Comme quoi, tout peut arriver. Cela faisait 32 ans que Johan Längqvist n’avait pas chanté sur un album de Candlemass. A vrai dire, quand il posa sa voix en 1986 sur Epicus Doomicus Metallicus, premier album des Suédois, il ne faisait même pas partie du groupe et n’avait aucune envie de les rejoindre : il n’était là que pour donner un coup de main à des amis dans la panade. On ne peut le blâmer, car si on se replace dans le contexte de l’époque, personne ne croyait en cette musique étrange, ridiculement lourde. Alors qui aurait pu prédire que l’album finirait par devenir un tel classique du metal ?
Depuis, les décennies ont filé, tout comme les talentueux chanteurs dans les rangs du groupe, du moine Messiah Marcolin à Mats Levén en passant par Robert Lowe. Mais voilà Candlemass de retour à son point de départ. Et c’est dans un mélange d’incrédulité et de joie fébrile que les doomsters ont accueilli la nouvelle, il y a à peine six mois, du retour de Johan Längqvist dans le groupe qui a donné son nom à leur style musical favori, avec un tout nouvel album à la clé (alors que Pslams For The Dead avait été promu comme étant le dernier, mais le groupe s’en est depuis expliqué).
The Door To Doom est donc d’ores et déjà l’événement doom de l’année. Ajoutons à cela une tournée en première partie de Ghost pour évangéliser les foules et on obtient certainement ce qui sera l’année de Candlemass. Et c’est justement à l’occasion de la toute première date de cette tournée, et à quelques heures du concert, que nous avons rencontré le guitariste Mappe Björkman et le chanteur Johan Längqvist. C’est confortablement installés à l’arrière du tour bus, dans une ambiance détendue après qu’on nous eut aimablement offert une Chimay à déguster, qu’on a taillé une bavette.
Au programme : le retour de Längqvist, le nouvel album et le doom, évidemment, mais aussi la collaboration inespérée avec Tony Iommi, le riff master en personne, ou les liens unissant Candlemass à Tobias Forge, qui leur a tout de même offert l’opportunité de jouer devant Metallica et toute la famille royale suédoise lors du Polar Music Prize…
« Ça a été un choc pour [Mats Levén], l’album était enregistré, c’était genre : “Qu’est-ce qu’il s’est passé ?” Mais s’il y réfléchit un peu plus, il peut comprendre que la réunion avec Johan Längqvist était le choix parfait si nous en avions l’opportunité. Et nous avons eu l’opportunité. Donc nous l’avons saisie. »
Début septembre l’année dernière, quand le groupe a annoncé le retour de Johan, ça a été la grande surprise. Je veux dire qu’en mai de la même année, vous veniez de sortir un nouvel EP, House Of Doom, encore avec Mats Levén au chant. Mats est un ami de Candlemass depuis des années et semblait bien coller. Du coup, on a un peu l’impression que le retour de Johan s’est fait du jour au lendemain. Pouvez-vous donc nous raconter comment tout ça s’est passé ?
Mats « Mappe » Björkman (guitare) : Mats a fait un boulot fantastique avec Candlemass. C’était un très bon ami, il était parfait, il nous a sauvés pour nos concerts et tout. C’était vraiment bien. La raison pour laquelle Johan est revenu est que nous en avions un peu marre de la situation avec Candlemass. Pas parce que nous nous disputions mais plus parce que nous nous demandions : « Est-ce qu’on devrait continuer ? Est-ce qu’on devrait faire un nouvel album ? Est-ce qu’on devrait reprendre du début ? » A l’époque, j’ai appelé Johan et je lui ai demandé s’il voulait essayer quelques chansons avec nous en studio. Je ne savais même pas s’il était prêt pour ça, mais il a dit : « Ouais, carrément ! » Le lendemain, Leif [Edling] et moi avons eu un meeting, car Leif avait aussi sa maladie et tout ; les temps ont été très durs pour lui et il en avait vraiment marre de Candlemass. C’en est arrivé à un point où Candlemass allait s’arrêter. Mais ensuite, Johan est arrivé et nous avons ressenti une nouvelle énergie dans le groupe. Donc nous avons dit : « D’accord, est-ce qu’on devrait sortir un album et ensuite reprendre Johan ? » A ce moment-là, quand Johan est arrivé et a fait ce merveilleux boulot sur l’album, nous étions là : « Ça sonne comme Candlemass ! » Ça a ramené toute l’énergie, car nous voulions finir où nous avons commencé, au lieu de simplement finir le groupe. Nous voulions poursuivre en reprenant là où nous avons commencé, et c’est avec Johan que nous avons commencé.
Johan et moi, ça faisait des années que nous parlions de faire quelque chose ensemble, et c’est aussi quelque chose que j’avais en tête. J’ai dit à Leif : « Si Candlemass n’existe plus, je vais appeler Johan et faire quelque chose avec lui. Pas en tant que Candlemass mais un autre projet. » C’était mon idée : si je continuais dans la musique, je le ferais avec Johan, c’était un rêve que j’avais. Mais si en plus il revenait dans Candlemass, alors ça faisait deux rêves en un ! C’était la combinaison parfaite. Nous pouvons travailler avec Johan et il est de retour dans Candlemass. Il est certain que c’était une bonne décision. Voilà ce qui s’est passé. Ça n’a rien à voir avec Mats qui aurait fait quelque chose qui ne va pas ou quoi que ce soit. Il y a des remerciements spécifiques pour lui sur l’album et je lui souhaite bonne chance pour le futur, car c’est un très bon chanteur, un mec super. A l’avenir il comprendra notre décision, même si elle a été prise très rapidement. Je pense que ça a été un peu un choc pour lui, à cause de la rapidité de la décision que nous avons prise. Mais dans deux ans, il viendra et dira : « Evidemment, je vous comprends les gars. »
Tu veux dire que pour l’instant, il ne comprend pas votre décision ?
Je pense qu’il a compris mais c’était trop pour lui à encaisser. Je veux dire que bien sûr, ça a été un choc pour lui, l’album était enregistré, c’était genre : « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Mais s’il y réfléchit un peu plus, il peut comprendre que la réunion avec Johan Längqvist était le choix parfait si nous en avions l’opportunité. Et nous avons eu l’opportunité. Donc nous l’avons saisie.
Johan Längqvist (chant) : Tout s’est passé très rapidement. Nous avons parlé fin août, et puis nous avons commencé à enregistrer presque immédiatement.
Mappe : Tu as commencé à enregistré immédiatement. Il a aussi démontré son professionnalisme dans ce cas précis car nous avions encore trois concerts à donner, en septembre, et il avait tout le nouvel album à enregistrer, il n’avait entendu aucune chanson, et il est arrivé et était très concentré. Je me souviens de ce que tu as dit quand nous étions assis à ma table chez moi, et nous avions une réunion de groupe avec tout le monde, il fallait prendre une décision et nous savions que tu voulais en faire partie. La seule chose que tu as dite était : « Les gars, si vous voulez que je revienne dans le groupe, en tant que membre de Candlemass, je serais à cent pour cent partant. » Et nous l’avons fait.
Johan, tu avais déjà auditionné pour le groupe en 2005, parmi d’autres chanteurs, avant le White Album…
Oui, avant que Messiah [Marcolin] ne revienne. Mais à l’époque, je pense que Leif écrivait des chansons spécifiquement pour le chanteur. C’était par exemple : « D’accord, Mats est le chanteur. Qu’est-ce qui lui conviendrait ? » Bon, ça sonne un peu absurde maintenant que Johan a enregistré un album qui était prévu pour Mats [petits rires]. Mais c’est comme ça qu’il fonctionne, et à l’époque, il avait écrit quelque chose de très spécifique pour le bon type de chanteur. En conséquence, la combinaison n’était pas aussi bonne à l’époque. Mais maintenant, c’est la bonne combinaison. Ça n’avait rien à voir avec Johan qui ne chantait pas bien quand nous avons fait les essais. Mais désormais nous sommes enfin là [petits rires].
Même si tu as fait quelques apparitions en live au fil des années avec Candlemass pour certaines célébrations, ça fait trente ans qu’on ne t’avait pas entendu, Johan, sur un album de Candlemass. Quelle a été ta vie durant tout ce temps ?
Johan : Si on reprend depuis le début, j’avais mon propre groupe, Jonah Quizz, et c’était mon truc à l’époque. Mais nous avons eu des discussions transparentes sur tout ce que nous avons fait ensemble, et à l’époque, j’avais dit : « Je me focalise sur mon propre projet et j’adore ce que je fais aujourd’hui, mais si vous voulez que je fasse l’album, je serai honoré de le faire. » Ensuite, quand Jonah Quizz s’est séparé, j’ai continué avec un des guitaristes, Anders Bergman. Nous avons fait quelques trucs. Nous avons fondé un groupe baptisé Paravision au départ. Quelques années sont passées sans que ça prenne vraiment d’ampleur, nous restions à jouer dans les alentours de Stockholm, nous avons fait quelques tremplins, nous en avons gagné un… Après quelques années, je l’ai perdu de vue parce qu’il est parti en Australie et n’est jamais revenu. Donc, comme on dit en Suède : « J’ai dû mordre dans la pomme acerbe » [rires]. J’ai dû apprendre à m’enregistrer moi-même, car Anders était celui qui faisait tous les enregistrements quand nous écrivions des chansons ensemble. J’ai acheté un tas de choses et il m’a fallu deux ou trois ans pour apprendre. J’ai écrit plein de chansons, et j’ai fait quelques trucs pendant les années qui ont suivi, mais rien de très connu. Je peux te dire que de nombreuses personnes à l’époque pensaient que j’étais un chanteur de pop, et je dois dire que quand tu écris des chansons et fais toujours des trucs heavy, c’est parfois bon de se vider la tête avec une chanson douce et tranquille ! Et j’ai fait plusieurs chansons de ce type. Des gens les ont aimées, et j’ai dit : « Ouais, vous pouvez vous en servir ! Pas de problème. » « D’accord, mais peux-tu s’il te plaît chanter dessus ? On veut que ton chant soit dessus. » « D’accord… Allons-y. » J’ai donc fait des chansons dans une veine pop – enfin, je n’ai jamais fait de chansons exactement pop mais… Voilà la vérité sur la question. Mais mon cœur est tourné vers la musique heavy et ça a toujours été le cas.
« Personne ne voulait nous aider, ils n’aimaient pas [notre premier album Epicus Doomicus Metallicus], ils disaient : “C’est trop bizarre ! Elle est débile cette musique !” A l’époque, les gens venaient me voir : “Oh, c’est drôle ce que tu fais mon pote, t’es un rigolo toi.” Donc bien sûr Johan ne s’attendait pas que cet album devienne un classique ; nous-mêmes, nous ne nous y attendions pas ! »
Comme tu viens de le dire, quand tu as enregistré Epicus Doomicus Metallicus, tu n’étais même pas un membre du groupe, tu ne faisais que les dépanner. As-tu été surpris que cet album soit devenu un tel classique ?
Au début, je l’étais car c’était un album vraiment spécial quand il est sorti ! Je crois que personne n’avait entendu quoi que ce soit de ce genre à l’époque.
Mappe : Quand nous avons fait cet album, la Suède était représentée par des groupes tels qu’Europe et ce genre de musique. Je me souviens quand Epicus était fini, car nous avons demandé à des tonnes de gens de nous aider car nous n’avions pas de chanteur, et nous approchions la fin du délai pour envoyer la musique à Black Dragon, or passé ce délai, le contrat allait être rompu. Donc nous avons dit : « Qu’est-ce qu’on devrait faire ? » Nous étions à deux doigts de faire chanter Leif sur l’album. Matz [Ekström] connaissait un gars qui s’appelait Johan Längqvist, un ami à lui : « Peut-être qu’il peut nous donner un coup de main ! » Car personne ne voulait nous aider, ils n’aimaient pas l’album, ils disaient : « C’est trop bizarre ! Elle est débile cette musique ! » A l’époque, les gens venaient me voir : « Oh, c’est drôle ce que tu fais mon pote, t’es un rigolo toi. » Donc bien sûr Johan ne s’attendait pas que cet album devienne un classique ; nous-mêmes, nous ne nous y attendions pas ! Mais Johan est arrivé et puis il a aussi fait des concerts anniversaires pour Epicus, donc il a quand même un petit peu été un membre. Le truc le plus cool, c’est que lorsque tu reprends un chanteur après tant d’années… Personne ne sait exactement ce que Johan a fait parce qu’il n’a pas été dans des tonnes de groupes. Mats, par exemple, est un chanteur qui a été partout, donc tout le monde le connaît, mais Johan… Il y a un côté mystique qui entoure Johan, genre : « Merde, il est de retour ! » Et personne ne sait : « Est-ce qu’il chante encore ? Il a cinquante-cinq ans ! » Et ce qui est génial est qu’il a assuré, mieux encore qu’à l’époque !
Johan, y a-t-il eu des moments après coup où tu as regretté ne pas avoir suffisamment cru en Candlemass à l’époque et donc de ne pas les avoir rejoints ?
Johan : Non, ce n’est pas mon genre. J’ai vécu une bonne vie et j’ai travaillé dans la musique toute ma vie. J’ai eu des boulots à temps complet toutes les semaines, j’ai plein d’enfants, et même bientôt six petits-enfants. J’ai donc eu plein de choses à faire, mais j’ai toujours été dans la musique, avec des petits et gros trucs. Je ne le regrette pas. Ça ne sert à rien de regretter des choses dans la vie. Quand ils m’ont appelé cette fois, j’ai dit : « Mon Dieu, c’est le timing parfait ! Je suis libre, mes enfants sont grands et je ne suis plus coach de foot. Je peux faire tout ce que je veux maintenant dans ma vie ! » Donc c’est parfait.
Mappe : Tout converge.
Johan : Et parce que je suis resté dans la musique toute ma vie, plus ou moins, voilà pourquoi ça fonctionne aujourd’hui. Tout le temps que j’ai passé à travailler dur, seul chez moi ou dans de petits groupes autour de Stockholm, ça s’avère payant !
C’est presque comme une nouvelle jeunesse pour toi…
Ouais, on peut dire ça !
Mappe : Pour nous aussi !
Johan : Durant tout ce temps nous ne nous sommes pas perdus de vue. Et comme tu le sais, nous avons également donné quelques concerts ensemble au fil des années, par exemple du temps de Robert Lowe.
Mappe : Le respect a toujours été là de nous envers Johan et de Johan envers Candlemass. Même si nous n’avons rien fait ensemble en trente-deux ans, le respect a toujours été présent. Nous n’avons jamais rien dit de mal l’un sur l’autre, nous ne nous sommes jamais disputés sur quoi que ce soit.
Johan : Nous avons toujours été honnêtes l’un envers l’autre.
Mappe : Ça fait de très nombreuses années que je voulais que Johan revienne. Donc je peux dire que nous avons pris la bonne décision !
Considères-tu Johan comme le chanteur définitif de Candlemass, avant même Messiah ?
Je pense, oui. Bien sûr, Messiah était plus un clown et tout le monde se souvient de lui. Je veux dire qu’il a fait du super boulot dans Candlemass, il a fait des classiques, comme Nightfall, évidemment, mais quand même, le chanteur originel n’est pas Messiah Marcolin. C’était tellement marrant quand Johan est revenu, il y avait une vidéo d’une chanson ou du studio, je ne sais plus, et des tonnes de gens ont commenté, genre : « Merveilleux, Johan est de retour ! Un rêve devenu réalité ! » Mais il y avait un gars : « Oh, il est bon mais je préfère le chanteur originel ! » Et il a reçu une cinquantaine de commentaires disant : « Faut que tu ailles voir un médecin ! » C’était le chaos ! Je crois qu’après ça le gars n’est plus revenu sur le site [rires]. Certains croient que Messiah est le chanteur originel, mais si tu connais l’histoire de Candlemass, évidemment, tu sais que Johan est le chanteur originel. Mais c’est marrant de voir comment les gens réagissent.
Ce qu’on peut remarquer, c’est à quel point ta voix a changé sur cet album, Johan. On te reconnaît à peine si on compare les nouvelles chansons à Epicus Doomicus Metallicus. Ta voix est moins aiguë, moins grandiloquente, mais elle a plus de grain et est plus agressive. Comment expliquer l’évolution de ton style vocal sur cet album ?
Johan : La première fois que j’ai entendu les chansons, elles étaient exactement telles qu’elles sont aujourd’hui. Nous avons simplement été en studio, le lendemain après avoir parlé, ensuite nous avons écouté les chansons et j’ai dit : « Wow, ces chansons sont super, je les adore ! » En parallèle, nous avons aussi fait quelques prises. Mon approche était : « Je vais chanter à pleins poumons ! [Rires] Je vais me donner à cent pour cent pour ces chansons ! » C’est ce que j’ai fait, et j’ai très vite trouvé ma voix et mon approche pour la musique, et nous nous sommes dit : « Oh, c’est ça. C’est le genre de chant qui va bien pour les chansons. C’est hard ! »
« Il n’y a aucune raison pour que nous rechangions de chanteur un jour. Là tout de suite, je dis que Johan est le dernier chanteur que nous aurons dans Candlemass. »
Mappe : Tu as effectivement chanté à pleins poumosn ! C’était un dimanche quand tu es venu au studio et j’ai appelé notre producteur et j’ai dit : « Il faut que tu viennes au studio demain. » « Pourquoi ? » m’a-t-il demandé, car il avait déjà fini avec l’album. « Tu dois essayer un truc ! » « Mais j’en ai fini avec l’album ! » « Non, tu n’en as pas fini avec l’album. » Il était là : « Merde, qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Et après ça, il a voulu que nous nous voyions [petits rires]. Ensuite il est venu au studio et tu as essayé ces lignes de chant, et ça nous a filé la chair de poule. Je me souviens, j’ai dit à notre ingénieur Marcus [Jidell] : « C’est exactement ce qu’on recherche. Je n’irai pas plus loin sans lui. Pas question ! » Nous avons eu un meeting avec Marcus, c’était genre : « D’accord, tu dois travailler pendant un mois, tu dois tout réenregistrer. Fais-le, car toi aussi tu seras très fier de cet album en tant que producteur quand ce sera fini avec Johan. » Et tout le monde avait exactement la même approche après avoir entendu ce que Johan a fait. Je dois dire qu’il y a peu d’albums de Candlemass que j’aime écouter une fois qu’ils ont été terminés, mais celui-ci est l’un d’entre eux. Si tu n’aimes pas cet album, c’est que tu n’aimes pas Candlemass [rires]. Evidemment, je ne vais pas débattre avec les gens s’ils n’aiment pas Candlemass, car je le comprends tout à fait ; il y a des groupes que je n’aime pas et je comprends que d’autres gens aiment ces groupes, mais quiconque apprécie Candlemass devrait écouter cet album, car c’est exactement ainsi qu’il sonne.
Johan : Toutes les chansons sont super. Je n’arrive pas à me décider sur celle que je préfère ! Chaque fois que j’écoute, je suis là : « Oh, mon Dieu, j’adore celle-ci ! » Ensuite, la semaine suivante : « Oh mon Dieu, celle-ci est bonne ! » Puis la semaine suivante : « Oh, celle-ci aussi ! » Ce sont toutes de très bonnes chansons, et c’est assez agréable de chanter sur de bonnes chansons [rires].
Johan, tu n’étais pas tellement impliqué dans Epicus Doomicus Metallicus, vu que tu es venu et a chanté les lignes de chant que Leif avait composées. Comment avez-vous travaillé ensemble cette fois-ci ? Comment était la collaboration comparée à trente ans en arrière ?
J’étais là la plupart du temps avec Marcus, et puis Mappe est venu certains soirs, Leif également. Comme je te l’ai dit plus tôt, il faut trouver son chemin à travers les chansons. Nous travaillions là-dessus, mais nous avons assez vite trouvé notre chemin, et puis il ne restait plus qu’à passer à la chanson suivante, trouver le bon esprit pour la chanson, puis la suivante, et ainsi de suite. J’étais assez libre. Evidemment, il y avait la structure de la chanson, mais j’ai chanté les structures, et puis je disais : « Est-ce qu’on peut changer ça ? » A certains moments, nous avons fait quelques changements. Et nous nous sommes beaucoup amusés pendant que nous étions en studio. Marcus était assez fatigué de devoir tout refaire, mais il a aussi eu un regain d’énergie quand nous avons commencé à travailler ensemble. Je peux te dire que nous nous sommes éclatés. C’était très libre. « Essayons ceci ! » « Ouais allons-y ! » « Oh, celle-ci n’est pas bonne ! » « Oh, celle-ci, t’as réussi ! »
Mappe : Car c’est ainsi que tu travailles : j’adore comment tu te donnes à cent pour cent ! Par exemple, tu dois crier, et c’est genre : « Merde ! » « Oh, c’était bon ? » « Oui ! C’était fantastique ! » C’était amusant et vraiment cool de te regarder chanter.
Johan : Et je pense que, parce que j’ai été dans la musique toute ma vie, j’ai une bonne oreille pour trouver le moyen de faire vivre les lignes de chant. J’ai envie de me balader dans les lignes de chant. Car ce type de musique peut parfois être monotone, or j’ai envie que ce soit aussi vivant que possible.
Aussi, cette fois, tu faisais vraiment partie du groupe, tu n’étais pas juste un chanteur de session. J’imagine que ça a fait une différence.
Ouais ! Notre but était : « Maintenant on va faire du super chant ensemble ! » Nous avons travaillé dur dessus mais ça s’est fait assez rapidement.
Mappe : Je pense que la différence entre Epicus et cet album, c’est exactement ce que tu as dit : quand nous avons parlé de le faire revenir dans Candlemass, c’était pour qu’il soit un membre à part entière. Il est donc pleinement un membre de Candlemass. Ce n’est pas un chanteur de session. Je veux dire qu’en comparaison, même Mats n’était pas pleinement un membre.
Johan : Mon approche cette fois n’était pas la même, car nous avions une limite de temps pour Epicus. Nous n’avions que quelques soirées durant une semaine. Je ne sais même pas si j’étais là pendant deux ou trois soirs !
Mappe : C’était quelque chose comme ça. Et il n’y avait aucun avenir quand nous avions fait ça. Nous ne savions pas si nous allions donner des concerts ! C’était un album et c’est tout. Nous n’avions pas parlé de jouer live ou autre, donc ce n’était qu’un chanteur de session : « Tu fais l’album. » « D’accord, à la prochaine. » Cette fois, c’était : « D’accord, tu seras un membre à part entière de Candlemass si tu le souhaites. » Ensuite, évidemment, je pense que Johan s’est davantage investi dans cet album parce qu’il savait qu’il y aurait un avenir qui irait avec. Il savait que maintenant qu’il était pleinement un membre, nous partirions en tournée, nous jouerions des festivals, etc. Johan est le dernier chanteur que le groupe aura. Il n’y a aucune raison pour que nous rechangions de chanteur un jour. Là tout de suite, je dis que c’est le dernier chanteur que nous aurons dans Candlemass.
Le groupe a déclaré que vous vouliez « trouver comment revenir aux racines de Candlemass, revenir à l’âme et à l’essence du groupe ». Avez-vous eu l’impression de vous être éloignés des racines de Candlemass, de cette essence originelle ? Je veux dire que, pour moi, tant que vous aviez ces riffs typiques de Leif, c’était toujours Candlemass !
Bonne question. Je pense que Candlemass a eu de nombreuses époques musicales différentes, où nous avons mis plus de clavier dans les chansons, il y a Chapter VI avec Thomas Vikström, nous avons fait l’album noir ou celui de reformation… Je crois que tous ont le son Candlemass. Je suis très content que tous les albums ne sonnent pas pareil, car nous ne serions pas là où nous sommes aujourd’hui si tous les albums étaient exactement pareils. Evidemment, nous avons changé de chanteur à plusieurs reprises et les gens disent : « Vous changez tout le temps de chanteur ! » Ouais, mais je pense aussi que tous les chanteurs ont fait du super boulot sur les albums et ont apporté leur patte à Candlemass.
Johan : Ouais, tous sont de super chanteurs !
« Plein de gens aujourd’hui se demandent : “Bordel mais pourquoi [Tony Iommi] a-t-il fait ça pour Candlemass ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Pourquoi ?” Parce si ça avait été quelqu’un d’autre qui avait déjà fait des tonnes d’apparitions en tant qu’invité, alors les gens se seraient dit : “D’accord, pourquoi pas.” Mais là, c’est un gars qui a dit non à tout ! »
Mappe : C’est assez cool que nous ayons toujours eu le truc. Quand je pense aux racines de Candlemass, est-ce Epicus ? Est-ce Nightfall ? Psalms For The Dead ? Candlemass est un groupe qui, en général, est un groupe de heavy metal de la vieille école, influencé par tous les trucs cool… Ce n’est pas un groupe de doom typique ! C’est venu avec Epicus, c’était doom parce que personne d’autre ne faisait ça. C’était Trouble, Saint Vitus et Candlemass, après Black Sabbath. En conséquence, nous avions cette étiquette : « C’est un groupe de doom. » « D’accord, c’est ce qu’on est. » Et c’est fantastique de voir les gens jouer du doom aujourd’hui, car le doom aujourd’hui est tellement lent ! J’aime bien, il y a d’excellents groupes, ils sont influencés par Candlemass, mais si tu les compares à Candlemass, ce sont deux types de musique différents ! Je pense que Candlemass a toujours respecté le fait que nous ayons tous ces types de musique différents dans nos albums. Et pourtant, il y a toujours ce fil conducteur qui lie le tout : les riffs de Leif.
Johan : Leif est un compositeur génial. Je suppose qu’il était un peu en avance sur son temps avec le premier album.
Mappe : Bien en avance sur son temps. Il avait les bonnes influences, il composait les bonnes chansons, etc. Je pense qu’en écoutant cet album, les gens ont aussi dit que c’étaient les racines de Candlemass parce qu’il est plus orienté sur les guitares que les derniers. Nous avions pas mal de clavier sur les trois derniers albums ou EP. Maintenant, c’est un album centré sur les guitares. Et quand tu ajoutes le chant par-dessus, tu écoutes et tu dis : « D’accord, ce sont les racines de Candlemass. » Je pense que ça sonne vraiment comme le Candlemass de la vieille école.
D’un autre côté, on ne peut pas dire que vous ayez fait un Epicus II avec The Door To Doom. Il suffit d’écouter la ballade « Bridge Of The Blind » ou « Black Trinity » avec son passage aux percussions tribales pour s’en convaincre…
Johan : Je ne crois pas que ce soit exactement un retour pile poil là où ça a commencé. Evidemment qu’il faut évoluer, d’une certaine façon, mais désormais, tous les éléments du groupe sont les mêmes et il se peut que ça confère une sorte d’esprit ou d’âme renvoyant à ce que c’était au début. Mais il y a davantage de chansons qui sonnent 2019 que 1986, c’est sûr. On ne peut pas écrire les mêmes chansons toute notre vie.
Mappe : Même si nous avons les mêmes influences dans ce que nous écoutons, c’est-à-dire le metal de la vieille école, il y a aussi de nouveaux groupes qui émergent et tu te construis une inspiration… On ne peut pas sonner comme on sonnait au début. Mais je pense que Candlemass est plus comme un vieux vin. C’était bien en 86 mais ça a meilleur goût maintenant, ça a plus de puissance. C’est le même vin, mais juste un peu meilleur ! [Rires]
La présence de Johan et votre choix d’illustrations font tous les deux allusion à Epicus Doomicus Metallicus, et le motif du cercle semble très important à travers l’album, avec des chansons telles que « Death’s Wheel » et surtout « The Omega Circle » qui clôt l’album. Voyez-vous cet album comme un cercle qui se referme ?
Johan : Tu veux dire dans le sens où ce pourrait être le dernier album de Candlemass ?
Mappe : Le cercle se referme pour Candlemass, nous refermons le cercle en tant que groupe, avec tous les chanteurs et tout ; comme je l’ai dit, Johan sera notre dernier chanteur. Donc ouais, je le vois comme ça, mais je suis à quatre-vingt-dix-neuf pour cent sûr qu’il y aura un nouvel album après celui-ci. Tout dépend de Leif, évidemment, mais je sais quels sont ses sentiments au sujet du résultat obtenu sur cet album. Même si je ne lui ai pas posé la question, je le connais très bien : il a envie d’écrire un album pour Johan. C’est certain.
Johan : Si nous nous amusons, alors il y aura un nouvel album, c’est sûr.
Mappe : Il n’y aurait eu aucune chance de voir un autre album de Candlemass si nous avions sorti l’autre version de l’album avec Mats. Je pense qu’il y aurait eu quatre-vingts pour cent de chance pour que ce soit le dernier album de Candlemass, pour différentes raisons. Mais désormais c’est tout l’inverse. Nous refermons le cercle mais nous en ouvrons un autre aussi.
Le titre, The Door To Doom, amène l’idée d’une sorte d’introduction. Or, d’une certaine façon, c’est vous qui avez ouvert la porte du doom dans les années 80, même si Black Sababth, Saint Vitus, Pentagram et Trouble existaient déjà, vous avez donné au doom son nom. Pourquoi alors utiliser un tel titre aujourd’hui, après nous avoir approvisionné en doom pendant si longtemps ?
Ce titre, The Door To Doom, était l’idée de Leif. Nous avons discuté : « Est-ce qu’on devrait choisir un nom qui ait rapport à Candlemass ou au doom ? C’est quoi la porte du doom ? » C’est plus une ouverture vers la scène doom. Car tout le monde dit que Candlemass est doom, et comme je te l’ai dit plus tôt, nous ne voyons pas forcément notre musique comme étant doom mais plutôt simplement metal, mais c’est aussi une déclaration : nous sommes un groupe de doom, oui, nous sommes la porte du doom. La porte du doom, c’est Candlemass et nous sommes de retour.
Dans « Black Trinity », vous parlez même d’« ambassadeurs du doom ». Ressentez-vous une responsabilité en tant que tels ?
Oui. Comme je l’ai dit, quand on revient à l’époque où nous avons commencé, aucun groupe ne faisait ce type de musique et les gens se moquaient de nous. Le doom metal n’avait pas de nom, ce nom n’avait pas encore été lancé. Aujourd’hui, on voit des festivals de doom, il y a du doom metal partout. Je dois dire que je suis très fier quand les gens nous voient comme une ouverture vers le doom et comme étant ceux qui ont lancé le style et ont fait sortir d’autres groupes de leur garage pour aller jouer dans des festivals… C’est fantastique ! C’est le plus grand honneur qu’on puisse avoir. Je nous vois donc un petit peu comme des ambassadeurs du doom. Enfin, il y a Black Sabbath et d’autres groupes des années 70 qui peuvent être doom, mais à l’époque, il n’y avait pas de terme pour qualifier ce style. C’était juste du hard rock. Aujourd’hui, tu peux dire : « J’écoute du hard rock. » « D’accord, quel style ? C’est du black metal ? Du doom metal ? Du thrash metal ? Du goth metal ? » Il y a des milliers d’étiquettes ! Alors qu’à l’époque, c’était juste du hard rock ! « Ah cool, je vois ce que tu écoutes ! » Mais quand nous sommes arrivés… Je veux dire que j’étais ami avec Quorthon de Bathory quand il a lancé le black metal – enfin, il ne l’a pas lancé car Venom était là avant, mais il était aussi un ambassadeur de quelque chose ; il est devenu un ambassadeur du black metal. Je peux dire que c’est pareil avec Candlemass. Aussi, quand on a commencé à mettre un nom sur les styles, le hard rock n’était plus le hard rock. Et dans notre cas précis, c’est devenu le doom, et je suis fier que nous soyons des ambassadeurs du doom. Si les gens nous voient comme tels, c’est fantastique.
« Je joue défenseur dans l’équipe de hockey ; je ne peux pas monter essayer de marquer des buts, car si jamais ça revient, il n’y aura plus personne pour défendre. C’est exactement pareil. Il faut faire ce pour quoi on est le meilleur, et le faire en tant que pièce d’un puzzle. Candlemass a toujours été comme ça. »
L’un des temps forts de l’album est évidemment votre collaboration avec Tony Iommi sur la chanson « Astorolus – The Great Octopus ». Vous êtes certainement l’un des plus grands héritiers de Black Sabbath, et puisque Black Sabbath a désormais achevé sa toute dernière tournée, doit-on voir ceci comme un passage de flambeau ?
Ça se peut. Ce truc avec Tony Iommi était très spécial pour nous. Car quand nous avons commencé à parler de faire un nouvel album, nous nous sommes assis et avons eu l’idée sympa d’avoir des invités qui nous ont influencés, rien que pour un solo, un riff, ou peu importe. Je crois que c’est Leif qui a dit : « Ouais, j’ai une idée : Tony Iommi ! » Nous étions là : « D’accord, ouais, c’est ça… Qu’est-ce que tu as fumé ? » Il a dit : « Ouais mais pourquoi ne pas demander ? Au pire on nous dira non. » Nous avons donc dit : « D’accord, vas-y. » Je sais qu’il n’avait jamais joué en tant qu’invité, ou alors peut-être dans les années 70, mais des gens lui ont demandé cinq cents fois et il a toujours tout refusé. Donc j’étais à cent pour cent certain que ça n’allait pas se faire. Puis, lui et le management ont reçu la chanson, et ils nous ont contactés, disant qu’il avait écouté la chanson et l’a tellement aimée qu’il était partant pour le faire. Nous étions là : « Bordel, ce n’est pas possible, c’est une blague… » [Petits rires] Il l’a enregistrée. J’ai pensé : « Voilà, c’est tout. » Mais ensuite il fait une déclaration pour expliquer pourquoi il a fait ça : c’était à cause de l’amour et du respect que Candlemass a témoignés envers son groupe pendant tant d’années. Et il a aimé la chanson, donc il a dit : « Pourquoi pas ? Evidemment que je vais faire un solo pour ça. » C’était genre : « Bordel de merde ! » Et puis là, il a aussi partagé le clip, il avait partagé la chanson quand elle est sortie, sur son propre site, et Blabbermouth relaie et il partage ces liens.
Donc, pour répondre à ta question, je ne dirais pas oui, je ne dirais pas non, mais bien sûr, il a du respect pour Candlemass. Il veut que nous continuions à faire notre musique, et le petit coup de main qu’il pouvait nous donner, il nous l’a donné. Ça signifie tellement pour nous. Plein de gens aujourd’hui se demandent : « Bordel mais pourquoi a-t-il fait ça pour Candlemass ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Pourquoi ? » Parce si ça avait été quelqu’un d’autre qui avait déjà fait des tonnes d’apparitions en tant qu’invité, alors les gens se seraient dit : « D’accord, pourquoi pas. » Mais là, c’est un gars qui a dit non à tout ! C’est trop cool ! Et grâce à cette toute petite chose… Enfin, c’est énorme qu’il ait fait ce solo, mais ça génère une sacrée promotion pour nous ! S’il partage la chanson sur son site, il obtient des milliers de vues en une heure, alors que sur notre site, nous n’en obtenons peut-être que cinquante. Combien de collectionneurs de Black Sabbath qui veulent tout avoir de Tony Iommi existent dans le monde ? Ils doivent se procurer notre album ! [Rires] [Imite le son d’une machine à sous] Non, je suis juste content et je suis fier que nous ayons eu l’opportunité qu’il soit sur l’album, c’est fantastique.
Vous avez enregistré une version de la chanson « House Of Doom » avec Tobias Forge, vous avez repris en live « Enter Sandman » au Polar Music Prize avec lui et désormais vous ouvrez pour Ghost. Comment cette relation a-t-elle commencé ?
Je l’ai rencontré dans un festival où nous avons joué ; je crois que c’était en 2009, il y a dix ans, mais je ne suis pas sûr. Quelqu’un m’a présenté à lui parce qu’il a toujours été un grand fan de Candlemass. Je ne savais pas qui était ce gars ! Mais j’avais aussi du respect pour Ghost, je trouvais que c’était un groupe très cool, mais je ne savais pas qui jouait dedans. Depuis lors, nous sommes restés en contact par SMS, juste pour se tenir au courant de ce qui se passait dans nos groupes respectifs et tout. Puis Tobias et moi avons commencé à développer notre amitié, nos familles font désormais des choses ensemble, nous allons dîner ensemble, c’est en fait devenu un de mes meilleurs amis ; c’est l’un des gars pour qui j’ai un énorme respect. Ce qu’il fait est brillant. Il nous donne un coup de main, évidemment, mais il le fait parce que c’est un grand fan de Candlemass. Très tôt quand nous avons commencé à nous parler, il a dit : « Mon rêve serait qu’on fasse un concert ensemble. » Et quand ils ont commencé à devenir gros, il a dit : « Les gars, vous devriez ouvrir pour nous sur une tournée un jour, ce serait parfait ! » Jusqu’à présent, nous n’avons jamais eu l’occasion de le concrétiser, pour des raisons financières et autres, les tournées étaient trop longues, nous avions d’autres choses à faire, etc. mais maintenant était le bon moment.
Et c’était pareil avec le Polar Music Prize : c’est quelque chose dont nous avons discuté attablés chez moi, quand nous dînions ensemble et je lui ai dit : « Merde, il faut que tu m’aides pour parler à quelqu’un et les convaincre que nous sommes le bon groupe pour le gala de Polar, car je sais comment les Suédois pensent, ils vont prendre des groupes qui n’ont rien à voir avec Metallica, croyant que c’est du hard rock mais en fait c’est n’importe quoi. » Et il a dit : « Oui, mais nous allons le faire ! » « Evidemment, tu es sur la même maison de disques, tu es chez Universal Music qui possède Polar Music, et tu sors un nouvel album… Pourquoi n’y ai-je pas pensé ? » Et il a dit : « Mais je ne peux pas le faire. Je ne veux pas le faire, mais j’ai une idée : je vais le faire avec Candlemass ! » J’ai dit : « Si tu vas parler aux gars de Polar et qu’ils donnent leur accord, je te tire mon chapeau ! » Car nous n’avions rien à voir avec Universal, Polar Music ne veut évidemment que des groupes de chez eux. Mais ils n’auraient pas Ghost s’ils ne prenaient pas Candlemass. C’était son idée à leur égard : « Si vous voulez Ghost, j’ai Candlemass pour vous. » Voilà comment ça a commencé. C’était énorme ! Et là aussi il y avait des gens qui disaient : « Merde, Candlemass fait ça ?! Pourquoi ce n’est pas Hammerfall ou un autre groupe ? » « Non, c’est Candlemass ! » Et l’idée était que Tobias arrange la chanson, parce que c’est le meilleur pour arranger des reprises.
N’était-ce pas intimidant de jouer en face des gars de Metallica ?
Les gars de Metallica, et le roi, et la famille royale ! C’était… On voyait Silvia [Sommerlath], la reine, assise comme ça en train d’applaudir. Je me disais : « Concentre-toi ! » Metallica a beaucoup aimé. En fait, ils sont venus à notre table et ils ont dit que c’était fantastique ! Et ils apprécient Tobias, ils l’adorent. Ce sont de très bons amis. C’était bien pour nous de faire ça !
« Je suis un vieux punk rockeur à la base. […] C’était cool, cette vieille scène punk ! Et Candlemass a un petit de ça, si tu écoutes bien. Si nous avions le mauvais producteur, un gars qui ferait en sorte que tout soit parfait, chaque frappe de batterie, chaque partie de guitare… Alors le son de Candlemass disparaîtrait. »
Qu’est-ce que ça vous fait d’ouvrir pour un groupe que vous avez en partie influencé, Ghost ? Y a-t-il une part de frustration que ce ne soit pas l’inverse compte tenu de vos carrières respectives ou, au contraire, ressentez-vous de la fierté à l’idée qu’un de vos disciples ait un tel succès et vous retourne la faveur ?
C’est juste un honneur. Je n’ai rien d’autre à dire !
Johan : On ne peut pas dire qu’on veut que ce soit l’inverse. Ils sont super ! Tobias est un mec extraordinaire et il a travaillé dur pour en arriver là !
Mappe : Je veux dire que si nous jouions ici par nous-mêmes, nous jouerions face à cinquante personnes, alors qu’aujourd’hui, c’est cinq mille ! J’ai lu quelqu’un dire : « Ça devrait être l’inverse ! Candlemass est tellement mieux. » Ah oui ? C’est stupide ! D’accord, ce serait marrant que nous jouions pour cinquante personnes et que Ghost ouvre pour nous, mais ce n’est pas la réalité ! C’est un honneur pour nous d’être sur cette tournée. Nous jouons face à plein de gens qui n’ont pas entendu ce que nous faisons. Nous sortons un nouvel album et c’est notre meilleure chance de le présenter aux gens et nous promouvoir. Je me fiche de savoir si nous avons commencé avant eux, ils sont tellement énormes aujourd’hui ! Je veux dire qu’ils jouent à guichet fermé dans la plus grande salle de Stockholm ; aucun groupe suédois n’a fait ça avant dans la scène hard rock ! La Globe Arena, c’est tellement énorme, c’est quatorze mille places ! Si tu m’avais parlé de ça il y a dix ans, je n’aurais jamais cru que nous jouerions pour une Globe Arena pleine ! Et maintenant nous sommes là, même si c’est en ouverture ! Je suis tellement fier de Tobias et je suis tellement content que nous soyons de la partie !
Nous avons parlé à Leif Edling en 2017 et lui avons demandé ce qu’il en était de son syndrome de fatigue chronique dont il souffre depuis plusieurs années. Il nous a dit, à l’époque, que cette année-là, il devait encore faire attention mais qu’en 2018 il serait en mesure de faire ce qu’il veut. Malgré tout, il ne fait pas encore cent pour cent des concerts. Avez-vous bon espoir qu’il revienne à cent pour cent comme avant ?
Nous avons espoir. Je lui ai dit : « Ce n’est pas grave si tu veux te reposer et que nous faisons venir un autre bassiste pour les concerts, tant que tu es à cent pour cent un membre de Candlemass. Le jour où tu quittes Candlemass, là ce sera une autre histoire. » Evidemment que nous espérons qu’il puisse jouer autant que possible, mais le plus important pour nous est que nous puissions continuer Candlemass avec lui.
Johan : Et qu’il reste en bonne santé et qu’il ne se surcharge pas de travail.
Mappe : Nous avons dit que désormais il ne sera pas tous les jours sur le planning des interviews ; moi et Johan nous chargeons de ça, donc il peut se reposer et se relaxer. Il dit qu’il espère vraiment pouvoir se remettre en selle maintenant, avec les tournées et tout. Nous le soutenons totalement et il en est très content. Maintenant, avec le nouvel album avec Johan, c’est un début et nous verrons. S’il a le sentiment que c’était trop et qu’il a besoin de repos à présent, d’accord, alors peut-être que nous ferons quelques concerts avec Per [Wiberg], par exemple. Nous avons fait trois concerts en septembre sans lui, c’étaient les premiers concerts que tu as faits, Johan ; il n’a pas encore joué avec toi depuis ton retour. Ce soir sera le premier concert qu’il fera avec Johan ! Evidemment que nous le voulons de retour, mais je veux qu’il soit de retour en pleine forme et en tant que membre à part entière. Nous sommes encore un groupe !
Johan : Le plus important est qu’il reste en bonne santé. Il faut qu’il fasse attention à lui. Il ne peut pas trop travailler.
Mappe : Mais il a un regain d’énergie maintenant avec le nouvel album. Il est très content du résultat, je le vois. Je ne l’avais jamais vu être aussi positif. Il est un peu tout excité, genre : « Oh, j’espère que ça va marcher ! » C’est très marrant.
J’ai regardé quelques setlists de vos récents concerts, il y avait pas mal de chansons d’Epicus mais aussi deux chansons de l’époque Messiah – je crois que c’est « Dark Reflections » et « Bewitched ». Johan, comment tu te sens de chanter ces chansons ?
Johan : Ça ne me pose aucun problème. Ce sont de super chansons et je les adore ; toutes ces vieilles chansons sont importantes pour Candlemass. Nous allons en jouer une ou deux de plus ce soir, pour la toute première fois. Ça ne me pose vraiment aucun problème. J’adore les chansons d’Epicus, je n’ai aucun mal à les interpréter, et j’adore « Bewitched », « The Well Of Soul », « Mirror Mirror »… il y a plein de super chansons ! C’est même un honneur de les chanter.
Mappe : Le truc est que nous avons parlé avec Johan des chansons qu’il serait à l’aise de faire parmi les anciennes, et tu les as listées, et tu étais là : « Oh, j’adorerais faire ‘Dark Reflections’ ! Oh et celle-ci est fantastique ! Oh et celle-là est aussi très bonne ! » Quand nous répétions, je voyais sur ton visage que tu te faisais plaisir !
Johan : J’ai même fait un petit changement dans « Dark Reflections », dans la partie calme. Ça fait plusieurs fois maintenant que Leif l’a entendu et il n’a rien dit dessus. Je pense qu’il aime bien.
On parlait plus tôt de l’idée d’un cercle qui se referme, or le temps a toujours été un sujet important pour Candlemass. Comment le temps a affecté le groupe et votre approche de la musique ?
Mappe : [Rires] C’est une question difficile !
Johan : Nous sommes des gars venant du même bateau : nous écoutions la même musique quand nous étions jeunes, nous sommes tous à peu près du même âge. Nous avons commencé en écoutant des groupes comme, évidemment, Black Sabbath, le metal de la vieille école, en général. Je suis personnellement dans le metal des années 80, le début des années 80. C’est là que les meilleures chansons ont été écrites, selon moi [petits rires]. Evidemment, il y a de super chansons qui sortent aujourd’hui, mais c’est là où se trouve mon cœur. Ça ne changera pas. Si je rentre chez moi, j’allume la chaîne hi-fi et j’écoute de vieilles chansons du début des années 80. Ça me donne envie de monter le son et c’est ce qui me procure des émotions. Peut-être pour des raisons nostalgiques, je ne sais pas !
« Si un producteur analyse ce qui va ou ne va pas [dans Epicus Doomicus Metallicus], rien ne va dans cet album [rires], mais au final, le résultat est comme il doit être. Il a l’esprit, il a du cœur, c’est la clé. »
Mappe : Evidemment, j’étais dans le metal, mais je suis un vieux punk rockeur à la base. Je viens de la scène punk rock de la vieille école. J’avais des groupes de punk dans les années 70. Et si tu combines qui nous sommes chacun, ça forme quelque chose de fantastique ! Ce qui est unique au sujet de Candlemass, c’est aussi que chacun est une pièce du puzzle. Je peux voir tant de groupes qui, par exemple, ont deux guitaristes, et les deux se sentent obligés d’être en compétition l’un avec l’autre : « Je fais ça ! » « Oh alors je dois faire ça ! » Enfin, compare ça à une équipe de hockey : si je joue à l’avant dans une équipe de hockey, je ne peux pas revenir en arrière et aider les gars, car alors les rôles s’inversent. Je joue défenseur dans l’équipe de hockey ; je ne peux pas monter essayer de marquer des buts, car si jamais ça revient, il n’y aura plus personne pour défendre. C’est exactement pareil. Il faut faire ce pour quoi on est le meilleur, et le faire en tant que pièce d’un puzzle. Candlemass a toujours été comme ça.
Johan : J’étais moi aussi un grand fan de punk. Je trouve qu’il y a une sorte d’attitude, une énergie dans cette musique. On avait un groupe en Suède qui s’appelle Ebba Grön. J’étais très fan de ce groupe de punk ! Ils jouaient de façon un peu thrash… Peut-être pas très bien, mais l’énergie était là. Tout est question d’énergie ! Ça, c’était au tout début, avant que je ne découvre le metal, comme Black Sabbath, Judas Priest, Scorpions et tous les autres groupes. Il se peut que nous avions environ onze ou douze ans quand Ebba Grön était vraiment populaire, et ce chanteur, [Joakim] Thåström, il chantait de façon vraiment intense ! Oh mon Dieu !
Mappe : C’était cool, cette vieille scène punk ! Et Candlemass a un petit de ça, si tu écoutes bien. Si nous avions le mauvais producteur, un gars qui ferait en sorte que tout soit parfait, chaque frappe de batterie, chaque partie de guitare… Alors le son de Candlemass disparaîtrait.
Johan : Il me semble que nous avons parlé de ça, du fait que ça devrait sonner un peu sale, pas trop parfait, pas trop léché, pas trop poli, plus vivant afin de trouver l’énergie dans la musique ; c’était le but. Donc si quelque chose n’est pas exactement parfait, ça n’a pas d’importance, car l’énergie est là et c’est ça qui compte : trouver l’âme. Je pense que ça pourrait être une des raisons pour lesquelles les gens aiment l’album Epicus Doomicus Metallicus. Si tu veux l’écouter comme un professeur ou autre, mon Dieu ! Il n’est pas bon ! Mais pourtant, il possède un truc.
Mappe : Ouais, toutes les erreurs sont là. Si un producteur analyse ce qui va ou ne va pas, rien ne va dans cet album [rires], mais au final, le résultat est comme il doit être. Il a l’esprit, il a du cœur, c’est la clé.
Est-ce que vous vous tenez au courant de la scène metal plus moderne ?
Johan : Je ne m’intéresse pas des masses à ce qui se fait aujourd’hui, pour être honnête. Parfois je tombe sur des choses que j’aime beaucoup. Il y a plein de super musiciens, mais justement, il y en a tellement ! Je suis vieux jeu. Je n’ai même pas Facebook et je lis rarement mes e-mails, ce qui peut poser problème [rires].
Mappe : Stylo et papier !
Johan : Bien sûr, parfois on me suggère des choses, j’écoute et je finis par aimer. Il y a tellement de jeunes musiciens talentueux, ils sont géniaux. C’est sûr qu’on peut trouver de la bonne musique en prenant la peine de chercher.
Mappe : Par exemple, je suis Ghost, parce que je trouve qu’ils assurent, donc je les écoute. Mais pour ce qui est des nouveaux groupes en général, je ne suis pas là : « Oh, il faut que j’aille écouter ce groupe, j’ai entendu parler d’eux ! » Mais je m’y intéresse quand même si quelqu’un me présente quelque chose : « As-tu écouté cet album ? » « Non. » « Il faut que tu écoutes ça ! » Je ne suis pas là : « Je n’en ai rien à foutre. » Non, je respecte ça. Mais je n’ai pas le temps et je suis toujours tellement à fond dans les vieux trucs. Maintenant, je me remets au vinyle ; je commence à acheter toutes ces conneries, j’ai mon argent qui s’envole de mes poches [petits rires]. Je suis dingue. J’ai acheté tellement d’albums l’année dernière que ma femme va bientôt me tuer.
Johan : T’es un vinyle-olique !
Mappe : Il faut que je me fasse aider ! [Rires] Je suis en train de racheter tout ce que j’ai vendu dans les années 90, ces vieux albums que j’avais quand j’avais de quinze à vingt ans. C’est une renaissance pour moi ! Quand je mets la main sur un vieil Uriah Heep, Camel, Yes ou autre, merde ! J’adore ! Je redécouvre cette musique.
Johan : Je me souviens quand j’étais jeune, on parlait et on disait qu’on serait la première génération de seniors à écouter Black Sabbath, qui dirait : « S’il te plaît, balance ‘Heaven And Hell’ ! » [Rires]
Mappe : Exactement, j’en suis là aujourd’hui ! Je n’écoute pas Uriah Heep sur Spotify. Je ne fais pas ça. Tous les CD sont en train de disparaître et maintenant les vinyles reviennent, et alors j’écoute tous ces albums, et je suis là : « Putain, comme c’est bon ! » [Rires]
Interview réalisée en face à face le 3 février 2019 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Adrien Cabiran.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Site officiel de Candlemass : www.candlemass.se
Acheter l’album The Door To Doom.
Pat, la fin de ton message est très juste!
Je vais ré-écouté l’album et peut-être que je finirai par le trouver monstrueux, ehe,eh!!
[Reply]
Considères-tu Johan comme le chanteur définitif de Candlemass, avant même Messiah ?
Je pense, oui. Bien sûr, Messiah était plus un clown et tout le monde se souvient de lui. Je veux dire qu’il a fait du super boulot dans Candlemass, il a fait des classiques, comme Nightfall, évidemment, mais quand même, le chanteur originel n’est pas Messiah Marcolin.
Certes mais sans Messiah Marcolin, pas de gloire médiatique dès 1987 !! « Messiah était plus un clown !! oui avec sa tenue de moine sur scène, mais remettons-nous dans le contexte, c’était plutôt avant-gardiste pour l’époque !!! (ghost et bien d’autres n’étaient même pas en phase de conception). Et quel chant ce messiah marcolin sans parler des paroles, nightfall, ancient dreams et tales of creation sont pour ma part la période la plus intensément riche de candlemass.
Certains interviewées, mériteraient de leur pointé du doigt qu’il crache dans la soupe ….
[Reply]
Je comprend mieux pourquoi dès la première écoute , Johan sonne comme Mats. C’est ce qui m’ a un peu refroidit ,je l’avoue.
Après l’avoir ré-écouté , je reviens sur ma première impression pour finir par conclure que l’ album est monstrueux.
Le top serait que Leif continue à sa refaire la santé pour vraiment composé un album formater pour Johan.
Cela étant et n’en déplaise à Mappe ,Le chanteur emblématique de Candlemass est et restera Messiah. C’est la pique de trop qui vient ternir cette superbe interview. Finir en apothéose par une réconciliation avec Messiah suivi d’un album signifierait une Marche Funèbre de première classe pour le combo.