L’annonce en février du départ de tous les membres de Delain à l’exception du claviériste Martijn Westerholt a créé un choc chez les fans du groupe. A en croire la chanteuse Charlotte Wessels, toutes les options ont été envisagées et cette issue, qu’elle regrette, s’imposait.
En attendant de voir le nouveau visage que prendra Delain, les fans ont déjà de quoi alléger leur peine via la carrière solo de Charlotte dans laquelle elle venait fraîchement de s’engager et qu’elle va jusqu’à qualifier de « bouée de sauvetage ». Un projet, certes, modeste et qui pour l’instant s’écartait du metal à grosse production pour lequel elle était connue, mais qui a déjà commencé évoluer, se diversifier et retrouver des couleurs plus rock, et surtout, grâce à la plateforme Patreon, qui lui offre la possibilité de s’autogérer en lien direct avec ses fans.
Forte d’une année 2020 productive, Charlotte Wessels sort sa « compilation » de chansons sorties depuis le lancement de son Patreon, intitulée Tales From Six Feet Under. C’est une musicienne de toute évidence épanouie par sa nouvelle carrière en solo, n’hésitant pas à se livrer – et amoureuse des plantes –, que nous avons retrouvée pour en parler.
« Ceci n’était évidemment pas la meilleure issue. Même ne faisant plus partie du groupe, j’aurais préféré faire une dernière tournée avec tout le monde pour ensuite arrêter, avec un scénario où nous aurions cédé notre place harmonieusement et où j’aurais été impliquée dans le processus de recherche d’une nouvelle chanteuse. »
Radio Metal : Comment vas-tu ?
Charlotte Wessels (chant) : Je vais bien. J’ai passé la majeure partie de la journée à travailler sur un morceau et je suis coincée, donc ton appel me permet de faire une pause très appréciable. Je pense que le morceau sera bien au final, mais j’ai l’impression que j’ai besoin de vacances. Je commence à remarquer que j’ai déjà fait certaines progressions d’accords ou certains trucs sur des morceaux précédents. Il faut que je prenne du temps pour me déconnecter, rafraîchir mon esprit et revenir avec de nouvelles idées.
Pour commencer, avant de parler de ton album solo, tout juste un an après la sortie d’Apocalypse & Chill, Delain a été dissous, avec Martijn Westerholt qui continue de son côté avec le nom. Dans ton communiqué, tu as mentionné « plus d’un an à essayer de trouver des solutions aux griefs qui se sont accumulés » et Otto Schimmelpenninck van der Oije a dit qu’en 2018 et 2019 « l’atmosphère dans le groupe s’est détériorée ». Comment ces problèmes se sont-ils manifestés ?
Je ne veux pas rentrer dans les détails exacts du problème, à savoir à qui est la faute et ce qui a mal tourné, car je pense que rien de bon n’en ressortirait. En revanche, ce que j’ai envie de dire, c’est que tout ceci s’est accumulé sur une longue période de temps. Ce n’est pas une décision qui a été prise du jour au lendemain. Martijn et moi suivions déjà une sorte de thérapie de groupe depuis des années, en discutant de temps en temps, et ça ne s’est pas amélioré. En fait, ça a empiré à un moment donné et nous avons pris beaucoup de temps pour savoir si et comment nous pouvions continuer. Si je suis complètement honnête, ceci n’était évidemment pas la meilleure issue. Même ne faisant plus partie du groupe, j’aurais préféré faire une dernière tournée avec tout le monde pour ensuite arrêter, avec un scénario où nous aurions cédé notre place harmonieusement et où j’aurais été impliquée dans le processus de recherche d’une nouvelle chanteuse. Mais ça s’est fait comme ça s’est fait. Au moins, nous avons eu le temps de vraiment étudier toutes les options possibles. C’est un peu ce qui me console. Enfin, au diable le coronavirus, mais dans ce cas particulier, c’était un peu un mal pour un bien car, si trois semaines après l’aggravation de la situation nous avions eu un concert, nous aurions été obligés de prendre une décision, peu importe si elle était bonne ou pas. Soit nous aurions continué et ça se serait mal passé, soit nous aurions arrêté durant ces trois semaines et alors je n’aurais pas pu m’empêcher de me dire : « Et si nous avions fait les choses autrement ? » Au moins, nous avons vraiment eu le temps de tout envisager. Cela dit, c’est toujours frais dans mon esprit et ça craint vraiment.
Ces problèmes étaient déjà là durant la conception d’Apocalypse & Chill. Penses-tu que l’album en ait souffert, même s’il a été très bien reçu ?
Non, je ne pense pas. On touche là encore aux spéculations sur les types de problèmes que nous avions, donc je n’ai pas trop envie de rentrer là-dedans, mais je trouve qu’Apocalypse & Chill est un super album et j’en suis très fière. Je suis triste que nous n’ayons pas pu beaucoup tourner pour le soutenir. Heureusement, nous avions joué pas mal de chansons déjà sur la tournée précédant la sortie. Je suis contente que certaines chansons aient pu être jouées sur scène, c’était très sympa. Je suis fière de cet album. Je n’ai pas l’impression que l’album ait vraiment souffert de ces choses en particulier qui étaient en train de se passer vers la fin.
Est-ce que Timo, Joey, Otto et toi avez envisagé de créer un nouveau groupe ensemble sous un nouveau nom ?
Oui. On m’a beaucoup posé la question : « Est-ce que vous voulez fonder un nouveau groupe ? » J’adore ces gars et ce n’est certainement pas un scénario impossible, mais de mon côté, sortant d’un groupe dans lequel j’ai passé seize ans, quasiment toute ma vie d’adulte, tout ce processus m’a tellement épuisée que je ne me sentais pas de me lancer tout de suite dans un nouveau groupe. C’est trop frais. J’étais inquiète que peut-être les mêmes choses se reproduisent et rien que cette idée me faisait paniquer. Il est clair que l’idée était sur la table et ce n’est pas comme si elle était écartée pour toujours, mais ce n’est pas pour tout de suite.
« Nous étions en pleine pandémie et les gens galéraient, ce n’était pas vraiment le moment d’aller vers eux pour dire : ‘Eh, soutenez mes chansons !’ J’ai très longuement réfléchi, je me suis demandé si je devais vraiment faire ça, mais j’en ai parlé à pas mal de gens et la réaction de la plupart d’entre eux et des fans était tout l’inverse de ce à quoi je m’attendais. »
Quel est ton sentiment quand tu repenses à toutes ces années passées au sein de Delain et à toute la musique faite avec ce groupe ?
Je suis fière de tout ce que j’ai fait et il y a eu des moments fantastiques. Actuellement, ces derniers sont un peu éclipsés par la séparation. C’est doux-amer, mais j’espère qu’au bout d’un moment, le côté doux reprendra le pas sur le côté amer. J’essaye d’être indulgente avec moi-même et de m’autoriser à ressentir ce que je ressens. Je suis certaine qu’arrivera un moment où je repenserai à toutes ces choses avec un sourire.
Tu poursuis désormais ta route avec ta carrière solo. Tu as évidemment fait toutes ces chansons durant la pandémie et les confinements. Dans quelle mesure les circonstances t’ont aidée à te mettre dans ta bulle pour créer ces chansons ?
En fait, les circonstances m’ont presque arrêtée. L’idée de faire un Patreon est venue il y a deux ou trois ans. J’ai toujours été une grande fan d’Amanda Palmer et elle a un peu ouvert la voie en matière de financement participatif dans la musique sur différentes plateformes. Je l’ai suivie ainsi que d’autres artistes sur Patreon et j’ai beaucoup aimé être une consommatrice sur Patreon. J’aime être une mécène Patreon pour certains artistes. J’ai écrit beaucoup de chansons au fil des dernières années qui n’étaient pas forcément pour Delain, soit elles étaient trop pop, trop je-ne-sais-quoi, soit parce que nous avions simplement trop de chansons pour l’album, ce qui arrive souvent, donc on tue ses chéries, pour ainsi dire. J’avais plein de chansons sur mon disque dur et je ne savais pas quoi en faire. En 2015, j’avais fait un projet parallèle avec Phantasma, qui était fantastique, mais j’ai aussi appris que faire quelque chose de ce type au sein d’une équipe demande un certain effort et un engagement envers ces gens. A l’époque, je pensais que je serais encore dans Delain, donc je me suis dit que je devais faire quelque chose en parallèle du groupe. Je voulais faire quelque chose à moi, de manière indépendante, de façon à pouvoir décider ce que je voulais faire chaque mois. Voilà un peu comment l’idée de faire un Patreon est venue.
Je me souviens en février 2020, j’étais aux Etats-Unis, à San Francisco, et j’ai rendu visite au siège de Patreon. J’ai eu un très bon échange là-bas avec eux, donc j’ai décidé de me lancer. Mais ensuite, la pandémie est arrivée, je me suis dit : « Mmh. Donc les gens sont chez eux. Certains perdent leur boulot. C’est une période vraiment bizarre pour commencer à demander de l’argent aux gens. » J’avais tout préparé les mois précédents, filmé mon clip de présentation, travaillé sur les premières chansons à sortir sur la plateforme… Tout était prêt mais nous étions en pleine pandémie et les gens galéraient, ce n’était pas vraiment le moment d’aller vers eux pour dire : « Eh, soutenez mes chansons ! » J’ai très longuement réfléchi, je me suis demandé si je devais vraiment faire ça, mais j’en ai parlé à pas mal de gens et la réaction de la plupart d’entre eux et des fans était tout l’inverse de ce à quoi je m’attendais. Ils étaient là : « On ne peut pas aller à tes concerts. On veut ta musique. » Je suis contente finalement d’avoir décidé de continuer sur ma lancée et d’avoir commencé en mai, car si j’avais attendu la fin de la pandémie, je n’aurais toujours rien fait. J’étais très excitée de voir que durant la pandémie, beaucoup de gens allaient sur les plateformes telles que Patreon pour soutenir les artistes qui ne pouvaient plus jouer. Je trouve que c’était une bonne chose. Je pense que ça restera en grande partie, même quand les artistes reprendront la route, car c’est une très bonne solution pour être réellement indépendant et établir un lien avec les auditeurs.
Tu as joué et programmé tous les instruments toi-même. Tu es principalement connue en tant que chanteuse, mais quels ont été ton parcours et ton apprentissage en tant que musicienne en général ?
Au sein de Delain, la plupart du temps nous composions avec une équipe de trois personnes. C’était Martijn, Guus Eikens et moi. Quand je me mettais à composer des chansons, je commençais par les textes. J’avais souvent des paroles, une mélodie et une structure de chanson. Vocalement, j’avais toute la chanson. Je pensais que quand je chantais le morceau, ce que j’avais en tête était super clair, mais souvent, quand les gens commençaient à jouer, c’était différent car on peut jouer plein de choses sous une mélodie, soit tu prends les accords majeurs, soit tu prends les accords mineurs. Il y a donc longtemps, j’ai découvert qu’il me fallait pouvoir faire plus afin de communiquer ce que j’avais en tête. J’ai joué de la clarinette quand j’étais gamine, mais ce n’est pas un instrument très pratique quand on veut chanter en même temps. J’ai commencé à poser des accords au piano, principalement. A un moment donné, je me suis plus intéressée à l’aspect production. Pour Moonbathers, je me suis mise à enregistrer mon propre chant chez moi. J’ai fait ça pour la majorité des chansons de cet album. Ce n’était que le chant et j’ai vraiment appris les bases. A partir de là, j’ai commencé à m’amuser avec ça, mais je n’avais pas beaucoup de plugins. Je pouvais brancher mon piano sur l’ordinateur, mais c’était pénible. Il y a deux ou trois ans, j’ai commandé un de ces mini-claviers et un paquet de plugins. A partir de cet instant, ça a fait un déclic en moi. C’est dur de faire ça bien, mais c’est amusant. Il y a énormément de possibilités. A partir de là, j’ai commencé à jouer et quand on commence à jouer, on commence à apprendre.
« J’espère juste que les gens ne compareront pas ce que je fais et programme toute seule aux grosses productions onéreuses auxquelles ils se sont habitués venant de moi. »
Cette année, où j’ai dû faire plus ou moins tout toute seule, j’ai appris comme jamais, ce qui me pose problème maintenant parce que quand j’ai lancé le Patreon, j’avais un tas d’idées de chansons et j’ai dit que je ferais une chanson par mois. Ça peut paraître beaucoup, mais je pensais avoir tellement d’idées que ça irait. Si jamais j’étais à court d’idées, j’avais toujours suffisamment de trucs en réserve à finir pour tenir quelques années. Mais vu que j’ai énormément appris, maintenant quand j’écoute les idées que j’avais à ce moment-là, je ne suis pas sûre de les aimer encore. Ce n’est pas qu’elles ne sont pas bonnes ou quoi, car c’est très subjectif, mais je ferais les choses autrement maintenant. Ma pile d’idées à utiliser est en train de rétrécir, mais j’apprends aussi beaucoup et je peux faire les choses de manière plus efficace maintenant. Ça amène des défis, mais c’est principalement une bonne chose, je pense.
J’imagine que tu vas devoir refaire l’album [rires].
C’est un autre truc. Tout le monde appelle ça un album. Mon idée de mon premier album solo n’aurait pas été un album où toutes les guitares et la batterie sont programmées. C’est quelque chose qui a commencé de manière très organique. J’avais fait une année sur Patreon et il y avait un tas de chansons. Plein de gens étaient agacés et ont demandé si je pouvais sortir certaines de ces chansons aussi pour les non-membres de Patreon. Donc je me suis dit : « D’accord ! Et peut-être que je pourrais faire un vinyle parce que c’est sympa. Je sortirais ça aussi en digital mais pas de CD parce qu’autrement ça aurait trop l’air d’un album normal. » Mais maintenant, tout le monde le traite comme un album normal. J’espère juste qu’ils ne compareront pas ce que je fais et programme toute seule aux grosses productions onéreuses auxquelles les gens se sont habitués venant de moi. J’appelle ça un album compilation ; c’est une compilation de mes chansons faites au studio Six Feet Under. Je ne suis vraiment pas sûre si je dois corriger ou pas les gens quand ils le mentionnent comme étant « l’album ». Au final, les gens l’aimeront ou pas. Je ne pense pas que ça dépendra du fait que la batterie ait été programmée ou pas, mais c’est un autre type de production par rapport à ce à quoi je suis habituée.
Ça a été un processus très intime, que tu as fait toute seule. Est-ce qu’il y a eu un côté introspectif dans le fait de travailler sur ces chansons ?
C’était très introspectif. J’ai passé énormément de temps là-dedans. C’est un peu le bordel, d’ailleurs. C’est très personnel, je me suis limite sentie très seule, mais ça a aussi eu du bon. Je pense que ça a été ma bouée de sauvetage durant l’année passée car il y a eu plein de choses pas terribles. Le fait de me réveiller en sachant que je devais faire une nouvelle chanson pour le mois, que j’enregistrais un clip pour la chanson, que je faisais ci et ça, ça m’évitait vraiment d’être aspirée dans un trou noir. C’était bien !
L’album s’appelle Tales From Six Feet Under, en référence à ton studio qui s’appelle Six Feet Under. C’est un nom assez sinistre pour un lieu créatif ! Est-ce parce que quand tu plonges dans la musique, tu disparais, comme si tu étais morte aux yeux du monde extérieur, avant de revenir à la vie ?
C’est possible, j’aime la métaphore. Mais c’est un peu plus littéral que ça parce que le studio est dans le sous-sol de ma maison et il se trouve six pieds sous terre. Il fallait donc que ce soit le studio Six Feet Under ! C’est littéralement le studio Six Feet Under. Le nom vient du fait que c’est un sous-sol et que je suis à la profondeur d’une tombe quand je compose ma musique. J’ai hésité parce qu’il y a plein de trucs qui s’appellent « six feet under » quelque chose, mais c’est très gothique, donc j’adore. En fait, la pièce est plutôt située à six pieds et demi sous terre, mais Six Feet And A Half Under ça ne sonne pas bien [rires].
On retrouve une chanson qui s’appelle « Victor », en référence à Victor Hugo et à son poème « Demain, dès l’aube… » narrant la marche du narrateur vers la tombe de sa fille Léopoldine. Comment t’identifies-tu à ce poème et à la peine de Victor Hugo ?
C’est dur d’expliquer pourquoi certaines œuvres nous touchent et d’autres non. Je n’ai pas d’enfant. Dans un sens littéral, je ne peux pas m’identifier à la peine créée par la perte d’un enfant. Pourtant – et je pense que c’est parce qu’il était un grand écrivain – quand j’ai lu son poème, son langage pour exprimer la peine est tellement universel que c’était dur pour moi de ne pas être touchée. J’aime quand l’art vient de l’art. Je ne suis pas de ces gens qui sortent ce qu’ils font de nulle part. J’aime quand les musiciens s’inspirent d’une peinture, par exemple. J’aime quand l’art emprunte à d’autres formes d’art. Je le fais moi-même de temps en temps. Ce poème m’est très longtemps resté en tête. Quand j’ai commencé à travailler sur la musique de « Victor », je crois qu’après deux mesures de musique et les premières phrases, « I know you will be waiting, so I will go », j’étais déjà là à me dire : « Il faut que ce soit ça. » C’est resté imprimé en moi et au travers du clip vidéo, j’ai voulu lui donner une conclusion. Quand nous avons fait le clip, nous avons voulu montrer le côté sombre de la noyade de Léopoldine, mais aussi ces retrouvailles dans ce décor que nous avons créé et qui fait penser au paradis, avec les Séraphins et tout. Ce n’est pas une fin heureuse à proprement parler, mais c’est déjà plus joyeux, pour ainsi dire.
« Ça a été ma bouée de sauvetage durant l’année passée car il y a eu plein de choses pas terribles. […] Ça m’évitait vraiment d’être aspirée dans un trou noir. »
Tu récites une partie du poème dans la chanson. Parles-tu français ?
Un tout petit peu. Je n’étais pas mauvaise en français quand j’étais à l’école, mais je n’ai pas pratiqué depuis. Il y a des Français qui m’ont dit que j’aurais dû m’entraîner un petit peu plus avant de parler français dans la chanson. Je ne parle pas bien français. Il y a des phrases ici et là, certains trucs me sont restés. Si je lis un texte en français, je le comprends en majorité. Si j’entends parler français, je comprends la moitié. Si je devais parler français, ce serait très lent. Et plus je bois, meilleure je suis ! [Rires]
Pour la première fois, tu as une chanson en néerlandais, ta langue maternelle. Comment comparerais-tu le fait de chanter en anglais et en néerlandais ?
Chanter en néerlandais, c’est différent et j’aime beaucoup. J’ai déjà une seconde chanson en néerlandais sur Patreon et j’en ai une troisième sur mon ordinateur. C’est plus facile, d’une certaine façon, parce que c’est ma langue maternelle, donc c’est plus facile de trouver des manières originales de dire les choses, des métaphores originales, etc. Mais c’est aussi un peu plus dur parce que c’est plus facile de détecter les clichés. Certaines choses en anglais sonnent musicales, mais c’est parce qu’on les a entendues dans énormément de chansons où ça a été utilisé. Les choses sonnent plus vite bien en anglais, donc j’ai remarqué que mon exigence à l’égard des paroles est plus élevée quand je chante en néerlandais. C’est un peu plus dur, mais c’est plus sympa et naturel parce que c’est ma langue maternelle. J’aime beaucoup chanter en néerlandais, ça paraît plus personnel.
« Lizzie » comprend la participation d’Alissa White-Gluz. Comment t’es-tu retrouvée à lui demander de participer – c’est la seule invitée de l’album, d’ailleurs – à cet album très personnel ? Qui est-elle pour toi sur le plan personnel ?
C’est une amie. Nous avons travaillé ensemble de nombreuses fois pour Delain. Nous restons en contact. Quand l’une d’entre nous est en ville, pour un concert ou autre, généralement nous nous retrouvons. Comme je l’ai dit tout à l’heure, ce n’est pas vraiment comme si j’avais prévu de faire un album et qu’il me fallait des chansons pour. J’avais les chansons et ensuite j’ai décidé de les compiler pour en faire un album. Quand il a fallu choisir les chansons, j’étais excitée par celle avec Alissa et j’étais sûre que les gens le seraient aussi, donc pour moi, il était évident qu’il fallait l’inclure. C’était plus comme une collaboration. Je lui ai demandé : « Eh, tu peux chanter sur la chanson ? » Le truc, c’est que pour chacune de nous, ça faisait longtemps que nous n’avions pas joué en live. Elle est aussi sur Patreon, elle a son fan club officiel dessus. Elle fait un tas de choses vraiment sympas et partage plein de super trucs artistiques. Elle est très active sur Patreon. A un moment donné, nous avons toutes les deux été invitées à un talk-show sur internet organisé par Patreon pour montrer ce qu’on peut faire sur la plateforme. Ils avaient quatre artistes différents qui étaient sur Patreon et nous en faisions partie. Donc nous nous sommes dit : « Si ça avait été un concert et que nous jouions toutes les deux, nous aurions essayé de faire quelque chose ensemble. » C’était le truc le plus proche d’un concert que nous avions à ce moment-là. Nous avons pensé qu’il fallait que nous écrivions une chanson ensemble deux ou trois semaines avant l’événement, et donc nous l’avons fait. Je trouve que c’est vraiment cool qu’à l’époque actuelle on puisse être à différents endroits du monde et s’échanger de la musique pour faire un duo qui donne l’impression d’être ensemble, alors qu’on n’était pas dans la même pièce. J’étais très excitée par ça et je suis excitée que ce soit sur l’album.
Tu as repris le tube rock gothique « Cry Little Sister » de Gerard McMahon, tiré du film d’horreur The Lost Boys. Es-tu une mordue de films d’horreur des années 80 ?
Pas exactement ! Le truc, c’est que j’ai vu ce film pour la toute première fois il y a à peine deux ou trois mois. J’étais très occupée à sortir une chanson tous les mois. Puis un weekend, je me suis dit : « Je ne vais rien faire ce weekend. Je vais choisir un film à regarder ! » J’ai une liste de films que j’ai envie de voir parce qu’ils m’ont été recommandés notamment. The Lost Boys a très longtemps été sur cette liste parce que j’ai vu pas mal de fan art et toute l’esthétique du film avait l’air vraiment cool et très années 80. Je suis née à la fin des années 80, donc je n’ai pas la nostalgie de cette décennie car je ne l’ai pas vraiment vécue, mais maintenant je commence à réaliser que les années 80 étaient plutôt cool. J’ai regardé le film et il commence avec ce chœur au début de la chanson, et j’ai tout de suite eu la chair de poule. Donc au lieu de ne rien faire durant ce weekend, je l’ai passé à travailler sur la reprise car, au final, ce n’est pas du travail, c’est une passion. Je ne pouvais pas m’empêcher, je suis retournée au studio. J’adore le film, d’ailleurs. Je le trouve vraiment cool, très kitsch. Ce n’est pas pour rien que c’est un classique. Je trouve qu’il a plutôt bien passé l’épreuve du temps. J’ai aussi regardé le second et je crois qu’il y a également un troisième, mais le second était horrible. C’était vraiment, genre : « On a eu du succès, maintenant il faut faire une suite. » C’était vraiment nul, mais l’original était vraiment cool.
« C’est drôle parce que je suis toujours là : ‘Je veux faire du metal’ et puis parfois, je ne sais comment, je me retrouve à faire l’inverse. »
C’est souvent le cas, il n’y a pas beaucoup de suites qui sont super…
Sauf pour Shrek ! C’était une bonne suite.
La chanson « Masterpiece » est probablement celle qui s’inscrit le plus dans une veine pop moderne, et elle semble traiter de la confiance en soi. Est-ce quelque chose dont tu as manqué à un moment donné ou même par rapport au fait de se jeter à l’eau en solo ?
Il est clair que par le passé, j’ai manqué de confiance en moi dans certains aspects de ma vie. Au départ, je ne pensais pas inclure ce morceau dans l’album parce que c’est très pop. Quand j’ai commencé à l’écrire, j’ai pensé que ce serait une chanson que je proposerais à un label ou je ne sais qui pour qu’ils la donnent à quelqu’un d’autre faisant de la pop. Je n’avais pas prévu que ce soit une chanson pour moi quand je me suis mise à la faire. Mais quand je l’ai sortie sur Patreon et que j’ai parlé de ce qui me l’avait inspirée, c’est vite devenu une des chansons préférées des mécènes Patreon, même si la majorité d’entre eux se disent metalleux. C’est drôle parce que je suis pareille, je suis toujours là : « Je veux faire du metal » et puis parfois, je ne sais comment, je me retrouve à faire l’inverse.
Pour revenir à ta question, cette chanson parle de se trouver et de s’autoriser à être soi-même. Il existe pas mal de musiques sur ce thème, mais je pense qu’il ne peut jamais y en avoir assez. En dehors de la pandémie et du groupe, j’ai aussi eu quelques problèmes de santé mentale au cours des dernières années. L’an dernier, j’ai suivi un traitement pour un trouble de l’alimentation et c’était un processus très intense. Au début, il a fallu que j’y aille trois fois par semaine et prenne des médicaments. Depuis mon adolescence, j’ai dû travailler sur des choses auxquelles je faisais face par intermittence. C’était très présent à certains moments et pas tellement à d’autres, mais c’était toujours plus ou moins là. C’était un démon qu’il fallait tuer l’an dernier. J’ai aussi balancé ça dans la chanson. Cette chanson est un exutoire positif en rapport à ce sentiment, car j’avais très peur. C’était un projet thérapeutique très intense et ensuite, à un moment donné, c’était : « Maintenant tu as fini. » Et j’étais là : « J’ai fini ? Comment est-ce que je peux avoir fini ? Je suis toujours la même personne. » J’étais très tendue à l’idée de ce qui pourrait se passer si je déconnais. J’avais donc besoin de cette chanson pour moi, genre : « Tu as beaucoup appris. Tu n’as pas à avoir peur de faire des erreurs parce que même si tu en fais, tu peux toujours recommencer et réessayer. » On a le droit de se planter et c’était l’une des choses qui étaient importantes pour moi d’exprimer là-dedans. Je suis contente que ça ait engendré une chanson aussi joyeuse.
Globalement, cette musique est très différente de ce qu’on a connu de toi au travers de Delain – j’imagine que c’était le but. Comment tes fans ont-ils reçu cette musique jusqu’à présent ? N’étaient-ils pas surpris ou même choqués ?
Certains l’étaient. Je pense que c’est important de noter que lorsque j’ai commencé le projet, il était prévu que ce soit en marge de Delain. Les seules chansons que j’allais sortir étaient des chansons qui ne pouvaient pas être des chansons de Delain. Si j’avais des idées qui pouvaient fonctionner avec Delain, je les gardais pour notre prochaine session d’écriture. Nous ne sommes officiellement séparés que depuis février. Suite à ça, certaines chansons du mois ont pris une tournure plus heavy parce que je ne suis plus obligée de les réserver pour Delain. Je pense que plein de gens se disent que je vais uniquement faire ça maintenant, mais c’était surtout la première année. Je ne suis pas en train de dire que je ne vais plus faire de chansons pop ou de trucs électroniques, j’aime beaucoup être libre de faire ce que je veux et de faire quelque chose de très différent chaque mois, mais si les gens pensent qu’il n’y aura plus de trucs heavy de ma part, ils ont tort. Peut-être que ça en rassurera certains, je ne sais pas.
Mais oui, tu as parfaitement raison. Toute l’idée était que ce soit à côté de Delain. Tout ce qui est sorti la première année est très différent par défaut. Je me suis très longtemps demandé si je devais même sortir ces morceaux officiellement parce que je me disais que les gens ne comprendraient pas ou ne liraient pas l’histoire et penseraient que c’est ce que je fais maintenant. J’ai longtemps hésité, mais j’en suis venue à me dire : « Eh, tu sais quoi ? Certaines personnes sont excitées par ces chansons. Je suis excitée par ces chansons. Et si des gens n’aiment plus ce que je fais, alors je les surprendrai avec le prochain album. » On ne peut pas satisfaire tout le monde. Je ne peux pas corriger l’histoire partout, donc je vais laisser filer. Avec un peu de chance, peut-être que certaines de ces personnes reviendront sur ces morceaux quand il y aura de nouveau des trucs heavy.
« J’aime beaucoup être libre de faire ce que je veux et de faire quelque chose de très différent chaque mois, mais si les gens pensent qu’il n’y aura plus de trucs heavy de ma part, ils ont tort. Peut-être que ça en rassurera certains, je ne sais pas. »
Les dernières chansons que tu as sorties – et donc qui ne font pas partie de cet album – « The Panthom Touch » et « Toxic » sonnent déjà plus comme un groupe de rock.
Oui et celle sur laquelle je suis en train de travailler aujourd’hui aussi. Au tout début, je n’aurais pas sorti une chanson comme ça pour moi parce que j’avais un groupe pour. Je ne sais pas si je vais développer un son à un moment donné ou si je vais continuer à faire des choses différentes. On verra. J’ai l’impression d’à peine commencer à comprendre. Je ne suis pas vraiment pressée de m’engager dans un son, un style ou une atmosphère particuliers.
Timo t’a accompagnée sur quelques chansons que tu as filmées au Studio 23. Penses-tu que tu pourrais l’impliquer plus dans ta carrière solo ?
J’adore qu’il ait fait ces chansons avec moi. Si je me retrouvais à les rejouer, il est clair que je me tournerais de nouveau vers lui, donc peut-être qu’il pourrait être impliqué dans le futur, mais évidemment, c’est à lui de répondre à la question. C’est un guitariste absolument fantastique. Si à un moment donné, j’en suis à un point où je songe à activement impliquer des gens dans le projet à nouveau – on en a parlé tout à l’heure, pour l’instant je repousse un peu cette idée –, je pense qu’il serait évident de lui demander. Peut-être que c’est trop tôt pour en parler concrètement, mais je ne peux pas imaginer que qui que ce soit serait meilleur pour le poste que lui.
L’illustration a l’air de venir directement des années 70. Même si la musique ne sonne pas du tout années 70 ou rétro, te sens-tu proche de cette décennie ?
Parfois on me demande : « S’il y a un moment dans l’histoire que tu aurais aimé vivre, ce serait lequel ? » J’aurais adoré être à Woodstock. C’est la musique que mes parents écoutaient. J’adore plein de musiques de cette époque. J’adore l’esthétique de cette époque. J’adore la mode de cette époque. J’en suis dingue. J’aime beaucoup le travail de cet illustrateur. J’aime sa façon de travailler avec les thèmes que je lui offre. J’ai aussi l’impression qu’à un moment donné, ça devient très reconnaissable visuellement. Il y a clairement une connexion à ce niveau. Il va probablement bientôt se mettre à travailler sur de nouveaux designs, donc je suis excitée à cet égard.
Tu as déclaré sur ta page Patreon qu’« une frustration au cours des quinze dernières années a été le long périple pour que la musique aille du musicien jusqu’à l’auditeur, et le chemin confus que doivent suivre les revenus pour aller de l’auditeur au musicien ». A quel point as-tu eu du mal avec ça par le passé ?
Parfois, ça retire la spontanéité. On voit quelque chose aux infos et on se dit : « Oh mon Dieu ! Je veux écrire une chanson là-dessus. » Mais ensuite, tu commences à calculer : « Notre prochaine session d’écriture est dans un mois et l’album sortira dans deux ans ? » Au moment où l’album sort, ce sur quoi tu as écrit a perdu toute pertinence. C’est quelque chose que j’ai toujours trouvé très déroutant voire décourageant. Le mois dernier, la chanson du mois parlait de Britney Spears. Enfin, ça ne parlait pas exactement de Britney Spears, ça parlait de patriarcat, mais elle était un des exemples dans la chanson. Dans la manière traditionnelle de faire des albums, ça n’aurait pas marché parce que les gens auraient été là : « Oh ouais, je crois qu’il y a eu un procès il y a deux ans » alors que maintenant, ça vient d’arriver, donc tu le mets en ligne et c’est là. J’adore ça. J’adore la spontanéité que ça apporte à la session d’écriture.
Sur un autre plan, je trouvais que ça manquait énormément de transparence. Qu’est-ce que les streams nous rapportent ? Est-ce que ça nous rapporte quoi que ce soit ? Au sein d’un genre musical, en tant que groupe nous nous portions bien, mais je pense que les gens croient parfois qu’on gagne beaucoup plus d’argent qu’en réalité. L’une des raisons est qu’on travaille aussi beaucoup avec des intermédiaires, et ce n’est pas que je ne veux pas que les intermédiaires tirent aussi profit de leur travail, mais je me suis dit que pour ce que je fais, je peux le faire moi-même, et que j’aime me charger de ce travail. C‘est sympa de pouvoir aller directement au contact des auditeurs et ensuite, ils peuvent choisir ce qu’ils veulent donner en retour. C’est un échange direct. Pour moi, c’est très sympa et transparent. C’est mon boulot à plein temps maintenant, donc évidemment, ça fait peur parfois, car à la fin du mois, tous les mécènes Patreon qui ont annulé leur abonnement partent d’un coup. Donc à chaque fois « j’accroche mon cœur » – comme on dit en néerlandais – le premier du mois pour voir s’il n’y a pas trop de personnes qui sont parties. Mais en général, c’est assez stable. Je sais ce qui arrive dans le mois, donc je peux payer le mix et le master, payer l’illustration ou les photos, économiser pour un clip, acheter du merch, faire faire des designs pour le merch, etc. J’ai toutes les informations pour calculer mes dépenses et mes rentrées d’argent. Pour moi, c’est une manière très transparente de faire les choses et c’est aussi très cool de voir que je peux budgéter et payer d’autres artistes pour faire un shooting photo, les clips, le mixage, jouer, etc. C’est super pour moi. Je me sens très privilégiée qu’après tout ce qui s’est passé l’an dernier, je sois toujours en mesure d’être une musicienne et que ce soit mon boulot à plein temps. J’en suis très reconnaissante. Je suis très reconnaissante envers les gens sur Patreon qui rendent ça possible. Et maintenant que ça sort, évidemment je suis aussi reconnaissante envers les gens qui écoutent les chansons en streaming et achètent le vinyle, mais jusqu’à présent, durant l’année dernière, ça a vraiment été les mécènes Patreon qui ont été ma bouée de sauvetage.
« Je discutais avec ma thérapeute et elle m’a parlé des connexions dans le cerveau, la façon dont elles sont mal développées quand on ne va pas bien pendant un certain temps. Puis elle m’a montré comment avec un traitement et une thérapie elles recommencent à se développer. Elle m’a montré une illustration et j’ai trouvé que ça ressemblait exactement aux racines d’une petite plante. […] Ça m’a fait voir les plantes comme une métaphore et un symbole de développement. C’est la raison pour laquelle elles m’obsèdent. »
Tu as mentionné tout à l’heure ne pas vouloir sortir de CD, mais tu sors l’album en vinyle. As-tu un attachement particulier au vinyle ?
J’aime le vinyle parce que l’artwork est plus grand. Pour moi, par exemple, si je mets quelque chose sur une étagère ou un mur, c’est généralement un vinyle. Je voulais avoir un produit physique mais plus comme un produit de merch, quelque chose que les gens peuvent ajouter à leur collection. Je voulais aussi réserver le package complet pour lorsque j’allais faire une production complète. C’était en fait mon idée principale. J’aurais peut-être pu faire aussi un CD, mais je sais que les ventes physiques de nos jours ne sont plus ce qu’elles étaient et évidemment, je fais beaucoup de choses moi-même maintenant. Je me demande : « Où dois-je investir mes efforts ? » Pour l’instant, je me dis que proposer une sortie plus limitée serait une option plus sage. Le temps nous dira si j’ai raison. Il y a un paquet de gens qui se sont plaints qu’il n’y ait pas de CD. On verra.
Tu sors ça via Napalm Records. J’imagine qu’ils t’aident avec la sortie ?
Oui, absolument. J’aime beaucoup tout faire via Patreon maintenant, c’est la plateforme principale et je suis indépendante, mais Napalm a été très cool et bienveillant avec moi. Evidemment, nous avons très longtemps travaillé ensemble et ils ont dit qu’ils respectaient vraiment où j’en étais désormais. Ils étaient vraiment ouverts à un contrat qui se limiterait à la production et à la distribution du vinyle. Je fais donc uniquement le vinyle avec eux, mais ils m’aident aussi avec la presse. Je trouve qu’ils sont d’un grand soutien, considérant que je ne suis pas sous un contrat d’artiste complet avec eux, je n’ai que la production et la distribution. Ce sont des gens sympas et de vrais fans de musique. Je suis très contente de continuer à collaborer avec eux, même si c’est d’une autre manière.
Tes diverses formules d’abonnement Patreon portent le nom de plantes, et à en juger certaines photos de ta maison sur Facebook, on dirait que tu as beaucoup de plantes. Peux-tu nous parler de ta passion pour la botanique ?
J’adore les plantes ! Je ne sais pas exactement quand j’ai commencé à sérieusement collectionner les plantes. Aujourd’hui, je me dis que j’en ai peut-être assez parce que parfois, si une plante ne va pas bien, ça me stresse [rires]. J’ai maintenant suffisamment de bébés à m’occuper, ce qui ne m’empêche pas de vouloir aller à la jardinerie demain. J’aime beaucoup les plantes parce que quand je ne me sentais pas bien, je suis devenue très impatiente. J’ai fait ce qu’il fallait que je fasse. J’ai pris des mesures pour m’éloigner des choses qui n’étaient pas bonnes pour moi. J’allais en thérapie. Je prenais mes médicaments. Je faisais tout ce qu’il fallait… Donc pourquoi est-ce que je ne me sentais pas mieux ? A cette époque, j’avais des boutures qui poussaient dans l’eau et quand on fait ça, on peut voir les racines de la plante se développer dans l’eau. Je discutais avec ma thérapeute et elle m’a parlé des connexions dans le cerveau, la façon dont elles sont mal développées quand on ne va pas bien pendant un certain temps. Puis elle m’a montré comment avec un traitement et une thérapie elles recommencent à se développer. Elle m’a montré une illustration et j’ai trouvé que ça ressemblait exactement aux racines d’une petite plante. Donc quand je suis rentrée chez moi, j’ai commencé à regarder les plantes d’une autre manière. J’étais là : « Patience, Charlotte. Tu peux voir les plantes, tu ne vois pas les racines grandir, mais tu vois qu’elles sont plus grandes que la semaine passée. Et peut-être que c’est pareil avec toi. Tu ne te sens pas mieux d’un jour sur l’autre, mais si repenses à il y a un an, tu vois que tu as évolué. » Ça m’a fait voir les plantes comme une métaphore et un symbole de développement. C’est la raison pour laquelle elles m’obsèdent. Ensuite, j’en ai acheté et propagé trop, donc je les échange avec des amis. Maintenant, c’est juste quelque chose qui me procure du bonheur quand je vais les voir. Celle-ci a une nouvelle feuille, celle-là commence à fleurir… C’est comme un petit cadeau chaque jour quand elles se portent bien, j’adore.
Peut-être que tu devrais te lancer dans le business de la botanique pour vendre des plantes aux gens…
J’ai pensé à écrire un livre avec des histoires sur les plantes. C’est vraiment un marché de niche, je pense, mais qui sait ? [Rires]
Interview réalisée par téléphone le 5 août 2021 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Emilie Bardalou.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Simone Johanna Maria Simons (1 & 8), Charlotte Wessels (2), Tim Tronckoe (3, 5, 7) & Otto Schimmelpenninck van der Oije (6).
Site officiel de Charlotte Wessels : charlottewessels.nl
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