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Interview   

Corrosion Of Conformity : les retrouvailles


Si Corrosion Of Conformity n’a certainement pas démérité ces dernières années en trio pendant que le frontman Pepper Keenan faisait carrière dans le super groupe Down, il est également évident que ce dernier symbolise l’âge d’or du combo avec des perles telles que Deliverance (1994) ou Wiseblood (1996). On peut donc aisément comprendre l’impatience des fans de revoir Keenan compléter le combo. Douze ans que celui-ci n’avait pas chanté et joué sur un album de Corrosion Of Conformity, dix-sept ans même que le line-up dit « classique » n’avait pas œuvré ensemble pour produire de nouvelles chansons, et déjà en 2012 Keenan et le batteur Reed Mullin évoquaient dans nos colonnes la possibilité d’un retour, mais tout vient à point à qui sait attendre.

No Cross No Crown arrive dans les bacs dans quelques jours et ne devrait pas avoir de mal à contenter les fans, quand bien même le groupe, fidèle à son patronyme, ne se conforme à rien d’autre que ses propres désirs. Nous avons joint le toujours aussi jovial Mullin pour nous expliquer tout le cheminement qui a conduit à cet album, ainsi que la place de Keenan dans le groupe, en passant par de nombreux détours historiques éclairants.

« [Monte Conner de Nuclear Blast] m’a dit que Deliverance n’est pas juste l’un de ses albums préférés de COC mais l’un de ses albums préférés de tous les temps ! J’étais là : ‘Bordel de merde, mec !’ Lui : ‘Non, je suis sérieux ! Les gars, si vous faites ça, putain, je vous signe direct !' »

Radio Metal : Corrosion Of Conformity est enfin redevenu un quatuor avec le retour de Pepper Keenan. Tout d’abord, raconte-nous l’histoire de ce retour.

Reed Mullin (batterie) : C’est un line-up fantastique, n’est-ce pas ? Lorsque COC a fait une sorte de pause et que Pepper était très occupé avec Down, Woody [Weatherman], Mike Dean et moi-même nous sommes retrouvés pour faire ce trip nostalgique avec le bon vieux punk hardcore, nous avons fait un album et quelques EPs, et c’était vraiment marrant ! Car nous jouions la musique que nous avons fait lorsque nous étions tout gamins – nous avons commencé le groupe quand nous avions seize ans, en 1982 ! A l’époque, si tu étais un batteur, les prérequis pour jouer de la batterie dans un groupe de punk hardcore était de connaître les plans des Ramones, et les rythmes à la Minor Threat ou Bad Brains, genre [chante un rythme punk basique], c’était tout ! [Rires] Donc j’ai appris ça et nous avons lancé COC en 82, et nous n’avons pas arrêté de tourner depuis.

Mais bref, durant tout ce temps où nous envoyions la sauce et tournions, à faire des petits concerts punk rock old school en trio, il y a six ou sept ans, Pepper et moi n’arrêtions pas de nous appeler au téléphone, nous nous parlions environ tous les mois. Il était encore très pris avec Down et il était là : « Mule – c’est comme ça qu’ils m’appellent -, on va faire en sorte que ça se fasse ! On va se reformer ! » « Putain ouais, ce serait génial ! Si tu es partant, je suis partant ! » « Je suis complètement partant ! » [Petits rires] Au final, deux ou trois ans plus tard, Down faisait une pause, Jimmy [Bower] faisait Eyehategod, Phil [Anselmo] faisait je ne sais quoi… Et Pepper était là : « Mettons en place une tournée ! » Et nous : « Putain mais ouais ! Ce serait super, mec ! » Donc nous avons fait cette tournée nostalgique centrée sur Deliverance. Je crois que la première tournée que nous avons faite était au Royaume Uni et en Europe. Ce n’était pas juste parce que nous pensions que ce serait marrant, mais plus ou moins aussi pour voir si nous avions toujours un bon contact avec les fans, voir si les nouveaux fans appréciaient et ce genre de choses, voir si nous en étions capables… Et nous avons assuré ! Mais plus spécifiquement, pour voir si nous nous entendions, parce que si c’était le cas, alors nous irions plus loin et, avec un peu de chance, nous ferions un album ou autre. Donc Pepper et moi avons un peu conspiré pour que ça se produise.

Ensuite, pendant que nous tournions, j’ai en quelque sorte conspiré… [Petits rires] Ce n’est pas une conspiration mais… J’avais parlé à un vieil ami, il s’appelle Monte Conner. Avant il était chez Roadrunner US et maintenant, c’est le président de Nuclear Blast US. Il a eu vent que nous étions en train de jammer. Très tôt au cours de nos conversations – tous les deux, nous parlions constamment aussi -, il m’a dit que Deliverance n’est pas juste l’un de ses albums préférés de COC mais l’un de ses albums préférés de tous les temps ! J’étais là : « Bordel de merde, mec ! » Lui : « Non, je suis sérieux ! Les gars, si vous faites ça, putain, je vous signe direct ! » Sans surprise, après que nous ayons fini toute la tournée et que tout a fonctionné à merveille, nous avons fini par signer avec lui et Nuclear Blast. Nous ne pouvions pas être plus heureux car il y a une grande différence entre le fait qu’on te donne un gros paquet d’argent mais avec une maison de disque indifférente, et quelqu’un qui te donne un gros paquet d’argent [petits rires], qui est surexcité et connaît le groupe comme sa poche ! Et c’est ça que fait Monte. Voilà donc ce qui s’est passé ! Et je lui ai promis l’un des meilleurs albums de COC, si ce n’est le meilleur que nous ayons jamais fait, et je pense que c’est ce que nous lui avons livré. Nous en sommes tous très fiers ! J’espère que vous l’aimez.

Ça faisait douze ans que vous n’aviez pas sorti d’album avec Pepper, et vous avez fait deux albums en trio entre-temps. La dernière fois qu’on s’est parlé, lorsque vous jouiez encore en trio, tu nous as dit que tu aimais « avant tout jouer avec ces mecs et s’il y a Pepper en plus, c’est super. » Donc on comprend que le noyau dur du groupe, c’est vous trois, surtout dans la mesure où c’est sous cette formation que vous avez commencé. Mais qu’est-ce que ça change quand Pepper est de la partie ?

Ça colle naturellement. Ce qu’il faut comprendre, c’est que Woody, Mike Dean et moi-même, nous sommes ceux qui ont fondé COC, Corrosion Of Conformity. D’ailleurs, c’est moi qui ai trouvé le nom à l’école, en cours de chimie. Nous cherchions un nom pour notre groupe et le prof parlait de substances corrosives, et j’étais là : « la corrosion de la conformité ? » A l’époque j’avais une crête et des gus me balançaient de la merde au visage, j’étais furieux et tout… Bref, je pense que le nom fonctionnait bien. Un truc cool à laquelle je pense au sujet de notre groupe, c’est que… Et ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit : j’adore les Ramones, j’adore Slayer, j’adore Motörhead, j’adore AC/DC, mais ces groupes ne pouvaient pas tellement dévier de leur thème. Ils savaient dans quoi ils étaient bons et ils s’y tenaient, n’est-ce pas ? Mais nous, nous avons commencé en tant que groupe de hardcore punk rock et ensuite avons évolué vers pas mal d’influences issues de Black Sabbath, de Deep Purple, et puis des choses plus heavy metal. Nous avons fait l’album Animosity en tant que trio et ensuite nous avons fait l’album Blind, avec Karl [Agell], qui, je pense, est l’un de nos meilleurs albums, bien qu’il soit un peu à part.

« Nous avons le sentiment d’être fidèles à notre nom : Corrosion Of Conformity ! Nous pouvons faire tout ce que nous voulons ! Parfois ça décevra certains fans mais… Nous faisons ça pour nous ! »

Donc Mike Dean, Woody et moi-même avons appris à jouer ensemble, et nous aimions tous le hardcore punk rock mais nous aimions aussi Sabbath ; Black Flag / Black Sabbath. Nous avons donc cette connexion. Mais pendant que nous jouions ensemble, Pepper était un fan de COC de la Nouvelle-Orléans et nous correspondions tous les deux, nous nous écrivions de vraies lettres [petits rires]. Et lorsqu’il vivait à la Nouvelle-Orléans et était tout gamin, il avait un groupe de punk rock qui s’appelait Graveyard Rodeo, et nous jouions avec son groupe dès que nous descendions dans son coin. Donc lorsqu’il a rejoint le groupe, c’était un énorme fan et il nous comprenait parfaitement, ça collait naturellement, c’était comme s’il avait été dans le groupe depuis toujours. Mais à ce stade, nous avions un peu mieux développé notre qualité de composition. Nous ne jouions plus tellement de punk rock. Pour nous, le punk rock devenait un peu générique vers la fin. Je trouvais que nous avions fait du bon boulot à jouer ce genre de chose mais c’était marrant de rechercher d’autres façons de s’exprimer, musicalement et au niveau paroles. Donc au moment où Pepper est arrivé, mec, la dynamique était déjà très différente, et nous avons saisi l’opportunité qui s’offrait à nous.

Pepper est un écrivain, il est génial avec les paroles, et c’est sûr qu’il apporte un élément supplémentaire. Pendant très longtemps, Woody était le seul guitariste, et je pense que lorsque nous avons ajouté le second guitariste, en l’occurrence Pepper, ça a apporté une toute nouvelle dynamique. Nous pouvions faire plein de choses différentes. Comme l’album Blind dont je te parlais, c’est la première fois que nous faisions un album avec John Custer, notre producteur, et c’est là que nous avons commencé à déconner avec ces petits interludes, comme la pièce musicale qui précède « Vote With A Bullet », « These Shrouded Temples… », ce genre de choses, nous pouvions le faire avec deux guitaristes. Mais ouais, l’ajout de Pepper, non seulement ça donne un plus à tout le processus de création musicale et au live, mais putain c’est super marrant, mec ! Nous passons de bons moments à jouer ensemble. Vous le voyez sans doute en concert, nous nous éclatons !

Mais c’est l’un des trucs au sujet de COC : nous avons été trois versions actives du groupe. Le trio hardcore punk rock, que nous avons ravivé il y a environ six ou sept ans. Il y a l’époque Blind, que j’adore, mec, cet album possède… Je ne me vante pas mais il faut que je te dise : celui-ci possède mes plans de batterie préférés, et j’adore les chansons aussi. Et puis il y a la version de Pepper. Mais il y a un fil conducteur entre le COC de 1982 et celui de 2017. Si tu écoutes bien, tu peux l’entendre, sur toutes les chansons. Peu importe si c’est une chanson de punk rock comme celles qu’on trouve dans Eye For An Eye ou « The Luddite » tiré de ce nouvel album, tout sonne comme nous. Nous sommes heureux d’être restés fidèles à notre nom. C’est pour ça que je parlais d’AC/DC, Slayer, The Ramones et ce genre de groupes : ils sont restés attachés à leur formule parce que dans le cas contraire, leurs fans deviendraient dingues. Mais nous, nous avons le sentiment d’être fidèles à notre nom : Corrosion Of Conformity ! Nous pouvons faire tout ce que nous voulons ! Parfois ça décevra certains fans mais… Nous ne faisons pas ça pour… Nous faisons ça pour nous ! Et si les fans aiment, c’est super, et généralement c’est le cas. Mais en premier lieu, nous le faisons pour nous. Nous voulons faire la musique que nous aimons. Mais comme je disais, je pense que les gens peuvent ressentir le lien entre le groupe de hardcore punk rock que nous étions sur Animosity et le groupe que nous sommes aujourd’hui. Certaines personnes ont lâché le train en marche mais je pense que la plupart des gens se disent : « Bordel, ce groupe déchire ! »

Avant de refaire un album tous les quatre, vous avez beaucoup tourné. Etait-ce bénéfique pour retrouver vos marques mais aussi capturer l’énergie live ?

C’est intéressant que tu dises ça parce que, ouais, c’est exactement ce qui s’est passé ! Lorsque Pepper et moi avons mis les choses en place pour régénérer le quatuor, nous avons monté une petite tournée et nous l’avons fait pour plusieurs raisons. Comme je l’ai dit, nous l’avons fait pour voir si les fans aimaient toujours, si nous avions toujours une connexion avec les gens, mais plus important encore, pour voir si nous nous entendions et si nous nous amusions. Et mec, nous avons passé haut la main tous ces tests : les gens étaient aux anges, nous avons assuré comme des bêtes et nous nous entendions, nous nous sommes vraiment éclaté ! Donc quand nous sommes entrés en studio pour Nuclear Blast, nous étions prêts.

« De nos jours, tous ces groupes jouent parfaitement et sonnent complètement stériles, ce n’est pas réel, ils quantifient la batterie et toutes ces conneries. Alors que là, c’était simplement nous en train de jouer live dans notre salle de répétition mais avec une bonne énergie. »

Je dois dire que l’idée de départ était que nous allions faire des démos dans notre studio de répétition, et Mike Dean, notre bassiste, a du matériel d’enregistrement. Donc nous avons fait des démos avec notre producteur John Custer et après que les chansons aient été mises en boite, tout un tas de chansons, nous allions les emmener, par exemple, chez Dave Grohl qui a un très bon studio à Northridge, en Californie, qui s’appelle 606. Nous parlions de faire les bases là-bas ou peu importe ; après avoir enregistré les démos, nous allions les emmener ailleurs pour les refaire. Mais au final, ce qui s’est passé est que les prises étaient tellement énergiques et sonnaient tellement live, les démos que nous avions faites étaient si bonnes que nous étions là : « Pourquoi doit-on réenregistrer tout ça ? Comment va-t-on faire mieux que ça ? Ça sonne d’enfer ! » Donc nous avons fini par ne pas aller au studio de Dave Grohl, et faire faire le mixage par un vieil ami à nous qui a mixé l’album Wiseblood, Mike Fraser, et qui est un putain d’ingénieur et mixeur qui déchire. Il vit à Vancouver, nous avons amené l’album là-bas et l’avons mixé. Et mec, je vais te dire, c’était la meilleure décision que nous avons jamais prise ! Car ça a vraiment capté l’essence live de COC, je trouve, ce qui est… C’est dur à faire, mec ! Je veux dire que de nos jours, tous ces groupes jouent parfaitement et sonnent complètement stériles, ce n’est pas réel, ils quantifient la batterie et toutes ces conneries. Alors que là, c’était simplement nous en train de jouer live dans notre salle de répétition mais avec une bonne énergie.

Est-ce que tu approches la batterie différemment lorsque vous être en trio et lorsque vous êtes en quatuor ?

Un petit peu. En dehors de ce nouvel album, pour Deliverance, Wiseblood et America’s Volume Dealer, je me suis un peu contenu, pour essayer de rester carré. Sur le nouvel album, il y a quelques parties de batterie de dingue. Hier, nous avons répété « Wolf Named Crow » et « The Luddite », moi, Woody et Mike Dean, nous avons jammé là-dessus. Bordel, « The Luddite » a des parties de batterie de malade ! Car c’était tout improvisé. C’était probablement la troisième fois en tout que je jouais cette chanson. Au départ, j’ai essayé d’apprendre [ce que j’ai fait sur l’enregistrement] à la batterie, j’étais là : « Bon Dieu, je ne peux pas apprendre toutes ces conneries ! » [Rires] Donc je me suis résigné au fait que j’allais devoir plus ou moins improviser en live et la chanson sera conne ça, plutôt que d’essayer d’apprendre toutes ces conneries [rires]. Je me suis dit que j’allais faire comme j’ai fait lorsque nous avons enregistré la chanson. Mais la question est pertinente parce que, particulièrement quand nous sommes passés de Blind à Deliverance, il est clair que je me suis beaucoup calmé, pour rester carré et sur le groove, et faire que les choses restent, pas basiques mais un peu moins frénétiques, un peu moins chaotiques, car ça colle mieux aux chansons. Je veux toujours coller aux chansons.

Il y a eu une grande attente de la part des fans. Ce premier album avec Pepper en douze ans allait assurément être analysé et comparé à vos classiques. Avez-vous ressenti cette pression ?

Bordel, mais non ! Ecoute, c’est un bonus si les fans l’aiment bien mais nous enregistrons ces albums pour nous. Nous voulons nous contenter nous-mêmes. Ca a toujours été comme ça, nous sommes Corrosion Of Conformity, nous avons changé de style plusieurs fois, en dépit de nos fans. Nous ne ressentons strictement aucune pression. Nous aimons l’album et c’est ce qui importe le plus. Si d’autres gens l’aiment, c’est super, mais c’est un bonus. Mais nous en sommes tellement fiers que nous sommes certains que les fans l’aimeront aussi.

Il est indéniable que No Cross No Crown sonne dans la veine de Wiseblood et Deliverance. Pepper a d’ailleurs déclaré que vous avez « pris des parties que [vous] trouvi[ez] super de l’époque et n’avi[ez] pas peur de faire marche arrière. » Etait-ce important de regarder dans le rétroviseur et s’assurer que cet album tenait la route aux côtés de ces classiques ?

Carrément pas ! Ceci est juste la musique qui a suinté de nous. Tout était naturel. Ce n’était pas un processus réfléchi. Nous n’étions pas là : « Regardons ce qui sonne comme Deliverance. Quelle est la chanson ‘Albatross’ ? Quelle est la chanson ‘Wiseblood’ ? » Non, nous n’avons rien fait de tel. Ce ne sont que des choses qui sont naturellement sorties de nous. Et ce n’est pas plus mal. Ce n’était pas prédéterminé, il n’y avait pas une liste, genre « assurons-nous que nous avons un ‘Broken Man’, assurons-nous que nous avons un ‘Clean My Wounds’. » Nous n’avons jamais fait ça. Nous n’avons jamais préconçu ce que nous devions accomplir. Ce serait naze ! Pourquoi quiconque voudrait faire ça ?! Je ne sais pas ! Si les fans aiment, cool, sinon, cool aussi. Encore une fois, nous faisons de la musique pour nous. Ceci étant dit, je pense que les fans seront comme des dingues.

« Nous n’avons jamais préconçu ce que nous devions accomplir. Ce serait naze ! Pourquoi quiconque voudrait faire ça ?! Je ne sais pas ! Si les fans aiment, cool, sinon, cool aussi. »

Vous avez fait appel à John Custer en tant que producteur sur chaque album depuis Blind. Qu’y a-t-il de si spécial à propos de votre travail et relation avec lui ?

Je vais te dire : Blind était le tout premier album qu’il ait jamais fait. Il travaillait dans un petit studio au coin de la rue de mes parents. Il faisait des enregistrements dans, je crois, un studio huit pistes, permettant à de petits groupes de sonner énorme, c’était très organique et il avait de super idées. Donc nous sommes devenus amis et quand nous avons signé chez Relativity et que le moment est venu de faire l’album Blind, nous avons reçu des propositions de toutes sortes de très bons producteurs mais nous avons décidé de donner une chance à John, car il était tellement intéressant et avait de si bonnes idées, et il était à fond dans le projet. Donc l’album Blind est le premier qu’il ait jamais fait. Nous l’avons fait à New York, un endroit qui s’appelle Baby Monster. Je ne sais pas, suivant le line-up, comme à l’époque de Blind, il était notre sixième membre, mais sur ce dernier album, il était le cinquième membre du groupe. C’est un peu notre George Martin. Il nous comprend. Et là où il est très bon, c’est quand il s’agit de nous pousser à faire les bonnes prises. Par exemple, je joue une chanson parfaitement à la batterie, et il est là : « Bon, essayons encore une fois, mets-moi un peu plus de Mule là-dedans ! » Il pouvait nous dire que l’énergie n’était pas là, que la performance n’était pas parfaite. Il est bon pour diagnostiquer ce qui se passe et faire ressortir la meilleure prise, pas seulement avec moi, mais avec tout le monde, car il nous connait très bien. Comme tu l’as dit, il est avec nous depuis 91, ça fait longtemps ! Je ne pense pas que nous voudrions un jour faire quoi que ce soit sans John, il est une part essentielle de Corrosion Of Conformity.

L’album contient plusieurs interludes calmes qui aèrent l’album et lui apportent de la dynamique. Est-ce que la dynamique a toujours été une part importante de Corrosion Of Conformity ?

Je pense que c’est le cas depuis Blind. C’est l’une des choses que Custer nous a encouragés à faire et créer. Il y en a quelques-unes de pas mal sur Blind, il y en a un petit paquet – je crois quatre – sur Deliverance. Il me semble que chaque album que nous avons fait depuis Deliverance avait ces petites sucreries auditives, ce genre d’interludes. C’est sympa. C’est quelque chose que nous avons un peu piqué à Black Sabbath. Sabbath en avait quelques-uns ici et là avant de partir dans une bonne chanson bien heavy. C’est marrant, j’aime ces petites sucreries, nous les aimons tous. C’est un peu un défi de trouver quelque chose d’intéressant. Mais nous y arrivons toujours, je pense.

Pepper a déclaré que le titre No Cross No Crown (Pas De Croix Pas de Couronne, NDT), vous l’avez « utilisé comme catalyseur pour écrire les chansons. » Comment ce titre a-t-il inspiré la musique en soi ?

La première tournée que nous avons faite lorsque nous sommes revenus avec Pepper – comme je l’ai dit, nous avons commencé au Royaume Uni et ensuite avons été en Europe, c’était il y a trois ans – et l’un des premiers concerts s’est déroulé à Colchester, en Angleterre, ce n’est pas très loin de Londres. La salle était une vieille église d’environ quatre cent ans reconvertie en salle de concert, et cette saloperie sonnait tellement bien ! C’était incroyable, et c’était une très belle église. Mais bref, la nana qui s’occupe de nos t-shirts, Linda [Dahlberg], adorait l’allure de cette église, et comme elle est aussi photographe, elle a dit : « Prenons quelques photos. » Et nous n’avions rien à faire, alors nous nous sommes dits « oh ouais, ok, c’est une église qui a de la gueule… » Donc nous marchions dans les parages et elle a pris quelques superbes photos de nous – je crois que l’une d’entre elle est dans l’album, d’ailleurs. Donc nous avons fait une session photo avec Linda pendant environ quarante-cinq minutes mais pendant ce temps, sur le côté de l’église, c’était inscrit « No Cross No Crown », et nous étions là : « Wow, bordel de Dieu ! C’est profond cette connerie ! » On ne peut pas dire que la base de tous nos albums avaient des connotations Chrétiennes ou, de façon générale, religieuses, mais nous avons eu différents thèmes liés à ça : « Eye For An Eye », « Deliverance » et un paquet d’autres chansons. Mais lorsque nous avons vu ça, c’était genre : « Wow, ça ferait un super titre de chanson et d’album. » Rien que cette petite expression, « No Cross No Crown », sur cette putain d’énorme église de quatre ou cinq cents ans, renferme tant d’interprétations possibles. Et donc nous sommes partis de là. Ça nous a vraiment frappés lorsque nous faisions cette session photo. Pepper et Mike Dean ont puisé une grande partie de leur inspiration pour les paroles dans cette expression.

Est-ce que ce titre pourrait être une façon pour vous de revendiquer votre liberté, le fait que vous n’êtes enchaînés à rien ?

Ouais, c’est sûr. Je ne crois pas que nous y ayons pensé en ces termes mais c’est une bonne observation ! Je n’y avais pas pensé… Ouais ! En plein de mille mon gars, t’es malin !

Y a-t-il aussi un message politique ou religieux derrière ce titre ?

Un peu. Mais les paroles de Pepper ont tendance à être un peu plus ambiguës et une grande partie est bien plus personnelle. A la vieille époque, Mike Dean et moi étions probablement plus politiques. Mais plutôt que d’être dans un style punk rock vraiment évident, comme nous avons pu être auparavant, nous essayons d’ajouter de l’ambiguïté pour rendre ça intéressant, de façon à ce qu’on ne sache pas forcément de quoi nous parlons. « Donald Trump c’est le mal ! Donald Trump c’est le mal ! » Tu vois ce que je veux dire…

« C’est amusant que Pepper soit de retour dans le groupe mais je ne crois pas qu’il soit nécessaire, ni que nous ayons quoi que ce soit à prouver. Je pense que nous avons très bien fait nos preuves depuis 1984 ou 85. »

Bien que le groupe ait commencé en tant que trio, après que le groupe ait été reconnu par un plus large public avec Deliverance et Wiseblood, Pepper était perçu comme le leader et le visage du groupe. Du coup, est-ce que cette période où vous avez rejoué et refait des albums sans lui vous a aidé à être mieux reconnus, tous les trois, dans l’identité du groupe et du coup être perçu à égalité avec Pepper aux yeux des gens ?

Je pense que nous avons fait nos preuves il y a longtemps ! Ca fait depuis 1982 que nous faisons ça et nous avons joué avec les Ramones, Black Flag, Bad Brains, tout ce que tu veux, nous avons joué avec un paquet de super groupes. Et puis quand Karl chantait, nous avons joué avec Soundgarden, Alice In Chains, Rollins Band, Iron Maiden… Ca fait donc un moment, et désormais ça fait partie de notre ADN. Je trouve que l’époque Pepper est fantastique mais je n’avais pas le sentiment que c’était nécessaire de faire ça, je pense que nous avons fait nos preuves il y a environ trente ans [petits rires]. Je veux dire que ce n’est pas notre motivation. Notre motivation est de faire de la bonne musique. Nous ne nous disons pas consciemment « d’accord, qu’est-ce qu’on peut faire maintenant ? » Tant que nous sommes contents, c’est tout ce qui compte. Ce n’est qu’un bonus si les fans aiment, je ne le soulignerais jamais assez. Ca fait très, très longtemps que nous évoluons dans le groupe et nous nous faisons vraiment plaisir, c’est le meilleur boulot que je peux imaginer avoir. Pouvoir voyager à travers le monde et être payé pour ça, et faire de la super musique… C’est amusant que Pepper soit de retour dans le groupe mais je ne crois pas qu’il soit nécessaire, ni que nous ayons quoi que ce soit à prouver. Je pense que nous avons très bien fait nos preuves depuis 1984 ou 85. Je veux dire que COC a eu plusieurs incarnations. Pour tout dire, j’aimerais faire un album avec Karl, le chanteur de l’album Blind, et faire un album dans le style de Blind. C’est clair qu’il s’agit de mon album préféré.

As-tu parlé à Karl de faire un album avec lui ?

Oui ! Je lui en ai parlé. En fait, il y a deux ans, Karl et moi avons fait une tournée Blind en compagnie de Cavalera Conspiracy et Death Angel. Nous avons tourné environ un mois et nous avons joué l’intégralité de l’album Blind, c’était génial. J’adore ces chansons ! L’époque Pepper contient tellement de chansons que nous ne faisons rien de Blind, en dehors de « Vote With A Bullet ». Mais oui, c’est quelque chose que Karl et moi prévoyons de faire, c’est sûr. Je pense que ce serait vraiment cool. Nous appellerions le groupe juste Blind, n’est-ce pas ? Ce ne serait pas COC. Je pense que ça déchirerait !

D’un autre côté, le retour de Pepper amène pas mal de battage médiatique autour du groupe. N’es-tu pas déçu que Corrosion Of Conformity sans Pepper n’attire pas autant l’attention que lorsqu’il est dans le groupe ?

Tu sais, Pepper était dans Down, nos albums les plus vendus étaient avec Pepper… Et lorsque nous faisions du punk rock, c’était des albums qui ont été fait dans les années 80. L’époque Pepper était très populaire. Blind aussi a été populaire. Lorsque nous jouions avec Karl, nous avons fait quelques tournées avec Soundgarden en Europe, ainsi qu’avec Iron Maiden, nous avons beaucoup tourné, donc… Mais ouais, le trio était plus un truc punk rock hardcore underground D.I.Y. que nous avons voulu faire simplement parce que plein de fans étaient là : « Oh, il faut que vous le fassiez ! S’il vous plaît, faites-le ! On veut entendre ces chansons ! » Donc nous l’avons fait, nous nous sommes éclatés et nous avons enregistré quelques trucs. Car Mike Dean voulait s’assurer que ce n’était pas qu’un trip nostalgique. Il était là : « Ecoutez, si nous faisons ça, je veux aussi qu’on enregistre de la musique. Il ne faut pas que ce soit juste de la nostalgie. » Donc nous avons enregistré l’album sans titre, Megalodon et IX. Il y a de la bonne musique sur tous ces trucs ! Mais pour revenir à ce que tu disais, je me sens chanceux et reconnaissant que Pepper soit de retour dans le groupe, nous nous amusons tellement et nous avons fait un album dont nous sommes super fiers.

Interview réalisée par téléphone le 22 décembre 2017 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Dean Karr (1, 2, 3, 6) & Linda Dahlberg (5).

Site officiel de Corrosion Of Conformity : coc.com.

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