Tout le monde connaît Corey Taylor, frontman de Slipknot et Stone Sour, deux formations au succès retentissant. Sa réputation de « grande gueule » a complété sa renommée. Corey Taylor est un chanteur brillant aux facettes insupportables pour certains. Une chose dont il a bien conscience, en jouant dessus avec un malin plaisir. Cependant, il subsiste toujours une part d’ombre dans le personnage. Lorsqu’on aborde ses influences et ce qui l’a poussé à faire de la musique, on constate que les œuvres de Slipknot et de Stone Sour ne lui rendent pas complètement justice. Il a fallu une inspiration onirique – un frontman face à un public avec son propre répertoire – pour que Corey Taylor se réveille et décide de sortir son premier opus solo avec pour impératif de ne pas ressasser ce qu’il a déjà présenté auparavant. La longue pause liée à la pandémie lui a donné le temps de mettre en forme des chansons écrites au cours de ces vingt dernières années. CMFT, tiré de son surnom « CT » à l’école, auquel on a rajouté l’affectueux « Mother-Fucking », est censé compléter le portrait d’un des chanteurs les plus influents de la scène rock/metal contemporaine.
La crise du Covid-19 et les déboires logistiques n’ont pas entravé Corey Taylor, qui s’est très vite entouré d’un line-up d’amis : les guitaristes Zach Throne et Christian Martucci de Stone Sour, le bassiste Jason Christopher et le batteur Dustin Robert. La production a elle aussi été confiée à quelqu’un de confiance en la personne de Kevin Churko (Ozzy Osbourne, Papa Roach, Slash…). Bref, rien d’intimiste dans le projet Corey Taylor. En réalité CMFT n’a pour d’autre objectif que de filer le sourire à tous ceux qui l’écoutent en tant qu’album de rock par excellence. Corey Taylor a voulu transmettre son goût pour Van Halen ou AC/DC sans chercher à réinventer ou bousculer quoi que ce soit. « HWY 666 » empêche de se tromper : le son des guitares est résolument rock, tirant à peine sur le heavy. Les accords de guitare folk lancent le phrasé de Corey qui s’exerce dans un registre blues-rock qu’il a laissé parfois entrevoir au sein de Stone Sour. « HWY 666 » est simplissime dans sa construction : un rock enlevé aux accents de country et de rockabilly, qui bénéficie grandement de l’énergie de Corey. Ce goût pour le groove intemporel, Corey le cultive tout au long de l’opus. « Samantha’s Gone » s’illustre par ses rythmiques enjouées et l’énergie positive qui s’en dégage, avec de légères teintes de rock sudiste voire de glam-rock sur les arrangements de chant. Ceux qui sont familiers du timbre de Corey ne seront pas surpris de constater que sa voix semble façonnée pour le rock US spécial ondes FM, à l’instar du justement nommé « Kansas ». Un cliché en cuir, une main au volant et le coude posé sur la fenêtre, qui se laisse apprécier.
CMFT gagne en intérêt lorsque Corey Taylor doit s’adapter à des genres plus marqués. « Halfway Down » le voit s’aventurer sur les terres d’un AC/DC en rendant hommage à Bon Scott et Malcolm Young. Le titre pêche un peu par son aspect timoré qui ne parvient pas à égaler la fougue des vétérans australiens ou d’un Airbourne – pour prendre une figure plus récente –, ou même celle du survitaminé « Meine Lux » sur le même album, mais parvient tout de même à entraîner et faire taper du pied. CMFT a davantage de conviction lorsqu’il s’aventure avec fracas dans les territoires punk avec « Everybody Dies On My Birthday » ou le plus franc et old-school « European Tour Bus Bathroom Song ». Corey prouve toute sa polyvalence, confirmé par son aisance à respecter les codes du hip-hop et du funk-rock sur « CMFT Must Be Stopped » (avec les rappeurs Tech N9ne et Kid Bookie) qui fait ressurgir la nostalgie de l’ère Infectious Grooves et le Suicidal Tendencies du début des années 90. On trouve même quelques sections rythmiques tirées du jazz de cabaret au sein de « The Maria Fire ». En réalité CMFT laisse de marbre lorsque le chanteur se rapproche trop de ses œuvres passées : les élans mélodiques mielleux de « Black Eyes Blue » et ses réminiscences de « Through Glass », la pseudo-ballade « Silverfish » ou le larmoyant « Home », piano et violon à l’appui.
CMFT respecte son dessein : livrer un album de rock aux fondations solides et donner un véritable aperçu de ce que Corey Taylor affectionne au-delà de ses groupes phares. Le talent du frontman lui permet de traverser les compositions à un rythme de croisière sans jamais démériter. Sa performance résume CMFT : tout est sympathique et parfaitement agencé et interprété, rien n’est bouleversant ou particulièrement mémorable. CMFT est en adéquation parfaite avec son ambition : un divertissement passager de bonne facture qui se laisse écouter avec plaisir sans rien demander en échange.
Clip vidéo de la chanson « Culture Head » :
Lyric vidéo de la chanson « HWY 666 » :
Clip vidéo de la chanson « Black Eyes Blue » :
Clip vidéo de la chanson « CMFT Must Be Stopped » (avec. Tech N9ne et Kid Bookie) :
Album CMFT, sortie le 2 octobre 2020 via Roadrunner Records. Disponible à l’achat ici