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Chronique Focus   

Coldworld – Isolation


C’est depuis l’Allemagne que Georg Börner (souvent désigné à travers un mystérieux « G.B. ») compose sans en démordre, depuis une quinzaine d’années, des œuvres de black atmosphérique soufflant le froid mais non dépourvues de chaleur interne, sous le nom de projet ColdWorld. Si on évoque parfois des accointances entre ce one-man band et des grands noms comme Paysage D’Hiver, son approche reste plutôt singulière, même si la finalité ultime, d’un point de vue émotionnel, s’apparente à celle de ces autres entités. Composé en grande partie durant les périodes de confinements, Isolation est la fidèle représentation de ce que Georg a alors pu ressentir. Certains morceaux avaient été distillés au cours de la pandémie, mais l’éventualité d’un album complet de cet acabit n’était alors pas directement évoquée. Les albums de ColdWorld, d’ailleurs, se font plutôt rares, cette sortie ne représentant que le troisième, au sein d’une constellation d’EP et autres splits.

L’isolement passe ici par une immersion totale : l’atmosphère et la thématique de l’album sont adroitement posées dès la première piste. On y entend comme une horloge battant maladroitement la mesure, au fond de canalisations désaffectées. Les instrumentations font intervenir de manière généreuse violons et autres joyeusetés, mais ceux-ci se déploient de manière sobre : il ne faut pas s’attendre à une approche à la SubRosa ou Ashenspire de ce côté-ci. Ces ingrédients apportent leur soutien à l’essence black metal du projet. ColdWorld s’est fait une habitude – voire un objectif – d’arpenter la ligne quelque peu décolorée qui sépare le black dépressif de l’atmosphérique, tout en trempant allègrement l’un comme l’autre dans l’ambiant (la pochette semble, à cet égard, nous crier « DSBM » au visage). Isolation ne se prive pas de sortir de ce cadre pour nous asséner des passages plus doom, pesants et lourds, consolidant le socle émotionnel préexistant. « We Are Doomed », fidèle à son titre, exploite ainsi une batterie pachydermique, derrière des trémolos insistants. En guise de moteur de contraste, des guitares acoustiques nous précipitent par instants dans un vide froid et vaste au sortir de corridors plus chargés voire agressifs. Ces oppositions figurent aujourd’hui parmi les grandes forces de ColdWorld, et renforcent la richesse des compositions : la longueur de certaines pistes est rendue somme toute assez transparente.

Isolation se fera fort accessible pour quiconque se montre prêt à accueillir à bras ouverts son message. Accessible grâce, pour commencer, au placement en retrait du chant : pas moins de la moitié des pistes est instrumentale, sans compter « Walz » qui compte moins d’une dizaine de mots. Les techniques vocales choisies, ne se limitant pas au black traditionnel, ouvrent également des portes. Un chant d’inspiration funéraire donne parfois la réplique à des chœurs flottants, entonnant de longues syllabes abstraites. On s’attend souvent, à tort, à entendre une voix entrer en scène, se placer sous la lumière froide des projecteurs poussiéreux, et certains synthétiseurs semblent jouer avec ces ambiguïtés, produisant des sons spectraux et désincarnés (« Soundtrack To Isolation »). Des samples d’enfants jouant nous rappelleront quant à eux que l’isolement ne signifie pas forcément qu’il n’y a pas d’âme qui vive alentour. « Wound » ferait presque figure d’exception avec ses râles ostensibles, déposés sur des guitares grinçantes et lancinantes.

« Five » (dont le nom fait écho à sa position dans l’album) semble tout droit sorti d’un film des plus glauques. Ce titre fait office d’interlude, mais a un effet presque diamétralement opposé à ses congénères d’autres œuvres musicales : plutôt que d’offrir une bouffée d’oxygène, il nous retire le peu dont on pouvait encore disposer. « Isolation Stagnation », pour sa part, pourrait potentiellement se fondre dans une collection de dark ambient, mais on y décèle une forme claire de rythmique. Comme la majeure partie des pistes de l’album, celle-ci peut faire suffoquer si l’on se met sur la défensive, mais, à l’inverse, apaise dès lors que l’on s’abandonne dans l’acceptation. C’est là, d’une certaine manière, l’introduction de l’album qui fait son come-back – comme si tout ce qui se trouvait entre ces pistes n’avait été qu’un rêve, une trêve, un interlude. À l’auditeur de décider s’il convient de s’en réjouir ou non.

L’ultime morceau, « Hymnus », apporte l’illustration la plus directe à la thématique abordée : l’hymne à la solitude de James Thomson, poète et dramaturge écossais du dix-huitième siècle, y sert de paroles. Des vers à travers lesquels le narrateur personnifie la solitude, et la présente comme une entité que l’on se doit de comprendre, de savoir apprécier, au lieu de déplorer notre manque de compagnie. Ce poème offre à cet opus une voix à travers laquelle Georg nous invite à contempler la beauté qui nous entoure et à percer à jour les secrets qui font sa valeur. Cette conclusion apporte une touche positive s’additionnant aux passages étrangement triomphaux, presque tonitruants, croisés en chemin. Le théâtre de cette récitation est une oasis de légèreté au sein d’un morceau plutôt dense par ailleurs, parsemé de lointains borborygmes de nature indiscernable. Un fondu final baissera bientôt le rideau, comme pour sous-entendre que la solitude, loin de disparaître, nous guettera aussi longtemps que l’espèce humaine arpentera cette planète.

D’un point de vue purement artistique, Isolation est une étape de plus dans l’affinement de talents aux contours déjà perceptibles. Humainement, on nous présente ici le parcours de celui qui se plonge dans l’isolement éponyme, la contemple objectivement et en ressort transfiguré. Cet album trouve une grande partie de son efficacité dans l’apparente simplicité de sa thématique, et la facilité avec laquelle tout un chacun peut s’identifier, ici et aujourd’hui, à Georg Börner dans ce périple.

Chanson « Wounds » :

Chanson « Soundtrack To Isolation » :

Chanson « Walz » :

Album Isolation, sorti le 30 septembre 2022 via Eisenwald. Disponible à l’achat ici



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