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Interview   

Cult Of Luna : au fil de l’eau et des ressentis


En 2019, le collectif suédois renversait complètement son processus créatif avec la naissance d’A Dawn To Fear : là où, sur leurs précédentes réalisations, le concept de l’album préexistait à l’écriture musicale (cf. Vertikal et Mariner), c’est désormais la spontanéité de la composition qui fait loi. Fermement ancré dans ce nouveau courant, Cult Of Luna persévère et navigue un peu plus loin dans son intuition viscérale en offrant The Raging River, à la fois conclusion de leur précédent disque, continuité d’une expérience et point de repère supplémentaire à leur voyage.

Orné de cinq morceaux organiques, initiés pour la plupart lors des sessions d’A Dawn To Fear et dont un voit la participation du grand Mark Lanegan, ce nouvel EP résonne de manière ambivalente avec noirceur, puissance et sérénité. C’est avec le frontman Johannes Persson que nous avons eu l’occasion de plonger dans les arcanes de la conception de The Raging River mais aussi dans le contexte de la création de leur propre label Red Creek, en évoquant par ailleurs les vingt ans du premier album de Cult Of Luna.

« Avant, je paniquais juste avant d’envoyer les masters au pressage parce qu’à chaque album, j’avais l’impression que nous avions foiré et ensuite, quand l’album était là et qu’il était sorti, quand je réécoutais, je réalisais que j’avais peut-être sur-réagi. »

Radio Metal : L’EP The Raging River est la continuation du processus de composition intuitif qui a donné naissance à A Dawn To Fear fin 2019. Tout d’abord, quel était le sentiment du groupe après avoir composé, enregistré et sorti A Dawn To Fear ?

Johannes Persson (chant & guitare) : Il y avait un peu de soulagement. Avant d’entrer dans le processus d’enregistrement, on est toujours un peu nerveux à l’idée de ce qui va en ressortir à la fin. Je suis fier de tous nos albums pour des raisons différentes, mais parfois il peut me falloir pas mal de temps pour avoir le sentiment d’avoir réussi à faire quelque chose. Avec A Dawn To Fear, nous avons très vite eu l’impression que nous avions fait quelque chose de spécial. C’est peut-être à cause du processus d’enregistrement que nous avons fait très différemment, quand nous avons traîné ensemble dans un studio en Norvège pendant deux semaines. Les deux ou trois précédents albums que nous avons faits ont été enregistrés en n’étant ensemble que quelques jours et ensuite, nous les avons complétés dans différents studios tout seuls. Donc c’est probablement un mélange entre du soulagement et de la fierté envers le travail accompli.

Avez-vous tous ressenti le besoin de prolonger l’expérience de composition avec un nouvel EP ?

Non, car la majorité des chansons ont été écrites durant la même session que celles d’A Dawn To Fear. La plupart des chansons étaient déjà presque prêtes quand nous sommes entrés en studio en Norvège. Nous avions d’ailleurs déjà enregistré certaines parties et les structures de base. Parfois, quand on entre en studio ou enregistre une chanson, on sent que la chanson a du potentiel mais on réalise que l’enregistrement ou sa forme actuelle n’est pas à la hauteur de son plein potentiel. Donc on la met de côté et on revient dessus plus tard. C’est une continuation de ce que nous avions déjà commencé à faire – nous avons complété le processus. Nous avons composé de nouvelles parties et réécrit les chansons pour les améliorer, et quand nous avions le sentiment qu’elles étaient suffisamment bonnes, nous sommes retournés au studio durant l’été pour tout réenregistrer. Il y a une chanson qui n’avait pas été composée à ce stade, il s’agit de « Three Bridges ». Elle est venue après l’enregistrement de l’album. Nous avons plus ou moins continué sur cette lancée de composition intuitive et « Three Bridges » a été écrite très rapidement, en seulement quelques jours.

Etait-ce une occasion que vous avez saisie suite au temps d’arrêt dû à la pandémie ?

Oui, clairement. C’est l’un des aspects positifs de la chose : on a plus de temps pour faire ce que normalement on n’a pas le temps de faire. Quand tout le circuit des festivals d’été a été arrêté, nous avions tout l’été pour répéter et composer. Sans ça, cet EP n’aurait pas vu le jour.

Dirais-tu que The Raging River sert le même objectif que Vertikal II servait par rapport à Vertikal ?

Oui et non. Vertikal II est également composé de chansons que nous avions enregistrées durant les sessions Vertikal, mais la différence est que Vertikal II referme le chapitre de Vertikal, alors que là ce n’est qu’une continuation. Nous sommes toujours dans le même état d’esprit, donc peu importe ce qui sortira après, ce sera aussi une continuation. Il y a un début mais pas de fin en vue.

Tu as déclaré que c’était « une manière introspective de travailler, le fait de laisser nos instincts ouvrir la marche et ensuite chercher à comprendre où ça nous mène ». Qu’avez-vous appris à propos de vous-mêmes avec cette approche introspective ?

Je ne pense pas que nous ayons appris quoi que ce soit d’un point de vue personnel. Il s’agissait plus de comprendre d’où venait l’impulsion. Ce n’est pas comme si j’avais appris quelque chose de nouveau à mon sujet, c’était plus une question de comprendre quelles étaient les impulsions qui m’affectaient à ce moment-là, quand j’ai écrit ces textes ou ces riffs. C’était tout simplement plus intéressant d’essayer de résoudre un puzzle dans mon propre esprit, pour ainsi dire. Je ne sais pas si c’était un tournant, mais en tout cas, c’était une nouvelle manière d’écrire et peut-être une manière plus libre de faire la même chose, et ceci a permis de chercher à comprendre rétrospectivement ce que nous étions en train de faire et pourquoi, et c’était très différent de la manière dont nous avions l’habitude de travailler avec un thème et une narration. Ça semblait assez naturel. Tous les albums que nous avons faits donnaient tous l’impression d’un nouveau départ. Ça ne paraît plus aussi neuf maintenant, mais tout ce que nous composons, tout ce que nous faisons est désormais plus intuitif qu’auparavant.

« Je n’exagère pas quand je dis qu[e Mark Lanegan] devrait être considéré comme étant tout là-haut aux côtés de Leonard Cohen et Tom Waits. »

As-tu ressenti des doutes par rapport à cette nouvelle approche ?

En tant que personne créative, je pense que c’est bien d’avoir toujours des doutes. Quand on va au studio, on ne sait jamais ce qui va se produire. Si la qualité sera à la hauteur de nos critères ou pas. Rien ne sonne aussi bien quand on répète les morceaux que quand on les enregistre. Ceci dit, mes peurs et mes doutes se sont estompés au fil des années. Avant, je paniquais juste avant d’envoyer les masters au pressage parce qu’à chaque album, j’avais l’impression que nous avions foiré et ensuite, quand l’album était là et qu’il était sorti, quand je réécoutais, je réalisais que j’avais peut-être sur-réagi et que c’était peut-être juste le signe d’un manque de confiance en soi à l’égard de la composition. Le doute est constamment là mais c’est aussi le signe qu’on a des critères élevés par rapport à ce qu’on attend de soi, en tant que groupe.

Avec des chansons telles que « What I Leave Behind » et « Wave After Wave », on peut avoir l’impression que vous peignez un tableau troublé. Peux-tu nous en dire plus sur le sens derrière The Raging River ?

Il y a là-derrière une référence symbolique ainsi que géographique. Concernant la partie symbolique, ça peut représenter plein de choses. En l’occurrence, un esprit en pagaille. Une rivière a une direction ; parfois on arrive à des rapides et parfois elle coule calmement, mais quand on est en plein courant et dans ce qui ressemble à un amas d’eau qui fonce vers l’avant, tôt ou tard, ça finit par se transformer en rivière tranquille voire en eau stagnante. Il y a des références émotionnelles mais ça représente aussi un lieu géographique qui est très important pour moi. Ceci dit, quand il s’agit d’apprécier et de faire l’expérience de l’art, je ne suis pas fan de l’idée de donner des réponses, car alors il n’y a plus matière à discussion ou à vivre la chose. Si je t’explique exactement ce que je veux dire, ça devient ennuyeux. Enfin, je ne fais rien sans bien y réfléchir. Quand on discute d’art avec d’autres gens – ça peut être des livres, des films ou de la musique –, l’œuvre prend une vie à part entière, mais si on a déjà les réponses, qu’y a-t-il à discuter ? C’est la raison pour laquelle je n’aime pas trop en parler. Je peux parler des paroles et des sujets sur un plan général, mais je ne rentrerai pas dans les détails.

La chanson « Inside Of A Dream » a comblé un de tes vieux espoirs, celui de travailler avec Mark Lanegan. Qu’est-ce que Mark Lanegan représente pour toi, en tant qu’artiste et chanteur ?

Je le respecte énormément en tant que chanteur. Je suis un de ses grands fans depuis des années, y compris pour tout ce qu’il a fait avec les Screaming Trees, Mad Season, les chansons qu’il a faites avec les Queens Of The Stone Age, etc. Je pense que ma première expérience, en dehors des Screaming Trees – je les connaissais, mais je n’étais pas encore un grand fan à ce moment-là, je m’intéressais plus à d’autres groupes et à d’autres types de musique –, c’était probablement ce qu’il a fait avec les Queens Of The Stone Age sur l’album Songs For A Deaf, mais ensuite je suis vraiment tombé amoureux de son album Bubblegum quand il est sorti en 2004 – je l’ai écouté en boucle. De même, plus tard, j’ai adoré son travail avec le groupe The Gutter Twins – ils n’ont rien sorti depuis dix ans, je ne sais pas s’ils existent encore, mais leur album Saturnalia est extraordinaire. Une chose que j’apprécie vraiment avec son art, c’est qu’il ne cesse de passer par différents styles – il a fait des collaborations avec des auteurs-compositeurs, il avait sa propre musique un peu blues rock au début, et maintenant il est plus dans un truc post-punk – et tout est génial ! Il couvre différents genres musicaux, et il a envie et est ouvert à l’idée d’essayer de nouvelles choses. En tant que musicien, je sais à quel point c’est dur de se réinventer. Je trouve qu’il s’est bien débrouillé durant les vingt-cinq dernières années !

Comment as-tu songé à lui pour la chanson « Inside Of A Dream » ?

Quand il a sorti en 2004 son album Bubblegum et que j’en suis tombé amoureux, ça coïncidait avec le moment où nous avons composé Somewhere Along The Highway. Durant cette session, nous avions une chanson que nous avons appelée « Lanegan Song » parce que nous pensions que sa voix irait parfaitement dessus, mais nous n’avions pas les tripes de lui demander à l’époque. Nous étions juste, pas des gamins mais presque, avec ce fantasme de le voir chanter sur notre musique, mais ça nous est resté en tête. Donc quand nous avons eu cette chanson et que nous avons parlé du chant que nous devrions faire dessus, c’est revenu : « Maintenant, quinze ans plus tard, peut-être est-ce le moment de demander à Mark de le faire. » A moitié en plaisantant, à moitié sérieusement, j’ai envoyé un SMS à notre manageur pour lui demander s’il connaissait quelqu’un qui travaillait pour Mark, il se trouve que c’était le cas ! Il connaissait très bien son manageur. C’était ce genre de truc où un manageur parle à un autre manageur – une histoire très banale – mais plus tard, nous sommes rentrés directement en contact et je lui ai envoyé le morceau, et il me l’a renvoyé. Il l’a fait super rapidement ! Si tu as entendu la chanson, tu connais le résultat : il ne peut rien faire de mal [rires].

Qu’est-ce qui fait que vous avez eu les tripes cette fois de le contacter ? C’est juste une question de maturité ?

Probablement, plus on vieillit, plus on se fiche de se ridiculiser. C’est comme tout dans la vie, si tu obtiens un refus, ce n’est pas grave, tu passes à autre chose. Alors que quand nous étions plus jeunes, un refus nous aurait peut-être paru catastrophique. Je pense aussi que plus on vieillit, plus on gagne en confiance en soi. Je veux dire qu’à mesure que le groupe grandit, inconsciemment, ton idée de ce qui est possible grandit aussi. Nous ne sommes pas à un niveau où on peut demander à une superstar de participer à un morceau en pensant qu’elle en a quelque chose à faire… C’est dur à expliquer ! C’est simplement qu’avoir un refus ne me pose plus tellement de problème.

« Si tu restes fidèle à ton art, je pense qu’à long terme, ça sera beaucoup plus payant que si tu commences à faire trop de compromis. »

Avais-tu des attentes particulières ou bien l’as-tu laissé faire son propre truc ?

Comme je l’ai dit, nous sommes entrés en contact direct et il m’a envoyé un e-mail. J’avais plein de choses à faire à ce moment-là, mais je voulais trouver le temps de lui écrire un long et joli e-mail, donc ça m’a pris une semaine pour trouver ce temps qui me paraissait nécessaire pour faire ça. Je lui ai demandé s’il voulait écrire les paroles ou s’il voulait que je m’en occupe. Je lui ai dit qu’il pouvait faire ce qu’il voulait, qu’il était totalement libre. J’avais quelques idées dont je lui ai parlé. Peut-être une heure plus tard, j’ai reçu une réponse de sa part disant qu’il l’avait déjà enregistré [petits rires] et qu’il ne pouvait pas le refaire car il n’avait plus accès au studio. Il l’a donc complètement fait à sa sauce et, comme je l’ai dit, il ne peut rien faire de mal, évidemment. Sa voix est un don unique et il a une manière de travailler avec sa voix qui lui est totalement propre. Il y a très peu d’artistes comme ça ; il y a plein de grands artistes, plein de grandes voix, bien sûr, mais il y a ces voix qui sont à un autre niveau. Je n’exagère pas quand je dis qu’il devrait être considéré comme étant tout là-haut aux côtés de Leonard Cohen et Tom Waits, car sa voix est de ce niveau.

Concernant le voyage que représentent A Dawn To Fear et The Raging River, tu as déclaré que « certains aspects sont aussi clairement circulaires ». Que voulais-tu dire par là ?

On parle de l’expérience d’écriture générale, car tout est linéaire dans la composition – tu avances d’un point à un autre – mais à certains égards, tu te retrouves aussi à faire des retours arrière. Tu utilises peut-être le même genre de vieux motifs que tu as utilisés précédemment, par exemple. Enfin, j’ai toujours envie de conserver un élan et d’aller dans une certaine direction, et quand j’ai l’impression que nous faisons la même chose, je préfère ne pas le faire, mais ça ne me dérange pas – et c’est probablement ce que je voulais dire en parlant de circularité – d’emprunter des choses qui sonnent un peu comme d’anciennes musiques ou donnent l’impression de venir de notre discographie passée. Quand on parle d’art et de musique en particulier, c’est dur d’en parler en termes de règles ou de faits, car tout dépend de la manière dont on en fait l’expérience, mais je pense qu’il y a plein de choses dans cet EP qui peuvent rappeler aux gens différentes périodes dans notre composition, c’est sûr.

The Raging River sort via votre label Red Creek, que vous venez de créer. Qu’est-ce qui vous a fait penser que c’était le bon moment de fonder votre propre label ?

Pour être honnête, ça faisait longtemps que nous avions cette idée de créer notre propre plateforme. Nous avons sorti deux EP quarante-cinq tours et un livre il y a de nombreuses années – genre dix ans – mais nous n’avons jamais eu le temps ou la connaissance pour le faire au niveau auquel nous le faisons aujourd’hui. L’idée a toujours été là mais nous n’avions jamais le temps d’en discuter ou de nous y mettre. Comme chacun le sait, tout le monde a beaucoup de temps à sa disposition depuis ces derniers mois et je pense que c’est en grande partie la raison pour laquelle nous faisons ça maintenant. Pour pouvoir créer un label, il faut s’atteler à un tas de trucs bassement pratiques, tout le travail administratif nécessaire quand on crée une entreprise. C’est super ennuyeux. Je ne connaissais rien à tout ça, tous les codes qu’il faut créer pour les différentes autorités… J’ai appris toutes ces choses sur le tas. Si nous avions dû nous concentrer sur des tournées et des festivals, je ne pense pas que nous aurions pu nous occuper de Red Creek. Le temps en extra que nous avons est probablement la meilleure réponse que je peux te donner.

Tu as déclaré que vous recherchiez « plus de liberté » et que ce label a été créé pour accueillir « en toute sécurité » votre art. Est-ce que ça veut dire que tu as l’impression d’avoir manqué de liberté ou de sécurité pour votre art auparavant ?

Je ne parlerais pas forcément de manque de liberté. Je veux dire qu’être sur un label implique toujours des compromis. Quand tu travailles avec quelqu’un, tu ne peux pas toujours avoir exactement ce que tu veux. Je ne me plains pas mais c’est comme ça que ça marche. En conséquence, je ne dirais pas que nous avons manqué de liberté car nous n’avons subi aucune interférence, mais c’est plus facile quand on a le contrôle du processus complet. Je dirais que la motivation est plus dans le fait d’avoir notre propre plateforme, notre propre chez-nous. C’est plus important que la « liberté », pour être tout à fait honnête. Ensuite, nous voulons aussi travailler avec les meilleurs partenaires que nous connaissons et en qui nous avons confiance. C’est ce qu’il y a de bien quand on fait ça depuis aussi longtemps : au fur et à mesure, on apprend à connaître des gens, on apprend par l’expérience en qui on peut avoir confiance, en qui on ne peut pas avoir confiance, qui connaît différentes choses, qui connaît le mieux la presse, qui connaît la distribution, etc. Mais ça va sans dire, car tout le monde – j’espère – aspire à travailler avec les meilleures personnes.

« Je suis assez surpris que nous ayons été capables de faire ce genre de composition musicale [sur notre premier album] quand nous étions si jeunes ! »

Quels ont été les compromis que vous avez faits par le passé et que vous n’êtes plus obligés de faire en ayant Red Creek ?

Je ne pense pas que ce sera si différent que ça. Enfin, faire des interviews deux ou trois heures tous les soirs, jour après jour, c’est un compromis. Ça ne me dérange pas de faire des interviews. Je n’aime simplement pas en faire énormément sur une même période, mais je le fais. Ça me va, pas de problème, mais c’est clairement un compromis, car je pourrais faire d’autres choses en ce moment que juste faire des interviews. Par rapport au passé, si nous avions une idée de packaging qui était peut-être trop chère à réaliser pour notre label, par exemple, ils pouvaient simplement dire non, alors que si c’est nous qui décidons, nous pouvons dire « on le fait », même si ça coûte cher. Nous n’avons pas la pression de l’argent, car c’est une entreprise dont personne ne dépend financièrement. De même, je déteste sortir des singles. Je trouve que sortir des singles détruit l’expérience de l’album pour l’auditeur, mais à la fois, je comprends que c’est comme ça que ça marche, et je peux faire un compromis avec ça. Je vais devoir faire des compromis avec ça même si nous sommes sur notre propre label, car je comprends qu’il faut promouvoir notre produit, autrement on perd de l’argent, mais je préfèrerais ne pas le faire. Mais je dirais que nous faisons de moins en moins de compromis à mesure que nous vieillissons et sortons des albums. Pour notre premier album chez Earache, par exemple, nous avons fait plein de choses que nous ne ferions pas aujourd’hui, comme un clip que personne n’a aimé, avec un réalisateur que personne ne connaissait, qui ne connaissait rien du groupe, ou des shootings photos… Des choses que nous ne voulions pas faire mais que nous avons quand même faites, mais plus tard, nous disions juste non ! C’est ça le truc : tu vieillis et tu réalises que tu peux dire non. Tu peux refuser de faire quelque chose simplement parce que quelqu’un te demande de le faire, mais on l’apprend avec l’expérience. Ce n’est pas la fin de ta carrière musicale si tu dis non parce que tu n’aimes pas. Si tu restes fidèle à ton art, je pense qu’à long terme, ça sera beaucoup plus payant que si tu commences à faire trop de compromis.

Cette année marque les vingt ans du premier album de Cult Of Luna. Quel regard portes-tu sur vos premiers pas créatifs en tant que groupe ?

Je suis assez surpris que nous ayons été capables de faire ce genre de composition musicale quand nous étions si jeunes ! Je suis parfois surpris quand je réécoute des choses que nous avons faites. Il y a des choses qui paraissent un petit peu distantes, presque comme : « Comment est-on parvenus à faire ces trucs compliqués que je ne serais pas capable de faire maintenant ? » Ce n’est pas tout à fait vrai, mais c’est l’impression que ça donne. Ça fait des années que je n’ai pas écouté le premier album. C’était complètement différent de l’écrire par rapport à tout ce que nous avons fait depuis, car toutes les chansons qu’on entend sur cet album, nous ne les avons pas écrites en sachant que nous étions en train de faire un album. Nous les avons juste écrites parce que nous voulions écrire de la musique. Ensuite, nous avons eu l’opportunité d’enregistrer un album et nous avons enregistré tout ce que nous avions. Ça n’a pas été écrit comme un album, comme les albums que nous avons faits après. Aujourd’hui, quand nous écrivons, nous savons que nous le faisons pour un album et nous adaptons notre composition dans cette optique. A l’époque, nous écrivions seulement par passion, pour nous exprimer à travers la musique. Nous répétions beaucoup, nous composions ensemble. C’était tout pour le plaisir. Mais ce serait intéressant de réécouter cet album !

Aurais-tu imaginé que Cult Of Luna devienne le groupe qu’il est devenu aujourd’hui, par rapport à ce qu’il représente dans la scène mais aussi à la musique qu’il a produit au fil des années ?

Non ! Loin de là. J’ai réalisé la manière dont les gens nous perçoivent il y a seulement quelques années, parce que nous n’avions pas conscience d’avoir la moindre importance. Peut-être que c’est aussi une histoire de confiance en soi. Mais pour revenir à ce que je disais, quand nous avons sorti toute la musique que nous avions, de manière pratique, quand on est jeune, on ne peut pas imaginer les cinq, dix ou vingt prochaines années, en tout cas j’en étais personnellement incapable – je ne sais pas pour le groupe, car nous sommes un collectif de personnes. J’ai toujours travaillé en ayant l’objectif suivant en tête, genre après ci on fera ça, après ça on fera ci, mais ensuite, tout d’un coup, vingt ans se sont écoulés et je me retrouve avec je ne sais combien d’albums que nous avons sortis. Donc je dirais qu’en aucun cas je n’aurais pu prévoir ceci il y a vingt ans. Cependant, composer et jouer de la musique est mon moteur dans la vie. Je pense que c’est quand même ce que j’aurais fait pendant vingt ans, mais peut-être pas à ce niveau, peut-être pas ce genre de musique… Je ne sais pas. Donc composer de la musique et tout ça, c’est quelque chose que je me voyais faire vingt ans plus tard.

Tes motivations artistiques ont-elles évolué au fil des années ?

Pas tellement ! Nous ne faisons que composer la musique que nous aimons. C’est une chose dont je suis très fier par rapport au groupe : nous n’avons jamais essayé de faire quelque chose qui pouvait paraître malhonnête. Nous avons toujours fait ce que nous avions en tête et nous avons eu la chance de pouvoir concrétiser nos visions. Ça ne me paraît pas si différent d’il y a vingt ans, très franchement. Ça reste la même paire d’yeux qui me voit jouer de la guitare quand je joue, ça reste la même personne qui compose tout, ce n’est pas très différent. Peut-être que je suis un meilleur compositeur aujourd’hui, ou peut-être pas. Je ne sais pas. Ça ne me semble pas avoir changé.

Je sais que c’est probablement trop tôt pour discuter de la suite pour Cult Of Luna, mais as-tu déjà la moindre idée de la direction que vous comptez prendre ?

Peut-être bien, mais ça ne veut pas dire que je vais répondre à la question. Ecoute, j’ai tout le temps plein d’idées. Lesquelles de ces idées vont se concrétiser ? Je n’en ai aucune idée, pour être honnête.

Interview réalisée par téléphone les 14 & 20 janvier 2021 par Julien Gachet & Nicolas Gricourt.
Retranscription : Floriane Wittner & Nicolas Gricourt.
Traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel de Cult Of Luna : www.cultofluna.com.

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