Finalement, malgré nos menaces de la fois dernière, le mois de juillet est passé. Une moitié d’entre vous a déjà profité des vacances d’été entre piscine, plage – chouchous, beignets, esquimaux ! – camping, apéro, moustiques, randos, coups de soleil, l’autre moitié s’apprête à en faire autant en août – chouchous, beignets… -, et la moitié restante (les maths aussi sont en vacances) n’a rien de mieux à faire que de se planter devant un écran pour bronzer à la lueur de clips de metal. Ce qui n’est pas très malin puisque, comme chacun le sait – … beignets, esquimaux ! – les groupes de metal jouent tous dans des caves sombres et mal éclairées (quoi un pléonasme ?!) et ne présentent donc que des écrans noirs en guise de… Chouchous, beignets… Et un bourre-pif, t’en veux un de bourre-pif ?! Y’en a qui essaient d’écrire sur cette plage !
Hum, bref, voici la sélection des clips sortis en juillet.
Mais pas tous les clips, comme vous le savez, mais bien ceux qui méritent particulièrement d’être vus, ne serait-ce que pour l’effort et la créativité fournis pour ne pas être qu’une vidéo qui perdra en trente secondes attention et intérêt à vos regards. Ainsi sont mis de côté la masse de clips qui ne sont que montages d’images live (et puis c’est triste des concerts où vous n’étiez pas) ou de plans sur les musiciens filmés sous toutes les coutures dans un entrepôt, une cave, dans leur salle de répèt’ (rayez la mention inutile) et qui finiront comme source de fond sonore pendant que vous naviguerez parmi vos autres onglets ouverts. Rien à voir avec une quelconque volonté de dénigrer le travail sur ces derniers dont le but n’est jamais que de valoriser la musique d’artistes qui n’ont pas toujours les moyens de s’offrir toute une dramaturgie ou une mise en scène à la Michael Bay alors qu’ils n’ont besoin que de continuer à faire vivre leurs créations par d’autres médiums que le disque. Il s’agit surtout de mettre en lumière une démarche artistique totale et d’encourager l’approche d’artistes dont le style musical n’a pas spécifiquement votre préférence mais qui pourront obtenir grâce à vos yeux par le plaisir esthétique apporté.
Chouchous, beignets… Bon, toi, tu vas faire connaissance avec la pointe de mes rangers !
Bon visionnage !
Breaking Benjamin – Ashes Of Eden (album Dark Before Dawn)
Le groupe Breaking Benjamin a une théorie. Écartez vos copains créationnistes (en fait, virez les tout bonnement de votre carnet d’adresse), voire les défenseurs de la panspermie car ils pourraient trouver à redire à cela. Et puis, tant qu’à faire, vos potes ufologistes ou alienophiles (ils n’arrêteraient pas de vous en parler). Parce qu’au bout d’un moment, les Tsoukalos de tout poil, ça commence à bien faire pour expliquer tout et n’importe quoi avec du ‘tit gris. Alors, l’idée tient en trois mots : Ashes Of Eden. Les Cendres de l’Éden. Cendres. Et Éden. L’origine du monde. Et la fin de quelque chose d’autre. La mort. Et quelque chose de pur et paradisiaque. Quelque chose d’originel mais vers lequel l’Homme a sans cesse tenté de retourner. Un Paradis perdu lié à la désintégration. Bon, assez d’explication de texte pour trois mots. La bande de Ben Burley s’offre un petit bout de space-opera esthétiquement flatteur pour la rétine et qui, en même temps, lance une idée au sujet de l’origine de la vie sur Terre. Mais avec quand même un petit côté Tsoukalos (Giorgio, on t’aime), parce que bon, « Aliens », quoi.
Kampfar – Tornekratt (album Profan ; clip réalisé par Marcin Halerz)
A l’opposé de la Genèse, sautant irrespectueusement (et pourquoi le feraient-ils) par dessus les Évangiles, les Norvégiens de Kampfar nous font aussi bouffer de la cendre mais dans un monde en pleine décomposition. Direction l’Apocalypse, la Fin des Temps où aucun rédempteur ne viendra amortir ou racheter la chute de l’humanité. Oui, c’est du black metal, ça parle du Diable et de l’anéantissement du troupeau au milieu de l’inversement des multiples références chrétiennes mais ça a de la gueule et ça vaut le coup de s’arrêter à ce charmant petit festival téléologique où seule la présence titanesque de Satan et la consomption de l’innocence y sont des certitudes. Point d’amour, point de salut. Accepte ton sort, humanité, ou laisse-toi infecter par les ténèbres. Avance, courbe-toi dans ta position favorite vers ton déclin. Inutile de traîner les pieds, les Quatre Cavaliers seront bientôt là pour te jeter dans le gouffre. Fin de l’histoire.
Crobot – Not For Sale (album Welcome To Fat City ; clip réalisé par Dan Packer)
Voici un clip qui a une histoire (drôle), un concept (plus « con » que « cept ») né avant même qu’il soit choisi de le réaliser et que les Ricains de Crobot ont raconté au Wall Street Journal (ouaip, ça change de NME ou Rolling Stone). Tout vient d’une blague – désolé, c’est toujours moins drôle d’avoir à expliquer une blague – au sujet des paroles de cette chanson, « Not For Sale, écrites par son frontman Brandon Yeagley, mal comprises par le groupe lui-même et le producteur au moment de l’enregistrer au moment où les mots « Who paid your debt to be here » sont prononcées. Ils semblent entendre « Who paid your dad to be here » (Qui a payé ton papa pour être ici ?) et voilà que cette petite private-joke prend vie le temps d’un mosh-pit de paternels moustachus et bedonnants (en même temps l’album ne s’appelle pas Welcome To Fit City), le genre de gars qui n’ont pas dû s’offrir un concert de rock depuis un moment, trop occupés à remplir le frigo pour leur marmaille et qui laissent ici tout tomber, se déchainent et oublient jusqu’à leurs dettes, pour cette parenthèse riffesque.
Evergrey – Distance (album The Storm Within ; clip réalisé par Patric Ullaeus)
Ce qu’il y a de plus particulier avec ce clip, c’est d’abord son réalisateur : Patric Ullaeus. Ca ne veut sans doute rien dire pour vous mais pour qui a pris l’habitude des clips du bonhomme, ça veut dire beaucoup (toute référence à France Gall mise à part). Car Ullaeus est un réalisateur qui sait se faire remarquer et dont l’esthétique doit flatter les sens des artistes car ils sont nombreux à faire appel et à refaire appel à lui (il est loin d’en être à sa première collaboration avec Evergrey puisque cela fait déjà douze ans qu’il s’occupe de leurs clips). Pourquoi ? On peut se le demander si on n’est pas spécialement client des clips grand spectacle, tape-à-l’œil, ralentis et effets de lumière ultra-chiadés, et « si je pouvais je te mettrais bien deux ou trois robots géants dans le fond ». Car les clips d’Ullaeus, c’est un peu comme les sirènes de Malibu : ça fait fantasmer mais il ne faut pas trop penser à la chirurgie plastique qu’il y a derrière. Enfin, il serait mesquin de tout reprocher au monsieur qui, ici, en met plein les mirettes et offre tout de même du rêve : le rêve de pouvoir aussi arpenter un jour, comme Tom S. Englund, chanteur d’Evergrey, les paysages qu’il représente ici. Même si on se doute, que sans un passage en post-prod’, votre propre expérience risque de ne pas être aussi fantastique.
Five Finger Death Punch – I Apologize (album Got Your Six ; clip réalisé par Nathan Cox)
Prêts à choper la chair de poule ? Pour son nouveau clip, 5FDP vise son public taphophile (amateur de cimetière) et nous emmène dans le jardin du bien et du mal où les héros du rock sont tombés. Puissance évocatrice à chaque nom qui apparaît, en plein écran ou subrepticement : Elvis, Bon Scott, les fameux membres du club 27 (Joplin, Hendrix, Cobain…) et on ne vous parle même pas de l’effet produit par cette pierre frappée d’un As de Pique. Mais que fait là le chanteur Ivan Moody ? Incarne-t-il le croque-mort, l’archétype même du fossoyeur qui a la lourde tâche de mettre en terre, de séparer physiquement du monde des vivants toutes ces légendes qui ont fait et font tant rêver ? Ou la Mort elle-même qu’on pointe du doigt pour retirer la lumière de plus en plus de ces étoiles (parfois filantes) ? Ou le vivant qui culpabilise d’être encore là quand les meilleurs d’entre nous s’en vont ? Quoique la fin encore laisse penser autre chose sur ce qu’il enterre et ce pour quoi il demande pardon.
Gojira – Low Lands (album Magma ; clip réalisé par Alain Duplantier)
Incroyable ! Un clip de Gojira dans notre sélection du mois ! Ce n’est que la troisième fois en quatre mois et vous allez finir par croire qu’on entasse les paniers garnis de produits basques… Mais voilà, il faut bien admettre que dans la famille Duplantier, on sait envelopper avec classe ses nouvelles offrandes musicales. Et quand on parle de famille, c’est encore plus vrai cette fois-ci puisque le cousin Alain Duplantier est à la réalisation et la soeur de Joe et Mario, Gabrielle, est assistante réalisatrice de ce nouveau clip. Clip qui nous montre en outre la maison familiale, appelée Gayeres, là où Gojira est né, a écrit ses premiers morceaux, enregistré ses premiers albums, un berceau en somme, l’écrin où a jailli l’étincelle de la création. Mais voilà, nul n’est sans savoir aujourd’hui dans quel contexte ce nouvel album a été écrit (pour rappel, la mère de Joe et Mario est décédée durant cette période) et la nuit s’est depuis installée dans cette demeure et avec elle le sentiment d’une présence disparue. Un siège vacant, un vêtement vide, une silhouette qui passe sans plus parvenir à accrocher sa forme au monde, un être qui s’en va, déjà loin, et à la fin les cendres.
Levin Minnemann Rudess – Back To The Machine (album From The Law Offices of Levin Minnemann Rudess ; clip réalisé par Edward Aish)
Ne dit-on pas des personnes particulièrement intelligentes qu’elles sont les plus sujettes à certaines maladies mentales, de la dépression aux troubles bipolaires ? Par conséquent, déclinant cette idée au monde de la musique, l’on peut considérer que les interprètes de musiques particulièrement élaborées comme le rock progressif sont forcément BARJOTS ! C’est en tout cas ce que l’on déduit de la vidéo pour le trio Levin Minnemann Rudess, réunissant certaines pointures elles-mêmes liées à certains des plus grands noms de l’histoire du prog (King Crimson, Dream Theater, Steven Wilson…). Pour leur titre « Back To The Machine », partant d’une parodie de publicité pour les services d’avocat pour dénoncer les excès procéduriers et judiciaires, l’on passe à des délires autour de poupées (« montre au juge où le monsieur t’a touché »), d’animaux (parce qu’on est sur internet et que mettre des bêbêtes, chat ou chien, dans son clip, c’est important) et d’autres emprunts (pas forcément très réglos sur la propriété des images) à des vidéos connues du web (tiens, le wall of death de Dagoba au Hellfest…). Le tout est mixé dans un grand trip frénétique et démonstratif mais qui n’en rend que plus sympathique ces types qui nous font généralement nous sentir minables dès qu’il posent trois notes sur un instrument… mais qui peuvent aussi être aussi crétins que vous et moi.
Sinsaenum – Splendor and Harmony (album Echoes Of Tortured , clip réalisé par Indian)
Dans ce monde de violence, en ces temps d’horreur, ça peut faire du bien un peu de tuerie fictive, de violence et d’agression « pour de faux ». Car c’est ça le metal, qui plus est son versant extrême, depuis toujours : être à la musique ce que les films d’horreur sont au cinéma, c’est-à-dire un bon gros défouloir, une zone de déversement par voie artistique de pulsions et de fantasmes sanglants. Comme au cinéma, les musiciens de metal extrême se contentent de jouer aux monstres grognards, aux psychopathes patibulaires car, après tout, la musique ne servira jamais à nuire à qui que ce soit. Et ça fait du bien de se dire qu’on aura toujours ça pour oublier, ne serait-ce que le temps d’un clip, que d’autres n’ont pas les mêmes intentions.
Et pour finir, comme il est désormais de tradition, on termine avec une paire de clips piochés dans l’histoire du hard/metal. Il a été évoqué un peu plus haut et on avait envie de se rappeler quel sacré bonhomme c’était, surtout dès qu’il s’agissait de déconner avec les copains. Voici donc notre sélection bonus « Lemmy au volant, gros rock au tournant. »
Airbourne – Runnin’ Wild
Foo Fighters – White Limo
Au mois prochain !