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Interview   

Cradle Of Filth : chassez les sorcières, elles reviennent au galop


Dani Filth - Cradle Of FilthDur, dur pour un groupe de metal de perdre deux guitaristes d’un coup, surtout lorsque parmi eux se trouvaient un des membres fondateurs. Mais pour qui sait et trouve les moyens de rebondir, cela peut s’avérer être une magnifique occasion de faire une cure de jouvence et se sortir de l’encroûtement. C’est semble-t-il ce qui est arrivé au célèbre groupe de black metal (qualifions-le ainsi, n’en déplaise aux nazis de la catégorisation) Cradle Of Filth.

L’excitation du leader Dani Filth à retrouver un vent de fraîcheur dans ses rangs et un vrai duo de guitaristes, balançant riffs, mélodies et harmonies en connivence, est des plus palpables dans l’entretien qui suit. Un renouveau qui, avec son nouvel opus Hammer Of The Witches, permet au groupe, non seulement de retrouver un travail de composition collaboratif à six (là où The Manticore And Other Horrors était l’affaire de seulement trois personnes) mais aussi de renouer avec l’esprit des albums les plus emblématiques de sa carrière.

Le loquace Dani Filth nous en parle ci-après, l’occasion de parler aussi sorcellerie et érotisme, n’oubliant pas non plus de lancer avec humour quelques petites piques à ses sempiternels détracteurs.

Cradle Of Filth 2015

« Tu peux nous juger et nous appeler comme tu veux : speed, thrash, death, heavy grind, bluegrass, punk… A toi de voir ! Ouais ! Et certaines personnes pourraient bien dire heavy funk ou un petit peu plus comme du rap islamique. »

Radio Metal : Depuis 2012, Cradle Of Filth a pratiquement renouvelé son line-up. Est-ce que ça t’a rendu anxieux pour le futur du groupe à quelque moment que ce soit, surtout en ayant perdu deux guitaristes d’un coup ?

Dani Filth (chant) : Nous avons fait le dernier album à trois. Et de toute façon le bassiste Daniel [Firth] l’a enregistré. Il y avait donc Martin [« Marthus » Škaroupka] et Daniel. Lindsay [Schoolcraft] est arrivée tout de suite après le dernier album, littéralement. Oui, ce sont en fait juste les deux guitares. Paul est allé aux Etats-Unis, il avait son propre groupe [White Empress], il a déménagé en Amérique, et il voulait littéralement que le groupe ne fasse rien pendant à peu près deux ou trois ans, ce qui ne me convenait pas vraiment, idem pour Martin, le batteur, qui est l’un des principaux contributeurs. On nous a fait une offre de tournée, on était motivés par cette tournée en co-tête d’affiche avec Behemoth – parce qu’évidemment, non seulement c’est notre métier mais c’est aussi notre passion – et nous voulions la faire. Donc nous avons dit : « Ok, bon, on va accepter cette tournée. Si tu ne veux pas la faire, alors nous trouverons quelqu’un pour la faire à ta place. » Et c’est ce que nous avons fait. Nous avons trouvé un nouveau guitariste en la personne de Richard [Shaw] et ensuite nous avons eu la mauvaise nouvelle : notre guitariste live James [McIlroy] a souffert d’une blessure au cou pendant des années, ça avait tellement empiré qu’ils devaient lui faire passer une opération sur la colonne vertébrale, du coup il était hors-jeu et on était là : « Merde ! Nous devons trouver deux guitaristes ! Il faut qu’on trouve quelqu’un d’autre, ça paraît presque impossible. » Mais nous avons trouvé quelqu’un, un ami de Martin, Ashok, il joue dans Root, et nous avons vécu notre toute meilleure tournée. Je veux dire que ce sont des guitaristes si talentueux que nous avons poursuivi cette collaboration ! Tout est un peu parti de là, je me disais : « Ça semble parfait ! »

Avec Paul, c’était un peu une séparation d’un commun accord parce que c’est sûr que ne pas partir en tournée avec ton propre groupe, c’est un peu le début de quelque chose qui vire vraiment mal. Mais ça s’est goupillé magnifiquement bien parce que sur l’album, c’est comme Glenn Tipton et KK Downing, tu as deux guitaristes qui font des genres de supers harmonies, rappelant fortement ce que nous avons fait dans les années 90 et au début des années 2000. Donc tout est arrangé maintenant, c’est super. Tout le monde a contribué à six à l’album et je pense que ça montre le groupe se faisant vraiment plaisir en célébrant ce que nous sommes. Les gens disent : « Qu’est-ce que vous êtes ? » Après onze albums, des EPs, des vidéos et peu importe, il faut espérer que nous avons gagné le droit de dire : « Nous sommes Cradle Of Filth ». Tu peux nous définir comme tu veux. Essentiellement, c’est du black metal parce que ça à avoir avec l’occulte mais tu peux nous juger et nous appeler comme tu veux : speed, thrash, death, heavy grind, bluegrass, punk… A toi de voir ! Ouais ! Et certaines personnes pourraient bien dire heavy funk ou un petit peu plus comme du rap islamique. Tu sais, les gens disent bien ce qu’ils veulent mais je pense qu’après tout ce temps, avec un peu de chance, nous pouvons nous définir comme Cradle Of Filth. Personne ne dit ce genre de choses d’Iron Maiden. Tu sais quoi ? Ils disent : « Est-ce que tu as entendu parler d’Iron Maiden ? » Et c’est genre : « Ouais ! » Personne ne dit : « Est-ce que tu as entendu parler de ce groupe de la nouvelle vague du heavy metal britannique Iron Maiden ? » Parce que par définition, les gens savent qui ils sont.

Votre nouvel album Hammer Of The Witches sonne sans conteste possible comme du Cradle Of Filth. Tu es évidemment le cœur et l’âme du groupe, néanmoins, comment êtes-vous parvenus à conserver une cohérence dans la musique et rester fidèles à la patte du groupe, tout en ayant renouvelé une bonne part du line-up en un temps si court ?

Bon, ce n’est pas un temps si court que ça. C’est l’impression que ça peut donner aux gens mais ce n’est pas longtemps pour nous, c’est comme des années de chien. Je pense de toute façon qu’indépendamment de ça, l’esprit du groupe perdure. Et tous ceux qui sont impliqués dans le groupe ont été fans auparavant. Ce n’est pas comme si nous avions choisi n’importe quels guitaristes. Tu sais, beaucoup de gens se sont proposés pour le poste et il y a eu beaucoup de tergiversations, à s’assurer que nous avions les bonnes personnes jusqu’à ce qu’ils aient appris les bonnes parties… Heureusement nous avons trouvé deux guitaristes vraiment très compétents. Comme je dis toujours, nous avons un vaste répertoire dans lequel nous pouvons puiser de l’inspiration, et si tu es un fan du groupe, tu sais instinctivement ce qui sonne bien. Et même lorsque nous entrons en studio, les chansons changent, donc c’est assez facile de ce point de vue. En plus, nous ne voulions pas laisser un trop grand écart, je ne voulais pas faire un album dans deux ans. En s’absentant, tout le monde aurait pu se dire : « Oh, ils prennent une pause ! » Pour ensuite t’accueillir à nouveau. Tu pourrais t’absenter pendant cinq ans et écrire un album merdique, tu vois ce que je veux dire ? En l’espace de cinq ans, tout le monde t’aurait oublié ! Donc, ça ne veut rien dire. C’est une question d’être bon et que les gens disent : « Putain, c’est super ! C’est vraiment de la bonne musique ! » Voilà ce que devrait être la musique : elle est soit bonne, soit mauvaise ! [Petits rires]

Cradle Of Filth - Hammer Of The Witches

« Nous ne voulions pas reproduire Dusk… And Her Embrace, Cruelty And The Beast ou Midian. Ce que nous voulions faire, c’est prendre cet esprit et le mélanger au Cradle Of Filth de 2015. »

Dirais-tu en fait que les nouveaux membres ont rafraîchi la musique de Cradle Of Filth en l’approchant avec des oreilles neuves ? Qu’est-ce qu’ils ont apporté ?

Ils ont apporté leur capacité à jouer des parties de guitares incroyables. Ils sont très compétents, ils ont une très bonne capacité d’adaptation, ils écoutent les idées… Tout le monde a soumis trois chansons chacun. Daniel, le bassiste, a collaboré avec Lindsey et ils ont fait deux ou trois chansons. Quelques chansons n’ont pas été retenues pour l’album, l’une d’entre elles était l’une de mes préférées, mais c’était parce que… Bon, ce n’est pas un diktat ; c’est un groupe qui travaille en union. Nous aurions facilement pu faire quinze chansons mais nous ne voulions pas diluer, nous voulions travailler sur dix chansons et nous assurer que ces dix chansons étaient géniales. Quinze chansons… Ouais, elles auraient pu être géniales mais nous ne voulions pas nous pousser un peu trop loin avec certaines d’entre elles. Tu sais, il se peut que ces chansons soient utilisées à l’avenir mais… Ça a été une bonne période pour faire partie du groupe. Bon, ça a toujours été bien mais c’est palpitant, c’est rafraîchissant. J’ai littéralement passé quatre mois en studio, donc j’ai l’impression de sortir de ma chrysalide.

Tu as dit que Paul Allender « avait des idées bien arrêtées » sur le fait d’être le seul guitariste sur les albums. Est-ce que ça t’avait manqué d’avoir deux guitares qui interagissaient, surtout avec les harmonies à deux guitares ?

Ouais, je crois, mais je ne m’attarde pas trop là-dessus. Paul est un incroyable guitariste mais nous sommes un groupe à deux guitares. James [McIlroy] était juste un guitariste live. Avec cet album, nous voulions simplement revenir en arrière, revenir à… Nous ne voulions pas reproduire Dusk… And Her Embrace, Cruelty And The Beast ou Midian. Ce que nous voulions faire, c’est prendre cet esprit et le mélanger au Cradle Of Filth de 2015. Comme avec la première chanson « Yours Immortally… », c’est une célébration de tout ce que nous sommes. C’est genre : « Et voilà ! Bang ! » C’est le heavy metal, la célébration du heavy metal. Tu peux l’apprécier pour ce que c’est et juste te dire « wow ! » ou alors t’impliquer, lire les paroles, trouver l’artwork beau, explorer les philosophies qu’il y a derrière l’album si tu le souhaites. Mais, à l’origine, c’est juste une question d’apprécier l’album.

Tu as aussi dit que l’album « va repousser les limites de ce que le groupe peut faire » et que « ce sera une surprise pour beaucoup de gens. » L’album sonne effectivement assez épique, avec de riches arrangements et est plus mélodique que jamais. Est-ce que c’est sur ces aspects que tu estimes avoir repoussé les limites de ce que le groupe peut faire et que les gens seront surpris ?

Eh bien, ouais, nous avons repoussé les limites avec les mélodies et le travail sur les guitares mais c’est aussi brutal. Le test final c’est de le passer aux gens qui te sont proches pour qu’ils reviennent vers toi et disent : est-ce que c’est trop fort ? Est-ce qu’il y a un bon équilibre ? Parce que même après que nous ayons envoyé l’album à Nuclear Blast – ne leur dis pas ! [Petits rires] – nous sommes retournés en studio et avons changé quelques bouts [petits rires], ensuite nous leur avons renvoyé l’album, en disant : « Euh, utilisez plutôt celui-là ! » C’est donc un test pour le son mais aussi pour que les gens donnent leur opinion sur ce qu’ils ressentent. Je n’ai pas arrêté de demander à la fille qui s’occupe du site web, ma femme, quelques-uns de mes amis, quelques personnes de Devilment : « Est-ce que vous avez entendu le même album ? » Parce qu’une personne était là : « Mon Dieu, c’est tellement brutal ! Il y a moins de claviers… » Et d’autres disaient : « Bon sang, c’est vraiment mélodique, il y a vraiment plus de claviers… » C’est un album imposant, d’autant plus avec les deux pistes bonus. Il n’y a que deux titres bonus mais ils font sept minutes chacun, et ils n’ont pas été écrits comme des titres bonus. C’était seulement en arrivant à deux semaines de la fin que nous avons ré-agencé les choses. Il se peut que certaines personnes préfèrent ces titres bonus parce que leurs atmosphères sont assez différentes du reste de l’album. Il se passe beaucoup de choses mais c’est une telle histoire que je pense que les gens entendent et lisent des choses différentes là-dedans. Ce qui est super, ça veut dire qu’il existe à différents niveaux.

L’album a été enregistré aux Grindstone Studios, qui a apparemment la réputation d’être hanté. Est-ce que vous avez ressenti une atmosphère spéciale là-bas ?

Eh bien, aussi étrange que ça puisse paraître, qui que ce soit a écrit ça l’a inventé pour que ça sonne plus cool mais le truc c’est que… Parce que nous l’avons lu et nous nous sommes dit : « Hanté ? Comment ils l’ont su ? » Parce que, c’est un vieux bâtiment et une des pièces était glaciale car, il y a des centaines d’années, d’après sa position géographique, ça avait été une sorte de réserve, donc quoi qu’il en soit elle était vraiment froide. Ce n’est pas un énorme studio et les toilettes sont à l’extérieur, c’est au milieu de la campagne, ce n’est pas… Je veux dire, nous avons déjà vécu en résidence pendant des mois. Non seulement ça coûte cher, mais en plus, lorsque tu te retrouves avec tout le groupe là-dedans, ça devient la fiesta. Cette fois, il était seulement question de travailler dur et tout le monde est venu en avion séparément et a logé dans une maison d’hôte, qui d’ailleurs était plus grande que le studio. Mais c’est proche de là où j’habite, c’est genre à une demi-heure de voiture. Une demi-heure aller, une demi-heure retour, tous les jours, pendant quatre mois. Comme je l’ai dit, ce n’est pas un gros studio mais des choses n’arrêtaient pas de disparaître ! C’est comme un jour : « Bordel, où est-ce que cette tête d’ampli est passée ? » « Tu l’as déplacée ! » « Bien sûr que non ! » « Alors elle est passée où ? » Et il se trouvait qu’elle était dans une autre pièce ! « Il n’y a que nous deux ici et si toi tu ne l’as pas déplacée et si moi je ne l’ai pas déplacée, alors putain qu’est-ce qu’il se passe ? » Et donc ça nous a fait rire parce que nous savions qu’ils avaient inventé cette histoire mais nous nous disions : « Comment ont-ils pu savoir ? C’est tellement étrange ! » [Petits rires]

Cradle Of Filth 2015

« Les artistes ont utilisé des mannequins pour peindre parce que c’est beau et ça représente leur version de l’immaculé. […] C’est ainsi que beaucoup de gens voient la perfection. »

L’album s’appelle Hammer Of The Witches, d’après le Malleus Maleficarum, un document médiéval avec des directives sur la persécution et la torture des sorcières. Comment avez-vous abordé ce thème à travers l’album ?

L’album n’est pas conceptuel ; il est vaguement défini selon un concept à cause de l’illustration d’Arthur Berzinsh, qui est un artiste letton et a créé l’une des meilleures illustrations que nous ayons jamais eues, qui a lié tout ça. Il y a un côté médiéval dans cet album, comme dans « Onward Christian Soldiers » qui parle des croisades et établi des parallèles avec les troubles religieux d’aujourd’hui. Il y a quelques chansons qui se rapportent à l’idéologie de la sorcellerie, et la chanson éponyme, évidemment, Hammer Of The Witches, en fait partie. L’album en tant que tel se rapporte vraiment au fait que le temps des persécutions est largement derrière nous désormais, c’est comme une nouvelle ère, une ère rafraîchissante. Le marteau est dans les mains des sorcières désormais, c’est comme un châtiment pour les siècles de persécutions et de torture. Comme je le fais toujours, mes paroles peuvent être lues dans le contexte du XIXème siècle ou du XVIIIème siècle ou du XVIIème siècle ou du moyen âge, mais elles se rapportent aussi toujours à des choses qui ont lieu à notre époque.

Es-tu particulièrement fasciné par la sorcellerie et la libération spirituelle que les sorcières représentaient et pour lesquelles elles étaient persécutées ?

Ouais, c’est clair, toujours. Je veux dire que ce n’est pas du tout la première fois que j’aborde le sujet, c’est juste la première fois que nous lui avons dédié l’essence de l’album. Au départ, le titre avait été simplement suggéré par une chanson et j’ai pensé que ce serait un super titre de travail pour cette chanson, et c’est tout ce que c’était pendant un moment. Et ensuite les gens ont commencé à dire : « J’adore ce titre ! Ca me rappelle les films d’horreur de la Hammer ! » Ou quelqu’un en Allemagne a dit : « Hammer Of The Witches, ça sonne comme Manowar ! » Les gens avaient toutes ces idées diverses et variées et ils n’arrêtaient pas de dire : « Il faut que tu gardes ça en tant que titre d’album ! » C’est simplement resté. C’est comme l’album de Devilment, The Great And Secret Show, j’avais le livre de Clive Barker, The Great And Secret Show, j’écrivais des paroles, et je n’arrêtais pas de regarder la tranche, parce qu’elle est vraiment grosse, sur mon étagère et je me disais : « C’est un bon titre de travail, je peux m’amuser avec ça ! » Et après un moment, c’est devenu le titre d’une chanson et ensuite le titre de l’album parce que, ça n’avait rien à voir avec le livre, mais c’était juste parfait pour ce que nous essayions d’exprimer. Parfois les choses se font d’elles-mêmes ; elles prennent forme toutes seules ; elles deviennent des entités vivantes sans que tu t’en rendes compte. Donc, c’est aussi un peu comme ça que ça s’est passé avec Hammer Of The Witches. Et c’est un bon signe ! Lorsque ça s’empare de ton idéologie et que ça te retourne le cerveau, en créant des paroles qui deviennent le titre final, alors tu sais que ça fonctionne.

Qui sont les sorcières du monde moderne, selon toi ?

N’importe qui, je suppose, qui a le potentiel de réparer les erreurs du passé, de défaire les torts… Il y a un important culte des sorcières actuellement, les gens continuent de célébrer… Tu as la tradition Wicca, surtout en Angleterre. D’ailleurs, j’étais sur un site l’autre jour et ils avaient des trucs incroyables. Ils ont fait des reproductions, ils avaient même un kit de chasse aux vampires du XVIIIe siècle, une réplique évidemment mais tout était dans des conteneurs en argent. Tous les bûchers étaient faits de bois spécial, d’un arbre particulier – je ne me souviens plus de quel arbre il s’agissait, de l’aubépine ou quelque chose comme ça – et ensuite ils avaient des statues de Baphomet et des anneaux Wicca… C’est toujours très important, même à cet âge supposé de raison.

Tu as toujours associé les femmes et l’érotisme à l’occulte et l’horreur. Qu’est-ce que cette association symbolise pour toi ?

Je vois ça comme les artistes de l’ère de la pré-renaissance voyaient… Je veux dire, regarde [il pointe du doigt des images accrochées au mur de la pièce], il y a une tonne d’images de femmes, tu vois ce que je veux dire ? Bon, celle-ci dépeint Ray Charles, ça n’a rien à voir avec les femmes [rires]. C’est mec noir aveugle… C’est la forme de la femme qui est vue comme une toile pour créer et si tu vas dans n’importe quelle galerie d’art, que ce soit le Prado à Madrid ou la National Gallery à Londres, peu importe, tu sais, les artistes ont utilisé des mannequins pour peindre parce que c’est beau et que ça représente leur version de l’immaculé. Que ce soit une reproduction d’une divinité ou pas, c’est ainsi que beaucoup de gens voient la perfection ou la divinité. Il y a quelque chose de vraiment sensuel mais aussi légèrement tragique dans la relation entre le sexe et la mort ou le mal et le sexe ou simplement la beauté et la corruption. Tu sais, il y a un équilibre très fragile là-dedans, car la vie est si courte que le summum de la beauté est très fragile, c’est tout juste comme une fleur dans le vent. C’est donc pour ça que les gens font tout leur possible pour capturer son essence, c’est très cool. Et aussi, à un niveau purement esthétique, c’est beau. Tu vois ce que je veux dire ? Je préfèrerais avoir une belle femme qu’un gros type moche ! [Rires] Pour être parfaitement honnête !

Cradle Of Filth 2015

« Il y a un équilibre très fragile [dans la relation entre la beauté et la corruption], car la vie est si courte que le summum de la beauté est très fragile, c’est tout juste comme une fleur dans le vent. »

En mars de l’année dernière le groupe a commercialisé pour la première fois sa démo de 1993 Total Fucking Darkness. Pourquoi avoir fait ça maintenant ?

Principalement parce que j’ai recroisé le chemin du guitariste qui était dans le groupe à l’époque, Paul Ryan, qui est aujourd’hui un impresario pour The Agency Group, ils sont énormes. Cradle travaille désormais avec eux, Devilment aussi, et lui et moi sommes à nouveau devenus bons amis. C’était juste une idée qu’il a eue. Nous nous sommes dit : « Ouais, allez ! Ca serait vraiment underground ! » Tout le monde n’arrête pas de raconter à quel point dans Cradle Of Filth nous sommes des vendus, tu sais, un gros groupe qu’on voit partout dans les magazines… « Faisons quelque chose et montrons au gens : ‘Hey, regardez ! Voilà d’où nous venons !’ Faisons-le sur un label underground. » Nous avons sorti un coffret que nous avons mis à très bas prix. Il contenait littéralement l’équivalent de trente kilos de trucs, du coup nous n’avons fait strictement aucun profit. Et tous les fans hardcore l’on acheté, principalement des gens qui étaient fans du groupe à cette époque. Donc, ça disait juste : « Ce sont nos modestes origines. » Certaines personnes ont pris ça complètement de travers, ils disaient : « Putain mais c’est quoi ce truc ? Ca sonne totalement différent ! » Il y a tellement de bootlegs qui trainent que nous avons saisi la chance de remasteriser les originaux. Ce sont les versions définitives. Tu n’as pas à rechercher sur internet des trucs merdiques… Tu vois ce que je veux dire.

Est-ce que tu as des nouvelles de la santé de James McIlroy ?

Je pense qu’il va bien. Je n’ai pas eu de nouvelles de lui récemment mais je crois qu’il en a donné à Richard et il semble aller. Il est de retour au charbon. C’était il y a un an, j’ai su que… En fait il me l’a dit car il est venu à un des concerts avec Behemoth, c’était assez choquant d’ailleurs parce qu’il a passé un an à attendre une lourde opération sur sa colonne vertébrale. Je crois qu’ils étaient censés y insérer un disque. Et il est arrivé à l’opération, allongé sur le brancard et le docteur a dit : « Nous allons mettre une vis pour que deux de ces vertèbres ne bougent plus. » Et il a dit : « Non, j’emmerde ce truc ! » Car il ne pourrait plus bouger son cou correctement. Il est donc littéralement revenu à la case départ et a dû tout recommencer, en recherchant une autre opération mais ça allait coûter quelque chose comme cinquante six mille euros, de l’argent stupidement dépensé. Il faut en fait que je prenne des nouvelles de lui, pour être honnête. Mais ça, c’était la toute dernière chose que j’ai entendue de sa propre bouche.

Est-ce que tu lui laisses les portes ouvertes pour un retour un jour ?

Peut-être. Je pense que ce line-up que nous avons aujourd’hui est parfait pour le groupe, tout le monde s’entend vraiment bien et nous avons énormément d’idées. Je ne peux même pas faire de commentaire sur le sujet, pour être franc. James n’a jamais été qu’un guitariste live. Donc la balance pencherait plutôt contre parce que, de toute évidence, si l’un des nouveaux guitaristes a écrit pour l’album, ça dicte nécessairement qu’il le joue en concert. Mais qui sait ? Des choses plus étranges se sont produites…

Interview réalisée en face à face le 20 juin 2015 par Valentin Istria.
Retranscription, traduction, introduction & fiche de questions : Nicolas Gricourt.
Photos : Sam Scott Hunter.

Site officiel de Cradle Of Filth : www.cradleoffilth.com.



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