S’il a été décrié et parfois même moqué ces dernières années, le combo finlandais Children Of Bodom n’en demeure pas moins un groupe marquant de la fin des années 1990 et début 2000, dont chaque sortie de nouvel album est désormais guettée dans l’espoir pour ses fans les plus mordants de le voir renouer avec la fougue de ses premières réalisations. En effet, celui qui a su faire éclore son propre style, alliant death mélodique, musique simili-symphonique, voire thrash et black metal est à présent un peu plus en délicatesse et éprouve plus de difficultés à captiver et surprendre. Quoi attendre de ce nouveau I Worship Chaos ? L’artwork de Tuomas Korpi, alliant la froideur d’une forêt ravagée par l’apocalypse et la chaleur d’une lumière jaune tamisée, envoie en tout cas sur le papier un message fort avec la volonté de se rapprocher du concept des pochettes des premiers opus, avec cette inséparable faucheuse trônant fièrement dans une gamme chromatique vive. S’agissant du contenu musical, le groupe est resté fidèle à certaines habitudes, en confiant à nouveau la production à Mikko Karmila et Peter Tägtgren. Si globalement le groupe ne semble pas inventer la poudre, il se dégage néanmoins de ce neuvième opus quelques étincelles.
Offrant évidemment quelques repères familiers comme la voix saturée et la guitare d’Alexi Laiho, cet album se distingue pourtant de ses récents prédécesseurs par une étoffe « symphonique » un peu plus marquée, au travers de multiples lignes de claviers sorties des mains de Janne Wirman qui habillent de part en part les dix titres, d’abord peut-être pour pallier à l’absence d’un deuxième guitariste, le groupe s’étant séparé en mai dernier, juste avant d’entrer en studio, de Roope Latvalla. La seconde explication résulte dans le choix de Children de mettre de la distance avec les morceaux vindicatifs, s’appuyant sur des racines thrash parfois, au profit d’un tempo plus posé et ralenti, à l’image de son single « I Hurt » dont le rythme serpente ou d’un « Prayer For The Afflicted » dépressif qui se distingue par son approche atmosphérique à la Hypocrisy, veine qu’on retrouve également sur le refrain du gothique « Morrigan ». « Horns » et « Suicide Bomber » impriment quant à eux plus de rapidité, le death moderne d’Arch Enemy n’étant pas si éloigné. Des morceaux plus communs tels que « My Bodom (I Am The Only One) », « Hold Your Tongue » ou « Widdershins », auxquels on reconnaîtra une certaine puissance sont eux dans la continuité du Children Of Bodom des années post-2008, mais se singularisent par plusieurs ponts colorés avec des solos de six-cordes techniques qui vont chercher dans le progressif et le néo-classique.
Au final, I Worship Chaos s’avère un album posé, accessible, mélodique, classique à l’oreille, cousu de fil blanc s’agissant des influences de Children Of Bodom, et pourtant sa production reste cohérente en parvenant dans le son à unir finement des atmosphères radicalement différentes, tandis que Halo Of Blood (2013), certes doté d’une richesse et d’une profondeur musicale supérieures, semblait s’éparpiller en de nombreuses directions et s’avérait au final inégal et égaré. Peut-être même que la musique des Finlandais, si elle vit encore une fois avec son temps et ne renoue pas vraiment avec la folie galopante de ses débuts – quoi qu’avec quelques thèmes on se surprend à se rappeler au bon souvenir du Children Of Bodom des quatre premiers albums, n’a jamais sonné aussi solide ces dernières années, et ce neuvième effort communicatif laisse à penser que les enfants de Bodom et leur grande faucheuse ont encore leur mot à dire en 2015.
Voir le clip de la chanson « Morrigan » :
Ecouter les chansons « I Hurt » et « I Worship Chaos » :
Album I Worship Chaossortie le 2 octobre 2015 chez Nuclear Blast Records.