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Chronique   

Caspian – On Circles


Caspian devait prendre du temps. Suffisamment pour ne pas sombrer dans une routine « composition-tournée » qui briderait sa créativité. Le cycle Dust And Disquiet (2015) a poussé le groupe dans ses derniers retranchements : en réalité Caspian ne s’est pas arrêté en douze ans. Si la musique du groupe se nourrit des expériences de vie de musiciens, il fallait tout simplement leur permettre d’en avoir de nouvelles. On Circles, cinquième opus du groupe et premier avec le nouveau batteur Justin Forrest remplaçant Joe Vickers, ne veut pas signifier le « renouveau » de Caspian mais plutôt le fruit d’une réflexion musicale et philosophique. Pour reprendre les dires du groupe, On Circles n’est pas une révélation thaumaturgique, la fin d’une période d’épuisement qui laisse place à un retour en grâce. Il est un constat parfaitement neutre sur la nature cyclique des choses, que ce soit dans la carrière musicale ou, plus largement, la vie, et son acceptation.

L’album a été enregistré au Studio 4 à Conshohocken en employant une méthodologie différente des précédents opus. Les musiciens de Caspian se sont réunis pour vivre ensemble le long de quatre semaines entrecoupées, sans ingérences nuisibles. À l’inverse de leurs précédents efforts, le studio n’a pas simplement servi de plateforme d’enregistrement strict mais d’espace de mise en forme, de peaufinage des titres. Première pour le groupe : chaque titre se suffit à lui-même, comme une collection de nouvelles plutôt qu’un roman structuré. Dès les premières écoutes, On Circles laisse effectivement transparaître une forme d’immédiateté, où l’auditeur peut puiser dans ce qui l’intéresse sans avoir le sentiment de porter atteinte à l’intégrité d’une œuvre. « Nostalgist » (premier des deux titres chantés), qui accueille la participation du chanteur Kyle Durfey du groupe Piano Becomes The Teeth, prend les allures d’une pseudo-ballade aux arrangements ténus et délicats et à la mélodie aérienne. La subtilité du jeu de batterie de Justin permet à l’instrumentation de créer des boucles sans devenir monolithique. Il y a amplement assez de dynamique au sein de « Nostalgist » pour se suffire. C’est en résumé le dessein d’On Circles. Il y a des cycles qui apparaissent au sein même des titres, à l’instar de cette boucle de clavier en introduction de « Flowers Of Light » (conférant au morceau un côté très Alt-J) qu’on retrouve à sa conclusion. « Division Blues » s’amorce par une atmosphère nébuleuse avant d’entamer une lente progression qui finira par revenir à son point de départ. Caspian cultiverait presque des « emboîtements de cercles », disséminés tout au long de l’opus.

On Circles bénéficie d’une certaine finesse (encore une fois, le travail de Justin Forrest y est pour beaucoup) et délaisse légèrement l’aspect systématique du mur de guitares souvent usité dans le post-rock instrumental. Certes, Caspian se réserve quelques instants de puissance, à l’image du crescendo de « Flowers Of Light » ou de « Collapser » et son riffing beaucoup plus agressif, évoquant davantage Russian Circles. Composition la plus sombre du lot (elle aurait pu facilement figurer sur Dust And Disquiet (2015)), « Collapser » offre au milieu d’un opus finalement très lumineux – signe d’un groupe apaisé et revigoré – une variation voire une brèche d’humeur salvatrice. La beauté d’On Circles, c’est aussi la capacité de Caspian d’enrichir son propos et ses textures en sortant des codes sonores du rock : le saxophone de « Wildblood », le jeu de cordes d’« Ishmael » (Jo Quail est venu jouer du violoncelle sur l’album) et ses quelques accords de guitare acoustique évoquent tout autant, si ce n’est davantage, que les grandes élancées saupoudrées de réverb’ auxquelles ils préparent. L’intimité et la sincérité qui se dégagent de « Circles On Circles », simple addition d’une guitare acoustique et de la voix de Philip Jamieson, prennent même autrement aux tripes qu’une énième et sempiternelle superposition de riffs et de lignes mélodiques progressives propre au genre.

Caspian ne se présente pas comme un « phœnix », sortant d’un long silence avec une perspective retrouvée. Il s’est juste accordé le répit nécessaire pour narrer à nouveau avec sincérité. On Circles s’affranchit d’une structure ambitieuse dessinant un ensemble, pour mettre en valeur des plages plus immédiates et indépendantes mais tout aussi éloquentes. En réalité, On Circles ne force pas l’auditeur à l’écoute longue et méditative. Il lui laisse le choix et le temps d’apprécier chaque morceau ainsi que le concept de cycle qui les motive et se dessine au fur et à mesure, sans être forcé. On Circles ne sur-intellectualise rien et privilégie une émotion plus franche et de fait peut-être plus poignante.

Chanson « Circles On Circles »:

Chanson « Flowers Of Light »:

Album On Circles, sortie le 24 janvier 2020 via Triple Crown Records. Disponible à l’achat ici



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