Avec l’épidémie de coronavirus qui a affecté l’ensemble de la sphère musicale mondiale, les artistes ont dû innover et trouver d’autres moyens, en plus des sorties d’albums, pour retrouver les planches. C’est ainsi que Corey Taylor, frontman de Slipknot et Stone Sour, artiste que l’on ne présente plus, s’est réinventé pour la sortie de CMFT. C’est avec 5B Entertainment, son équipe de management, qu’il a posé ses valises au Forum de Los Angeles à l’occasion de la sortie mondiale dans les bacs de son album solo CMFT.
Cette salle mythique, qui a pu voir jouer l’équipe de basket des Lakers, de hockey sur glace des Kings, ou encore des concerts d’Ariana Grande ou de Prince, a été investie par Corey Taylor pour un live-stream mondial. Une communication martelée sur les réseaux sociaux et les sites musicaux pour vendre les billets virtuels (même un pass VIP comprenant par exemple un appel de l’artiste en direct du forum !), afin de célébrer, même de loin, cette fête musicale.
L’évènement n’a pas été pris à la légère. Une heure avant le show, un documentaire avec interview des musiciens et proches du chanteur, clips et images backstage avait pour fonction de mettre l’eau à la bouche des nombreux fans connectés à l’événement, qui se défoulaient à la moindre apparition de Corey Taylor sur le forum du site mis à leur disposition. L’installation de la scène et les balances ont également été diffusées, avec un décompte de l’heure fatidique du concert.
Nouvelle surprise avec l’apparition de Jack Black (masqué et en crocs) qui hurle un « What’s up rockers ? » pour lancer le show ! C’est avec le titre de Slade « Get Down And Get With It » en fond sonore qu’une nouvelle brève introduction intervient pour la venue des artistes sur scène. Vêtu d’une veste rouge et d’un tee-shirt « creep show » (en référence à sa passion pour les films d’horreur), Corey accompagné de ses amis rentre dans l’arène tout sourire, après avoir lâché sa ceinture de catch (celle que l’on retrouve sur les affiches et le disque). « HWY 666 » aux airs de country lance (enfin) les hostilités.
Les titres de l’album CMFT s’enchaînent entrecoupés de certaines reprises, telles que « Shakin’ » (Eddie Money) ou « Already Gone » (Eagles). « Meine Lux », au refrain répétitif et pourtant si entraînant se termine de manière assez particulière : les musiciens ont mis une ambiance de folie sur scène et pourtant un calme olympien régnait une fois la dernière note jouée. « Everybody Dies On My Birthday », titre en hommage à Dimebag Darrell (et à tous ceux morts le jour de son anniversaire, le 8 décembre), respecte les code du style punk avec une véritable alchimie entre les instruments. Puissant et entêtant ! Un seul morceau issu de la discographie de son groupe phare Slipknot, « Snuff », est repris, tandis que cinq titres de Stone Sour sont mis à l’honneur et revisités. Corey Taylor précise que « Snuff » reste son préféré et, selon lui, le meilleur titre qu’il ait jamais composé. « Bother » prend un air plus heavy et lourd qu’il n’est joué d’habitude. Inédit et rafraîchissant !
Accompagné de Christian Martucci de Stone Sour, qui l’avait auparavant suivi lors de son premier concert solo Live in london, et de Zack Throne, Jason Christopher (Prong) et Dustin Robert (Walls Of Jericho), le combo prend énormément de plaisir malgré le contexte d’une salle vide. Corey s’amuse d’ailleurs à lancer quelques répliques telles que « you’re on fire! » et à faire la discussion avec comme seuls spectateurs les roadies dont les applaudissements seront leur unique source de récompense à chaque titre joué. Il n’oubliera cependant pas de remercier, durant les quelques temps calmes du set, les fans qui les soutiennent par d’affectueux « we love you ».
Même si le groupe savait à quoi s’attendre, jouer dans un stade aussi grand (et vide) donne un sentiment de manque. Une salle plus intimiste aurait permis, même en live-stream, à l’auditeur de se sentir plus proche du quintet. Et pourtant, impossible de reprocher à la production d’avoir vu les choses en grand. Véritable show à l’américaine, caméra multi-angles, dynamisme de la prise de vidéo, feux d’artifice : rien n’a été négligé. Le sulfureux titre « Culture Head », condamnant les fanatiques religieux et les brutalités policières, est accompagné d’effets pyrotechniques incroyables. Le feu était bien l’élément qu’il fallait avoir pour faire face aux paroles de la chanson et à l’énergie débordante des musiciens. A voir la débauche de ces derniers, il s’agit bien là d’un titre plein de conviction, en phase avec l’actualité brûlante dans le monde actuel.
Au milieu du set, Corey, après un long monologue sur le plaisir de se retrouver et de se dévoiler un peu plus au travers de CMFT, joue – pour sa première fois en live derrière un piano – le titre « Home » qui, malgré quelques fausses notes (émotion oblige), est dédicacé à sa femme Alicia. Il est suivi de « Zzyzx Road », là aussi au piano, pour la partie calme de la setlist. C’est avec un sourire mêlant le soulagement et le bonheur d’avoir réussi son interprétation que Corey Taylor conclut cette séquence de deux morceaux joués à la suite. Il faut dire qu’il avait pris des cours ces deux dernières années pour envisager, un jour, un titre au piano en live. Prévoyant !
Après une courte pause, le groupe reprend « All This And More » des Dead Boys, pour nous faire redescendre sur terre et retrouver le rythme. Un titre électrisant qui, même à travers la barrière de l’écran, a dû réussir à faire bouger n’importe quel fan de rock, tant il a été joué avec célérité et précision. « Black Eyes Blue » prend une autre tournure sur scène : autant ce titre est teinté de mélodies à la limite de la ballade, autant il a ici été marqué par une tout autre puissance ; accrocheur et prenant. Corey Taylor aime jouer avec son auditoire voire le surprendre : la rythmique de certains morceaux a l’air d’avoir été changée ou réinterprétée, apportant par ce biais une intensité et une rage incontestables. « Samantha’s Gone », aux airs de glam-rock est renversant d’audace. Même remarque pour « European Bus Bathroom Song » qui, par son punk abrasif, insuffle une hardiesse à l’ensemble. L’état de rage – non pas celui de la vengeance, mais celui de vouloir faire le maximum pour satisfaire les auditeurs – est palpable. La concentration, toute en décontraction, fait plaisir à voir et à entendre.
Le concert prend fin sur le tumultueux tube « CMFT Must Be Stopped » aux airs de hip-hop funky. Pas de featuring sur son interprétation, à la différence de la version studio, Corey reste en solo quelques instants… Jusqu’à ce que la troupe Cherry Bombs (dont sa femme Alicia fait partie) entre en scène pour clore la fête sous une pyrotechnie impressionnante et des performances acrobatiques maîtrisées, certaines allant jusqu’à projeter des étincelles à l’aide de disqueuses. Petit clin d’œil assez sympathique pour l’auditoire, « Watchin’ You » de Kiss sert d’outro, histoire de veiller avec bienveillance sur chacun d’entre nous.
Ce qu’il faut retenir de cette soirée est que Corey Taylor, après avoir chassé ses vieux démons, donne toute son énergie dans un rock’n’roll débordant de joie et hautement divertissant. La fête est réussie, même s’il est évidemment dommage que chacun n’ait pu fêter ces retrouvailles autrement que séparément. Certes, l’artiste ne peut pas plaire à tout le monde, mais il reste incontestablement une bête de scène.
Set List :
HWY 666
Meine Lux
Halfway down
Silverfish
Shakin’ (reprise d’Eddie Money)
Song #3
Everybody Dies On My birthday
Snuff
Taciturn
Culture head
The Maria fire
Home
Zzyzx Road
All This And More (reprise de Dead Boys)
Already Gone (reprise d’Eagles)
Kansas
Black Eyes blue
Samantha’s Gone
Through Glass
On The Dark Side (reprise de John Cafferty & The Beaver Brown Band)
Bother
European Tour Bus Bathroom Song
CMFT Must Be Stopped
Photos : Steve Thrasher.