En cette belle fin de journée de printemps, le soleil disperse un peu les foules venues célébrer les dix ans de Somewhere Along The Highway, le quatrième album de Cult Of Luna. Des foules qui finissent néanmoins par se rassembler devant la Gaîté lyrique, peu avant l’ouverture des portes, et n’hésitent pas à exprimer leur impatience d’entrer enfin. La nuit n’est pas encore tombée quand leur souhait est exaucé, et nous quittons le soleil devenu timide pour l’obscurité suédoise d’Umeå.
Moloken ouvre cette soirée placée sous le signe de la musique expérimentale, progressive et aux notes post-hardcore obscures. On peut dire que le groupe introduit parfaitement Cult Of Luna, tant les univers des combos, tous deux venus d’Umeå -haut lieu de la musique metal-, sont proches.
Artistes : Cult Of Luna – Moloken
Date : 12 avril 2016.
Salle : Gaieté Lyrique.
Ville : Paris.
L’atmosphère est sombre à souhait, oscillant entre riffs et rythmiques puissants et fédérateurs, et accalmies mélodiques sombres, portés par les chants hurlés de Kristoffer Bäckström, Nicklas Bäckström et Patrik Ylmefors, dont les voix se répondent, jouant habilement sur l’effet d’écho. Sans un enthousiasme excessif, le public paraît assez réceptif et applaudit la performance, qui donne presque à la perfection le ton de la soirée, entre jeux de lumière à tendance hypnotiques, fumée nébuleuse, et atmosphère ténébreuse.
Après cette brève première partie, Cult Of Luna entre en scène, prêt à célébrer avec la foule quelque peu hétéroclite de la Gaîté, le dixième anniversaire d’un album qui a qui a marqué sa carrière, comme nous l’expliquait Johannes Persson. Mais mettez de côté toute démonstration de joie ou de véritable enthousiasme, ne reste des bougies qu’une épaisse fumée échappée des mèches éteintes, et de lumière presque nulle trace. Cela dit rien de particulièrement étonnant à ça, ambiance oblige, pour parfaire la musique mélancolique du groupe. L’effet est indéniable, l’assemblée est plongée dans une sorte de méditation hallucinogène, dans un état hors conscience, presque une transe, le corps retrouve dans la musique de Cult Of Luna son rythme interne et est presque irrépressiblement transporté par les rythmiques intenses et primordiales, voire biologiques et parfois tribales.
De fait, la foule est portée par un même élan, se soumet volontiers à lui -difficile d’y résister (alors force est d’y céder entre deux clichés)-, entre lenteur, gravité mélancolique, hypnotisme et envoûtement, et violente rapidité, martelée par le chant hurlé de Johannes Persson. Tout cela mis en avant par des jeux de lumière stroboscopiques.
Par delà les variations caractéristiques de rythme et d’intensité, perceptibles dès les premiers titres « The Sweep » et « Light Chaser » comme sur les morceaux entièrement repris de l’album Somewhere Along The Highway en seconde partie de show, dont la magnifique « Finland », les variations vocales ont également leur place. Ceci entre la chant agressif de Johannes Persson et le chant clair au timbre plus grave et doux de Fredrik Kihlberg, sur « Marching To The Heartbeats » ou « And With Her Came the Birds » par exemple, sur lesquelles les ténèbres de la salle sont éventrés par des rayons lumineux acérés. Globalement l’accent est particulièrement porté sur les instruments, au service d’une musique épurée et efficace.
Les deux batteurs sur scène sont impressionnants, de même que Johannes Persson qui, à plusieurs reprises, se jette littéralement sur son micro et se démène avec sa guitare. L’assistance est indéniablement sensible à la musique du groupe, en témoigne le contraste entre les fins de quelques morceaux très douces et mélodiques et les beuglements enthousiastes qui leur succèdent. S’il y a une forme de transport, toutefois nous sommes assez loin de la surexcitation et des explosions de joie, rien de très étonnant là dedans -encore une fois-, mais en l’occurrence l’ambiance morne est peut-être trop exacerbée. Et ce ne sont pas les quelques avaries techniques qui vont arranger les choses…
Au contraire, elles confortent la déception de certains, font éclore l’impatience d’autres, soulignent probablement le déroutement de tous… En effet, si la musique est essentielle et remarquable en soi, le silence tient paradoxalement une place non négligeable dans ce concert. Un fait renforcé par des musiciens pour le moins avares de paroles. Les premiers et derniers mots du groupe à l’adresse du public, prononcé par Johannes Persson, « Thank you », closent le show qui n’en est pas moins salué par une ovation, après un « Dark City, Dead Man » qui ne cesse de croître en intensité jusqu’à l’acmé finale.
Setlist :
The Sweep
Light Chaser
Owlwood
Echoes
I: The Weapon
Waiting For You
Somewhere Along The Highway
Marching To The Heartbeats
Finland
Back To Chapel Town
And With Her Came The Birds
Thirtyfour
Dim
Dark City, Dead Man
Live report et photos : Elena Delahaye.