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Interview   

Crashdïet : les diamants sont éternels


On aurait facilement pu croire que le sort s’est acharné sur Crashdïet : un premier chanteur qui s’est suicidé, un second avec qui ça n’a pas fonctionné, un troisième qui rentre chez lui sans prévenir en pleine tournée japonaise, sans compter un manageur qui meurt en pleine tournée mondiale… Beaucoup auraient été découragés pour moins que ça. C’est d’ailleurs ce qui a failli arriver au groupe suédois, avant qu’ils ne croisent le chemin de Gabriel Keyes, un jeune chanteur plein de fougue et de talent.

Depuis ils ont su montrer que Crashdïet était plus en forme que jamais, offrant très rapidement le single « We Are The Legion » à l’écoute, un véritable hit comme seul le quatuor sleaze sait en proposer, suivi d’une tournée pour faire les présentations de leur nouveau frontman et d’un autre single, l’abrasif « Reptile ». Le moment est venu maintenant d’offrir le plat de résistance : Rust, cinquième album du combo, offrant un regard critique sur le monde d’aujourd’hui, particulièrement sur l’industrie musicale.

Nous nous sommes entretenus avec le guitariste-compositeur Martin Sweet et Grabriel Keyes pour qu’ils nous parlent de tout ceci.

« Nous ne savions pas si nous allions continuer. […] Quand nous avons entendu la voix de Gabbe et rencontré le gars… Nous étions là : ‘Est-ce qu’on va vraiment refaire ça ?’ Et puis, nous avons répété et commencé à enregistrer de la musique, et j’étais là : ‘Putain, c’est à nouveau l’éclate !’ »

En 2015, vous avez publié un communiqué annonçant que le chanteur Simon Cruz avait décidé de quitter le groupe « en plein pendant [votre] mini-tournée au Japon… Sans aucun préavis ». Concrètement, que s’est-il passé ?

Martin Sweet (guitare) : Nous avions deux concerts aux Japon, à Tokyo. Nous n’étions pas très actifs en 2015, niveau tournée, mais ça semblait être quelque chose de marrant à faire. Cependant, Simon n’était pas en grande forme à la suite de problèmes personnels. Nous nous sommes dit : « Et puis zut, c’est Tokyo, allons-y. » Simon, en particulier, avait vraiment envie de le faire. Mais nous étions quand même presque sceptiques, car il agissait étrangement [petits rires]. Il s’est avéré que nous y avons été et avons fait un concert avec Simon. Le second soir, nous étions censés continuer mais Simon était parti et était rentré en Suède [petits rires]. Nous nous sommes donc posés dans les loges, en espérant le voir débarquer. Juste avant de monter sur scène, je me disais : « Non, ça ne va pas arriver. » Donc nous nous étions préparés à jouer en trio, ce que nous avons fait, et nous avons joué pendant trente minutes sans Simon. Ensuite, quand nous sommes arrivés chez nous, nous avons vu Simon et lui avons demandé : « Bordel, qu’est-ce qu’il se passe ? » Il était là : « Je suis passé à autre chose » [petits rires]. Mais, avec le recul, il n’était pas dans son assiette. Il rencontrait des problèmes avec différents trucs.

Gabriel Keyes (chant) : La vie n’est pas toujours facile !

Martin : Ouais ! C’est malheureux, mais j’imagine qu’il avait touché le fond et à partir de là, il est passé à autre chose.

Crashdïet n’a vraiment pas eu de chance avec les chanteurs, Gabriel est au moins le quatrième chanteur en seulement cinq albums. N’était-ce pas décourageant à ce moment-là ?

Evidemment ! [Rires] Nous étions d’ailleurs plus ou moins à l’arrêt quand Simon est parti. Nous avons fait un break. Nous ne savions pas si nous allions continuer. Mais ensuite, notre manageur à l’époque avait une vision de Crashdïet mark IV ou V, peu importe [rires]. Il a commencé à me parler et j’ai parlé aux autres, et il nous a rassemblés. Il a commencé à chercher, à faire l’ennuyeux boulot de recherche d’un chanteur. Gabriel venait d’être découvert, je suppose, sur la scène suédoise. Quand nous avons entendu la voix de Gabbe et rencontré le gars…

Gabriel : Tu es tombé amoureux de moi ! Sois honnête !

Martin : Nous étions là : « Est-ce qu’on va vraiment refaire ça ? » Et puis, nous avons répété et commencé à enregistrer de la musique, et j’étais là : « Putain, c’est à nouveau l’éclate ! »

Gabriel : Immédiatement, tout paraissait naturel, l’alchimie et tout était là. Tout le monde agissait naturellement.

Martin : Et Gabbe est un mec positif, un vent d’air frais…

Gabriel : [Rires] Un connard casse-couille !

Martin : … ce qui était bon pour nous à l’époque. Nous avons besoin de cette énergie positive. C’est un mec joyeux ! Ce n’est pas un vieux con dépressif comme nous autres [rires]. Non, j’exagère, mais… Ça a avancé tout seul : « Allons de l’avant. Essayons de faire un single, et on verra ce qui se passera. » Les gens semblaient aimer. Nous avons fait une tournée, les gens semblaient venir.

Gabriel : Les gens semblaient jouir, ouais.

Martin : Ensuite, nous avons simplement décidé : « Faisons un album ! » Une progression naturelle.

Depuis 2002, les instrumentistes du groupe sont restés soudés et les seuls changements à survenir étaient au poste de chanteur. Qu’est-ce qu’il y a avec les chanteurs qui les rend si instables ? Peut-être que Gabriel tu as une réponse…

Gabriel : Je pense que c’est juste de la mauvaise chance. Je ne crois pas que ça ait quoi que ce soit à voir avec les chanteurs. Je n’ai pas de bonne réponse à cette question. Ça peut être des situations différentes à chaque fois. Je crois juste que ce groupe a la poisse.

Martin : Je pense que beaucoup de groupes ont de la malchance, mais peut-être que c’est réparti sur une plus longue période de temps. Nous, nous l’avons compressé sur environ une décennie [rires].

Gabriel : Je veux dire que vous avez vécu dans un environnement assez destructeur, surtout avec les chanteurs. Vous donniez plus dans les bonnes vieilles fêtes que dans la prestation à cent pour cent. Je pense qu’il y avait les deux, mais quand on boit de la bière sans arrêt, ça prend le pas, la prestation se détériore, et je ne crois pas que ce soit une bonne chose à faire constamment. Surtout si on regarde la scène aujourd’hui, il faut assurer et être au top à chaque concert, car la seule façon de survivre dans cette scène musicale, c’est en jouant live et on a besoin de gens qui viennent à nos concerts. C’est pourquoi je pense que nous faisons les choses mieux et de manière plus professionnelle aujourd’hui qu’auparavant.

Martin : Ouais, il y a une grande différence entre le groupe aujourd’hui et à l’époque, il y a six ans. Maintenant, nous avons vraiment une vie privée, genre une vie de famille, avec une petite amie, peu importe. Nous n’avions pas ça avant. Notre vie avec Crashdïet était devenue destructrice.

Gabriel : Je pense que vous aviez besoin d’un break, c’était bien pour vous de créer vos propres vies chacun de votre côté.

« Je me suis coupé les cheveux, j’essayais de trouver une autre façon de vivre ma vie. Je n’étais pas trop à l’aise dans ma vie. Puis, cette opportunité est arrivée de nulle part. Je l’ai saisie ! […] C’était un rêve devenu réalité pour moi de faire ça, surtout de chanter dans un groupe que j’adore et qui tourne. Ça a toujours été mon but depuis que je suis enfant. »

Martin, en 2016, tu as créé un nouveau groupe baptisé Sweet Creature dans lequel tu étais le chanteur et guitariste lead. Ce n’est pas anodin : assurant le chant toi-même, tu n’allais pas avoir de souci de chanteur… As-tu songé à transformer Crashdïet en trio et à devenir le chanteur du groupe ?

Martin : Non [rires]. La barre est beaucoup trop haute pour que je sois le frontman de ce groupe ! Il y a trop d’attentes. Vocalement, ce n’aurait pas été raisonnable pour ma voix, je n’ai pas la tessiture requise. Je ne serais jamais capable de tout chanter. J’ai dès le début rejeté cette possibilité. L’idée que Peter [London] puisse chanter m’a effleuré l’esprit, mais… Il faut avoir la bonne personnalité scénique, je pense, afin de gérer ce que ça implique d’être frontman dans ce groupe. Mais Sweet Creature était marrant. C’était ma façon de me prouver à moi-même que j’étais capable de chanter dans un groupe. J’ai fait un album et quelques concerts. C’était amusant ! Puis j’ai commencé à jouer dans Sister et… Nous revoilà avec Crashdïet !

Gabriel, peux-tu nous parler de ta carrière avant de rejoindre Crashdïet, et de toi, de tes influences, etc. ?

Gabriel : J’étais un jeune orphelin solitaire, puis ils se sont soudainement présentés à moi ! Non, je déconne. En fait, avant Crashdïet, je n’étais pas trop impliqué dans la musique. J’avais un petit groupe local à Stockholm qui s’appelait Perfect Crime. Nous jouions dans des clubs rock de Stockholm. Nous nous sommes un peu disputés et nous avons fini par nous séparer. J’avais de longs cheveux noirs, j’étais assez sleaze à l’époque. Puis je me suis coupé les cheveux, j’essayais de trouver une autre façon de vivre ma vie. Je n’étais pas trop à l’aise dans ma vie. Puis, cette opportunité est arrivée de nulle part. Je l’ai saisie ! Je crois que ma plus grande influence est Sebastian Bach. C’est lui qui m’a réellement converti au rock. J’écoutais pas mal de Mötley Crüe avant ça, mais il a vraiment attiré mon attention avec sa personnalité scénique et sa voix était extraordinaire à l’époque, car aujourd’hui elle n’est plus ce qu’elle était. Et Bryan Adams, bien sûr, et Steven Tyler… J’ai plein d’influences mais ce sont les trois plus importants. Et Axl Rose, je dirais. Tu sais, j’ai pris des cours mais le chant a été un talent très naturel pour moi depuis le début ; je chante depuis aussi longtemps que je me souvienne.

Quelle était ta relation à la musique de Crashdïet avant ?

Je suis un grand fan de Crashdïet depuis que je suis gamin. C’était un rêve devenu réalité pour moi de faire ça, surtout de chanter dans un groupe que j’adore et qui tourne. Ça a toujours été mon but depuis que je suis enfant. J’adore ça !

Martin : Quel âge avais-tu quand tu nous as découverts ?

Gabriel : Je crois que j’avais dans les quinze ans !

Martin : Ce n’était pas plutôt douze ans ? [Petits rires]

Gabriel : Ouais, mais je donne un âge différent à chaque fois ! Je crois que j’avais quatorze ou quinze ans.

Il y a donc une grande différence d’âge entre vous…

Martin : Oui, en tout cas entre lui et moi.

Gabriel : Mais ça ne pose pas de problème. Nous nous éclatons, l’alchimie est bonne dans le groupe. Je pense qu’il n’y a jamais eu le moindre souci lié à l’écart d’âge. Nous sommes au même niveau. Nous sommes tous de grands enfants.

Martin : Ouais, de grands bébés.

Quel a été ton chanteur de Crashdïet préféré avant toi ?

Gabriel : Sur album, je pense que c’est David [Dave Lepard]. J’aime aussi la voix de Simon. En fait, je ne sais pas. Je les aime un peu tous, d’une certaine manière, mais je dirais David parce que je trouve qu’il avait le personnage de scène le plus cool.

Vu les problèmes que le groupe n’a cessé de rencontrer avec les chanteurs, pour diverses raisons, n’avais-tu pas un peu d’appréhension à l’idée d’intégrer le groupe ?

Martin : [Rires]

Gabriel : Moi ? Carrément pas, mec ! C’est un tout nouveau départ, il faut prendre les choses à partir de là. J’ai toujours eu une vision positive, nous avançons et essayons de faire les choses mieux, aussi bien que nous le pouvons.

Martin : De façon plus saine.

« Nous voulions aller dans une direction et ça fait bien quelques années que nous nous battons pour ça. […] Nous sommes trop créatifs et nous connaissons trop le business, et je pense qu’en tant que groupe, il est difficile de travailler avec nous, car nous voulons faire énormément de choses. »

Une fois que Gabriel a rejoint le groupe, vous avez très rapidement sorti la chanson « We Are The Legion », qui a été écrite spontanément en novembre 2017…

Nous nous sommes démenés pour essayer de faire une première chanson à sortir avec Gabriel au chant. Nous avons fait pas mal de chansons, dans les dix à quinze, mais avec toutes nous étions là : « Nan… » Puis nous nous y sommes mis et avons fait cette chanson très rapidement.

Gabriel : Nous avions deux ou trois chansons parmi lesquelles choisir, et puis tu avais ce riff heavy. Nous étions assez stressés, je me souviens. Il nous fallait vraiment un single. Je suis allé voir Martin, nous avons commencé à poser sur papier quelques paroles à placer sur ce riff et tout s’est mis en place, tout seul, et nous avions une chanson !

Martin : Ouais, et nous étions là : « Voilà ce qu’on cherchait ! » Nous avons opté pour cette chanson. Je crois qu’elle est sortie un mois plus tard.

Vous avez commencé à tourner à nouveau en avril 2018, en même temps que vous sortiez le clip de « We Are The Legion » : était-ce important de vérifier votre alchimie live avant d’aller plus loin avec l’album ?

Complètement ! Je ne me souviens plus trop exactement…

Gabriel : T’es trop vieux pour te souvenir !

Martin : Ouais [rires]. Je voulais faire un nouvel album, c’est clair. Ça n’avait aucun intérêt si nous n’en faisions pas, mais évidemment, si rien n’avait fonctionné en live, peut-être que ça aurait été une mauvaise idée de faire un album, mais il s’est avéré que c’était l’une des tournées durant laquelle nous nous sommes le plus éclatés depuis longtemps. Nous étions joyeux et nous nous amusions comme des petits fous [petits rires].

Gabriel : Nous nous amusions et bottions des culs ! Ouais ! J’essayais de montrer à tout le monde que je pouvais leur botter le cul. Je me souviens de mon premier concert, c’était à Kägelbanan, en Suède. Je n’étais même pas stressé, je voulais juste y aller, chanter et déchirer. Là encore, c’était comme on disait : ça paraissait naturel. Ça faisait si longtemps que j’avais attendu cette occasion que tout ce que je voulais, c’était y aller et prouver que j’étais capable d’assurer.

L’album sort deux ans après que Gabriel ait rejoint le groupe : pourquoi est-ce que ça vous a pris autant de temps de faire un album ? D’autant que vous aviez déjà commencé à écrire des chansons pour l’album dès 2015…

Martin : Nous avons même commencé à écrire de la musique en 2014 ! Il y a donc un million de chansons. Mais je crois que nous avons vraiment trouvé notre direction quand nous avons fait la chanson « We Are The Legion ». Nous avons dit que nous allions être un groupe un petit peu plus orienté riff heavy qu’avant. Nous avons enchaîné à partir de là et avons fait plein de chansons heavy. L’album est un peu plus heavy, mais ça reste un peu…

Gabriel : … sleazy ! Vu que ça a pris du temps, je pense que nous ne voulions rien contraindre. Nous voulions que ça vienne naturellement, sans presser les choses juste pour sortir un album.

Martin : A l’origine, nous voulions sortir cet album en avril de l’année dernière [rires], ou quelques mois après la tournée, mais c’était peut-être trop optimiste. Selon ma vision, j’ai commencé à écrire l’album Rust après « We Are The Legion ». J’ai une tonne de chansons datant d’avant ça, mais elles donnaient l’impression d’avoir été écrites à la mauvaise époque ; trop de mauvais souvenirs [petits rires]. Ces musiques écrites en 2014 paraissaient trop datées pour qu’on travaille dessus.

Gabriel : En fait, « Parasite » est une assez vieille chanson ! Vous l’avez enregistrée avec deux chanteurs différents, même trois maintenant, non ? Avec Johnny [Gunn], Simon et moi.

Martin : Exact ! Ça date d’entre The Unatractive Revolution et Generation Wild. Ça date d’avant que nous trouvions Simon. Si nous devions choisir une vieille chanson qui n’était pas sortie, nous avions toujours celle-ci en tête, car elle n’avait jamais trouvé sa place sur Generation Wild, bizarrement. Puis elle a été oubliée. Nous avions besoin d’une chanson supplémentaire pour que le nouvel album soit complet, donc nous avons pensé : « Oh, essayons Parasite ! » Elle colle très bien dans le concept de l’album.

Six ans séparent Rust de The Savage Playground. N’avez-vous pas eu peur que les fans et la scène vous oublient ?

Gabriel : Je ne crois pas qu’ils auront oublié. Je pense que ça fait longtemps que les gens ont très envie de retrouver Crashdïet. Aussi, il y a de nouvelles façons d’attirer de nouveaux fans. Donc on a hâte et on espère le meilleur. C’est mon avis.

Martin : Nous avons beaucoup joué avec Gabriel et avons reçu de super retours. Ça nous suffit.

« On a très vite fait de juger les gens aujourd’hui. Leur allure, la façon dont ils agissent… Pourtant, on ne sait jamais d’où ils viennent, dans quel environnement ils ont vécu et ce qu’ils ont traversé. On juge beaucoup trop aujourd’hui. »

Comment a été votre expérience de cette toute fraîche collaboration ensemble ?

C’est toujours sympa de travailler avec de nouvelles personnes. Peu importe ce que j’écris, j’aime impliquer d’autres gens. Mais c’était un nouveau départ avec une nouvelle voix, une nouvelle personne, une nouvelle approche des paroles, etc. Je pense que nous sommes sur une bonne dynamique quand nous composons. Gabriel et moi avons grosso modo écrit tout l’album.

Gabriel : Nous sommes sur la même longueur d’onde. Nous voulons constamment créer, donc ce n’est jamais un problème.

Martin : Ouais, le seul problème, c’est le temps. Si nous avions du temps, nous pourrions écrire plusieurs chansons par jour. Mais nous trouverons le temps ! [Petits rires]

Cette fois, Martin, tu as choisi de produire l’album toi-même, excepté deux chansons produites par Eric Bazillian et Chris Laney. Pourquoi ce choix cette fois-ci ?

Chris Laney a mixé la chanson « We Are The Legion » et Bazillian l’a produite, et là aussi c’est une histoire marrante, car je composais avec d’autres gens. Nous avons une maison d’édition et il y a plein de compositeurs là-dedans avec qui on peut composer si on en a envie. Gabriel et moi, nous nous disions : « Ecrivons une chanson de Crashdïet avec une personne au hasard pour voir ce qui se passe. » Eric Bazillian a débarqué. Je ne savais pas qui il était [rires]. C’était gênant, jusqu’à ce que je fasse une recherche sur Google. Mais nous nous sommes très bien entendus, nous avons écrit des chansons pour l’album, et nous étions là : « Peux-tu produire le single sur lequel on est en train de travailler ? » Et il l’a fait. Il était censé produire tout l’album, mais ça n’a pas marché. Donc j’ai pris la suite pour être sûr que nous terminions l’album.

Gabriel : Et Martin est un producteur extraordinaire ! C’est un génie !

Martin : C’est la première fois que je produis un album de Crashdïet, mais je me charge des démos du groupe depuis 2002, donc ce n’est pas un énorme changement pour moi. C’est plus une question d’assurance, de se faire confiance.

Vous avez mentionné la direction plus heavy de Rust mais on dirait également un retour au Crashdïet plus classique, dans la veine de Generation Wild, qui est votre plus gros succès, si l’on compare à The Savage Playground qui proposait de nouveaux éléments et un petit côté moderne parfois. Etait-ce un effort conscient ?

Je pense que c’est lié au mix. Je veux dire que les gens sont un peu perdus quand ils entendent The Savage Playground mais je crois que c’est surtout parce que c’est un type de mix très différent. C’est un mix vraiment merdique [rires]. Je trouve que Savage a de super chansons. On ne leur a pas rendu justice, car elles ne sonnent pas puissantes. Je veux dire que nous avons fait des trucs étranges aussi sur ce nouvel album. Il y a de la musique folk, par exemple, ça sort assez des sentiers battus aussi. Il y a des boucles électroniques et ce genre de chose que je n’aurais jamais touché avant, mais j’avais ce riff qui allait avec une boucle, et je trouvais ça sympa. De toute façon, c’est la chanson qui importe vraiment.

L’album s’appelle Rust, mais on peut aussi voir un diamant sur la pochette, ce qui fait référence à la chanson éponyme où vous chantez : « On brille à travers la rouille. » Qu’est-ce que ça dit au sujet du groupe ?

Gabriel : Ça renvoie à toute l’industrie musicale. Elle rouille. « On brille à travers la rouille », ça veut dire que nous nous battons constamment contre toute sorte de…

Martin : Sans marcher sur les plantes-bandes de quiconque, nous voulions aller dans une direction et ça fait bien quelques années que nous nous battons pour ça. Quand on veut faire des trucs un peu fous, ce n’est pas toujours une super idée pour les gens avec lesquels on travaille au label ou autre. Ça devient une sorte de lutte artistique, d’une certaine façon. Nous sommes trop créatifs et nous connaissons trop le business, et je pense qu’en tant que groupe, il est difficile de travailler avec nous, car nous voulons faire énormément de choses, et c’est genre : « Ouais, on ne peut pas faire ça… » [Rires] En fait, c’est dur d’en parler aujourd’hui, je pourrais en parler plus longuement dans un an ou deux [petits rires]. C’est un sujet sensible pour certaines personnes concernées. Mais ouais, nous nous battons pour notre liberté, comme nous le chantons. Et c’est un combat que nous sommes en train de gagner. C’est ça le sujet de l’album.

Gabriel : Je pense que les gens peuvent s’y reconnaître de plein de façons. Il y a plein de messages là-derrière, tout dépend d’où l’on vient et quelle est notre situation. Donc je pense que les gens peuvent s’y identifier sous différents angles et dans différentes situations.

Martin : Il y a un côté apocalyptique dans les textes, de façon métaphorique. Mais il y a aussi beaucoup de chaos dans le monde et dans le business, et nous essayons de chanter à propos de ce que nous ressentons.

Gabriel : On ne peut pas baisser sa garde. Il faut tout le temps être sur le qui-vive.

« De nombreux groupes aujourd’hui sont là : ‘Oh, on va ramener les années 80 !’ Mais ça ne va pas revenir. […] Evidemment, on a nos influences, mais tellement de gens aujourd’hui essayent de faire des imitations, surtout dans cette musique. »

J’imagine que c’est pour cette raison que vous avez créé Dïet Records et que vous avez également essayé de monter un projet de financement participatif pour l’album…

Martin : Complètement ! Nous pouvons faire à peu près tout ce que nous voulons sur nos territoires, dans les pays nordiques, et c’est merveilleux, et nous travaillons en vue d’une domination mondiale ! [Rires] Mais Frontiers sort notre album à l’international pour l’instant, et c’est super de pouvoir le sortir dans chaque pays du monde, mais on verra ce qui se passera. Et oui, nous étions censés faire une campagne de financement participatif pour le nouvel album, mais c’est ce dont je parle, c’était genre : « Non, on ne peut pas faire ça » [rires]. Pour dire les choses en douceur. Nous avions ce grand plan pour du crowdfunding mais ça ne s’est pas fait…

Toujours dans la chanson éponyme, vous chantez : « Nous faisons confiance à notre héritage. En ces temps, il faut se raccrocher à ce qu’on a. » Quelle est, pour vous, l’importance de votre héritage ?

C’est tout ce que nous avons ! C’est important. C’est une sorte de communauté qui a grandi au fil des années et nous ressentons un fort lien avec nos fans et ainsi de suite. Je veux dire que nous voulons poursuivre le groupe pour les fans et pour nous. Voilà pourquoi nous faisons ça.

Gabriel : Je pense qu’il est très important de faire passer le mot par rapport au fait de ne pas abandonner tout ceci, le cirque de Crashdïet. Il y a eu plein de difficultés, de hauts et de bas, de descente aux enfers, différents chanteurs, un chanteur qui quitte le groupe en pleine tournée du Japon… C’est important d’entretenir la flamme et de montrer aux gens que ce n’est pas toujours un business facile et que la vie elle-même n’est jamais facile, mais si on continue d’avancer, il se peut qu’on obtienne ce qu’on veut. Il y a plein de de fans de rock qui galèrent, et ce que nous faisons, c’est envoyer ce message : continuez à faire ce que vous aimez. Tant que vous le faites et continuez à travailler dur, un jour vous pourriez atteindre votre objectif.

Pensez-vous que les gens oublient trop leur héritage de nos jours ?

Martin : je pense que les gens oublient qui ils sont à cause des réseaux sociaux qui leur bousillent le cerveau !

Gabriel : Ouais ! Les gens deviennent délirants aujourd’hui, car on a un point de vue très différent sur la vie. Comme nous le chantons dans « Idiots », on montre constamment le côté parfait. Sur ces Instagram, Facebook et autres, on dirait que tout le monde a une vie parfaite mais ce n’est pas la réalité. La réalité, c’est ce qu’il y a en face de nous, pas les putains de téléphones, Instagram, etc. Donc nous vivons dans un monde qui se transforme en un environnement délirant. Je pense qu’on oublie ce qui importe vraiment.

Martin : Le truc, c’est qu’on est tous des idiots. Personne n’est innocent. On est tous attirés par ce monde, c’est pour ça qu’on est tous des idiots.

Dans la chanson « We Are The Legion », vous chantez : « Nous sommes la légion que vous méprisez. » Vous voyez-vous comme des résistants ?

Gabriel : Bien sûr ! Je ne suis pas en train de dire que je combats Instagram ou autre, car je suis tout le temps dessus [rires]. Nous nous battons pour… Notre époque n’est pas la meilleure pour le rock et nous essayons d’entretenir la flamme pour les gens qui adorent cette musique. Le rock n’est plus comme avant. Aujourd’hui, c’est plus le rap et ce genre de chose, mais je pense que la musique fonctionne par cycles. Mais on peut sentir qu’un tas de groupes galèrent à se maintenir en activité. C’est un business difficile. Ce n’est plus ce que c’était et nous nous battons pour la survie de la scène rock, d’une certaine façon. Tout dépend de quel groupe ou niveau on parle… Un jour, il faudra qu’il y ait un changement de génération. Tout le monde connaît les gros groupes comme AC/DC, Metallica, Mötley Crüe, Guns N’ Roses, etc. mais que se passera-t-il quand ces groupes disparaîtront ?

Pensez-vous que Crashdïet pourrait prendre le relais ?

Bien sûr ! Rien n’est impossible.

Martin : C’est le plan, n’est-ce pas ?

Gabriel : C’est le plan, de s’emparer du monde entier ! Non, en fait, c’est juste de continuer à faire ce que nous faisons. Avec un peu de chance, nous finirons dans une bonne situation. Je ne suis pas en train de dire que nous sommes dans une mauvaise situation, mais il y a plein de galères pour les groupes de notre envergure. Mais c’est la réalité. Nous aimons ce que nous faisons et nous allons continuer à faire ce que nous faisons.

« Les gars de Steel Panther adorent le même type de musique que nous mais ils font ça de manière plus intelligente que nous. Ils prennent la voie de la facilité. C’est une sorte sketch humoristique, mais j’aime leur musique. Je ne sais pas, certaines personnes pensent que Steel Panther est réel, donc… »

Vous avez déclaré à propos de « We Are The Legion » qu’elle parlera « à quiconque traverse des épreuves et subit des revers dans un monde toujours prompt à critiquer et superficiel ». Et il y a aussi une chanson qui s’intitule « Stop Weirding Me Out » et qui semble également aborder cette idée de jugement. Est-ce quelque chose dont vous avez-vous-même souffert ?

Je pense, oui. C’est tout le truc aujourd’hui : on a ce regard sur les gens… On a très vite fait de juger les gens aujourd’hui. Leur allure, la façon dont ils agissent… Pourtant, on ne sait jamais d’où ils viennent, dans quel environnement ils ont vécu et ce qu’ils ont traversé. On juge beaucoup trop aujourd’hui.

Martin : Tout le monde a un avis. S’il est négatif, on a ce besoin irrépressible de le partager avec le monde, semble-t-il.

Vous semblez très critiques envers le monde actuel. Vu que votre inspiration musicale et votre son viennent pour beaucoup des années 80, auriez-vous préféré être des artistes durant cette décennie ?

Oui et non [rires]. Internet a été très bénéfique pour ce groupe durant toute notre carrière. Si nous nous étions formés dans les années 80, peut-être que nous aurions vendu plus d’albums mais nous serions face à une plus grande compétition dans notre style. Mais bien sûr, j’aurais adoré vivre dans les années 80. Ce n’est pas le cas de tout le monde ? [Petits rires]

Gabriel : Je ne vais pas trop en dire parce que je suis né dans les années 90 et je n’ai jamais vécu cette décennie, mais je pense que tout était plus innocent et libre, en gros. Plein de choses sont venues dans les années 80. Ça semblait être une époque vraiment amusante. Plein de super musique. On peut parler de plein de choses qui étaient bonnes dans les années 80. J’ai entendu plein de gens dire que les années 80 étaient géniales, par exemple mes parents et d’autres. Tout le monde parle en bien des années 80, donc les gens faisaient forcément des choses bien à l’époque. Je ne sors pas ça de nulle part, en essayant de romancer cette décennie parce que mes groupes préférés en viennent. Il n’y avait pas d’internet, et je pense que c’était un monde plus ouvert, les gens vivaient dans l’instant présent, pas comme aujourd’hui, compte tenu de ce que je disais tout à l’heure, avec la bulle des réseaux sociaux et autres.

Il y a d’ailleurs une résurgence des années 80 actuellement, que ce soit au cinéma ou dans la musique. Pensez-vous qu’un groupe comme Crashdïet en bénéficie ?

Martin : Je n’y ai jamais pensé en ces termes, car je ne pense pas que nous sonnions à fond comme un groupe des années 80. Je pense que nous avons un côté hybride dans nos albums, il y a quelque chose de moderne dans notre musique aussi.

Gabriel : Nous essayons simplement d’écrire de la bonne musique, sans trop penser à l’époque dans laquelle nous essayons de puiser notre son, car je pense que de nombreux groupes aujourd’hui sont là : « Oh, on va ramener les années 80 ! » Mais ça ne va pas revenir. Il faut se concentrer sur la chanson – si c’est une bonne chanson, c’est une bonne chanson – plutôt que d’essayer constamment de se référer aux années 80. C’est une bonne façon de voir les choses, le fait de suivre son propre chemin, d’essayer de faire ce qu’on aime, et ne pas trop essayer de sonner comme quoi que ce soit. Evidemment, on a nos influences, mais tellement de gens aujourd’hui essayent de faire des imitations, surtout dans cette musique.

Crashdïet est un groupe fait pour s’amuser mais le glam, le sleaze et le hard rock sont de toute évidence très sérieux pour vous. Du coup, que pensez-vous de Steel Panther en tant que groupe parodique et du succès qu’ils rencontrent ?

Martin : [Petits rires] Je suis partagé. Mais je les ai rencontrés et ça a changé ma perception, car ce sont des mecs plutôt cool. Ils savent ce qu’ils font, mec. Et je le respecte. Je pense que c’est bien qu’ils maintiennent le metal des années 80 en vie. Ça ne nous cause aucun tort, en tout cas. Mais au début, j’étais là : « Euh, c’est quoi ça ? » [Rires] Je ne serais pas… Gabriel, est-ce que tu refuserais s’ils voulaient qu’on tourne avec eux ?

Gabriel : S’ils payent bien… C’est du business ! Non, je veux dire que les gars de Steel Panther, évidemment, ils adorent le même type de musique que nous mais ils font ça de manière plus intelligente que nous. Ils prennent la voie de la facilité. C’est une sorte sketch humoristique, mais j’aime leur musique. Je ne sais pas, certaines personnes pensent que Steel Panther est réel, donc… J’aime assez ce qu’ils font. J’apprécie de les voir.

Vous êtes amis avec le groupe français Blackrain, et en particulier leur chanteur Swan. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette relation ?

Martin : En fait, Swan était un candidat que nous avons auditionné pour Crashdïet, il y a longtemps… Quand était-ce ? Après [H.] Olliver [Twisted], peut-être. Je ne me souviens plus pourquoi nous ne l’avons pas gardé, mais je pense qu’à l’époque, il ne prononçait pas l’anglais comme aujourd’hui [petits rires]. Mais c’est comme ça que nous l’avons connu. C’est un mec talentueux. Nous avons écrit des chansons ensemble après ça. Il y a une chanson qui s’appelle « Caught In Despair » que nous n’avons jamais sortie en format physique, mais nous l’avons sortie en ligne, sur MySpace [petits rires], et c’est devenu un hit là-dessus ; c’était la première chanson que nous avons sortie avec Simon. Et il y a d’autres chansons que nous avons écrites ensemble mais qui ne sont pas encore sorties sur quoi que ce soit. Je veux dire que nous ne sortons pas prendre un café ensemble tous les jours, mais nous nous parlons quand nous nous croisons. C’est un mec sympa !

Interview réalisée par téléphone le 12 août 2019 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel de Crashdïet : www.crashdiet.org.

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