Pas de poussiere sur les platines et les guitares de Julien Kidam ! Si certains ont profité du confinement pour faire plus de musique, pour Julien, il n’y a pas beaucoup de différence avec une semaine de travail normale. C’est donc depuis son home studio, entre deux sessions de compositions et de DJ set, qu’il nous a accorde un peu de temps pour parler du dernier album Chemical Sweet Kid. Il nous raconte en parallèle son évolution et celle du projet : de DJ à frontman, de l’indus au metal. Une évolution qui a nécessité de sécuriser un poste sensible pour un projet de metal indus, la guitare.
Le titre de cet nouvel album, Fear Never Dies, est sans équivoque et particulièrement actuel. Julien en profite d’ailleurs pour dénoncer des comportements de panique excessifs et une manière malsaine qu’ont les médias et les réseaux sociaux de les alimenter. Mais à titre personnel, alors qu’il souffre d’anxiété, Julien domine ses peurs et montre la voie en appelant notamment à faire preuve d’esprit critique.
« Je connais des groupes où on passe d’un album à l’autre et où on ne voit pas vraiment de différence, on ne peut pas dire quel morceau vient de quel album. Pour moi, cette évolution est très importante. »
Radio Metal : Quand tu dois définir le groupe, tu le compares souvent à un mélange de Marilyn Manson, Rob Zombie et Combichrist. Dirais-tu que c’est juste une facilité de langage parce que ce sont trois groupes connus et que ça permet facilement de vous identifier, ou est-ce que ce sont vraiment trois influences importantes pour le projet ?
Julien Kidam (chant et programmation) : D’une part, ce sont trois groupes que j’aime beaucoup et qui m’ont influencé au cours des dernières années. Et d’autre part, comme tu dis, c’est vrai que ça représente bien plusieurs styles de musiques : on a l’aspect rock et gothique avec Marilyn Manson, l’aspect metal avec Rob Zombie et l’aspect indus avec Combichrist. Ça se ressent dans la musique de Chemical Sweet Kid, où on a l’aspect metal gothique et industriel.
Ça n’a pas toujours été le cas, car au départ, le projet était très électro. Tu as accentué le côté metal après. Peux-tu nous parler de ce qui a provoqué cette transition ?
C’est vrai que le premier album, Tears Of Pain, est très électro, et même purement électro. Dans l’électro que j’écoutais à l’époque comme Tamtrum ou Suicide Commando, c’était toujours des voix très modifiées, avec plein d’effets dessus, etc. J’ai voulu accentuer l’aspect vocal avec un chant un peu plus travaillé, moins modifié, avec une inspiration plus Marilyn Manson. Du coup, l’aspect metal a été accentué suite à ça. C’est vraiment une volonté d’évoluer au niveau du chant, mais c’est aussi la musique que j’écoutais à ce moment-là qui a évolué. Dans mon adolescence, j’écoutais beaucoup de metal, et ensuite beaucoup d’électro-gothique, puis je me suis remis à écouter un peu plus de metal. C’est un tout.
Le projet a changé plusieurs fois de guitariste, et tu as déclaré qu’il y avait une difficulté pour le projet à trouver un guitariste sérieux et prêt à s’investir. Quelles sont tes exigences pour le poste de guitariste ?
Pour moi, le guitariste est celui qui va apporter la touche metal au projet et comme nous avons une volonté de nous diriger vers l’indus metal, la place de guitariste est très importante. J’ai dit que c’est difficile de trouver un guitariste parce que nous avons eu quelques galères. Le guitariste a quitté le groupe fin décembre. J’en ai retrouvé un autre qui était OK, mais il a eu des soucis de santé. J’en ai retrouvé un autre qui était OK, et qui a aussi eu des soucis de santé… [rires] Et enfin, un troisième où tout est OK ! Donc ç’a été compliqué dans ce sens-là. C’est assez compliqué aussi parce qu’un guitariste metal aime bien jouer dans un groupe purement metal avec un batteur, un bassiste, etc. Dans un groupe électro, c’est un peu plus compliqué pour un guitariste de s’y retrouver.
Tu penses qu’il y a forcément moins de place pour un guitariste pour s’exprimer par rapport un groupe de metal plus traditionnel où la guitare sera plus bavarde ?
C’est ça. Notre guitariste, Nico, qui était là avant et qui était très doué, n’avait pas beaucoup de place pour les solos et les choses très heavy metal. D’un autre côté, je suis ouvert à plusieurs choses. Donc dans le processus de compo, jusqu’à maintenant, j’ai toujours composé seul, et ensuite j’envoyais les morceaux à mon guitariste, mais je ne suis pas fermé à l’idée de faire le contraire, c’est-à-dire avoir un riff de guitare et composer autour. C’est juste que pour l’instant, notre guitariste précédent n’était pas forcément ouvert à ça. Là, nous avons un nouveau guitariste avec qui nous travaillerons certainement sur des morceaux de cette façon. Comme je te disais, la compo, c’est moi qui la fais seul en studio, contrairement à un groupe classique, avec guitare / basse / batterie, où les gens vont se réunir, répéter ensemble et composer ensemble, donc c’est une façon de faire qui peut ne pas forcément convenir à tout le monde.
Dirais-tu que de ce fait, ça te pousse à travailler avec des guitaristes qui ont un profil plus atypique, plus rythmique ou arrangeur ?
Pas forcément. Ce sont aussi les relations humaines qui comptent. Si nous nous entendons bien, chacun peut faire des concessions et des compromis, et arriver à travailler ensemble. À partir du moment où la personne à qui je propose le projet est OK, il n’y a pas de souci. Maintenant, si dès le départ, la personne n’est pas ouverte à ça et veut vraiment faire du heavy metal, il faudra que la personne se dirige vers un autre groupe. Mais pour l’instant, ça s’est toujours bien passé. J’ai toujours travaillé avec des gens que je connaissais, donc les gens connaissent le projet, ils savent ce qu’ils peuvent apporter. Ça s’est toujours bien passé, mais ce n’est pas moi qui vais chercher un profil particulier. Moi, je suis ouvert, et après, ça fonctionne ou ça ne fonctionne pas. Mais comme je disais, ce sont vraiment les relations humaines qui sont importantes dans un groupe.
Vu toutes les galères que tu as eues avec les guitaristes, dirais-tu que c’est un poste sensible ? Es-tu inconsciemment un peu plus inquiet pour l’avenir par rapport au poste de guitariste ?
Non, parce que le guitariste que nous avons trouvé est hyper-motivé. C’est un peu un hasard que nous ayons ce guitariste, parce que c’est une personne que je connais depuis vingt ans, mais nous nous étions perdus de vue. Avant Chemical Sweet Kid, j’étais plus dans l’univers techno, hardcore, DJ, et c’est une personne qui avait aussi, avant, un projet techno hardcore et avec qui nous avions joué dans une soirée. Nous étions bookés à une soirée pour un concert au mois d’avril, mais je ne pouvais pas vraiment assurer la date puisque nous n’avions pas retrouvé de guitariste. Et lui, Yann, qui est notre nouveau guitariste jouait également à cette soirée et l’organisateur a fait le lien entre nous deux, car je ne savais même pas que Yann faisait encore de la guitare. Donc nous nous sommes retrouvés, nous nous entendons super bien, il est vraiment motivé, donc je ne suis vraiment pas inquiet pour ça, pour l’avenir.
Tu l’as mentionné tout à l’heure, tu composes seul avant d’envoyer tes compositions aux autres musiciens, donc c’est un projet très personnel. Cela dit, tu es très ouvert à la collaboration. Est-ce que malgré tout, il y a des aspects sur lesquels tu ne transiges pas ?
Non, pas vraiment. Je suis assez ouvert, le groupe existe depuis 2008, j’estime que dans un groupe, il faut une évolution. Si un groupe fait le même album cinq fois, pour moi, ça n’a pas d’intérêt. Je connais des groupes où on passe d’un album à l’autre et où on ne voit pas vraiment de différence, on ne peut pas dire quel morceau vient de quel album. Pour moi, cette évolution est très importante, et elle passe aussi par les compromis et par le fait d’écouter les autres membres du groupe. C’est-à-dire que même si les autres ne composent pas, j’écoute quand même ce qu’ils me disent, et je peux être amené à faire des changements dans un morceau, dans des paroles, accepter peut-être même des riffs de guitare que je n’aurais pas acceptés au départ. Je pense à Nico, notre ancien guitariste, qui avait fait des riffs de guitare pour Fear Never Dies, le nouvel album, ou alors c’était pour le précédent, mais il y avait un riff qui ressemblait trop à quelque chose qui existait déjà d’un autre groupe. Donc là, effectivement, j’ai préféré switcher et que nous passions à autre chose. Je garde quand même le mot final ! [Rires]
« Je suis une personne très anxieuse, très angoissée, donc c’est tout naturellement que tout ça ressort dans la musique et les paroles. »
L’album s’appelle Fear Never Dies, donc il y a ce sentiment de peur qui domine. Quelle est ta relation à la peur, et comment a-t-elle inspiré cet album et ces textes ?
Au départ, je suis déjà une personne très anxieuse, très angoissée, donc c’est tout naturellement que tout ça ressort dans la musique et les paroles. C’est d’ailleurs pour ça que nous avons toujours un aspect sombre dans la musique et dans les paroles. Je suis angoissé, je suis anxieux, mais j’arrive quand même à surmonter tout ça, à passer au-delà. Donc c’est vrai que ça m’inspire beaucoup pour la musique et surtout pour l’écriture des paroles. C’est cet aspect d’angoisse, de surmonter tout ça, d’aller au-delà de nos peurs et franchir toutes ces limites.
Vu la période compliquée qu’on vit en ce moment avec la pandémie du Covid-19 et le confinement, il serait facile de céder à la paranoïa, d’autant qu’on ne connaît pas tout de ce virus. Comment te sens-tu, actuellement ?
[Rires] Je ne sors pas trop, donc ça va ! Habituellement, je n’aime pas aller dans des lieux comme des supermarchés, des choses comme ça, il y a trop de monde, je me sens oppressé, je me sens angoissé. Je vais par exemple privilégier un drive. Là, c’est bien, parce que quand je sors, je ne vois pas grand monde, il n’y a pas grand monde qui sort ! C’est vrai qu’il y a quand même un climat anxiogène, on voit que les gens ont peur et sont vraiment dirigés par ce qu’on leur dit. Je suis allé dans un commerce de première nécessité qui est un caviste – les cavistes restent ouverts [rires] – et juste à côté, il y avait un magasin de tissus. Et depuis qu’on a dit que les gens pouvaient faire leurs propres masques, il y a toujours une demi-heure, trois quarts d’heure de queue devant ce magasin de tissus. Donc les gens ont complètement peur, et c’est une peur qu’on leur a créée, j’ai l’impression. Au départ, on leur dit qu’il n’y a pas besoin de masques, donc personne ne met de masques, c’est cool. On leur dit qu’il y en a besoin, ils en veulent. On leur dit qu’ils peuvent les fabriquer eux-mêmes, ils vont acheter du tissu, etc. C’est, vraiment, à la fois anxiogène et contradictoire.
Penses-tu qu’il y ait une dépendance à l’info qui soit un peu trop prononcée ?
Depuis le début du confinement, je regarde beaucoup les infos, comme beaucoup de gens, je pense, mais je n’entends parler que de ça. Ils ne parlent que de ça. Puis maintenant, avec les réseaux sociaux, et l’accès facile qu’on a à l’information, on est bombardés de choses négatives par rapport au Covid-19. Alors, si on relativise, c’est sûr que le confinement est certainement nécessaire parce qu’on n’a pas de remède pour contrôler ou arrêter cette maladie. Mais quand je vois les gens avec les masques, les gants, etc., si demain on leur disait qu’il n’y avait pas besoin de gants… Certains vont dire que les gants, c’est pire, parce que tu vas prendre toutes les bactéries, tous les virus dessus, tu vas te toucher le visage, etc. On est quand même vraiment dirigés par toutes les informations qu’on reçoit, qu’elles soient fausses ou non, parce que quand on regarde sur Facebook, maintenant tout le monde devient médecin, tout le monde devient politique, on a toutes les informations et leur contraire, on passe des heures à regarder des vidéos de personnes qui nous racontent des choses qui ne sont peut-être pas forcément vraies… Parce que si moi, je fais une vidéo sur YouTube en donnant mon avis, que tout le monde la regarde et prend ça pour quelque chose de vrai, c’est quand même dangereux.
Comment fais-tu le tri dans ces informations-là ? On n’est pas médecin, donc on est quand même obligé d’écouter des gens, d’écouter le gouvernement…
Je pense qu’il y a le libre-arbitre et un peu de bon sens… C’est-à-dire qu’on n’est pas médecin ni rien, on va quand même se protéger et sortir le moins possible. Donc là, ma « technique », c’est de sortir le moins possible, et de me protéger quand je sors. On sait qu’il y a des choses qui sont indéniables. Il faut que je me lave les mains plus souvent. Je touche quelque chose, je vais faire les courses : même si je mets des gants, je me lave les mains après… Je fais appel au bon sens, sans céder à la panique en allant dévaliser les rayons de pâtes et de papier toilette… Si chacun a un peu de bon sens, ça peut bien se passer pour tout le monde.
Tu as déclaré que ce qui t’inspirait le plus était un sentiment d’incompréhension et d’injustice. Est-ce qu’il y a eu un moment dans ta vie où tu as vraiment pris la décision consciente de transformer ces émotions négatives et d’en faire quelque chose de positif, et ainsi de les mettre dans ta musique ?
Je pense que ce moment est vraiment venu dans les premiers morceaux. Parce qu’au départ, comme je te disais, j’étais plus dans la techno hardcore, qui est de la musique très instrumentale, donc derrière ton ordinateur avec tes claviers, tes synthés, tu composes le morceau et le morceau est fini. Sur de la musique metal, indus, ou électro-gothique comme Tamtrum ou Suicide Commando, il arrive le moment où il faut franchir le pas, prendre le micro, chanter, et surtout écrire des paroles. Au départ, tu cherches un peu une inspiration pour les paroles et tout naturellement, c’est venu d’une part de vécu qui a été romancée au fil du temps.
Dans ton fonctionnement, tu n’es pas du genre à écrire ton album trois semaines avant d’enregistrer. Tu vas plus avoir tendance à composer de manière régulière. C’est un fonctionnement qui t’apporte plus de sérénité et te permet de faire mûrir un peu plus tes morceaux ?
C’est surtout que j’aime composer aussi, donc forcément, tout au long de l’année, je vais composer, quand j’ai du temps. Si je ne compose pas, je peux aussi ressentir un manque. Par exemple, l’album est sorti au mois de novembre, mais il était déjà prêt depuis quelque temps, donc sa sortie avait dû être retardée une fois ou deux. Ça faisait déjà au moins une bonne année que je n’avais pas pu composer. Là, avec le confinement, je me suis bien rattrapé ! [Rires] J’ai passé deux mois dans le studio à composer de nouveaux morceaux. Mais c’est vrai que pour les précédents albums, tout s’est vraiment fait au fur et à mesure, contrairement à certains groupes qui vont se dire : « On va se réunir un mois ensemble, et en un mois, on va faire un album. » Tout se fait vraiment au fur et à mesure de l’année.
Vu que tu as un home studio, tu as forcément un accès extrêmement facile à l’enregistrement. J’imagine que ça te fait enregistrer beaucoup plus souvent des maquettes. Est-ce que ce n’est pas plus difficile de faire le tri là-dedans ?
Non, je ne fais pas vraiment de tri. Je fais mon morceau, ça me plaît ou ça ne me plaît pas, mais je vais quand même le travailler. Il y a certains morceaux qui ne me plaisaient pas au début et qui finalement sont devenus des singles, que nous jouons en concert, et qui sont les morceaux qui marchent le mieux. En général, j’essaie de retravailler le morceau jusqu’à ce que ça me plaise. Quelque chose qui ne me plaît pas, plutôt que de le jeter, je vais continuer jusqu’à ce que j’arrive au résultat que je veux. À tort ou à raison, je ne sais pas, mais je ne fais pas forcément le tri. C’est rare que je jette un morceau.
« En général, j’essaie de retravailler le morceau jusqu’à ce que ça me plaise. Quelque chose qui ne me plaît pas, plutôt que de le jeter, je vais continuer jusqu’à ce que j’arrive au résultat que je veux. À tort ou à raison. »
Sur tes albums, il y a très régulièrement des remix. Comment abordes-tu cet aspect particulier de la musique ?
Ce cinquième et dernier album, Fear Never Dies, est un peu plus metal que les autres, et les remix sont faits par des groupes très électro. J’ai moi-même déjà fait plusieurs remix mais je trouve que c’est assez intéressant d’entendre son propre morceau vu par quelqu’un d’autre, d’avoir un morceau metal remixé par un groupe électro. C’est intéressant pour la personne qui va écouter l’album, de réécouter le morceau différemment, parce qu’une même personne peut apprécier différents styles de musique.
Apparemment, le travail sur la pochette de l’album a été assez laborieux. Est-ce que c’est lié au travail sur la pochette elle-même qui représentait des difficultés particulières ou était-ce juste un problème de personne ?
Je crois que c’était un problème de personne. J’ai eu plusieurs touches avec certains graphistes, nous avions commencé à discuter, monter le projet, nous avions presque fixé une date, une deadline, etc. et après, plus de nouvelle. Je ne vais pas les harceler, et quand je le recontacte, le gars me dit simplement : « Ah non, j’ai donné la date à quelqu’un d’autre, je ne suis plus disponible avant six mois. » Donc il y a eu quelques petites expériences comme ça qui m’ont vraiment… C’est un manque de respect. T’es en contact avec quelqu’un, tu montes un projet, tu parles d’une pochette, et le gars ne te contacte plus… Ce sont des choses que j’ai un peu du mal à comprendre, mais j’ai l’impression que certains graphistes deviennent un peu des divas ! [Rires] Après, je ne veux pas généraliser, parce que j’ai travaillé avec d’autres graphistes qui sont vraiment adorables et qui font un super boulot. Mais c’est vrai que j’ai eu deux ou trois petites expériences comme ça, et quand tu cherches à finaliser un album ou une pochette, que tu as une deadline, et que tu te fais lâcher comme ça, ce n’est jamais très cool.
Avant que le confinement ne soit lancé et que vos dates de concert ne soient annulées, vous étiez censés tourner avec Project Pitchfork. L’histoire de Project Pitchfork est assez marrante, parce que c’est un groupe qui, à un moment de sa carrière, a eu comme première partie Rammstein. J’imagine qu’on a dû vous faire la blague, en vous disant : « C’est vous le prochain Rammstein », non ?
C’est le bookeur qui nous l’a faite ! C’est le bookeur de Pitchfork qui avait booké Rammstein en 1995 quand ils avaient fait leur première partie. Il nous l’a dit sur le ton de la rigolade, bien sûr, mais si ça vient de sa part, ça ne peut que nous flatter ! [Rires] Mais nous ne nous faisons pas d’illusions non plus. Il y a d’autres groupes qui ont fait la première partie de Pitchfork et qui ne sont pas Rammstein aujourd’hui, donc chacun sa place, j’ai envie de dire !
Du coup, Rammstein a le succès qu’il a aujourd’hui, et Project Pitchfork est loin d’avoir ce niveau de notoriété-là, même s’il y a une carrière tout à fait respectable. C’est quelque chose qui peut te chagriner ?
C’est vrai que connaissant Project Pitchfork, je me mets à leur place en me disant que putain, quand tu vois Rammstein, c’est quand même un groupe qui a mondialement explosé ! Rammstein lui-même ne s’attendait pas à ça ! Donc je me mets à la place de Pitchfork… Après, comme je disais, chacun sa place, chacun a pris son chemin. Maintenant, c’est vrai que comme tu dis, ça chagrine un peu, mais c’est comme ça. Après, il y a certains groupes qui ne veulent pas forcément exploser à ce point-là. Parce qu’être Rammstein, ça veut aussi dire être toujours en tournée, pas tout le temps en famille, jamais à la maison, donc ce sont aussi des contraintes. Il y a certains groupes qui ne veulent pas forcément de ça. Donc peut-être que ça leur convient comme ça. D’un autre côté, Project Pitchfork, en Allemagne, ça cartonne aussi. C’est sûr qu’ils ne font pas des stades comme Rammstein, mais ils font quand même de belles salles de concerts. Nous avions joué avec eux à la Laiterie, à Strasbourg, il y avait quand même huit cents ou neuf cents personnes, donc ils ne jouent pas devant cinquante personnes non plus, c’est quand même honorable.
Surtout qu’être Rammstein, aujourd’hui, ce n’est pas juste être un groupe d’indus ou de metal électro, c’est vraiment être un groupe de culture populaire. Est-ce que tu penses que ça altère la manière dont ils écrivent de la musique ?
Je vois ce que tu veux dire, c’est : est-ce que tu écris ce que t’as envie de faire ou est-ce que tu écris ce que les gens attendent de toi ? Je pense qu’il faut un mix des deux. Si tu es Rammstein, tu dois forcément faire quelques morceaux de ce que le public attend, car c’est quand même ton public. D’un autre côté, tu dois aussi être fidèle à toi-même en faisant ce que tu aimes. Rammstein, c’est quand même un concept aussi, donc s’ils commencent à partir un peu trop dans tous les sens, ce n’est plus Rammstein. Donc je pense qu’il faut d’une part rester fidèle à soi-même, au groupe, et d’autre part à ses fans. Il faut vraiment faire un bon équilibre entre tout ça.
Avant de lancer le projet, tu étais DJ, et ça t’arrive même encore maintenant, surtout en période de confinement, de faire des DJ sets à la maison. Est-ce que l’exercice du DJ set, que ça soit en boîte de nuit, en concert ou à la maison, est un exercice qui est différent du concert ?
C’est complètement différent. Moi, je n’avais pas rebranché mes platines depuis une bonne dizaine d’années. Et je les ai rebranchées parce qu’un organisateur de soirées d’il y a une vingtaine d’années, lorsque je mixais encore, a relancé la machine, donc il m’a booké. Du coup, j’ai rebranché les platines. Bon, ça a été annulé à cause du confinement… [Rires] Mais une fois que les platines étaient branchées, je m’y suis remis un petit peu. Et c’est totalement différent du concert, parce que dans le concert, déjà, tu joues tes propres morceaux et tu chantes. Dans le DJ set, tu es vraiment là à caler des vinyles. Moi, je fais des DJ sets pas sur ordinateur avec Traktor où les trucs sont calés automatiquement. Ce sont vraiment des vinyles que tu cales et qui se décalent, parce que c’est organique. Donc l’exercice est vraiment différent. Je suis plus concentré en faisant un DJ set qu’en faisant un concert, parce qu’en concert, tu chantes, tu vis vraiment le truc en live, alors que le DJ set, c’est vraiment plus mécanique.
À propos du public qui est là pour un DJ set et celui qui est là pour un concert, l’état d’esprit est forcément différent. Le public d’un concert vient découvrir ta musique, alors qu’un public de DJ set va être là plus pour s’éclater, danser, etc. Dirais-tu qu’il y a peut-être moins de jugement dans un public de DJ set ?
Pas forcément, parce que tu as intérêt à mettre le bon morceau au bon moment ! Comme je te disais, je mixe sur platine vinyle, donc le vinyle peut se décaler et ça fait vraiment des trucs horribles. Ce sont les choses à éviter en DJ set, parce que ça se ressent tout de suite dans le public. Alors qu’en concert, la personne regarde ton concert, et on aime ou on n’aime pas. Dans un DJ set, il y a plus des hauts et des bas, j’ai l’impression.
Est-ce que dans ton activité de DJ, il y a des moments où tu adaptes ton set en fonction des réactions du public ?
Oui, l’énergie du public se ressent aussi, donc c’est là que tu vois si tel morceau a fonctionné, et si tu dois enchaîner avec tel ou tel morceau et finalement pas avec celui-là. C’est vrai qu’en fonction du public, tu es obligé de t’adapter, tu ne peux pas avoir une ligne directrice que tu suis, parce que chaque public va être différent, et tu ne peux pas prévoir l’ambiance de la soirée.
Interview réalisée par téléphone le 7 mai 2020 par Philippe Sliwa.
Retranscription : Robin Collas.
Site officiel de Chemical Sweet Kid : chemicalsweetkid.com.
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