Les fans du style le savent, le black metal connaît depuis ces dernières années un regain d’intérêt qui encourage nombre de musiciens à composer leurs propres albums, pour les diffuser ensuite sur des Bandcamp fraîchement ouverts ou des chaînes YouTube désormais bien repérées, comme celle de Black Metal Promotion. Si l’avantage de telles démarches est de pouvoir découvrir quelques rares formations de qualité, grâce à un accès direct à l’information, le nombre croissant de groupes a néanmoins tendance à dévaluer le genre en présentant des productions de plus en plus normées et aseptisées. C’est la raison pour laquelle il est toujours intéressant (et réjouissant !) de revenir parfois à de bons vieux classiques comme Mayhem !
Direction La Machine du Moulin Rouge qui accueille ce groupe culte de la scène, accompagné d’une autre figure incontournable du black metal : Gaahl et son projet Gaahls Wyrd, qui présente ce soir son album intitulé GastiR – Ghosts Invited.
Artistes : Mayhem – Gaahls Wyrd
Date : 5 novembre 2019
Salle : La Machine Du Moulin Rouge
Ville : Paris [75]
Ce premier disque de Gaahls Wyrd aborde, tout au long de ses titres, une dimension spectrale relayée par le terme proto-nordique « GastiR », pouvant être traduit par « fantôme » ou « invité ». Un thème qui correspond parfaitement à la présence fantomatique de Gaahl sur scène : statique, impassible et en même temps possédé par cette voix puissante qui occupe l’ensemble des morceaux joués ce soir-là à partir de cet album, mais pas seulement. Le groupe a en effet pour habitude de jouer des titres de Trelldom, Gorgoroth et God Seed – les anciennes formations de Gaahl –, désormais bien connus et qui résonnent, pour certains d’entre eux, comme des incontournables du black metal. C’est le cas de « Alt Liv », « Exit – Through Carved Stones », ou encore du célèbre « Carving A Giant » qui a bien entendu fait réagir les affiliés. Un ensemble qui a pour effet d’éclipser un peu les nouvelles propositions du groupe avec les titres de GastiR – Ghosts Invited, tout en produisant cependant un concert à la hauteur de cette belle affiche.
Car le groupe attendu de cette soirée est bien entendu Mayhem, après leur passage remarqué au Trabendo de Paris en 2016, durant lequel la légende avait joué l’intégrale de l’album culte De Mysteriis Dom Sathanas. Autant le dire tout de suite, ce nouveau concert de Mayhem à La Machine fut incroyable. Certes, le black est aujourd’hui en vogue et encourage ce type d’initiative, mais l’énergie déployée par les musiciens ainsi que la force d’interprétation des morceaux étaient juste excellentes. Que ce soit l’attitude et la voix d’Attila, le jeu de batterie impressionnant d’Hellhammer dissimulé derrière ses fûts et cymbales, ou bien même les gesticulations hasardeuses de Necrobutcher, Mayhem nous a proposé ce soir une prestation de qualité décomposée en trois parties.
La première était axée autour du dernier album Daemon, dont les compositions explorent des sonorités plus brutes, propres à la dynamique originelle du groupe. Après quarante minutes de live intense, les démons de Mayhem quittent la scène pour laisser place à un changement de décor plus démoniaque : il est temps de jouer les titres incontournables de De Mysteriis Dom Sathanas, avec notamment « Freezing Moon », « Pagan Fears » et « Life Eternal » que les musiciens exécutent sous leurs bures de moine. Les pogos s’enchaînent dans le public, entraîné par les martèlements incessants d’Hellhammer, la véritable « machine » du lieu. Plus surprenante encore, la conviction avec laquelle Attila communique les chants et cris qu’il doit produire pour rejouer ces titres. Un aspect qui sera d’autant plus probant dans la troisième partie de la prestation, beaucoup plus énervée, voire « punk ».
Le dernier changement de décor laisse en effet place à l’introduction de Deathcrush, « Silvester Anfang », qui annonce la couleur sans pour autant dévoiler la véritable surprise que la formation nous réserve : les membres de Mayhem ont en effet mis de côté leurs accoutrements habituels pour nous jouer les hymnes de Deathcrush et de Pure Fucking Armageddon dans un maelstrom de colère pure. Le tout devant un public chaud et réactif. Les musiciens ont donné l’impression d’être heureux d’être là, notamment Attila qui dévoilera son sourire lors de la dernière partie du set. A noter une grosse différence avec l’autre concert : le groupe aura beaucoup communiqué avec son public. En effet, le live du Trabendo avait consisté en l’interprétation d’un album en entier et sans rappel. Froid donc. A La Machine, les sons étaient certes froids mais l’atmosphère était chaude et chaleureuse.
Une belle soirée.
Setlist :
Mayhem
Falsified And Hated
To Daimonion
Dark Night Of The Soul
A Bloodsword And A Colder Sun, Part II
Bad Blood
Malum
Symbols Of Bloodswords
Invoke The Oath
Freezing Moon
Pagan Fears
Life Eternal
De Mysteriis Dom Sathanas
Silvester Anfang
Deathcrush
Chainsaw Gutsfuck
Ancient Skin
Carnage
Pure Fucking Armageddon