Le mois de juillet est annulé !
Désolé, mais vous resterez bloqués au mois du bac, des dernières semaines de printemps et juste huit jours d’été, coincés devant les barrières du péage de l’autoroute des vacances qui refuseront de s’ouvrir tant que vous n’aurez pas laissé encore une chance à juin de vous offrir une dernière bouffée de plaisir audiovisuel. Promis, ensuite vous pourrez vous adonner au tourisme de masse et au tartinage de biafine sur vos coups de soleil sur votre peau de métalleux guère habituée aux rayons UV. Et votre meilleure chance de vous ouvrir les portes de ces deux mois de chasse aux moustiques et d’apéro devant la caravane, c’est de rester encore un temps à fixer votre écran d’ordinateur grâce à la sélection des clips qu’il fallait voir au cours du mois passé.
Pas tous les clips sortis, certes, mais bien ceux qui méritent particulièrement d’être vus, ne serait-ce que pour l’effort et la créativité fournis pour ne pas être qu’une vidéo qui perdra en trente secondes attention et intérêt à vos regards. Ainsi sont mis de côté la masse de clips qui ne sont que montages d’images live (et puis c’est triste des concerts où vous n’étiez pas) ou de plans sur les musiciens filmés sous toutes les coutures dans un entrepôt, une cave, dans leur salle de répèt’ (rayez la mention inutile) et qui finiront comme source de fond sonore pendant que vous naviguerez parmi vos autres onglets ouverts. Rien à voir avec une quelconque volonté de dénigrer le travail sur ces derniers dont le but n’est jamais que de valoriser la musique d’artistes qui n’ont pas toujours les moyens de s’offrir toute une dramaturgie alors qu’ils n’ont besoin que de continuer à faire vivre leurs créations par d’autres médiums que le disque. Il s’agit surtout de mettre en lumière une démarche artistique totale et d’encourager l’approche d’artistes dont le style musical n’a pas spécifiquement votre préférence mais qui pourront obtenir grâce à vos yeux par le plaisir esthétique apporté.
Bon visionnage !
Mais d’abord une petite séance de rattrapage, parce qu’on s’en veut d’avoir oublié le mois dernier…
Avatar – The Eagle Has Landed (album Feathers and Flesh ; clip réalisé par Johan Carlén)
Pour son nouvel album, Avatar s’est adonné à une très ancienne tradition : l’allégorie animalière. Mais point de bestiaire dans son clip mais bel et bien une certaine satire d’une autre tradition qui bouffe le monde depuis un bon bout de temps aussi : celle du grand cirque du charlatanisme glorifié, de la ronde des solutions sans problèmes, des besoins créés à partir des moyens de les satisfaire, des marchands de remèdes qui ne font qu’ajouter des malheurs aux maux. Et le moteur de tout cela : la peur. Peur pour l’escroc en thaumaturgie qui craint de perdre l’admiration de ses pairs et poursuit indéfiniment et impunément son œuvre. Et bien sûr peur de ses victimes qui, confrontées à la terreur de la mort, se laisseront toujours lentement dévorées par les prédateurs qui planent au-dessus d’eux, loups déguisés en bergers, pour ne pas risquer de s’éteindre plus brutalement. C’est beau la vie !
Rob Zombie – The Life And Times Of A Teenage Rock God (album The Electric Warlock Acid Witch Satanic Orgy Celebration Dispenser ; clip réalisé par Rob Zombie)
Homme d’images, Rob Zombie n’y va pas avec le dos de la caméra pour illustrer visuellement sa musique et tout particulièrement son dernier album. Album sorti il y a seulement deux mois mais qui nous a déjà valu la réception de quatre clips, soit déjà un tiers des titres de ce disque mis en vidéo (et d’autres sont sans doute déjà en préparation). Des plus communs (« Get High ») aux plus exubérants (« Well, Everybody’s Fucking In A UFO »), celui que nous mettons aujourd’hui en valeur n’est pas le plus récent (un autre est encore apparu depuis sa publication) mais fait certainement partie de ceux qui vous échaufferont la rétine ce mois-ci. Entre le talk-show de Satan et la virée avec Rob Zombie et ses musiciens en mode mariachis en goguette pour se rendre au Dia De Los Muertos avec Belzébuth à la place du mort, sur fond d’images psychédéliques ou d’extraits de vieux films de science-fiction de série Z (à noter au passage un petit emprunt au film Le Cobaye), un rendez-vous chez l’ophtalmo pourra s’avérer ensuite nécessaire.
Melvins – Hideous Woman (album Basses Loaded ; clip réalisé par David Hall)
Réaliser le clip le plus WTF?! du mois, c’est parfois simple comme se procurer un pot de moutarde ou se faire des nouilles aux doigts de pieds. Et c’est bien sûr le groupe qui se fiche pas mal de ce qu’on va dire de ce dont il a l’air qui s’y est collé : la bande à Buzzo, aka les Melvins ! Car quand on s’offre une fantaisie tel qu’enregistrer un album avec six bassistes différents (pour quoi faire ? ils avaient envie, c’est tout), on peut bien pousser le fantasque jusqu’à travestir le bassiste Steve McDonald pour lui offrir le premier rôle féminin de ce clip pour le titre « Hideous Woman ». Amis du psychédélico-nawak et du mauvais goût, mangez-en !
Mortiis – Too Little Too Late (album The Great Deceiver ; clip réalisé par Reinert Kiil)
Ce n’est même pas vraiment un clip ! Et le titre de cette vidéo n’est même pas « Too Little Too Late » mais « Draugr, Chapter 2 ». Il s’agit en fait du deuxième volet d’une trilogie de courts-métrages par le réalisateur norvégien Reinert Kiil qui utilise la musique de Mortiis, en l’occurrence un extrait du dernier album en date du groupe sorti en mars, comme bande originale. Mais pas de problème, on va faire comme si on n’était pas au courant et simplement partager le cauchemar de cet homme, visiblement mort, mais pas assez visiblement, puisqu’il a encore le temps de revivre sa mort. Sauf qu’il semble ne plus trop savoir comment cela s’est passé et qu’il passera donc par plusieurs versions – forcément violentes, vu l’état dans lequel on le trouve – de son anéantissement, à commencer par un dîner à la table de la famille de cannibales de Massacre A La Tronçonneuse, mais avec le clown tueur Wayne Gacy à la place de Leather Face et les petites filles de l’Overlook Hotel qui se greffent à l’arbre généalogique. Et la fête ne fait que commencer ! Et notre héros va bien « s’éclater » jusqu’au bout…
Shinedown – Asking For It (album Threat To Survival ; clip réalisé par Darren Doane)
Eux aussi présentent plutôt un court-métrage qu’un clip (selon eux). Sauf que les Floridiens de Shinedown privilégient la carte de l’humour pour se moquer (pas trop méchamment, il y a des enfants !) des fabricants d’images exaltés qui cherchent à synthétiser l’apparence de musiciens à travers clips et photos promo. Ça a l’air un tantinet exagéré (comme dans bien des comédies) mais l’on peut y sentir la reproduction de moments vécus, comme la confrontation des « visions artistiques » du vidéaste et du manager, la présence de ce technicien qui passe son temps à grignoter pendant qu’il travaille, ou ce photographe qui se roule par terre pour trouver l’angle le plus original pour une photo qui finira par ressembler à bien d’autres portraits de musiciens dans des poses grotesques et tellement cliché.
Nonpoint – Generation Idiot (album The Poison Red ; clip réalisé par Eric Richter)
« C’est une véritable apocalypse zombie ! » Où ? Quand ? Comment ? Mais là, maintenant ! En tout cas, c’est l’idée qu’a le chanteur de Nonpoint au sujet de notre époque où tout ne serait plus qu’un show de téléréalité en ligne à base d’images, de commentaires, de j’aime et j’aime pas, et de gros durs on-line, où la communication, l’empathie, les rapports sociaux sont ramenés à leur plus bas niveau. Et c’est le point de vue que le groupe défend dans son dernier clip. Et, presque paradoxalement, ce n’est pas le personnage le plus jeune dans cette vidéo qui, comme on le ferait ailleurs, va être pointé du doigt comme fautif dans ces comportements. Probable qu’il soit plutôt l’enfant d’une génération abrutie (la première à avoir appris à vivre avec internet et les réseaux sociaux en ligne) qui (re)découvre les joies simples de la vie « hors-ligne », qui étouffe dans l’apprentissage de la loi des apparences et qui observe avec effarement le manque d’intérêt d’une humanité qui n’a plus d’humain que le nom pour le monde et les gens qui les entourent qui brûlent littéralement d’obtenir un tantinet d’attention quand ils ne sont pas de purs simulacres.
Kvelertak – Nattesferd (album Nattesferd ; clip réalisé par Jakob Marky)
Chercher des réponses, ça peut emmener les hommes très loin. Pour toutes ces questions existentielles, universelles qui rebondissent dans nos crânes d’homo sapiens depuis d’incalculables générations sans y trouver un semblant de solution valable et définitive, jusqu’au faut-il aller ? Combien de fois faudra-t-il se remettre sur le problème ? A quel rythme finirons-nous par répéter cette quête uniquement armés de ce mystère dans nos mains pour se retrouver face à mille voies et tomber chaque fois dans une absudre impasse où la vérité céleste nous échappe encore tandis que d’autres hommes viennent à leur tour poursuivre un but et trouver leur chute, leur déclin dans ce désert de sens. Allons, trêve de philosophie, Kvelertak est surtout là pour vous faire apprécier le morceau-titre de son nouvel album.
Tides From Nebula – The Lifter (album Safehaven ; clip réalisé par Aleksander Wilk)
La violence comme une maladie. On tente d’y échapper et quand elle finit par nous atteindre, on est infecté. On s’étonne presque qu’elle parvienne à nous habiter avec une telle facilité, sans qu’elle ait tellement l’air de nous avoir changé. Puis on l’exprime à son tour, avec une rage démultipliée. Et la forme noire, sans visage, quasi inhumaine, que l’on cherchait à fuir, est-elle là, gisant sur le sol, ou en nous ? Fallait-il vraiment en avoir peur ? Faut-il avoir pitié de celui qui a découvert la violence ? Le toucher ou commencer à le fuir ? Vous n’assisterez sans doute pas à la plus grande scène de baston jamais filmée mais indubitablement, la musique de Tides From Nebula invite à la méditation.
Direct Hit – Was It The Acid? (album Wasted Mind ; clip réalisé par Andrew Swant)
La drogue, c’est mal, v’voyez ? Alors les punks de Direct Hit ont sorti Wasted Mind, un concept album composé de douze titres inspirés des œuvres de William Burroughs (Le Festin Nu) et Hunter S. Thompson, auteur de Las Vegas Parano. Et ça se voit, notamment à travers un premier clip, rappelant certains passages de l’adaptation cinématographique de ce dernier, pour « Artificial Confidence » et son trip aussi agréable et serein qu’un voyage en voiture avec un crocodile en chemise fantaisie sur le siège passager. Mais Direct Hit a depuis doublé triplé et même quadruplé la dose rien qu’en juin. Que ce soit avec « Paid In Brains » (réalisé par Dan Riesser) et son climax digne d’une production Troma avec ses déjections corporelles des plus colorées, « Do The Sick » (réalisé par Max Hey) qui fait rimer pipi avec zombie, mais surtout avec « Was It The Acid », délire lysergico-aviaire dans lequel le cinéphile n’est jamais à un doppelgänger près de devenir le dindon de la farce.
Claypool Lennon Delirium – Bubbles Burst (album Monolith Of Phobos ; clip réalisé par Les Claypool)
Un nouveau projet de Les Claypool de Primus, ce n’est déjà pas anodin en soi. Associé dans son aventure Sean Lennon (fils de son père et donc héritier de tout un univers psychédélique), c’est encore particulier. Appeler ça leur « Delirium », ça ne fait que rajouter de l’huile sur le fou fêlé… euh, le feu follet (pardon, j’ai contrepété). Mais quand en plus ils se lancent dans une chanson sur Michael Jackson et son singe Bubble, ça commence à déborder dans le sac à dingueries. Et ce n’est pas tout ! Le clip est réalisé par Claypool lui-même (déjà responsable de certains des plus grands délires visuels de Primus comme « Wynona’s Big Brown Beaver »), la chanson est inspirée de faits réels – le temps passé par Sean Lennon à Neverland, le domaine de Michael Jackson, sa rencontre et son amitié avec son singe – et par conséquent, le mélange de tout ça possède un goût entre l’inquiétant et l’hallucinatoire, le pathétique et le fantastique.
Comme tous les mois, on ne se quitte pas comme ça, alors on s’offre un peu de bonus pioché dans l’histoire des clips hard/metal… ha bin, non, on va plutôt taper dans d’autres genres, histoire de ne pas passer pour de vilains sectaires qui n’aiment que les premiers albums de Metalllica. Pour sûr, ça vaut le coup d’oeil et vous pourrez tous profiter ensuite de votre mois de juillet.
Aphex Twin – Come To Daddy
Tom Waits – Hell Broke Luce