Ce n’est plus à prouver : la pandémie de Covid-19 a été une calamité pour les amateurs de metal du monde entier. Parmi ses dommages collatéraux, les fans de Crowbar auront dû patienter un an et demi supplémentaire avant d’entendre le nouvel album du groupe, pourtant terminé il y a près de deux ans : « L’épidémie a été un moment si triste pour tant de gens, nous nous sommes dit que ce n’était pas le bon moment pour sortir de nouveaux titres », explique le leader du groupe Kirk Windstein. C’est que les Américains ne sont pas connus pour être des gais lurons : poids (ultra) lourds du sludge avec trente ans de carrière et onze albums au compteur, leurs chansons dégoulinantes de gros riffs et d’amertume ne sont pas du genre à alléger l’atmosphère. Originaires de La Nouvelle-Orléans comme leurs confrères d’Eyehategod et de Down (où joue Windstein), ils mêlent la hargne du hardcore et la maussaderie du doom avec une maîtrise qui n’est plus à prouver. Depuis The Serpent Only Lies, leur dernier album sorti en 2016 et malgré la pause imposée par le Covid, les musiciens n’ont pas chômé – Windstein a sorti son premier album solo, Dream In Motion, début 2020 – et avec leur douzième opus, Zero And Below, ils sont prêts à défendre leur statut de valeur sûre.
Et s’il restait des sceptiques dont les doutes n’avaient pas été balayés par le premier single « Chemical Godz », ses riffs grinçants et son atmosphère glauque, les premiers instants de Zero And Below devraient suffire à les convaincre. « The Fear That Binds You » commence sur les chapeaux de roue en effet : les guitares crissent et percutent, la basse tonne, le tintement des cymbales de la batterie fait voir trente-six chandelles, et lorsque la voix de Windstein entre en scène, elle est plus rocailleuse et écorchée que jamais. La production signée Duane Simoneaux est claire et organique, elle permet à la lourdeur légendaire du groupe de prendre toute son ampleur et laisse la place à tous les musiciens de briller. Derrière le rouleau compresseur des riffs de Matthew Brunson et Windstein, la nouvelle recrue Shane Wesley à la basse et le batteur Tommy Buckley s’en donnent à cœur joie, comme on peut l’entendre respectivement dans « Bleeding From Every Hole » et à la fin de « Reanimating A Lie », par exemple. C’est qu’il n’y a pas que la lourdeur dans la vie, tout plombant que cet album soit – c’est de Crowbar qu’on parle – : les guitares font preuve d’un remarquable sens de la mélodie et de l’harmonie, notamment dans « Chemical Godz » et le monumental « Zero And Below », qui s’autorise même des moments désaturés entre deux passages doom écrasants. Au niveau du chant aussi, Windstein, fort de ses récentes expérimentations en solo, se permet plus de nuances : ses passages en voix claire donnent à l’ensemble une coloration années 90 presque grunge qui a tout pour plaire aux fans historiques du groupe…
Car sans renoncer aux bénéfices de l’expérience et à la qualité des productions modernes, c’est bien du côté de ses débuts que lorgne Crowbar dans ce Zero And Below au titre glacial très Type O Negative : le mélange redoutablement accrocheur de riffs gras et d’harmonies n’est pas sans rappeler Odd Fellows Rest, l’un des classiques du groupe. Old school mais pas nostalgique, bilieux mais pas dépressif, Zero and Below rappelle les grandes heures de Crowbar, mais avec une touche de maturité, on est presque tenté de dire de sérénité (!) apportée par les années : de quoi ne plus être dupe ni du milieu de la musique (« It’s Always Worth The Gain »), ni des paradis artificiels (« Chemical Godz »), ni même de la négativité (« Crush Negativity »). Bref, pour Crowbar, on en bave, certes, mais on s’en sort, au moins pour pouvoir raconter ses épreuves. Avec Zero And Below, le groupe ne cherche pas à revisiter une formule qui a fait ses preuves depuis trois décennies, mais la peaufine et la délivre avec une maîtrise et une honnêteté qui impressionnent, et renvoie dans les cordes ses nombreux successeurs…
Clip vidéo de la chanson « Chemical Godz » :
Album Zero And Below, sortie le 4 mars 2022 via MNRK Heavy. Disponible à l’achat ici
J’ai adoré ce disque et je rejoins la chronique, on est sur du très grand Crowbar des 90’s. Leur meilleur disque depuis pfiouu… Sonic ?
Et quel groove sur ce Zero & Below. Ma première grande « joie » musicale de l’année !
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