Hormis le goût des treillis douteux et certaines prestations live un tantinet bancales, on ne peut pas reprocher à Max Cavalera bien davantage, surtout pas son manque de motivation lorsqu’il s’agit de composer. Sa collaboration avec son frère Igor semble avoir revigoré certains des meilleurs aspects de sa musique, à commencer par sa science du riff thrash. Après trois sorties qui confirment que le duo a toujours une pléthore d’arguments à faire valoir, Cavalera Conspiracy revient avec Psychosis, le quatrième album studio successeur de Pandemonium (2014). Le moins que l’on puisse dire, c’est que regarder en arrière – ici jusqu’aux toutes premières heures de Sepultura – a parfois du bon.
Coupons court, Psychosis a un cachet « roots » (sans mauvais jeu de mots) assez évident, transparent dans le mastering, œuvre de Joel Grind (Toxic Holocaust), partisan d’un thrash très organique. La distorsion de Cavalera Conspiracy est agressive, presque rêche à l’instar des premières cavalcades d’ « Insane », qui a le mérite de faire rentrer directement l’auditeur dans les débats. Max Cavalera retrouve le chant brutal qu’on lui connaissait (que ce soit pour évoquer l’actualité via le terrorisme sur « Impalement Execution » ou pour aborder des thèmes fantastiques sur « Crom », père de Conan). La voix est hachée avec ce qu’il faut de réverb dans la production, assez pour parfois même évoquer le phrasé death de Morbid Visions (1986) ou les gimmicks des années 80 donnant un air « diabolique » (la voix parlée à la fin de « Crom »). Cet accent mis sur la violence et l’efficacité qui parcourt l’album devient une évidence dès le deuxième titre « Terror Tactics ». Cavalera Conspiracy se mue en Slayer, n’accusant aucun compromis, faisant bûcher Marc Rizzo et Max comme rarement auparavant. Psychosis est un album qui a tout juste le temps d’haleter. C’est le cas lors de l’outro de « Terror Tactics » qui fait suite à une étonnante coupure atmosphérique, et rappelle certains riffs et ambiances de Coroner. Lorsque les frères Cavalera ralentissent le tempo, c’est souvent pour mieux leurrer l’auditeur. « Impalement Execution », scandé par Max avec toute la théâtralité qu’on lui connaît, a vite fait de passer du rouleau compresseur à un groove pesant. Que les aficionados se rassurent toutefois, lorsque Cavalera Conspiracy s’adonne à la lourdeur, il a un savoir-faire hors pair, en témoigne le pont décomplexé de « Spectral Wars », petit concentré de hargne à lui seul. Il faut rendre hommage au jeu tout en puissance d’Igor Cavalera, plus subtil qu’il n’en a l’air au premier abord. Le martèlement certes, mais avec finesse et conviction.
Heureusement, Psychosis n’est pas seulement un retour à ce qui faisait la force du thrash à la fin des années 80/début 90. Les musiciens conservent des éléments qu’ils ont intégrés petit à petit tout au long de leur carrière et qui amène de la diversité bienvenue. Que ce soit des arrangements électroniques discrets présents dès Inflikted (2008), notamment sur le riff de conclusion de « Judas Pariah », des leads de guitare à la Soulfly époque Omen (2010) sur « Insane » ou encore de l’audacieux titre instrumental « Psychosis » qui ramène les influences tribales et profite d’enregistrements qu’Igor a effectué lors de son séjour en Ouganda, Cavalera Conspiracy met élégamment en valeur les traits marquants de son identité, à savoir un goût pour la mise en scène de ses riffs, y compris les plus brutaux. Le groupe se paye même un voyage du côté de Nailbomb, Godflesh et consorts sur le malsain « Hellfire » qui voit la participation de Justin Broadrick (Godflesh) au chant. Avec l’instrumental « Psychosis », « Hellfire » et son cachet indus brise le risque de monotonie que peut provoquer un enchaînement de titres thrash, quelle que soit leur facture.
La discographie de Cavalera Conspiracy n’est pas exempte de tous reproches. Le duo des frères Cavalera peut se montrer parfois inégal. Toutefois, alors qu’on ne l’attendait forcément pas de pied ferme, Psychosis balaye ses prédécesseurs d’une main impérieuse. Que ce soit dans l’agencement des compositions et le rythme de l’album, Cavalera Conspiracy ne fait aucun faux pas. Mieux encore, il ne lève jamais le pied et semble s’être damné pour proposer de quoi se dénuquer de manière décérébrée. Pychosis est purement et simplement un concentré d’animosité parfaitement maîtrisé.
Chanson « Spectral War » en écoute :
Chanson « Insane » via une lyric vidéo :
Album Psychosis, sortie le 17 novembre 2017 via Napalm Records. Disponible à l’achat ici