quelques pauses entre les deux. C’était une année de tournée bien dense. C’était fantastique. Nous sommes venus en France et on a joué à Amnéville dans l’est, à Lille tout au nord, à Paris Bercy et on a aussi fait un petit concert acoustique. C’était un super moment et ça devait être environ la quinzième fois que je venais à Paris, parce qu’en tant qu’artiste solo avant les Guns je passais toujours par cette ville. Paris était l’endroit principal où je me produisais. Nous avons joué partout de Strasbourg à l’est jusque sur les côtes dans le Sud, partout et dans toutes sortes d’endroits. Nous avons parcouru tout le pays entre 1997 et novembre 2005, c’était notre dernière tournée là-bas. J’étais sur le point d’en faire plus encore en 2006 mais c’est à ce moment là que j’ai commencé à jouer avec les Guns et, par conséquent, j’ai dû annuler ma tournée. Depuis ce temps là je n’ai jamais vraiment eu l’occasion de partir seul en tournée car les Guns N’ Roses sont prioritaires. Bref, la dernière tournée a été fantastique.
C’était une tournée relativement longue. Es-tu toujours content de monter sur scène ou y-a-t-il parfois des moments où tu te sens un peu las ?
Oh que oui. Ce que je veux dire c’est que nous sommes tous des êtres humains et il y a des moments où je me sens vraiment sale ! (rires) Parfois, on monte tellement tard sur scène que le public n’a pas eu le moindre spectacle sous les yeux depuis au moins deux heures alors ils sont tous en colère et contrariés. Je partage alors avec eux cette colère et cette contrariété. Il y a des jours où ça ne veut pas passer et il y a eu quelques concerts où j’avais vraiment les nerfs sur scène. Parfois je devais même partir de scène pour faire un tour histoire de me calmer car je sentais que j’allais péter un câble. J’ai trouvé mon propre moyen de résoudre ce genre de situations car ça n’est pas quelque chose que je serais capable de changer et ça n’aide personne de voir un mec dans un état pitoyable et en colère sur scène, c’est pas comme « OK, on a attendu deux heures pour voir le groupe et maintenant le groupe est complètement en rogne », on doit leur offrir un super concert. Je me suis rendu compte qu’une demi dose de Jägermeister avant de monter sur scène faisait de moi l’enfoiré le plus heureux de la planète ! (rires) Ça m’a pris quarante ans pour trouver ça ! Oui, Jägermeister, j’appelle ça mon sourire liquide. Peu importe l’état dans lequel je me trouve, du moment que je prend une dose de Jäger je me sens merveilleusement bien. Ça te débarrasse de toutes tes douleurs et souffrances. Voilà d’ailleurs un autre truc ! Parfois tu es sur scène et tu as la grippe ou tu es malade, tu as à peine la force de te lever et je suis là à m’efforcer de courir pendant 2h30, à chanter avec une guitare double manche d’environ 12,5 kilos autour du cou, alors je prie pour que mon cœur s’arrête et pour que je puisse simplement tomber raide mort et finir d’agoniser (rires). Il y a aussi d’autres moments où je n’arrête pas de secouer la tête parce que je suis un métalleux de la première heure alors je fais ça sur scène et le lendemain je ne peux même pas sortir du lit tellement mon dos est complètement explosé. Sur cette dernière tournée, il y a eu pas mal de blessures à la colonne vertébrale. La Jäger permet aussi de soulager ce type de problèmes ! La Jäger soulage tout ! Il faudrait se débarrasser des antibiotiques, il faudrait se débarrasser des plâtres, se débarrasser des hôpitaux et de toutes les sortes de médications et autres interventions chirurgicales pour ne donner que de la Jägermeister à tout le monde ! Et tout irait bien. Il n y aurait plus de guerre. Tout serait cool. Les disputes familiales se termineraient en des repas agréables. Oui, à la Jägermeister ! Au moins, ça fonctionne pour moi.
Tu crois que ça pourrait être le remède contre le cancer ?
Je le pense. Je crois que ça pourrait résoudre tous les problèmes comme le réchauffement climatique ou le refroidissement climatique. Je pense que les dinosaures existeraient encore si à cette époque il y avait eu de la Jägermeister. Je pense que toutes les maladies telles que la malaria seraient en grande partie éradiquées. Je pense que cela résoudrait les problèmes de faim dans le monde ainsi que la pauvreté. Je pense que le ciel serait plus bleu si tout le monde prenait juste une petite dose de Jägermeister pour commencer leur journée. (Il éclate de rires.) Tu sais il doit quand même y avoir un peu de vérité là-dedans car le stress te tuera plus que n’importe quoi d’autre ! Si tu te débarrasses un peu de ton stress, tu te sens plus apaisé et tout va bien!
« Nous ne nous affichons pas au monde en tant que groupe bien que nous en soyons un, et à cause de ça les gens vont dire « OK, toutes les photos célèbres des G’N’R sont celles avec les cinq gars du line-up d’Appetite » et, en effet ça ne nous aide pas. »
Comme tu le disais, il est arrivé qu’à certains concerts la foule soit en colère car le groupe montait sur scène en retard. Quelle en était la raison ?
Eh bien, la première chose, c’est que les gens ne se rendent pas compte que c’est un tellement gros concert avec tant de choses à préparer qu’il faut au minimum quarante cinq minutes entre les groupes pour que le groupe précédent puisse débarrasser la scène, et après tout doit être préparé pour la nôtre. Même si tout est déjà sur scène, ils doivent tout tester, ils doivent réparer les éventuels problèmes et il y a toujours quelque chose qui tombe en panne au dernier moment comme les téléprompteurs qui, d’un seul coup, ne vont plus fonctionner ou l’écran vidéo. Quelque chose va se produire comme la table de mixage pour les moniteurs qui va s’éteindre ou n’importe quoi. Ce sont des choses qui arrivent. Alors ça fait au moins trois bons quarts d’heure pour simplement faire des tests et faire en sorte que tout soit prêt pour que, une fois sur scène, le concert puisse se dérouler dans des conditions optimales. Ça, simplement ça, c’est déjà quarante cinq minutes. Qu’est-ce qui se passe après ça ? Je n’en sais rien ! (rires). Je veux dire, je suis là. J’arrive tôt. Je prends toujours le premier bus disponible pour faire le trajet depuis l’hôtel jusqu’à la salle et je prends mon repas avec les techniciens ou les autres membres du groupe qui sont arrivés là de bonne heure. Je joue de ma guitare, je m’échauffe et regarde la première partie. C’est tout. Ensuite je fais en sorte d’être prêt et d’être là. Ensuite, j’attends de monter sur scène.
Alors, qu’est ce qui retarde le concert ? Je sais très bien où les doigts pointent mais je n’entrerai pas dans le sujet ! (rires) Parfois les retards sont dus à des choses vraiment stupides ! Il est arrivé qu’Axl soit sur le chemin et que le chauffeur se perde pendant au moins une demi-heure ! Axl arrive et tous le monde est sur les nerfs genre « C’est quoi ce bordel ?! Comment ça peut arriver ? » Tu peux littéralement voir le lieu du concert depuis l’hôtel, tu en as pour cinq minutes en voiture mais le chauffeur s’est perdu pendant une… putain… de demi-heure. Donc, forcément, il l’a mis en retard et une fois qu’il est là… Tu sais, quand tu as prévu d’arriver de bonne heure et de faire tous tes échauffements, tes exercices, tes préparations pour le concert à venir et que, à cause du chauffeur, tu es en retard et que tu es obligé de te préparer sur place inévitablement le show est retardé. Tu ne peux pas aller sur scène si ta voix n’est pas souple car tu n’as pas pu t’échauffer. Et c’est pareil pour le corps : si tu te blesses, tu mets en péril les vingt prochains concerts. Alors tu dois bien faire attention à ne pas négliger cette préparation et être prêt mais ensuite tu te dis : « merde, si j’avais su que le chauffeur allait se paumer j’aurais pu faire ça à l’hôtel ! » Les événements inattendus existent, certes ça n’explique pas vingt années d’imprévus (rires) mais à notre époque des choses stupides se produisent surtout quand on est à la merci de quelqu’un et qu’on se fait avoir. Donc, oui, ça arrive, j’en ai eu la preuve !
Je sais que Guns N’ Roses est avant tout le groupe d’Axl Rose mais as-tu néanmoins l’impression qu’il existe une certaine alchimie de groupe entre vous ?
Oui, je le crois. Nous sommes un groupe, on traine ensemble, on joue ensemble à l’intérieur ou à l’extérieur des Guns N’ Roses. Nous sommes toujours en train de nous envoyer des messages, des e-mails, de nous appeler, de sortir et aussi avec Axl. On s’envoie par SMS des blagues à la con (rires). Ce que je veux dire, c’est que je ne peux pas contrôler ce qui s’est passé avant que je rejoigne le groupe. Le groupe… Des gens sont venus et repartis. Ça fait presque cinq ans aujourd’hui que je suis dans le groupe et je crois, si on voit les choses de cette manière, que je suis en train de devenir un vétéran du groupe. (Rires) Alors oui…
Les gens ne veulent pas le percevoir ainsi pour la simple et bonne raison que nous ne faisons pas de presse. C’est comme, si nous avions des photos de groupes, les gens se diraient : « ah oui, ils sont un groupe » mais nous n’avons jamais eu la moindre véritable putain de photo de groupe ou n’importe quel autre truc du genre ! Nous ne nous affichons pas au monde en tant que groupe bien que nous en soyons un, et à cause de ça les gens – à moins qu’ils nous connaissent ou qu’ils aient assisté à une vingtaine de concerts ou trainé avec nous après un show ou autre – vont dire « OK, toutes les photos célèbres des G’N’R sont celles avec les cinq gars du line-up d’Appetite » et, en effet ça ne nous aide pas.(rires) Il suffirait d’avoir quelques bonnes photos de groupe et peut être que les gens commenceraient à se dire « ah oui, c’est un groupe car ils ont l’air d’un groupe ». En fait, c’est juste une question de perception. Ça n’a rien à voir avec la vérité mais avec la façon dont c’est perçu. Personnellement, je pense qu’on devrait faire plus pour que cette perception se rapproche de la vérité.
En tant qu’artiste solo tu as sorti l’album Abnormal suivi d’un album acoustique, le tout avant de partir en tournée avec les Guns N’ Roses et d’avoir un emploi du temps bien rempli. Est-ce plus dur pour toi aujourd’hui de t’occuper de ta carrière personnelle ou est ce simplement une question d’organisation ?
C’est plus difficile car j’ai moins de temps. Simplement parce que je suis physiquement à un endroit où je ne peux m’occuper de tout comme à l’aéroport, dans le bus de tournée, sur scène, à dormir pour récupérer de la veille peu importe ce que j’ai pu y faire (rires). Oui c’est beaucoup plus dur car le temps est beaucoup plus restreint. Le temps est ce monstre diabolique après lequel je passe mon temps à courir. Donc, oui, c’est beaucoup plus difficile.
J’ai fait Abnormal et il est sorti pendant l’été 2008. Après je me suis dépêché de faire l’album acoustique car je savais que Chinese Democracy était sur le point de sortir. Chinese est sorti en novembre et j’ai balancé mon album acoustique en décembre. Après, en janvier 2009, j’étais à Los Angeles pour quelques mois, on auditionnait des guitaristes et DJ Ashba a intégré le groupe. Ensuite on a commencé à travailler toutes les parties musicales, en gros tous les arrangements de coordination des trois guitares de manière à ce que cela sonne plus propre et plus net sur scène. On s’est aussi occupé de notre matériel, on a essayé tous les amplis et guitares possibles pour voir ce qui fonctionnait le mieux. On s’est accordé une pause pendant l’été et j’ai tourné avec Lita Ford. Puis on est revenu à L.A. Pour faire encore un peu de préparation. Enfin on a pris la route, on a fait ça pendant un an et nous voilà! Alors maintenant qu’on a un peu de temps libre, du temps libre inattendu à vrai dire – car je croyais que nous partirions en tournée aux États-Unis le mois prochain mais il semblerait que ça sera pour un peu plus tard – je peux donc reprendre aujourd’hui ma propre musique, j’ai l’opportunité de saisir la balle au vol et de courir avec.
Cette semaine j’ai sorti le titre “Bernadette” qui est une reprise d’un vieux hit produit par la Motown datant de 1967 par le groupe The Four Tops. Je l’ai produit sous tous les formats haute résolution: WAV, Apple Lossless, FLAC, MP3 HD, MP3. 320. et AAC. J’ai fait une version instrumentale et j’ai aussi fait des trucs pour les guitaristes. C’est un accompagnement avec la complète transcription des lignes de guitare de la chanson, ça fait donc une douzaine de pages avec toutes les positions de doigts, les attaques de cordes, les tablatures, les notations musicales et mêmes quelques astuces sur les manières de faire les choses. J’ai aussi fait quelque chose pour les geeks de studio comme moi que j’aurais adoré avoir pour divers albums et chansons. J’ai mis à disposition des pistes audio qui sont des mixes comprenant seulement la batterie, seulement la basse, seulement la guitare rythmique, seulement la guitare lead, seulement la voix principale et seulement les chœurs. Tu as la possibilité charger ça dans ton logiciel et t’amuser à mixer le tout. Tu peux aussi modifier et jouer avec les différents niveaux pour voir comment la chanson s’est faite. J’ai fait ça cette semaine et chaque semaine il y aura quelque chose de fou. Je vais faire quelque chose car je suis là en ce moment et je sais que je ne pars pas en tournée la semaine prochaine alors j’ai la possibilité de finir des trucs. Je vais juste essayer d’en faire le plus possible et de sortir un maximum de musiques avant de repartir sur les routes.
« Peu importe le chanteur, il était impossible d’aboutir à quoi que ce soit avec lui. Je ne sais pas… Je me creuse la tête, mec ! […] Je dois avouer que dans ma vie le chanteur le plus sensé, le plus stable, le plus sûr qu’il m’ait été donné de connaître reste Axl. Dans toute ma putain de vie, je n’ai jamais connu un chanteur qui soit aussi concerné, aussi impliqué, qui botte autant de culs sur scène et qui travaille aussi dur que ce gars-là. »
J’ai lu quelque part que pour ton prochain album tu souhaiterais que quelqu’un chante à ta place. Pourquoi ? Tu n’aimes pas ta façon de chanter ?
Tu sais, ça fait beaucoup de choses à faire sur scène. Lorsque c’est ma propre musique, je joue toutes ces lignes de guitares de fou, je chante toutes ces choses déjantées et il faut faire les deux en même temps ! Ça fait beaucoup de choses auxquelles penser sur scène ! Je crois que j’ai pris goût à la belle vie chez les Guns N’ Roses où la seule chose que j’ai à faire est la fermer et jouer de la guitare. Je me disais que j’adorerais pouvoir partir en tournée, jouer ma propre musique ou de la musique originale et être simplement un guitariste sans que tout repose sur mes épaules. J’ai commencé à réunir un groupe en 2009 et à partir de là… (soupirs). Il y a eu plein de problèmes de chanteurs (rires) alors encore une fois il a fallu que ça soit moi qui chante car c’est le seul moyen pour que les choses se fassent. C’est comme ça que ça fonctionne dans ma vie. Ce sont les cartes que j’ai toujours eu en main. J’essaie de m’associer à un chanteur et le chanteur ne veut pas remplir sa part du contrat. C’est pas comme si je disais quoi que ce soit, ce n’est pas le genre de situation où je suis le guitariste qui contrôle tout. Ce groupe était sur un pied d’égalité où chacun avait à enregistrer ses propres parties, les mixer et les créer de la façon qu’il voulait qu’elles soient sans que personne d’autre ait son mot à dire. Le chanteur aurait à écrire ses propres paroles pour la chanson, chanter à sa manière et enregistrer lui-même et peu importe ce qu’il décide, ça serait comme ça. Chacun avait une totale liberté de mouvements dans la musique, ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient. Tout était répartie équitablement. Il n’y avait plus qu’à !
Tu parlais de quel chanteur ?
Ce n’est même pas la peine d’en parler. Il y a eu un chanteur puis un autre… J’ai cherché à travailler avec quatre chanteurs différents et soit ils se volatilisaient, soit ils se mettaient à faire tous les trucs qui me faisaient dire à l’âge de quinze ans, je me souviens, j’avais quinze ans et je disais : « je ne peux plus travailler avec des chanteurs ! Il va falloir que je chante moi-même ». C’est la raison pour laquelle j’ai commencé à chanter. Peu importe le chanteur, il était impossible d’aboutir à quoi que ce soit avec lui. Je ne sais pas… Je me creuse la tête, mec ! Et j’imagine que ce sont les cartes qui m’ont été accordées, je dois avouer que dans ma vie le chanteur le plus sensé, le plus stable, le plus sûr qu’il m’ait été donné de connaître reste Axl. Dans toute ma putain de vie, je n’ai jamais connu un chanteur qui soit aussi concerné, aussi impliqué, qui botte autant de culs sur scène et qui travaille aussi dur que ce gars-là. Aucun doute là-dessus !
Alors es-tu en train de dire que tu as abandonné l’idée d’avoir un chanteur dans ta carrière solo ?
Pour le moment oui. En fait, j’ai repris ces chansons que j’avais composées et j’ai commencé à y poser ma voix. Et tu sais quoi ? Je suis vraiment content de l’avoir fait, j’aurais dû le faire depuis le début. Elles ressortent vraiment bien mieux ainsi qu’avec n’importe qui d’autre. Je vais donc sortir des titres cette année. La première est une chanson qui s’appelle “Invisible”. Elle dure aux alentours de six minutes. Ça sonne comme un groupe : il y a une batterie, une basse, une guitare et des voix. Ce morceau a été fait pour être joué en live. Lorsque les gens l’écoutent, ils disent que ça leur fait penser à un mélange entre du Led Zeppelin et du Pantera. Alors ça devrait être intéressant et j’espère que ça plaira au public. C’est le prochain titre que j’aimerais sortir. Je viens de sortir “Bernadette” et c’était juste un morceau à balancer, mais le prochain que j’ai vraiment envie de sortir est ce titre, “Invisible”.
D’ailleurs, Abnormal a eu beaucoup plus de succès en terme de ventes que n’importe quel autre de tes albums notamment grâce à l’effet Guns N’ Roses, je suppose. Était-ce l’une des choses à laquelle tu t’attendais en rejoignant le groupe ?
J’imaginais que ça aurait un certain impact mais ça n’est pas quelque chose qui me faisait dire « Wow ! Faire partie des Guns N’Roses va totalement booster ma carrière solo ! » Ce n’était pas ma façon de penser. En fait, lorsque j’ai rejoint le groupe pour la première fois, peu importe le média à qui je parlais, je prévenais à l’avance les journalistes que s’ils abordaient le sujet de Guns N’ Roses je raccrochais, car ce n’était pas la raison pour laquelle nous faisions une interview. Mais j’en suis arrivé à un stade où je ne peux plus ni nier ni ne pas reconnaître le fait que je suis dans le groupe, que je tourne et enregistre avec eux, etc. alors j’ai décidé que je ne pouvais plus continuer comme ça et nier que je fais partie des Guns N’ Roses. Je ne pouvais plus garder mes deux vies séparées et d’ailleurs ça n’avait plus aucun sens d’essayer de le faire.
Au moment où j’ai sorti Abnormal, je pense que les ventes auraient été meilleures rien que parce que les ventes de Normal étaient bonnes et parce que je tournais. Ça fait une grande différence. Alors j’étais déjà là à prendre de l’ampleur par mes propres moyens. Mais en étant dans les Guns, l’exposition médiatique est incomparable. Avant que cet album sorte, il a dû y avoir environ un million de personnes qui m’ont vu jouer en live sur la dernière tournée des G’N’R entre tous les festivals et les concerts qu’on a fait entre 2006 et 2007, durant ces douze mois environ. Donc, inévitablement, ça aura un effet car tu es plus mis en avant. Ce que je veux dire, c’est que si je participais à l’un de ces stupides jeux de télé-réalité ça aurait aussi eu un impact, simplement, si les gens savent que tu existes, alors plus de personnes vont écouter ce que tu fais et vont décider s’ils aiment ou non. Il y a seulement plus de monde qui connaissent ton existence et qui font ce choix.
Maintenant abordons un autre sujet. Tu joues sur des guitares de la marque Vigier et les Français sont toujours très fiers de voir des musiciens aussi importants que toi ou Roger Glover, par exemple, jouer sur des guitares ou des basses Vigier. Alors qu’est-ce qui te plaît dans ces guitares? Pourquoi Vigier et pas une autre marque ?
Oh mec. La seule chose que j’utilise avec G‘N’R c’est du Vigier. Tu vois, comme cette guitare double manches, frettée et fretless. Sur Chinese Democracy ça n’est que de la guitare fretless de chez Vigier pour toutes les chansons. Et j’utilise la G.V. Single Cutaway pour le reste. Qu’est-ce que j’aime ? Bon, revenons en 1997. Je faisais une petite tournée en France et l’un des représentants de l’entreprise est venu me dire « Hey, je t’ai apporté une guitare pour que tu testes. » Jusque-là tout ce que je faisais, c’était jouer sur mes étranges guitares faites maison en forme de fromage suisse ou peu importe à quoi elles ressemblaient. Je l’ai donc essayée et alors que j’apprenais plus de choses sur les guitares, j’ai vraiment été impressionné. Dans un premier temps, elles étaient très agréables à jouer, c’est le premier point. Deuxièmement, le fait qu’il n’y ait pas de truss rod dans le manche mais qu’il soit parcouru par un morceau de graphite sur toute la longueur permettant de garder en permanence un manche parfait. Au début j’étais un peu sceptique mais après une dizaine d’années à donner des coups sur ces guitares dans des conditions on ne peut plus particulières, du chaud au froid et de l’humide au sec, les manches restent toujours nickels. Ils n’ont jamais eu besoin d’ajustements car ils ne se courbent pas et ne vrillent pas. Beaucoup d’autres gars utilisent sur scène des Les Paul et lorsque tu te déplaces vers un autre point de la scène, comme lorsque tu te rapproches des effets pyrotechniques et que les flammes explosent, d’un seul coup, ta guitare se désaccorde en fonction de l’endroit où tu te trouves. Le manche se déforme rapidement en fonction de la température qu’il y a sur cette scène en différents endroits. (rires). Je n’ai pas ce problème là avec Vigiers. Elles restent tout le temps accordées et agréables à jouer. Elles possèdent une frette zéro qui rend la première frette beaucoup plus équilibrée, confortable et plus juste. Quoi d’autre ? Ils utilisent des micros DeMagio qui sont ceux que je préfère. Et ils vont fabriquer toutes les guitares déjantées que je vais leur demander (rires). Ils ont créé la guitare Flying Foot qui était celle avec un pied géant et des ailes qui sortaient (rires). Ils ont aussi fabriqué la double-manche frettée et fretless. C’est simplement pour moi le fabricant idéal car ils possèdent les meilleures guitares avec lesquelles il m’ait été donné de jouer et ils acceptent mes idées délirantes. (rires). D’ailleurs je viens de voir Patrice Vigier, on a traîné ensemble il y a quelques jours pendant le weekend en Californie pour le grand salon professionnel de l’industrie musicale (ndlr : il parle du NAMM qui s’est déroulé du 13 au 16 janvier à Anaheim en Californie). J’ai trainé avec eux et j’ai joué de la guitare pendant des heures. C’était un moment sympa.
« Si tu veux faire de la musique intéressante, tu dois vivre une vie intéressante et ressentir bien plus de choses que ce que tu ne pourrais ressentir en gardant constamment tes mains sur ta guitare. »
Tu es connu pour être l’un des rares guitaristes à jouer sur des guitares fretless. Sont-elles aussi intéressantes d’un point de vue sonorités que les basses fretless peuvent l’être ?
Oui. Je pense que tu peux sûrement faire beaucoup plus de choses avec une guitare fretless qu’avec une basse car il y a plus… Laisse moi réfléchir à tout ça. Tu peux faire à la guitare toutes les harmoniques glissées à la Tony Franklin comme tu peux le faire à la basse. Tu peux faire plus de choses en rapport avec les accords car c’est un instrument plus aigu et le son n’oscillera pas n’importe comment. Tu peux partir en solo comme un dingue et si tu utilises une distorsion saturée, tu peux en tirer un plus grand sustain. Je crois donc que ça offre plus de possibilités dans ce que tu peux faire. Mais oui, c’est foutrement amusant (rires)!
En octobre dernier alors que tu étais encore en tournée, tu as pris un peu de temps pour donner des conseils et jouer devant des enfants de l’école Witchwood School of Rock à Witney au Royaume-Uni. On dirait que partager des connaissances est quelque chose qui te tient à cœur, n’est-ce pas ?
Oui, oui. J’ai commencé à prendre des cours de guitare vers l’âge de six ou sept ans. J’ai fait ça pendant plusieurs années et je travaillais vraiment très dur. Lorsque j’avais aux alentours de treize ans, j’ai commencé à donner moi-même des cours de guitare et je me suis en quelques sorte retrouvé à rentabiliser et partager ça. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à enseigner, j’enseignais depuis chez moi, puis dans des magasins de musique, après en académie de musique et j’ai fini par diriger un département entier consacré à la musique dans une école privée. J’ai monté un chœur, un groupe de jazz et de la musique pour les enfants. Après j’ai commencé à enseigner au National College dans l’état de New York. J’ai toujours aimé enseigner et partager. J’aime voir les étudiants continuer à utiliser les choses que je leur apprends et en faire d’autres avec. (rires) En réalité c’est quelque chose qui m’a manqué en tournée et enseigner davantage est quelque chose que j’aimerais refaire.
Tu as d’ailleurs été cité disant aux jeunes guitaristes qu’ils ne devraient pas trop s’entraîner. C’est une sacrée contradiction avec ce que disent traditionnellement les enseignants !
Oui et je reste sur ma position! (rires) Les gens s’entraînent beaucoup trop. Si tu passes dix heures par jours, tous les jours et pendant des années à jouer, eh bien, dans ces dix heures tu ne progresseras pas autant que si tu étais resté bien concentré pendant deux heures. Tu devrais passer le reste de ton temps à profiter de la vie ! C’est mauvais de rester dans sa chambre, sans vivre de nouvelles expériences et seulement rester à travailler comme un dingue. Ça ne t’aidera en rien musicalement, ça ne t’apportera rien d’intéressant. Tu as besoin d’être quelqu’un d’intéressant et tu dois vivre des choses, des expériences. Tu dois ressentir des choses, les bonnes comme les mauvaises. Il faut que tu sortes et que tu vives ta vie à fond. C’est ça que tu pourras ensuite faire partager à travers ta musique. Ce sont les émotions que tu devras faire passer dans ta musique, dans tes paroles, dans tes compositions, dans tout. Si l’art est le reflet de l’artiste alors le meilleur moyen d’étendre et d’élargir l’art est d’étendre l’artiste. Et rien ne serait pire que de regarder en arrière après trente ans de guitare et se dire : « Qu’est-ce que j’ai fait de ma vie? Eh bien, je suis resté assis dans ma chambre et j’ai joué » (rires). Il faut qu’ils aient vu le monde et fait des tas de choses, qu’ils aient eu d’autres centres d’intérêt et qu’ils soient entrés en contact avec plein de gens différents. C’est ce qui pour moi fera progresser la musique de quelqu’un, il ne s’agit pas que d’une question de jeu, c’est aussi une question de composition. La chanson, c’est ce qu’il y a de plus important, il faut seulement être assez bon pour interpréter la chanson que tu es en train de jouer. Et je crois que c’est ce que les musiciens oublient. Ils sont tellement obnubilés par la volonté de posséder la meilleure technique qu’ils en oublient de faire de la musique. Si tu veux faire de la musique intéressante, tu dois vivre une vie intéressante et ressentir bien plus de choses que ce que tu ne pourrais ressentir en gardant constamment tes mains sur ta guitare.
Je t’ai entendu dire que l’un des plus grands préjugés à ton sujet était de penser que tu prenais tout ce que tu fais pour une grosse plaisanterie et que ton seul objectif était de faire rire les gens. Penses-tu que le côté comique de ta personnalité tend à faire de l’ombre à ton côté plus sérieux dans l’esprit des gens ?
Je crois, oui. Je crois qu’il y a certaines choses qui restent et attirent plus facilement l’attention que d’autres. Si je parle de sujets sérieux, je conclue en sortant une petite blague légère sur le sujet, la blague est ce qui restera, plus que moi laissant mon cœur s’exprimer à au moins 99% (rires). Si je joue une belle mélodie et que j’y inclus des riffs de dingues, tout le monde va remarquer les riffs de dingues sans prêter attention aux jolies mélodies et ils se diront « oh, c’est un shredder ! » C’est ce qui se passe, c’est comme ça. Ce n’est pas quelque chose que je peux vraiment contrôler. La façon dont les gens veulent percevoir et décider de ce qui les touche et attire leur attention. Mais j’ai effectivement remarqué ça avec l’expérience. Comme quand je vais chanter sur un sujet très sérieux mais qu’ils vont se dire « c’est fou comme cette chanson est drôle ! » alors je me dis : « quoi ?! Ça, c’est une chanson drôle ?! » (rires). « Je suis en train de dire que je suis sur le point de me flinguer et vous trouvez ça drôle ? » (rires).
« Si tu me demandes quels sont mes projets je pourrais te parler de tous mes plans pour le futur et de ce qui va se passer. Si tu me pose la même question sur G’N’R c’est un grand point d’interrogation et c’est littéralement ça : ce n’est pas comme si les choses étaient cachées, c’est seulement que rien ne peut être prévu (rires). C’est putain d’étrange mec ! »
Revenons en aux Guns N’s Roses. Tu as rejoint le groupe en 2006 et c’est seulement deux ans après que l’album tant attendu Chinese Democracy est sorti. C’est presque comme si ton arrivée dans le groupe est ce qui a permis d’amorcer l’album. Crois-tu que le départ de Buckethead a fait qu’Axl a pris peur qu’un autre de ses musiciens cause la stagnation du groupe et que, par conséquent, il a fini ce qu’il restait à finir pour que l’album puisse sortir et que le groupe puisse aller de l’avant ?
Je ne sais pas. Je ne sais pas pourquoi il n’est pas sorti plus tôt. Je ne peux pas vraiment faire de commentaires sur tout ce qui s’est passé avant moi simplement parce que je n’étais pas là et que je ne sais vraiment pas. Tout ce que je sais, c’est que j’ai rejoint le groupe, on a tourné, on a enregistré et ensuite l’album est arrivé. Alors, pour moi, ça n’était pas une si longue attente. Je crois que ce qui s’est passé, c’est que la musique est sortie, l’album est sorti et ensuite il fallait essayer de faire avec tout ça, de travailler avec le label, d’aboutir à un projet marketing ou trouver le business adapté à la gestion d’un truc aussi important. Je pense que quand tu travailles sur un projet qui a le potentiel pour ramener un maximum d’argent, les gens commencent à réfléchir à leurs propres intérêts. C’est juste une généralité. Si quelqu’un allait faire une chanson gratuitement et l’offrir, je crois que n’importe qui dirait « OK, qu’est-ce qui serait le mieux pour l’art ? » tandis que quand il s’agit de quelque chose où beaucoup d’argent a été dépensé, tout le monde va commencer à se ramener avec des projets pour voir comment il pourrait engranger un maximum d’argent. Et ce n’est pas uniquement vrai pour les G’N’R, c’est une généralité dans la vie. Je crois que ça se met en travers de la route et ça créé des conflits, installe de la méfiance, des guerres où chacun cherche à défendre ses propres intérêts contre ceux des autres. Étant donné mon expérience avec les maisons de disques, je peux te dire que ça n’est jamais une partie de plaisir (rires). Je peux simplement supposer que, une fois que l’album était fait, c’était loin d’être une tâche facile de résoudre toutes les affaires entre le groupe, le label, le management et tous ceux qui auraient bien essayé d’avoir leur part du gâteau. Je suis sûr que ça se passe comme ça pour tous les groupes qui réalisent de bonnes ventes. Il y a beaucoup d’investissements, de dépenses, de projets à prodiguer. C’est comme ça.
La vie est plus simple au rang inférieur. Pour moi, par exemple, je peux appeler un petit club de Brooklyn et dire « j’aimerais jouer le mois prochain, vous avez des dates de libres ? – Oui bien sûr ! » et après je n’ai plus qu’à ramener mon matos et jouer. Les Guns N’Roses ne peuvent pas simplement appeler Bercy et dire « Hey les gars vous auriez un créneau de libre pour nous? On aurait bien envie de passer le mois prochain !» (rires). C’est un peu plus compliqué que ça, il faut par exemple se demander « OK, comment on fait pour transporter vingt cinq tonnes de matériel, une soixantaine de personnes et savoir comment on s’organise pour faire telle ou telle chose ? » Je pense que, bien souvent, plus le groupe est gros, plus les choses deviennent compliquées, plus il est difficile de faire en sorte que les choses se fassent, plus cela prend de temps et plus tu enchaînes les migraines. Ça t’épuise et tu ne veux simplement plus y penser. Je ne sais pas. Ce sont toutes ces spéculations mélangées à toutes ces choses que j’ai pu voir rien qu’en vivant ma vie. Pas seulement avec les G’n’R mais aussi pour tout le reste. Pourquoi Chinese a mis autant de temps ? Je suis loin d’être la personne idéale pour répondre car une fois dans le groupe, ça n’a pas pris longtemps. L’album est sorti un an après avoir fini mes parties de guitares.
Axl a aussi été critiqué par sa propre maison de disques pour ne pas avoir fait la promotion de Chinese Democracy d’où les ventes décevantes selon eux. On dirait presque que cet album représentait pour lui un tel fardeau qu’une fois produit il ne voulait plus en entendre parler ni en faire la promo pour enfin pouvoir passer à autre chose. C’est ce qui s’est passé selon toi ?
Eh bien, je sais que c’est ce que je ressens au sujet de mes propres albums (rires)! Une fois que c’est fini, je n’ai qu’une envie, c’est de ne plus y penser ou de le jouer ou peu importe. Tu sais, à ce stade, j’ai vu tout le monde accuser tout le monde. Le label dire que c’est de sa faute à lui ou les distributeurs dire que c’était la faute de telle autre personne ou le groupe dire que c’est à cause d’un autre… Et je n’en sais rien ! J’aurais adoré sortir et partir aussitôt en tournée et commencer directement à faire la promo. En fait c’est un peu ce que j’ai fait. Quelques semaines après que l’album soit sorti, je suis venu en Europe et j’ai participé à des meet & greet à Paris, Londres et Berlin. J’ai aussi fait quelques interviews. J’ai fait ça de moi-même, juste pour filer un coup de main. (rires) Je ne peux pas répondre, je ne suis pas dans la tête des autres et je ne veux pas parler à la place de quelqu’un car ça n’est pas vraiment mon rôle de venir faire ça. Les gens doivent sortir d’eux-mêmes pour s’exprimer. Mais de mon côté, j’aurais adoré pouvoir immédiatement partir faire la promo. Mais c’est comme ça, que ça vous plaise ou non. On l’expose et on vous le donne, jetez y une oreille. On ne vous demande pas d’aimer, juste d’écouter. Si vous aimez tant mieux, mais tout le monde ne peut pas tout aimer. C’est pareil pour tout, que ce soit la nourriture dans ton assiette ou un album que tu découvres ou une œuvre d’art exposée sur un mur. D’ailleurs, malgré l’absence de promo, je crois que l’album s’est vendu autour de quatre à cinq millions d’exemplaires dans le monde. Alors imagine un peu si on en avait fait la pub ! (rires) Je crois qu’il y a tellement de controverses autour de cet album qu’il faudra attendre vingt ans avant que les gens commencent à regarder en arrière et se dire « au fait, on en pense quoi de la musique? » car à ce stade – il suffit d’ailleurs de regarder cette conversation – nous n’avons même pas encore parlé de la musique contenue dans cet album ! (rires) Nous sommes en train de parler du coût, du temps qu’il a demandé, car ce sont des choses concrètes qui accompagnent cet album. J’imagine qu’il faudra un moment avant que les gens arrêtent de ressentir le poids de cet album et le retrouve en se disant « Hey, écoute ça ! Quel étrange album introspectif et expérimental ont-ils sorti ! Et regarde le nombre de personnes qui y ont participé ! Aucun album n’a jamais été comme ça ! » C’est le genre d’album sur lequel les gens vont parler et vont avoir une opinion avant même de l’avoir écouté. C’est un album intéressant et il y a plein de choses à dire dessus.
Sebastien Bach qui est un ami proche d’Axl a dit que Chinese Democracy était supposé être la première partie d’une trilogie et, donc, que deux autres albums étaient supposés sortir juste après et que, d’ailleurs, le deuxième volet était supposé voir le jour en 2012. As-tu le moindre détail sur le sujet et pouvons-nous espérer quelques compositions signées Ron Thal ?
A ce stade ? (rires) Hum… Tu sais, je ne peux pas vraiment dire quoi que ce soit car en fait il n’y a rien à dire. C’est frustrant pour moi car il n’y a strictement rien à dire quant à l’avenir des G’N’R parce que ça change d’une minute à l’autre. Qu’une trilogie soit envisagée, je n’en sais rien. Il y a assez de musique pour faire deux autres albums mais il s’agit exclusivement d’enregistrements qui ont dix ans d’âge, c’est-à-dire venant de la période des sessions d’enregistrement de Chinese Democracy. Ces chansons-là ne sont pas nouvelles et le groupe actuel, ce groupe dont je fais partie avec DJ, Richard et Frank à la batterie… Nous devons encore commencer par nous retrouver ensemble en studio, nous asseoir par terre avec des guitares et simplement commencer à écrire. Nous n’avons pas fait ça. La seule musique que je verrais sortir de Guns N’Roses daterait d’il y a dix ans avec des musiciens qui sont partis depuis cinq ans avec peut-être des mixes alternatifs de chansons. C’est donc un important chapitre de la vie musicale d’Axl qui attend d’être clos. Je n’en ai pas la moindre idée. Et merde ! On est censé partir en tournée aux États-Unis en février, on est fin janvier et personne n’a même encore… Ouais, tu ne peux simplement rien prévoir. Tu ne peux pas faire le moindre projet quand il est question des Guns N’Roses . Les choses vont simplement se produire mais elles ne vont pas se produire quand toi tu penses qu’elles vont se produire. C’est comme ça que ça se passe et c’est incontrôlable, ça ne peut pas être changé. C’est comme ça que les choses se déroulent dans le monde de G’N’R et tu fais avec en disant « OK ». On devait tourner et maintenant on ne tourne plus. Ça arrivera quand ça arrivera. Et ça arrive. Ce n’est pas le genre de choses où… Par exemple, si tu me demandes quels sont mes projets je pourrais te parler de tous mes plans pour le futur et de ce qui va se passer. Si tu me pose la même question sur G’N’R c’est un grand point d’interrogation et c’est littéralement ça : ce n’est pas comme si les choses étaient cachées, c’est seulement que rien ne peut être prévu (rires). C’est putain d’étrange mec ! (Il explose de rires)
« Je pouvais être en train de faire des solos, de jouer en live et il me disait des trucs à l’oreille que j’étais seul à entendre dans mon moniteur. Il disait des trucs du genre « Quand vas-tu te débarrasser de ce putain de jouet ?! Prend toi une vraie guitare ! » juste pour me faire chier, essayer de faire en sorte que je trébuche ou que je me plante. (rires) »
Il y a toujours eu des interrogations, des discussions et rumeurs dans les médias et parmi les fans sur une éventuelle réunion des Guns N’ Roses avec Slash. N’est-ce pas un peu frustrant de vivre dans l’ombre d’un autre musicien aux yeux des gens malgré ton évident talent et ta contribution au groupe ?
C’est assez frustrant mais la raison pour laquelle ça l’est, ce n’est pas à cause des gens, c’est plutôt parce que je pense qu’on pourrait faire plus pour asseoir le groupe actuel en tant que tel. Il ne devrait pas être dans l’ombre du passé. Si une réunion venait à se produire, j’espère qu’ils me donneront quelques pass gratuits pour que ma femme et moi puissions aller les voir. (rires) Tu sais, ça ne me dérange pas. Je n’ai de problèmes avec personne. Je veux dire, merde ! Je viens de faire une session d’autographes la semaine dernière avec Duff ! En ce qui me concerne, il n’y a pas de problèmes. Bien évidemment, je n’ai pas la même histoire qu’Axl a pu avoir avec ces mecs lorsqu’il a traversé des périodes où… Bref, tu vois ce que je veux dire… Ils se sont fait la guerre et pour moi c’est plus du genre : « Hey salut, comment ça va? Ça vous dit qu’on aille signer des autographes ensemble? » Il y a une grande différence. Alors ça n’est pas à moi de dire ou faire des spéculations sur ce qui pourrait ou non arriver.
Alors est-ce que ça me dérange que des gens souhaitent une réunion ? Non! Tu sais… J’adore Kiss, j’adore un paquet de groupes alors s’il y avait un line-up qui avait fait un album dont j’étais totalement fan, j’adorerais revoir ce line-up réinterpréter ces titres. C’est normal. Et ça ne veut pas dire que je déteste ce qui se passe en ce moment. En grandissant, ça a marqué ma vie et mes souvenirs et c’est quelque chose que j’aimerais ressentir à nouveau. Et il n’y a rien de mal à ça. Je n’en veux pas aux gens de ressentir ça. Qu’est-ce que cela a à voir avec ma contribution à l’histoire actuelle des Guns ? Ce sont deux choses séparées, tu vois. Je ne sais pas, je veux dire, sincèrement, je n’y pense pas tant que ça. Je suis trop occupé à faire de la musique ! (rires) Je fais en sorte que les choses soient faites. Et je ne me préoccupe pas des gens qui espèrent une réunion. C’est le cadet de mes soucis. En ce moment, je pense davantage à ma nouvelle chanson que je veux sortir et à tout ce qui me reste à faire cette semaine.
Maintenant d’un point de vue plus humoristique. Est-ce que ça a jamais posé un problème à Axl de remplacer un type qui joue avec un seau KFC sur la tête et un masque par un autre type qui joue sur une guitare en forme de pied avec des ailes d’abeilles et qui se fait appeler Bumblefoot (Pododermatite en français) ?
Devine ! (rires) Axl a des goûts très variés. Il peut faire le grand écart en ayant dans le groupe un mec orienté sur le blues et un autre qui joue avec une guitare en forme de pied et il adore ça ! En fait, il détestait cette guitare en forme de pied.
Vraiment ?
Oui. Je pouvais être en train de faire des solos, de jouer en live et il me disait des trucs à l’oreille que j’étais seul à entendre dans mon moniteur. Il disait des trucs du genre « Quand vas-tu te débarrasser de ce putain de jouet ?! Prends-toi une vraie guitare ! » juste pour me faire chier, essayer de faire en sorte que je trébuche ou que je me plante (il éclate de rires).
Est-ce que tu t’en sers encore ?
Non, après la tournée de 2006 elle a été pas mal endommagée et je ne veux pas qu’elle endure d’autres détériorations alors je l’ai mise de côté. Je ne savais même pas qu’il la détestait, je ne l’ai appris qu’environ deux ans après ! Quelqu’un me l’a dit et j’étais là « mec ! Je n’aurais pas utilisé cette guitare si tu m’avais dit que tu la détestais autant ! Et il m’a répondu : « Non, ce sont tes affaires, fais ce que tu veux. » C’est ce que les gens ne veulent pas connaître de lui. Tout le monde préfère le voir comme une sorte de dictateur uniquement parce que c’est le dernier survivant du groupe originel. Il a créé le groupe et il est toujours là, il n’arrêtera pas le groupe peu importe qui le quitte ou non jusqu’à ce que lui décide qu’il a envie d’arrêter. Mais tu peux faire ce que tu veux. Je porterais ce que je veux, je vais jouer ce que je veux et ça ne lui posera pas le moindre problème. Il y a des fois où il monte sur scène, je vais rapidement changer de T-shirt, il s’avance, s’apprête à chanter et là j’ouvre ma veste pour lui montrer un T-shirt amusant et il se met simplement à se marrer (il éclate de rires). C’est un homme bien ! Tout va bien. Mais je sais que comme nous ne faisons pas beaucoup de presse en tant que groupe les gens ne voient pas cet aspect-là. Ils ne nous voient pas en train de plaisanter, de nous amuser. C’est soit ça, soit ils ne veulent pas le voir parce que c’est plus drôle de parler du personnage qu’ils ont à l’esprit plutôt que de la personne telle qu’elle est vraiment. C’est intéressant tu sais, je crois qu’après avoir joué avec G’N’R je serais capable de donner une bonne leçon de psychologie rien que sur les différentes facettes de la vie et ses interactions (rires).
Interview réalisée en janvier 2011 par phoner
Traduction : Isabelle
Site Internet Bumblefoot : www.bumblefoot.com
Site Internet Guns N’ Roses : http://www.gnrfrance.net/
Incroyable ce Ron Thal 🙂 Je suis tout à fait d’accord avec lui sur beaucoup de choses, notamment sur le fait que le line-up actuel des GNR n’a surtout pas à rougir des incarnations précédentes du groupe, car on a bien là un vrai groupe avec sa propres personnalité : en les voyant en concert j’ai été impressionné de voir un groupe si « mythique » qui s’assume, et ne sombre pas dans l’auto-caricature ou qui ne tente pas d’imiter le groupe des années 80/90 (je trouve que ce n’est pas le cas par exemple pour Metallica) !
J’espère que ce line-up perdurera longtemps, et j’ai hâte d’entendre des compos signées Bumblefoot sur un éventuel prochain album 😀
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Très intéressante, cette interview 🙂
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Oui à Ron Thal! 😉
Ce mec est juste grandiose!
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Putain de Ron Thal, quelle philosophie :
« Si tu veux faire de la musique intéressante, tu dois vivre une vie intéressante et ressentir bien plus de choses que ce que tu ne pourrais ressentir en gardant constamment tes mains sur ta guitare. »
110% d’accord, et c’était une réflexion que j’avais à propos de mon taff aussi.
C’est d’autant plus vrai dans le métal où je trouve que trop souvent la technique prédomine sur l’émotion. Beaucoup de musiciens oublient ce qui est essentiel dans la musique pour faire une bonne chanson.
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Peut être une des meilleurs interview de RM !
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Ca commence à faire un paquet de « meilleures interview RM ».
Mais, Seb, tu reste toujours indétronnable pour la pire 😉
En tout cas, on a vraiment une pièce de choix ici.