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Metalanalyse   

Cathedral sonne son propre glas


Cathedral n’est plus. Lee Dorrian, leader du pilier de la scène doom que représente Cathedral, a déjà dit par le passé que s’ils arrivaient à dix albums ce serait bien. Quoi de plus doom que d’avoir conscience de sa propre immuable mortalité, mieux encore, que de décider de sa propre fin lorsqu’on juge avoir atteint l’objectif de sa vie ?

Lee Dorrian a fait de Cathedral une référence. Il en a exploré de nombreuses facettes, des débuts profondément doom de In Memoriam et l’album The Forest Of Equilibrium, une des tables de la loi du genre, jusqu’aux élans stoner et même foncièrement psychédéliques voire complètement barrés. Il y en a eu des électriques, bien sûr, mais aussi des acoustiques et même du « funky », il y en a eu des courtes et aussi de très longues, il y en a eu aux allures de tubes et d’autres indigestes pour le commun des mortels, il y a eu beaucoup d’original et quelques reprises, il y a eu des pochettes d’album étonnantes où il fait bon s’y perdre, il y a eu des chasseurs de sorcières, des mouettes, des montagnes, du surnaturel, des jardins des délices, des énigmes, et tant d’autres choses. Le monde que Cathedral laisse en héritage est incroyablement riche.

Alors voilà, The Last Spire est ce dixième album. Le groupe a programmé son arrêt en février 2011. A vrai dire, The Guessing Game et la période de doute qui l’a précédé ainsi que son ultime morceau aux allures de bilan (« Cela fait vingt ans, que le futur nous réserve-t-il ? », la question était posée dans le refrain) aurait pu mettre la puce à l’oreille. Pas de tournée de soutien, le groupe a joué son dernier concert en mars de l’année dernière. Et puis, il faut savoir que le maestro est déjà en train de travailler sur l’après, un groupe dénommé Septic Tank, avec le co-fondateur, co-compositeur et guitariste de Cathedral Garry Jenning et le bassiste Scott Carlson qui a enregistré The Last Spire. Autant dire que les fans peuvent se préparer à une seconde vie.

The Last Spire est donc cet ultime disque en guise de pierre tombale qui renvoie la folle cathédrale six pieds sous terre. C’est d’ailleurs sûrement comme telle qu’il faut voir la pochette et ses ornements gravés dans la pierre. Une pochette qui d’une certaine manière renvoie à celle de l’EP Soul Sacrifice de 1992. Avec The Forest Of Equilibrium mis à l’honneur dans le dernier live anniversaire du groupe paru il y a deux ans, on aurait pu croire que Cathedral serait tenté de retourner à ses jeunes années. En réalité, non, pas tout à fait. Cathedral regarde bien la mort en face. Il contemple le gouffre devant lui, écrasé par le poids de son expérience qui le pousse à s’y précipiter. C’est ainsi que The Last Spire est par bien des aspects l’un des plus sombres albums de la formation. Son amorce est sans équivoque et s’appelle « Entrance To Hell » (« Entrée en enfer »). Il s’agit de trois terrifiantes minutes faites de cris de corbeaux, des bruit du vent qui souffle, de clochers mortuaires qui résonnent au loin et de guitares et basses qui grognent sans vraiment former de riffs. Par dessus, Lee Dorrian scande « Bring out your dead! », une phrase qui était prononcée dans l’Angleterre du XIVème siècle pendant la Peste Noire, lorsque des chariots de ramassage des cadavres passaient dans les villes pour signifier aux gens, littéralement, d’amener leurs morts pour les y entasser.

Un album qui déjà filtre les auditeurs à l’entrée. Seuls passeront ceux qui se laisseront emporter par la macabre et longue introduction, ceux qui montreront de vraies affinités avec la part de nihilisme et de morbide que peut véhiculer le doom. Car doom, cet album l’est assurément. Guitare et basse sont plus épaisses et racleuses que jamais. Les frappes de batterie sont accablantes. La performance de Dorrian est grave et cynique. En cela, on peut dire effectivement que les souvenirs de The Forest Of Equilibrium resurgissent. Cathedral retrouve ici ses racines dans la lenteur, dans la lourdeur, dans la noirceur. Dans le texte promotionnel, Lee Dorrian dit qu’il s’agit là « de l’album que j’ai attendu depuis le premier, j’ai presque le sentiment, d’une certaine façon, que nous avons fait notre second album en dernier. » Mais aurait-il pu faire un tel album en 1993 en lieu et place de The Ethereal Mirror ? Sans doute pas. The Last Spire transpire la maturité et est ce qu’il est parce que vingt-trois ans de musique, d’évolution et d’expérimentations se sont écoulés.

The Last Spire a beau être doom dans son essence, il n’en est pas moins riche et vivant. Il hérite notamment du caractère débridé des deux dernières œuvres du groupe, The Garden Of Unearthly Delights et The Guessing Game. C’est ainsi que les riffs heavy à souhait de « Pallbearer » se retrouvent appuyés par des cuivres pharaoniques (du genre que l’on pourrait retrouver chez Nile), puis cassés par des vocalises féminines sous psychotropes et un passage acoustique inattendu avant de repartir sur un tempo soutenu et un riff stoner sulfureux. L’abrasif « Cathedral Of The Damned » est lui coupé net en son centre par un énigmatique xylophone – ou un instrument dans le genre – avant de reprendre son cours. Le très lent et ambiancé « An Observation » se voit quant à lui plongé à mi-parcours dans le rock progressif et le psychédélisme des années 70 avec ses claviers typiques et sa basse bien grasse, un peu façon Chris Squire (Yes) sous stéroïdes. Une séquence trouvant son entrée avec des violoncelles et son issue dans un riff pachydermique soutenu par une batterie presque martiale. Cathedral est devenu avec le temps un univers à part entière, imprévisible et incomparable. Il le prouve une nouvelle et dernière fois avant de tirer sa dernière flèche contre lui-même.

La piste bruitiste initiale trouve son écho sur l’avant dernière « The Last Laugh », noyée dans des rires dont on ne sait s’ils sont moqueurs ou nerveux et qui se transforment en un brouhaha de hurlements. Toujours est-il que ce sont là les derniers que l’auditeur entendra avant que les chariots mortuaires ne l’emportent à son tour. Le bien nommé « This Body, Thy Tomb » (« Ce corps, ta tombe ») et sa première moitié monolithique, suivie d’une paisible accalmie où règne la tristesse avant un final instrumental assommant, montre le chemin des ténèbres. Cathedral se donne ainsi la mort en faisant bien comprendre que les fins ne sont jamais heureuses.

Album The Last Spire, sortie le 29 avril 2013 chez Rise Above Records.



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