Quelle forme le Max Cavalera ! Il faut pouvoir tenir son rythme, lui qui chapeaute en leader tous ses projets et qui aura fourni pas moins de trois albums avec trois formations différentes en un an de temps : Savages de Soulfly, le premier album de Killer Be Killed et désormais le troisième opus de Cavalera Conspiracy intitulé Pandemonium. Et il nous avait prévenu la dernière fois : avant même d’écrire un riff, il avait une idée déjà bien précise en tête de ce que cet album allait être, en l’occurrence inspiré du grindcore, « très brutal, très agressif et rapide. » Trois termes qui reviennent sans arrêt au cours de la nouvelle interview qui suit. Et tant pis pour le frangin Igor qui a dû supporter son « dictat » au cours de l’enregistrement, Max est le commandant de bord qui détient LA vision. Ça prouve en tout cas la véritable confiance qui règne entre les deux frères, plus proches que jamais. En fait, c’est surtout tant pis pour le voisinage et la maréchaussée venue frapper à la porte…
Max s’étend avec nous sur la conception très « underground » de l’album, ses motivations et la relation musicale qu’il entretient avec Igor, remontant jusqu’à leur enfance. Et dire qu’il prévoit déjà le dixième album de Soulfly pour l’année prochaine…
« Lorsque tu vieillis, tu dois t’adoucir, tu dois ralentir et écouter de la musique douce. Pourquoi ? Je ne comprends pas ce concept. »
Radio Metal : Apparemment tu avais des idées bien spécifiques en tête avant de t’engager dans ce nouvel album, Pandemonium. Quel était donc votre état d’esprit au final ?
Max Cavalera (chant & guitare) : Nous voulions faire un album véritablement agressif. Nous trouvions avec Igor que ce serait bien de faire un album rapide. Pandemonium est basé sur l’idée d’avoir deux frères qui jouent du metal rapide comme nous le faisions lorsque nous étions gosses. La majeure partie de l’album est donc agressif, rapide et très brutal. J’aime ça. Je trouve qu’il est plus brutal que les deux précédents, plus extrême, et je trouve qu’il fait ressortir beaucoup d’énergie du point de vue de la performance live. Beaucoup de parties ont été enregistrées live, avec moi, Marc et Igor jouant ensemble dans une pièce. Nous avons donc capturé l’énergie live du groupe, et ensuite, nous avons envoyé le résultat à Nate de Converge pour qu’il puisse y ajouter sa basse et chanter sur l’une des chansons. C’était un processus sympa. Nous l’avons fait dans une maison au lieu d’un studio et j’ai produit l’album au lieu d’embaucher un grand producteur. Il est donc plus punk et underground. Même le son de l’album est un peu sale ; ce n’est pas très travaillé mais c’était fait exprès. Nous voulions vraiment que le son soit agressif et brutal pour aller avec l’état d’esprit de l’album.
D’où vient cette soif de brutalité ?
Simplement de la vie elle-même, tu sais, de certaines situations. Nous galérons toujours, nous essayons toujours de payer nos factures, nous sommes toujours fauchés. Personne n’est millionnaire et personne n’est une grande rock star qui n’a pas à s’inquiéter de quoi que ce soit. Nous avons toujours beaucoup de choses à nous inquiéter. Il y a pas mal de merdes qui ne tournent pas rond dans le monde et à propos desquelles je chante dans l’album. C’est naturel pour moi d’écrire des chansons agressives. J’ai appris à écrire des chansons agressives il y a bien longtemps et j’adore faire ça. J’espère que je n’arrêterais jamais d’adorer ça. J’aime écrire ce genre de chansons et ce genre de paroles, et les jouer en concert. Je trouve que c’est la meilleure chose que nous puissions faire.
Tu as déclaré que cet album rappelait beaucoup l’époque où toi et ton frère étiez gamins à jammer dans une pièce. Peux-tu nous en dire davantage sur ce processus créatif ?
Oui. Comme je l’ai dit c’était un processus plutôt underground. Au lieu d’aller dans un grand studio, nous avons été dans notre maison à Phoenix et j’ai un ami à moi, John Gray, qui est venu faire le boulot d’ingénieur et j’ai produit l’album. Tout s’est fait entre moi, Igor et Marc ; nous avons fait toute la musique dans le studio. C’était vraiment du « do-it-yourself », avec une véritable mentalité punk-rock comme j’aime. Même pour ce qui est du son de l’album, j’ai dit à John Gray que je ne voulais pas que l’album sonne beau mais qu’il sonne un peu moche, sale et agressif. Je ne voulais pas que l’album sonne travaillé ou comme un gros album de rock, il devait sonner comme les trucs agressifs que l’on écoutait dans les années 80, comme les vieux Entombed et Carcass, des trucs très bruitistes comme ça. C’était donc ça toute la mentalité derrière cet enregistrement underground, un peu retour aux sources : aller dans une maison, moi à la production, le fait que tout reste dans un esprit underground, avec une mentalité punk. Je trouve que ça marche pour ce genre d’album. L’album montre vraiment que cette manière de faire fonctionne.
Comment ta relation musicale avec ton frère a-t-elle évoluée avec cet album ?
Nous avons commencé quand nous étions des gamins qui adoraient le death metal, le black metal, le thrash metal et nous jouions vraiment vite au début. C’était super marrant alors c’est pourquoi nous avons voulu ramener un peu de cette jeunesse dans le groupe. Moi et Igor avons une histoire de trente ans à jouer de la musique. Nous avons commencé quand nous étions gamins au Brésil, lorsque nous n’avions même pas d’instruments. Il jouait dans un canapé et j’avais une guitare acoustique, et nous avons écrit la première chanson comme ça. Nous avons continué, toujours à essayer de s’améliorer et évoluer. Ensuite nous avons eu un peu d’argent, nous avons acheté du matériel et nous avons continué à composer ensemble. Nous avons toujours bien travaillé ensemble, on s’entend vraiment bien. La manière dont je travaille avec lui est vraiment fun. On divise tout : l’artwork, les idées pour l’album, etc. Même si je compose les riffs et écris toujours les paroles, nous travaillons tous ensemble sur la réalisation de l’album. Et même si nous sommes plus vieux aujourd’hui, tu sais, nous avons 44, 45 ans, on a toujours le sentiment qu’une magie opère entre moi et Igor lorsque nous jouons. Et nous avons essayé de capturer cette magie et la réinjecter dans le groupe. Je crois que Panemonium est vraiment puissant et beaucoup de fans vont l’aimer parce que c’est un retour aux sources, un retour aux fondamentaux avec Max et Igor en train de jouer du metal sans chichi. C’est du pur metal, dans ta face, fort, brut, agressif et brutal ; exactement comme ça devrait être.
Est-ce que tu as la nostalgie de cette époque où toi et ton frère faisiez de la musique étant gosses ?
Oui mais ça se passe encore là tout de suite, tu sais. C’est ce que nous faisons aujourd’hui et c’est tellement super de voir la réaction des fans. On a mis en écoute la chanson « Bonzai Kamikazee » et les réactions étaient fantastiques. Les fans l’adorent. Ils disent que si tout l’album est comme ça, ils vont adorer. Et tout l’album est comme ça. Il y a donc de la nostalgie mais il y a aussi le fait que nous vivons notre rêve là tout de suite, à jouer de la musique, à vivre de la musique et le faire ensemble avec Igor. Je crois que nous sommes ensemble depuis 2007 maintenant et ceci est notre troisième album, et il montre bien que nous sommes là pour durer.
A quel point es-tu resté fidèle au gamin que tu étais à l’époque ?
Eh bien, tu sais, nous sommes les mêmes personnes. C’est juste que nous sommes plus vieux et que nous avons des familles et des enfants. Notre passion pour la musique est restée la même. Igor et moi adorons toujours la musique et nous nous échangeons des informations sur les groupes que nous aimons, je lui parle de certains groupes heavy que j’écoute et il me parle de certains trucs qu’il écoute. Nous avons déjà des idées pour des projets futurs et notre passion pour la musique n’a pas bougé depuis notre enfance.
« J’avais une vision pour l’album et je voulais y rester fidèle. Parfois, pour pouvoir faire ça, même en studio, tu dois agir un peu comme un connard. »
Je suppose que toi et ton frère, avec tous vos projets et tout, ne vous voyez plus aussi souvent. Et Cavalera Conspiracy est un moyen pour vous deux de vous retrouver de temps en temps, mais est-ce que partager plus de temps et de musique avec lui comme à la vieille époque ne te manque pas ?
Oui, probablement. Mais aujourd’hui, en fait, est une meilleure époque, parce que lorsque nous étions ensemble dans Sepultura, il y avait beaucoup de stress, beaucoup d’agitation et on ne se faisait pas autant plaisir. Je trouve que c’est mieux maintenant comme les choses se passent avec Cavalera. Gloria [Cavalera, l’épouse de Max] nous manage et fait en sorte que tout se passe très bien. Nous ne tournons pas beaucoup ; nous faisons juste un peu de tournée et après nous revenons à la maison. Un peu plus tard nous refaisons encore un peu de tournée, du coup ce ne sont pas de longues et fatigantes tournées comme beaucoup de groupes font. Et souvent notre famille est avec nous en tournée. C’est super d’avoir nos enfants avec nous dans le bus pendant qu’on voyage. Pour moi, c’est la meilleure façon de travailler, tu sais, en faisant en sorte que tout reste en famille car tu peux leur faire confiance. Tu sais qu’ils ne te poignarderont pas par derrière et tu sais qu’ils ne vont pas te trahir. C’est une super façon de travailler et j’adore travailler avec des membres de ma famille.
Tu as dit que tu agissais en dictateur en studio avec Igor pour essayer de l’empêcher de groover et le pousser à jouer vite. Est-ce qu’il a facilement accepté cette autorité ? Ne se rebellait-il pas parfois ?
Ouais mais je le faisais pour de bonnes raisons. Je recherchais le meilleur pour l’album. J’avais une vision pour l’album et je voulais y rester fidèle. Parfois, pour pouvoir faire ça, même en studio, tu dois agir un peu comme un connard et être dur avec les gens qui travaillent. Il y a donc eu quelques fois où j’ai dû l’arrêter et lui dire : « Ne fait pas cette partie qui groove, continue à jouer vite car nous voulons que cet album soit rapide et agressif. » Sur d’autres chansons j’ai un peu laissé couler, comme pour « Not Losing The Edge » qui a un peu de groove. C’est plus fort que nous, nous sommes brésiliens et nous avons le groove en nous, c’est dans notre sang. Mais nous avons essayé de faire un album plus rapide, avec moins de groove. D’ailleurs le surnom de l’album c’était Fuck The Groove. C’est le nom qu’on a donné à l’album en studio. Il a fallu que je me montre dur mais je pense que nous avons atteint le résultat que nous voulions.
N’est-ce pas un peu contre nature pour un batteur – et plus encore pour un batteur comme ton frère – de se retenir de groover ?
Eh bien, je pense qu’il s’en est très bien sorti. Il n’y a eu que quelques fois où j’ai dû intervenir. Le reste du temps il ressentait la musique, il ressentait les riffs et jouait d’un bout à l’autre en offrant une super performance. On mettait dans la boite la batterie à un rythme de un ou deux titres par jour, ça a donc fait une semaine entière d’enregistrement de batterie et nous en avons ressorti la meilleure performance. Car la batterie, c’est la fondation : si tu as une très bonne performance à la batterie, tu peux construire par-dessus, tu peux ajouter les guitares, la basse, les effets et le chant, et faire en sorte que ce soit vraiment super. Mais si tu as une batterie de merde, une fondation de merde, alors tout est mauvais. Il a donc fallu que nous ayons une très bonne session d’enregistrement de batterie d’abord et je trouve que nous l’avons obtenu de la part d’Igor. Le temps passé en studio valait le coup, pour s’assurer que nous avons tiré les bons résultats et la meilleure performance de sa part.
As-tu toujours l’impression d’agir en dictateur en studio ?
Si c’est pour le bien de l’album, ça ne me dérange pas. Si je le fais pour une raison, tu sais, ne pas être un connard juste pour être un connard mais parce que tu veux que quelque chose soit fait correctement. C’est plutôt un genre de bon dictateur, tu sais, pas un mauvais dictateur. C’est un peu comme dans le film Dictator, tu sais, avec Borat…
Tu as déclaré que « écrire des riffs est une thérapie pour moi. » Peux-tu expliquer en quoi c’est thérapeutique pour toi ?
Ouais, simplement je m’assoie avec ma guitare et j’écris des riffs, c’est vraiment un truc marrant à faire. C’est une super façon de passer le temps. Mes équipements sont très basiques et très old school : j’ai un enregistreur quatre pistes, une boite à rythme, ma pédale de guitare, etc. Et je m’assoie juste avec la guitare et j’essaie de trouver les riffs les plus cools que je puisse trouver, des trucs que je pourrais utiliser plus tard. Souvent j’écris juste pour l’album, tu sais, comme pour l’album de Cavalera ; j’écrivais tous les riffs uniquement pour l’album parce que j’avais en tête l’idée de ce qu’il devait être : rapide et agressif. J’ai tout écris très rapidement avec une boite à rythme et des programmes, mais j’adore juste m’assoir avec ma guitare et trouver des riffs. Je trouve que c’est une super manière de tuer le temps pour moi. Parfois je passe huit à dix heures à juste écrire des riffs, toute la journée, et je ne vois même pas le temps passer. Et lorsque je jette un œil à l’horloge, il est déjà minuit alors que j’ai passé ma journée à enregistrer. C’est super, j’adore faire ça.
L’une des surprises dans cet album, c’est ta voix : tu utilises un growl très profond, presque méconnaissable. Comment as-tu obtenu ce son de ta voix ?
Ce sont deux parties vocales assemblées. En fait, c’est même quatre pistes de voix. Deux d’entre elles sont ma voix normale et pour les deux autres, je chante très bas. Lorsque tu assembles tout ça, ça devient presque diabolique. Et je n’ai utilisé ça que sur quelques chansons que j’estimais avoir besoin d’un peu de lourdeur supplémentaire, comme « Babylonian Pandemonium » ou « Scum », je crois que j’ai aussi utilisé ça sur « I, Barbarian ». Pour quelques-unes des autres chansons, j’ai juste utilisé la voix normale de Max. J’adore expérimenter avec ma voix. Parfois dans le passé j’ai expérimenté avec les cris aigus et un peu de voix parlée – juste moi qui parle avec quelques effets, comme ce que j’ai fait sur « Inner Self » à l’époque. Et j’adore toujours expérimenter, je trouve toujours ça surprenant. Sur certaines parties je me retrouve à créer avec ma voix en studio. L’une d’elles était cette voix grave et nous étions très surpris d’obtenir ce résultat. Même l’ingénieur était là : « Je ne savais pas que tu pouvais chanter si grave ! » Et je me suis dit que si tu mélangeais les voix, alors tu obtiendrais ces effets qui sonneraient ultra-graves. Je chante moins aigu sur cet album, je voulais que ce soit plus grave et agressif, presque comme du death metal. Mais c’est marrant ! Si tu peux faire des choses différentes avec ta voix, pourquoi pas ? Je ne suis pas un chanteur. Je ne peux pas chanter des trucs mélodiques comme Bruce Dickinson ou Ozzy Obsbourne mais j’ai une voix reconnaissable avec laquelle je peux faire des choses. Et je trouve ça marrant d’expérimenter avec ma voix. Ça fait partie de ta propre découverte de tes propres capacités. Si tu peux repousser tes propres limites en faisant des choses différentes, pourquoi pas ? Tout ça c’est pour le bien de l’album. J’ai trouvé que dans cet album, une voix grave serait parfaite pour un titre comme « Babylonian Pandemonium » : ça ouvre l’album avec une voix de dingue. Lorsque nous l’avons entendu, nous nous sommes dits : « Wow ! C’est putain de dément, ça sonne tellement brutal ! » Nous avons adoré ça, alors nous avons décidé de garder ça comme ça.
« Lorsque nous étions ensemble dans Sepultura, il y avait beaucoup de stress, beaucoup d’agitation et on ne se faisait pas autant plaisir. »
Nate Newton joue de la basse sur cet album. Avec chaque nouvel album de Cavalera Conspiracy, vous choisissez un bassiste différent alors que le reste du groupe ne change pas. Quelle en est la raison ?
Eh bien, je ne sais pas ! Nous avons un problème avec les bassistes ! Nous n’avons pas réussi à en garder un. Nous avons eu Johnny Chow pendant un moment mais il a fini par rejoindre Stone Sour. Nous avons eu Jo [Duplantier] de Gojira sur le premier album et il était super. J’adore Jo et il a fait un super boulot, et j’adore Gojira. Nous nous sommes retrouvés avec Nate Newton qui joue sur le nouvel album… J’adore Converge ! Nous recherchions des bassistes et des gens que nos aimons. Nous avons une liste de gens, comme Dan Lilker et… Il y a d’autres gars sur la liste, je ne me souviens plus… Martin Eric Ain de Celtic Frost et Nate de Converge… Et nous avons décidé que Nate serait le meilleur car nous adorons Converge et cet album ayant une influence plus grindcore, le son de basse distordu de Nate était parfait. Je pense que nous avions raison. Nous avons eu aussi la chance d’avoir Nate au chant sur une chanson, « The Crucible », car il chante aussi pour Doomriders et il a une super voix. C’était donc génial de travailler avec lui et je pense qu’il va tourner un peu avec nous l’année prochaine. On a hâte.
La chanson « Scum » pourrait-elle être un hommage à Napalm Death, dans la mesure où c’est aussi le nom du premier album de Napalm Death et où c’est une chanson qui sonne pas mal comme ce groupe ?
Ouais, les noms de certaines chansons sont un petit hommage aux choses que l’on aime. Nous adorons rendre hommage aux groupes qu’on aime. J’écoute beaucoup de grindcore, donc cet album contient pas mal de Pig Destroyer, Napalm Death, Lock Up et tous ces super groupes bruitistes. Evidemment, il y a une influence venant de toutes ces années passées à écouter ces groupes et ça ressort avec des chansons comme « Scum », « Babylonian Pandemonium », « Not Losing The Edge »… Ce sont des chansons vraiment cool qui renvoient à la musique underground, ce metal, que nous aimons tant.
La chanson « Not Losing The Edge » parle de force, de pertinence et d’endurance. Est-ce quelque chose qui te défini toi et ta carrière ? Ne pas s’émousser, est-ce quelque chose que tu gardes toujours en tête ?
C’est un peu à propos de personnalité. C’est à propos d’une idée que j’ai eu sur le fait de vieillir et ne pas tomber dans ce que les gens racontent : lorsque tu vieillis, tu dois t’adoucir, tu dois ralentir et écouter de la musique douce. Pourquoi ? Je ne comprends pas ce concept. Selon moi, tu peux vieillir et écouter de la musique heavy et devenir de plus en plus heavy. Je suis donc là pour prouver que cette théorie c’est de la connerie et je suis là pour dire qu’il est possible de vieillir et jouer vite et être plus agressif. Si c’est ce que tu souhaites, c’est toi qui décide. C’est de ça dont « Not Losing The Edge » parle. Ca parle de te prouver à toi-même que tu es toujours metal, tu sais, que ton âme est pleine de metal et que tu n’as pas peur de le clamer à la face du monde.
Dirais-tu donc que tu joueras de la musique agressive jusqu’à la fin ?
Exactement, exactement. Particulièrement ces temps-ci où la musique plus heavy est davantage accepté partout dans le monde. Même en Amérique il y a désormais des radios satellites qui jouent de la musique heavy toute la journée, et c’est en train de devenir de plus en plus naturel de voir la musique heavy faire partie de la vie des gens. Je crois donc que plus ça va dans ce sens, plus ça nous permet de continuer à faire ce que nous faisons. Je ne vois aucun problème dans le fait de faire ça en vieillissant, jusqu’à ce que j’atteigne les 60 ans ou les 70 ans. Je pense qu’on peut le faire, ça ne pose pas de problème.
La chanson qui termine l’album « Porra » paraît être un peu à part dans l’album, dans la mesure où c’est la seule qui contienne des influences latines. D’où vient cette chanson ? As-tu eu le sentiment d’avoir besoin de retrouver un peu de cette sensibilité latine provenant de tes racines pour clore l’album ?
C’était juste pour s’amuser. Igor a eu l’idée de faire une chanson tribale pour une face B. J’aime que les faces B soient un peu différentes du reste de l’album. Donc, faire une chanson tribale, pour nous, c’était assez différent. Nous avons beaucoup travaillé dessus et passé beaucoup de temps sur cette chanson. Je trouve que Marc a ajouté de très belles guitares acoustiques, Igor à posé dix percussions différentes les unes au dessus des autres, je me suis retrouvé à mettre du berimbau sur le début et toutes les paroles sont en portugais. C’est une super chanson, mais c’est une face B, tu sais, donc elle ne fait pas vraiment partie de l’album. Mais en tant que face B, je la trouve assez cool.
L’illustration est très surprenante, avec tous ces éléments et toutes ces couleurs, c’est très différent des artworks de tous tes albums passés. Quelle était l’idée derrière ça et comment est-ce lié au contenu de l’album ?
Ouais, il fallait que nous fassions quelque chose de différent. Les deux premiers albums avaient le logo, l’un en rouge, l’autre en noir. Nous avions besoin d’une vraie illustration cette fois-ci et Igor a eu l’idée de faire appel à son ami Stephan Doitschinoff. C’est un artiste brésilien, un artiste vraiment cool qui a commencé avec des graffitis, tu sais, dans la rue, mais maintenant il fait des expositions, peint presque des villes entières et son livre est incroyable. Nous lui avons expliqué le concept, et la première idée pour Pandemonium était en fait d’avoir un tank avec la tour de Babylone au dessus du tank. Mais Stephan a décidé que ce serait plus sympa d’avoir un tank très menaçant avec un crâne au dessus avec tous ces petits détails, comme une usine, des globes et des drapeaux, avec des couleurs vraiment sympas comme des verts et bleus délavés. C’est très coloré mais ça paraît vieux aussi. Je trouve que c’est une super illustration, particulièrement pour le vinyle. Je pense que ça aura vraiment de la gueule en vinyle. C’est l’une de mes pochettes préférées parmi celles que nous avons eu. J’aime vraiment le résultat final. L’intérieur du package sera super aussi, nous avons fait des designs supplémentaires pour l’intérieur et tout. Je trouve donc que c’est génial qu’Igor ait trouvé ce type et c’était parfait d’avoir ce genre d’artiste pour Pandemonium.
« Si la police arrive en plein milieu de ton enregistrement, alors c’est forcément que tu es en train de faire quelque chose de bien. »
Il y a une histoire amusante à propos de cet album : les flics sont venus au studio parce qu’un voisin les a appelé à cause du bruit de la batterie. Est-ce que ton frère tape si fort que ça ?
Ouais, parce que c’était une maison, tu sais, c’était une maison normale dans un voisinage normal et les murs tremblaient. La batterie était très forte et il frappait à fond. C’est effectivement arrivé mais j’ai trouvé ça génial. C’était une situation amusante. J’ai vraiment trouvé que c’était cool que ça se soit produit [rires]. Je n’en avais rien à faire que les flics étaient là. Je trouvais en fait que c’était un signe de quelque chose de cool à propos de l’album. Si la police arrive en plein milieu de ton enregistrement, alors c’est forcément que tu es en train de faire quelque chose de bien.
Et qu’a dit le policier ?
Simplement d’essayer de baisser le son, mais nous étions dans les derniers jours pour la batterie de toute façon, donc nous lui avons dit que nous avions terminé les batteries ce jour là et que le lendemain ce ne serait pas aussi fort, tu sais, une fois que nous allions faire les guitares, Igor ne serait plus là à défoncer la batterie et ce ne serait pas aussi fort. Et ça allait, il a gobé l’histoire.
N’as-tu pas voulu inviter le flic à chanter sur l’album ? [Rires]
Ouais, nous aurions dû faire ça ! Nous aurions dû faire une intro de lui en train de se plaindre ! Nous aurions dû enregistrer le flic en train de se plaindre et le mettre sur l’album, mais nous n’y avons pas pensé sur le coup. Plus tard j’y ai pensé, je me suis dit : « Bon sang, ça aurait été un super enregistrement ! Si nous avions pu mettre ça sur bande, nous aurions pu l’utiliser pour une intro ou quelque chose comme ça. » Ce sera peut-être pour la prochaine fois, si ça se reproduit.
Cette année tu as fait l’album Savage avec Soufly, puis tu as enchaîné directement avec l’album de Killer Be Killed et ensuite tu es directement passé à celui de Cavalera Conspiracy, tout ça sans véritable temps mort. Comment parviens-tu à te redynamiser avec un tel rythme de travail, en sautant d’un album à l’autre ?
Ouais, j’enchaîne c’est tout. Les projets sont différents en eux-mêmes. L’album de Soulfly, avec Terry Date à la production et Zyon [Cavalera, le fils de Max] à la batterie, était une chose. Killer Be Killed était un projet différent avec Josh Wilbur à la production et où je jouais avec les gars de Mastodon et The Dillinger Escape Plan. Cavalera était aussi différent parce que c’était plus underground, produit par moi-même, fait dans une maison. Donc chaque album a ses propres caractéristiques qui me permettent de créer différemment, comme les environnements dans lesquels chaque album a été conçu qui sont différents. Les endroits où j’ai enregistré sont différents : l’un a été fait à Seattle, un autre à Los Angeles, encore un autre à Phoenix. Le lieu est aussi une influence lorsque tu fais un album. Chaque lieu était différent des autres. J’aime juste être occupé. J’aime sauter dans les projets, m’impliquer et faire ce que je peux faire de mieux pour l’album. Je ne suis pas content tant que le résultat final ne comble pas mes attentes, tu sais, j’ai besoin de pouvoir y apposer un tampon à la fin qui dit : « Voilà c’est ce que je pouvais faire de mieux pour cet album. » Je me dis : « C’est ce que je pouvais faire de mieux » et ensuite c’est fini. Je passe à l’album suivant et j’essaie de faire pareil. J’essaie de donner le meilleur de moi-même, pour mettre toutes mes idées, toute mon énergie, toute ma créativité dans l’album et essayer de tirer le meilleur parti de chaque situation.
Quel sera ton prochain projet ?
Le prochain ce sera le nouvel album de Soulfly, l’année prochaine. Le dixième album, c’est un nombre important pour nous et je vais travailler très dur sur ce nouvel album de Soulfly.
Interview réalisée par téléphone le 9 octobre 2014 par Spaceman.
Retranscription : Thibaut Saumade.
Traduction et introduction : Spaceman.
Site internet officiel de Cavalera Conspiracy : www.cavaleraconspiracy.com.
« Lorsque tu vieillis, tu dois t’adoucir, tu dois ralentir et écouter de la musique douce. Pourquoi ? Je ne comprends pas ce concept. »
Rien que pour cette phrase, Max Cavalera gagne tout mon respect. Voilà qui montre que tous ces groupes metal à la con qui se tournent vers la pop en disant qu’ils « font de la musique plus mature » disent de la merde.
Sinon, encore une fois, merci pour cette interview bine complète. D’autant que le dernier Cavalera Conspiracy envoi du pâté !!