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Interview   

Coreleoni : et la vie reprend…


L’heure du changement a sonné pour Coreleoni. Groupe fondé en 2017 par Leo Leoni dans le but de donner un nouveau souffle aux vieux morceaux plus hard et moins mainstream de sa formation principale, Gotthard, il s’était jusqu’à présent illustré sur deux albums principalement composés de reprises de ce dernier, réinterprétées par le très prisé chanteur chilien Ronnie Romero. Depuis, une pandémie est passée par là, Romero s’en est allé, tout comme le batteur Hena Habegger. Leo Leoni a une nouvelle fois trouvé la perle rare, en la personne d’Eugent Bushpepa, chanteur albanais découvert grâce au concours de l’Eurovision 2017. Nouvelle voix, nouvelle approche : le troisième album de Coreleoni a bénéficié du temps que les musiciens avaient alors qu’ils étaient coincés chez eux pour proposer cette fois-ci une majorité de compositions originales.

Les fans des trois premiers albums de Gotthard seront aux anges : on retrouve ce hard rock bourré d’énergie qui, selon Leo Leoni lui-même, se fait rare de nos jours. Un album à l’ancienne pour faire de la résistance dans un monde où il n’y a « plus de respect pour la musique » et qui incite à vivre après deux ans de pandémie. Nous en parlons ensemble.

« Au début de Gotthard, l’énergie était très importante. L’idée était donc d’essayer de redonner cette énergie à notre public, en particulier durant cette période pas très joyeuse qu’on vit depuis quelque temps. »

Radio Metal : Ce troisième album est celui des grands changements pour Coreleoni, notamment niveau chanteur. Au final, on le voit bien, Ronnie Romero va de groupe en groupe et ne reste jamais très longtemps : est-ce que ce n’était pas une épée de Damoclès qui était suspendue dès le départ sur le groupe ?

Leo Leoni (guitare) : C’est un peu ça et c’est aussi le fait que si on veut faire quelque chose, comme un groupe, il faut prendre le temps de le faire, et ne pas s’éparpiller, un jour faire ci, puis quelque temps plus tard faire ça, etc. Quand tu t’engages dans trop de projets, arrive un moment où tu dois prendre une décision. C’est comme un couple : tu peux sortir avec ta femme ou alors choisir d’aller avec des copains ou des copines. « If you love somebody, set them free », comme le dit la chanson. Maintenant, il est partout, sauf avec nous [rires]. Au tout début, moi-même je ne savais pas comment le groupe allait évoluer. L’idée était de créer quelque chose à côté de Gotthard, et c’était pareil pour les copains. Chacun avait un autre groupe à côté, mais pas dix groupes, donc nous pouvions gérer la situation, mais quand tu as plusieurs projets à gérer, c’est très difficile. C’est pour ça qu’à la fin, nous avons décidé de nous séparer avec Ronnie. J’espère que lui est content. Nous, en tout cas, nous le sommes.

Nous avons eu Ronnie peu après son départ. Il nous parlait de conflits d’emplois du temps, mais aussi du fait que Coreleoni était un groupe de reprises et qu’être « dans un groupe de reprises n’est pas l’une de [s]es priorités ». Or vous avez désormais décidé de faire des compositions originales : cette évolution du groupe n’avait pas été discutée avec lui ?

Nous n’en avions pas discuté avec lui, car ce n’était pas le moment de le faire. Nous avions discuté que peut-être nous ferions quelque chose un jour… En fait, sur les deux albums précédents, il y avait à chaque fois un inédit, si je me souviens bien. Dans le premier, il y en avait un, et dans le second, il y en avait deux. Donc l’idée était progressivement d’en faire plus, mais il est parti avant de faire le troisième album et durant la tournée du second album, on voyait bien que l’enthousiasme n’était plus là. Et puis le Covid-19 est arrivé et nous avons saisi l’occasion pour travailler un petit peu plus, nous avons eu plus de temps pour composer, donc c’est ce que nous avons fait. Après, s’il dit qu’il n’aime pas les reprises, je n’ose pas regarder ce qu’il a fait dernièrement… Je crois que son premier album solo, ce sont que des reprises, non ? Bref, je préférerais parler de Coreleoni III, du futur, plutôt que du passé. Le passé c’est du passé ! [Rires]

Justement, Eugent Bushpepa est le nouveau chanteur de Coreleoni. Il est albanais et on n’avait jamais vraiment entendu parler de lui avant : comment l’avez-vous déniché ?

Je l’ai vu à l’Eurovision 2017. J’étais à la maison en train de regarder cette émission et je me suis dit : « Putain, ce chanteur est vraiment bon ! » C’est vrai que là, il chantait une chanson en albanais, il était là pour son pays, et je ne comprenais pas les paroles, mais l’exécution du morceau, c’était fantastique. J’ai trouvé ça très intéressant. Ensuite, quand nous avons dû chercher un nouveau chanteur, il faisait partie de ceux que j’avais mis tout en haut de la liste. Pendant que nous cherchions son contact, nous avons vu sur internet tout ce qu’il avait déjà fait et nous nous sommes dit que ce serait vraiment un super candidat pour ce que nous voulions faire. C’est un super chanteur qui fait passer des émotions. Surtout, il a beaucoup de caractère. Tu l’écoutes, et même s’il chante des reprises de n’importe qui, tu te dis que c’est Bushpepa qui chante, il n’essaye pas de faire de la copie. Je trouve que c’est très important, car quand tu as un groupe, tu essayes de faire quelque chose de personnel, et il te faut quelqu’un qui reflète la personnalité du groupe. Et là, on a vraiment quelqu’un qui est en phase avec notre musique. Il connaissait Gotthard depuis quelques années ; la période Steve Lee, en tout cas. Peut-être pas tout, mais il connaissait au moins ce qu’il fallait. Et quand nous l’avons contacté, ça lui a fait plaisir, ça a commencé comme ça.

Avez-vous auditionné plusieurs chanteurs ?

Oui, nous avons essayé avec plusieurs candidats, mais avec le Covid-19, les restrictions, les confinements, etc. c’était compliqué pour les auditions. Il y avait toujours quelque chose qui ne marchait pas. Puis nous avons travaillé avec Bushpepa, c’est arrivé comme ça et c’était super. C’est vrai qu’au début, c’était un peu difficile de le contacter, mais à partir du moment où nous avons pu le joindre, tout a bien marché.

« C’était maintenant ou jamais, parce que pour faire le genre de musique que je voulais faire, il fallait encore de l’énergie. Tu ne peux pas arriver à 70 ou 80 ans et dire que tu veux faire le mec qui a 20 ans. »

C’est vrai qu’il a une vraie personnalité dans sa voix, mais malgré tout, il est dans la lignée vocale de Steve Lee ou même un peu de Ronnie Romero. Est-ce le type de voix que, personnellement, tu affectionnes le plus ou bien c’était une question de cohérence vocale avant tout ?

Je dirais que c’est un peu plus Steve Lee que Ronnie Romero. Romero est un super interprète, et chanteur aussi, mais je pense qu’il n’a pas encore trouvé sa personnalité. Du côté de Bushpepa, il y a plus de caractère, il sait déjà plus précisément ce qu’il veut faire. Il y a des chanteurs – c’était le cas de Steve, mais c’est aussi le cas d’autres, comme Steven Tyler – qui savent chanter sur plusieurs octaves. Il faut voir la voix comme un instrument, et plus ta tessiture est grande, plus tu as de possibilités de faire de choses intéressantes, et personnellement, j’adore ce genre de chanteur ! Quand tu joues de la guitare comme nous en jouons dans Coreleoni, il te faut une voix qui donne de l’énergie et de la puissance. Je ne comprendrais pas si j’écoutais un morceau d’AC/DC interprété par quelqu’un qui chante comme George Michael – qui est un super chanteur, mais il n’a rien à voir avec ce genre de musique. Après, il ne fallait pas non plus chercher quelqu’un qui soit exactement comme Steve. Steve n’est plus là, un point c’est tout. Il fallait trouver quelqu’un d’unique, comme l’était Steve et, je trouve, comme l’est Eugent. Tu peux faire de la pop, du rock ou du metal, il aura toujours son caractère. Mais c’est vrai qu’il va parfois te rappeler Steve et d’autres chanteurs ; il y a un petit peu de Bon Scott, par exemple. Il y a plusieurs passages où il peut rappeler quelqu’un d’autre, mais c’est la voix du personnage, ce n’est pas une imitation ; il ne cherche pas à imiter qui que ce soit, c’est le plus important.

C’est vrai que sa prestation vocale sur l’album est impressionnante, notamment sur un morceau comme « Like It Or Not » ou « Sick / Tired » lorsqu’il hurle aigu façon AC/DC. Comment avez-vous travaillé ensemble pour obtenir ce résultat ? Est-ce qu’il y a eu une part de coaching de ta part ?

Oui et non. Pas vraiment. Quand nous avons composé les morceaux, j’avais mis beaucoup de lignes de chant. J’avais un peu une vision de ce que je voulais en termes de chant et quand il a écouté les lignes que nous voulions enregistrer, c’était exactement ce qu’il voulait chanter. Il était à l’aise avec ça. Nous en avons discuté, je lui ai dit que ça, c’était les lignes de chant, mais qu’il fallait que ce soit Eugent Bushpepa qui chante le morceau. Il fallait que ça lui ressemble, mais il a dit que c’était exactement ce qu’il voulait chanter. Nous avons quand même changé quelques petites choses, en mettant plus de ses idées, et c’est le résultat qu’on entend. Les parties aiguës que tu mentionnes, ça vient juste de la ligne vocale, je pense, et puis il a la chance de pouvoir chanter ces notes. On en revient à ce que nous disions avant : c’est un instrument qui est immense. C’est comme comparer un accordéon qui n’a – je ne sais pas – que deux octaves et tu as un clavier qui a quatre ou cinq octaves. C’est à la fois le caractère et la technique de sa voix qui ressortent, c’est incroyable.

On en a déjà un petit peu parlé, mais au départ, Coreleoni était un groupe pour jouer les vieux morceaux de Gotthard que Gotthard ne joue plus beaucoup et que pourtant tu adores. Après deux albums faits ainsi, vous avez décidé de passer à une majorité de compositions originales : comment cette évolution a été pensée ? Est-ce qu’il y a eu une pression des fans ?

Non, je ne pense pas. Enfin, je ne regarde pas les réseaux sociaux, je ne suis pas sur Facebook, je n’ai pas Instagram, je n’ai rien de tout ça. Donc non, il n’y avait pas de pression. Les fans qui sont arrivés au début de ce groupe sont ceux qui écoutaient Gotthard dans le temps, donc c’était pour écouter ces morceaux de Gotthard que j’ai aussi aimés et que j’aime encore. J’ai toujours dit que je voulais faire ces morceaux. L’histoire commence par là. Comme je l’ai dit avant, c’est le confinement qui a aidé : nous avons eu plus de temps. Nous étions à la maison, donc nous avons commencé à composer des morceaux. Comme tu le sais, le confinement, au départ c’était deux semaines, puis quatre semaines, puis un mois, puis six mois… Il s’est passé beaucoup de temps ! Donc à mesure que nous écrivions, nous avions encore plus de temps. Nous en avons donc profité et ça s’est fait naturellement. Je pense que les fans sont contents maintenant que nous fassions autre chose, mais en live, nous continuerons à jouer les vieux morceaux comme au début. La seule pression qui joue, c’est le temps et dans ce cas-là, nous avons eu le temps de notre côté.

Tes collègues dans le groupe avaient aussi peut-être envie d’être un petit peu plus qu’un Gotthard bis, non ?

Sûrement, c’est vrai. Mais c’est vrai aussi qu’avec Igor [Gianola], nous avions travaillé ensemble sur la tournée Dial Hard, nous avions fait beaucoup de dates ensemble, donc c’était déjà un projet que nous voulions commencer il y a quelques années. Ça c’est une chose. Ensuite, nous avons maintenant un autre batteur : Alex [Motta] a rejoint Coreleoni. Au début, nous étions plusieurs membres de Gotthard, alors que maintenant il n’y a plus que moi – même si j’ai coécrit une grande partie des morceaux de Gotthard –, donc c’est une nouvelle situation. C’est clair que comme ça, tous les membres de Coreleoni sont un peu plus impliqués, et ça fait plaisir, mais ils étaient aussi contents de faire ce que nous avons commencé, sinon ils ne l’auraient pas fait.

« Je trouve que beaucoup de groupes aujourd’hui se ressemblent, ils ont tous un peu le même son, les mêmes textes… Tout se fait sur ordinateur à coups de copier-coller. C’est un petit peu monotone. Il faut se démarquer un petit peu. »

Ces nouveaux morceaux ont clairement été conçus dans l’esprit des vieux morceaux de Gotthard que vous repreniez, datant pour la plupart des années 90. Comment es-tu parvenu à retrouver cet esprit si longtemps après et avec une tout autre équipe ?

J’ai simplement branché ma guitare dans mon Marshall [rires]. J’ai commencé comme ça. C’est quelque chose qui reste en moi. J’ai toujours eu cette manière de composer, c’est ma vie. Tout comme ma vie, c’est Gotthard aussi, avec lequel nous avons changé de direction il y a quelques années, nous sommes devenus un petit peu plus mainstream. Il y a eu aussi un changement forcé de chanteur, donc ça nous a changé encore un petit peu la direction. Donc ce n’est pas que je me remets à composer comme je le faisais dans le temps, j’ai toujours plus ou moins composé de la même façon. J’essaye d’avoir la pêche, des mélodies, le rythme… Dans le temps, au début de Gotthard, l’énergie était très importante, encore plus que maintenant ; au début des années 90, beaucoup de groupes étaient comme ça, puis le grunge est arrivé et a tout changé. Il y avait une autre énergie dans le rock à l’époque. L’idée était donc d’essayer de redonner cette énergie à notre public, en particulier durant cette période pas très joyeuse qu’on vit depuis quelque temps. J’espère que nous donnons un petit peu de pêche et d’énergie positive aux gens. Après, je fais juste ce que je fais. Je ne suis pas du genre à vouloir démontrer je ne sais quoi et à faire savoir au monde qui a fait quoi. Les gens qui nous suivent savent exactement ce que j’ai fait et ce que je n’ai pas fait. Je pense être une personne très honnête avec la musique que je fais et les fans qui sont là pour me soutenir.

Quand tu y repenses, quel regard as-tu sur le jeune Leo Leoni qui avait composé des albums comme Dial Hard et G. ? Comment était-il ?

Plus jeune que maintenant ! [Rires] Dans la tête et dans le cœur, je suis plus ou moins le même, mais la grande différence, c’est l’âge qui passe. Je pense qu’on devient un petit peu plus sage. En général, ce qui manque quand on vieillit, c’est le fait de prendre un peu plus de risques. D’un autre côté, ça fait aussi partie de ma personnalité, donc je suis plus ou moins le même. Je n’ai pas énormément changé. Il n’y a que l’âge qui change, car l’esprit reste le même. Trente ans sont passés depuis que nous avons sorti le premier album de Gotthard, et dans ce laps de temps, beaucoup de choses se sont passées dans notre carrière et dans notre vie privée. Chaque jour il se passe de nouvelles choses, certaines sont jolies, d’autres pas tellement, et il y a des tragédies qui arrivent. C’est clair que ça crée des blessures dans le cœur. Donc ça, ça change. Plus tu vieillis, plus tu vis d’expériences, et les expériences donnent la direction de la vie que tu veux vivre le lendemain. Ça fonctionne comme ça.

Est-ce qu’il y avait une part de nostalgie ou bien as-tu cherché à emmener ce style de hard rock vers l’avenir avec ces nouvelles compositions ?

En fait, cette idée de faire Coreleoni était là déjà depuis 99, puis j’ai toujours repoussé le moment de monter ce groupe et les années passent, l’âge passe. La seconde fois où j’ai voulu commencer à faire ça, c’était en 2010. Nous en avions discuté avec Gotthard et j’ai dit qu’avant de nous mettre sur l’album acoustique D Frosted 2 que nous voulions faire – c’est là qu’on voit un peu la différence dans les tendances musicales –, je voulais faire Coreleoni, et Steve était d’accord. Puis Steve est parti et il n’est jamais revenu. J’ai donc dû une nouvelle fois repousser le projet, parce que je ne voulais pas peiner mes copains de Gotthard, c’était déjà trop dur de perdre Steve. Ensuite, quand nous sommes revenus avec Nic [Maeder], c’était la seconde période de Gotthard, et nous avons décidé de faire D Frosted 2. A ce moment-là, j’ai dit que je voulais faire ça il y a déjà quelques années et que c’était maintenant ou jamais, parce que pour faire le genre de musique que je voulais faire, il fallait encore de l’énergie. Tu ne peux pas arriver à 70 ou 80 ans et dire que tu veux faire le mec qui a 20 ans – l’énergie, la mentalité, c’est différent, tu n’as plus la même chose dans ta tête. Voilà pourquoi j’ai voulu commencer en 2017. Donc ce n’était pas une question de nostalgie, je voulais le faire depuis longtemps, mais je l’ai toujours repoussé. J’ai toujours écouté mon cœur, plus que la tête. Il faut faire ce que dit le cœur. C’est pour cette raison que je l’ai fait.

Mais oui, ce sont des morceaux qui ont un côté peut-être plus hard, plus années 90, il y a un côté vintage, parce qu’on est en 2022 et que c’est un son qu’on n’entend plus depuis longtemps. Je pense que peu d’artistes font encore ce genre de musique. Il y a peut-être Slash qui fait encore ça, mais ça devient rare. Et je trouve que beaucoup de groupes aujourd’hui se ressemblent, ils ont tous un peu le même son, les mêmes textes… Tout se fait sur ordinateur à coups de copier-coller. C’est un petit peu monotone. Il faut se démarquer un petit peu. Nous voulions faire quelque chose qui soit vraiment à nous et tout le monde dans le groupe va dans la même direction.

« Il n’y a plus de budget, plus de respect pour la musique et pour les artistes. Tout le monde doit sortir le meilleur en un minimum de temps, avec le moins d’argent, etc. Il faut faire un miracle sans être magicien [rires]. »

On sent beaucoup de regret dans ta voix…

Un petit peu, oui, mais ce n’est pas la faute des musiciens ou des artistes qui sont là. Je pense que c’est le système qui ne marche plus correctement. Je pense que je ne suis pas le seul à le dire. Il n’y a plus de budget, plus de respect pour la musique et pour les artistes. Et pas seulement ça, mais tout ce qui est autour de ce monde de la musique, comme les journalistes : combien existe-t-il encore de magazines de musique ? Il n’y a plus rien. C’est ce qui est triste. Tout le monde doit sortir le meilleur en un minimum de temps, avec le moins d’argent, etc. Il faut faire un miracle sans être magicien [rires]. C’est pour tout le monde comme ça. C’est juste qu’il n’y a plus de respect pour la musique, je trouve. C’est le message que la nouvelle génération doit comprendre, car sinon, on va perdre la valeur de l’artiste, de l’art et de la culture. C’est important. Que vas-tu dire à ton fils quand il va te dire : « Papa, je veux jouer de la guitare électrique » ? Tu lui diras : « C’est mieux que tu travailles, sinon tu n’aurais pas de pain à manger. » C’est exactement ce que nous avons essayé de changer dans notre histoire, or trente ans après, c’est encore pire. C’est un peu la mélancolie que j’ai dans le cœur.

Qu’est-ce que tes parents t’ont dit quand tu as voulu jouer de la guitare ?

Tu sais, j’ai travaillé, j’ai rapporté mon diplôme à la maison, j’étais électricien, donc ils m’ont soutenu. C’est clair qu’il y avait la peur que nous n’arrivions pas à faire quelque chose, mais j’ai eu le soutien de mes parents et ça m’a beaucoup aidé. Je voulais leur démontrer que c’était possible, mais j’ai quand même dû travailler [rires]. Et puis ils voyaient que je ne me levais pas à une heure de l’après-midi pour me coucher à quatre heures du matin parce que je voulais sortir avec les copains, faire comme si la vie était rock n’ roll. Non, je travaillais, je faisais de la musique, je faisais des répétitions pendant huit ou neuf heures par jour, tous les jours, pour composer et tout. C’était donc vraiment quelque chose d’important.

Ça doit aider d’être électricien avec le matériel, non ?

Je ne sais pas. Tu sais au moins où ne pas mettre les mains, où c’est dangereux [rires].

Ce regret dont tu parlais, est-ce que ça concerne aussi le public ?

Oui et non. Je dois dire quelque chose qui est important : il faut tirer son chapeau aux fans de rock et de metal qui sont, je pense, les fans les plus fidèles. Ils sont encore là à acheter des disques et à soutenir les groupes. Le rock et le metal forment un monde à part. Il y a un petit peu de regret parce que tout est virtualisé, toute la musique est dans un téléphone et le jour où tu mourras, tu ne pourras même pas laisser tes disques à ton fils. D’un autre côté, les fans commencent à le comprendre. Il n’y a plus de magasins de disques, il n’y a même plus de lecteur CD dans les voitures ou les ordinateurs… Tout le monde a son petit téléphone et écoute sa musique sur Spotify. C’est vraiment moche. Des gens ont déjà décidé de l’avenir de la musique. Je n’aime pas le penser, mais il y a des signaux importants.

Cet album, c’est le genre de musique qui réclame d’être joué tous ensemble dans une pièce, mais évidemment, faire un album de manière old school a été quelque chose de compliqué pour beaucoup de groupes durant ces deux dernières années avec les restrictions. Comment avez-vous géré ça sur le plan logistique ?

Tout le monde était chez soi, donc nous n’avons pas pu jouer et faire ce que nous voulions. D’un autre côté, avec Gotthard, nous avons sorti l’album #13 et nous avons bloqué les tournées pendant deux ans, ensuite nous avons fait un hommage à Steve, The Eyes Of The Tiger, et dans le même temps, nous avons fait l’album de Coreleoni. Nous avons la chance avec ce groupe de tous habiter plus ou moins dans le même coin, alors qu’avec Gotthard c’est différent, parce que nous habitons un peu plus loin et nous ne pouvions pas nous retrouver à cause des confinements. Avec Coreleoni, c’était plus simple de sortir de chez nous, malgré le confinement – il faut bien continuer de vivre [petits rires]. C’est la raison pour laquelle nous avons pu faire cet album, en attendant que toutes les restrictions soient levées. Maintenant, nous espérons que ça va continuer comme ça. Nous allons bientôt commencer la tournée – cette semaine – et nous espérons que ça va bien se passer.

« C’est comme quand tu es adolescent, que tu veux sortir et que tes parents ne te laissent pas sortir, il y a cette rage qui te dit : ‘Merde, je veux faire ça !’ Et au final, ça rentre dans la musique. En ce sens, la chance avec le Covid-19, c’est que ça nous a donné l’énergie pour faire ce type de musique. C’était un peu comme redevenir adolescent. »

C’est un rock vraiment exaltant : est-ce que, quelque part, tu avais aussi besoin de ça, de te mettre dans ta bulle hard rock pour t’évader du contexte morose ?

Quand tu es bloqué chez toi, c’est comme quand tu es adolescent, que tu veux sortir et que tes parents ne te laissent pas sortir, il y a cette rage qui te dit : « Merde, je veux faire ça ! » Et au final, ça rentre dans la musique. En ce sens, la chance avec le Covid-19, c’est que ça nous a donné l’énergie pour faire ce type de musique. C’était un peu comme redevenir adolescent. On ne pouvait pas sortir, même si ce n’était pas ta maman ou ton papa qui te l’interdisait, c’était quelqu’un plus haut [rires]. C’est sympa qu’on puisse en rigoler maintenant, car sur le moment, ce n’était pas évident. Il ne faut pas non plus être toujours négatif, les présidents et tous leurs grands conseillers essayent aussi de faire leur boulot et je pense qu’ils ont bien travaillé. C’est facile de dire qu’on aurait pu faire autrement, il faut aussi comprendre ce qui s’est passé et se mettre à leur place.

L’album s’ouvre sur « Let Life Begin Tonight ». Ça sonne très symbolique : dans quelle mesure est-ce une nouvelle vie qui s’ouvre à la fois pour le projet Coreleoni et pour toi en tant que musicien ?

C’est par rapport à Coreleoni, mais aussi à ce qu’on a vécu avec le Covid-19, les restrictions et tout ce bordel. C’est le moment de montrer que la vie recommence. Je trouve que c’est important et c’est ce que nous avons essayé d’exprimer. Dans la vie, il y a des moments difficiles et tu essayes d’en sortir. Arrive un jour où tu en as marre, il faut prendre une décision et dire que maintenant la vie commence, ouvrir un nouveau chapitre. C’est un peu le résumé de tout ce qu’on a vécu durant ces deux ans.

On retrouve aussi un morceau intitulé « Greetings From Russia ». J’imagine qu’il a été fait avant ce qui se passe actuellement avec la Russie. Est-ce que ça vous a, à postériori, mis des doutes par rapport à ce morceau, à la façon dont il pourrait être interprété ?

Comme tu l’as dit, ça a été écrit avant que tout ça arrive. Le morceau parle de l’ouverture de la grande Russie, du fait que c’était la Terre promise, etc. Tu arrivais là et c’était comme l’Amérique dans le temps ; c’était d’ailleurs le plus grand pays que nous avons visité dans notre carrière. C’est différent de l’URSS où tout était fermé. Ma femme vient de là-bas, donc je connais une autre facette que peut-être les gens ici ne connaissent pas. En tant qu’artiste et musicien, ce que j’ai vu là-bas, plus que dans d’autres pays, c’est le respect qu’ils ont plus les artistes, la musique, l’art… A Paris, il y a le Louvre, mais peut-être qu’il faut au moins une fois visiter l’Ermitage, car c’est grandiose. Il y a aussi d’autres musées uniquement consacrés à la musique, par exemple. Je n’ai pas vu ça partout dans le monde. Et quand tu es musicien, tu es respecté en tant qu’artiste. Donc nous parlons plus de notre vision de musicien.

Ce qui est arrivé depuis, c’est de la politique et on n’a pas la main dessus, on ne peut pas comprendre ce qui est en train de se passer. La guerre ne date pas d’aujourd’hui. On aurait peut-être pu éviter cette situation… Je ne voulais pas parler de politique, mais c’est une guerre qui était là depuis déjà plusieurs années. J’espère que ce morceau ne sera pas considéré comme irrespectueux envers les victimes, envers ceux qui, à la fin, payent toujours dans ces situations de guerre. Ce morceau n’a rien à voir avec la guerre et tout ce qui est en train de se passer dans ces pays. C’est vrai qu’aujourd’hui, tu lis le titre et tu fais le lien avec ce qui se passe, mais ce n’est pas le cas. J’espère que ça passera. Il est clair que nous sommes vraiment désolés de ce qui se passe. Nous sommes pour la paix dans le monde et pour la musique, mais il y a toujours des situations qu’on ne peut pas changer, car il y a des choses qui dépassent nos modes de vie et qu’on ne peut pas contrôler. Il y a des choses tellement énormes derrière cette situation qu’on ne saura peut-être jamais la vérité. Quand on regarde la télé ici, on voit seulement une facette du problème et peut-être que tout ce qu’on voit, ce n’est pas exactement ça. C’est clair que cette guerre n’est pas juste, mais il fallait écouter les deux côtés, car ça ne date pas d’aujourd’hui. On entend et voit seulement un côté de ce qui est en train de se passer. Je pense que le temps nous permettra de mieux comprendre ce qui s’est vraiment passé, j’espère. Il y a aussi les restrictions qui se mettent en place là-bas… Comme je l’ai dit, c’est toujours les pauvres qui payent la guerre, mais le pouvoir n’est pas que dans un pays, il est partout dans le monde. Les riches seront riches et les pauvres seront pauvres.

« La musique, quelle qu’elle soit, est pour tout le monde. Tu ne dois pas forcément être un rockeur, t’habiller en noir, etc. pour écouter du hard rock. »

Dans le clip de « Purple Dynamite » on voit une danseuse progressivement évoluer dans son look. Est-ce qu’un morceau de hard rock doit donner envie de taper du pied, d’headbanger ou même de danser pour qu’il soit bon ? Est-ce quelque chose que tu dois ressentir dans ton corps ?

Oui. Si j’ai la chair de poule, c’est que c’est une bonne chanson. Si je ressens de la peur, c’est une bonne chanson. Si la chanson ne me fait rien ressentir, je ne la jouerai pas et je ne la mettrai pas dans l’album. Habituellement, c’est comme ça que je travaille. Mais l’idée de faire ce clip ce n’est pas tout à fait ça. On doit toujours travailler avec des vidéos, c’est même plus important aujourd’hui que dans le temps de MTV et des chaînes de télé musicales. Dans le clip de « Purple Dynamite », c’est vraiment une danseuse classique professionnelle qui s’appelle Angelica Gismondo, et c’était l’idée d’avoir une ballerine qui, à l’intérieur, n’a pas que la musique classique. C’est aussi ce que nous essayons de faire : que les gens qui écoutent différents types de musique se rassemblent et ne se divisent pas. Les mondes de la musique classique, du rock et de la pop devraient fonctionner ensemble. On est des êtres humains vivant sur la même planète. La musique, quelle qu’elle soit, est pour tout le monde. Tu ne dois pas forcément être un rockeur, t’habiller en noir, etc. pour écouter du hard rock. Donc on a cette ballerine classique, mais à l’intérieur, elle a cet esprit de rockeuse, et quand on regarde la vidéo, on voit cette évolution et à la fin elle ressemble un peu à Alice Cooper, si tu veux. Nous voulions sortir des clichés habituels des clips, avec la jolie strip-teaseuse, etc. Aujourd’hui, avec la nouvelle tendance par rapport aux hommes, aux femmes, aux transgenres, etc. c’est toujours un peu difficile, donc nous avons vraiment voulu rester dans l’univers de la musique : une danseuse de musique classique qui aime le hard rock, c’est pas mal, non ? [Rires]

Vous avez aussi fait une reprise de « Jumping Jack Flash » des Rolling Stones, revisitée à votre sauce. Comment avez-vous abordé l’exercice ?

Il n’y a pas vraiment d’exercice. C’est un morceau que je jouais déjà quand j’étais jeune homme, je jouais dans un groupe qui jouait des morceaux du Top 50, et c’était l’un des premiers que j’ai appris à jouer. D’ailleurs, c’est aussi moi qui chante dessus, ce n’est pas Bushpepa. C’est arrivé comme ça. Nous étions en studio, nous avons jammé un peu pour voir si tout marchait, j’ai chanté, et finalement nous avons gardé cette version. Nous avions fait la première partie des Rolling Stones [avec Gotthard] à Prague il y a quelques années, en 2018 je crois. C’était super, l’un des meilleurs concerts des Stones que j’ai vus. Ils assurent toujours, même si on a malheureusement perdu Charlie Watts récemment. Pour moi, c’était un honneur de rencontrer ces icônes – pendant quelques minutes juste avant le show. Mick Jagger nous a aussi remerciés, en live sur scène, pour le soutien. Un super souvenir. C’est donc un peu un hommage à ces grands du rock n’ roll. Et puis dans ces moments-là où il y a toutes ces difficultés, il faut réagir, et c’est un peu ce dont parle le morceau « Jumping Jack Flash ».

Si on te posait la question traditionnelle, à savoir si tu es plutôt Beatles ou Rolling Stones, tu répondrais quoi ?

J’ai grandi avec les Beatles. Mon premier grand amour, et c’est encore le cas aujourd’hui, ce sont les Beatles, mais c’est vrai que j’aime aussi l’autre côté, la rébellion [rires]. De toute façon, il y a toujours le yin et le yang dans la vie. Si tu veux apprendre à faire de la musique, il faut juste écouter un peu tout ce qu’il y a autour de toi, et à mon époque il y avait les Beatles et les Rolling Stones. J’étais plus du côté des Beatles, mais j’écoutais aussi beaucoup les Rolling Stones.

Vous aviez justement mis de la rébellion dans votre reprise de « Come Together » des Beatles avec Gotthard…

Je pense que toutes les reprises que nous avons faites, nous les avons revisitées et en avons fait quelque chose de différent, mais toujours en faisant preuve de respect pour les morceaux et les artistes qui les ont écrits. C’est important, mais plus important encore, il fallait que les morceaux sonnent comme s’ils étaient à nous.

On retrouve aussi sur l’album quatre autres reprises de vieux morceaux de Gotthard : c’est important pour toi de malgré tout continuer à dépoussiérer cet ancien répertoire ?

Oui, je pense que c’est important parce que c’est une part de ma vie. Il y a des morceaux qui sont toujours en moi et je pense que c’est important que les fans écoutent ça, car ils vont peut-être découvrir un côté qu’ils ne connaissent pas.

« Quand je commence quelque chose, j’essaye de l’amener jusqu’à la fin, je ne fais pas les choses à moitié. C’est ma façon de vivre et d’être. »

Vous avez fait quelques dates avec CoreLeoni en mars…

Oui, on vient de finir, et la semaine prochaine je repars avec Gotthard. C’était fantastique de recommencer à tourner. Il était temps ! Au mois de mars, c’était le printemps : « Let life begin ! » [Rires] On recommence à vivre.

Vous n’étiez pas rouillés ?

Non. Seulement les deux premières minutes. C’est comme le vélo : quand tu as appris, tu n’oublies pas.

Tu l’as brièvement mentionné, le batteur Hena Habegger a quitté Gotthard et Coreleoni. Dans son communiqué, il précise que pendant sa période de repos, il avait réalisé qu’il voulait se consacrer entièrement à sa famille. De façon générale, la pandémie a été l’occasion de réflexions et remises en question de la part de musiciens. Est-ce que toi aussi ça t’a poussé à réfléchir à ta carrière ?

Je pense que j’ai déjà réfléchi à ma carrière, et c’est aussi pour ça que j’ai commencé à faire d’autres choses. C’est clair que quand tu ne peux pas jouer pendant deux ans, tu réfléchis à beaucoup de choses, mais tu essayes au moins de continuer à faire ce que tu as commencé. Ça veut dire que Gotthard et Coreleoni sont là et maintenant, je commence à faire ce qu’il faut. Quand je commence quelque chose, j’essaye de l’amener jusqu’à la fin, je ne fais pas les choses à moitié. C’est ma façon de vivre et d’être. Donc réfléchir à ce que je peux faire avec ma carrière… Comme je l’ai dit, je ne pourrai pas faire Coreleoni à 70 ou 80 ans, c’est la seule chose à laquelle j’ai réfléchi [rires]. Pour le reste, tant que la santé et la force seront là, je continuerai. Pour l’instant, j’ai encore beaucoup de force. C’est la force du lion ! [Petits rires]

Le dernier album de Gotthard, #13, est sorti le 13 mars 2020. Ce jour-là – en tout cas en France – c’était le début du confinement. On ne pouvait pas faire pire timing. Comment avez-vous vécu ça ?

Le 13 est un numéro qui nous a toujours porté chance – par le passé, le hasard a fait que presque tous les contrats avec Gotthard ont été signés un vendredi 13 –, mais pas cette fois ! [Rires] C’était différent avec le Covid-19, mais ce n’était pas si grave. Il faut accepter la vie telle qu’elle est. La situation était ce qu’elle était. Nous avons tout fait pour faire avec ; je pense que nous étions l’un des premiers groupes à faire du live streaming pour présenter l’album. Maintenant, on va commencer la tournée que nous aurions dû commencer il y a quelques années, donc je ne sais pas si on a perdu des années… Au contraire, on en a gagné [rires]. L’album studio numéro treize a été pénalisé pendant un moment, mais nous allons maintenant le présenter. On va voir ce que ça va donner, ce sera la surprise. Je pense qu’accepter l’incertitude est la meilleure manière d’aborder ce genre de situation.

Est-ce que vous avez malgré tout travaillé sur de nouveaux morceaux durant ces deux ans ?

Oui, nous sommes en train d’écrire et de faire des démos. Pour le moment, c’est difficile de dire que c’est un album qui va arriver… Enfin, bien sûr, il va y avoir un autre album, mais pour l’instant, nous allons nous concentrer sur ce que nous aurions dû faire il y a deux ans.

Est-ce que le fait d’avoir le projet Coreleoni te permet d’aborder Gotthard plus sereinement ?

Oui, ça crée un équilibre. Je peux faire les deux, sans que l’un ou l’autre en souffre. Je trouve ça bien. On a beaucoup de temps dans la vie, même si à la fois il n’y en a pas beaucoup… Si on se donne le temps, on peut presque tout faire. Après, c’est difficile de prévoir l’avenir, car il t’arrive toujours des surprises. On ne sait jamais, peut-être que demain, nous serons tous morts [rires]. Ce ne serait pas la première fois qu’une telle chose arrive. Peut-être que quelqu’un va mourir, tomber malade, en aura marre… c’est difficile à dire. Tant que l’amour, la passion, la volonté de faire quelque chose de super est là, je ne vois aucune raison de choisir l’un ou l’autre. Actuellement, je trouve que j’ai beaucoup de chance. Je peux développer mon côté artistique à trois cent soixante degrés, j’adore !

Interview réalisée par téléphone le 8 avril 2022 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Nicolas Gricourt.

Facebook officiel de Coreleoni : www.coreleoni.com

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