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Chronique Focus   

Cynic – Ascension Codes


Cynic aurait pu ne pas se relever. Peu de groupes parviennent à surmonter ce qu’il a vécu. Le trio emmené par Paul Masvidal a perdu deux de ses composantes historiques : les décès prématurés du batteur et cofondateur du groupe Sean Reinert en janvier 2020, cinq ans après son départ surprise du groupe pour différends artistiques et personnels, et celui du bassiste Sean Malone en décembre de la même année. 2020 est donc une année maudite pour Paul Masvidal qui doit en outre composer avec le contexte de pandémie mondiale. De quoi fermement douter quant à la possibilité d’un successeur au troisième opus Kindly Bent To Free Us (2014). C’était sans compter sur la détermination de Paul Masvidal à faire « progresser » sa musique au sens propre en dépit des épreuves, aussi rudes soient-elles. C’est cette résolution ferme quant à son orientation musicale qui a fait de Focus (1993) un monument du death technique, tout comme Traced In Air (2008) amorçait la transition vers une musique à la palette encore plus large, confirmée par Kindly Bent To Free Us ou encore le single Humanoid (2018). Le quatrième effort de Cynic, intitulé Ascension Codes, est sans doute l’œuvre la plus chargée émotionnellement pour sa tête pensante et a une tâche d’une ampleur considérable : présenter le Cynic d’après, s’il doit exister.

Suivre l’évolution de la musique de Cynic est une entreprise audacieuse. Entre le death technique de ses origines et ses ramifications progressives et expérimentales, l’esprit de Masvidal conserve une part d’insondable qui fait la beauté de son œuvre. Il s’est entouré – outre plusieurs invités dont Plini – de Dave Mackay pour les parties de basse et les plages de synthétiseur ainsi que du batteur Matt Lynch pour les « drumscapes », une nuance qui en dit long sur la manière d’appréhender Ascension Codes. Il est effectivement impossible de parcourir Ascension Codes convenablement sans y allouer toute l’attention nécessaire. Les neuf titres qui jalonnent l’opus s’enchaînent de manière organique par le biais de neuf transitions : difficile de rendre justice au travail des musiciens sans respecter scrupuleusement le tracklisting. Chaque transition est à la fois une conclusion et une préparation aux titres qu’elle côtoie, à l’instar des sonorités aériennes de « Mu » qui aboutissent aux basses ronflantes de « The Winged Ones ». Cynic multiplie les enchevêtrements de mélodies aux progressions inattendues et les modifications de structure qui tiennent la fluidité pour seul credo. « The Winged Ones » propose ainsi un hybride entre rock progressif, ambient, metal et jazz. Les premières élancées vocales de Paul Masvidal n’interviennent réellement que sur « Elements And Their Inhabitants » et sont volontairement camouflées au milieu d’un magma sonore aussi dense que limpide. Au-delà d’une technicité omniprésente, Cynic a conservé un certain sens du spectacle et sait ménager quelques instants cathartiques, ceux où l’agressivité du riffing prend le pas sur les florilèges de notes.

« Mythical Serpents » est peut-être le titre qui illustre le mieux ce que désire Cynic : faire s’effondrer la notion de registre musical quitte à en détourner les codes. Le growl – presque subliminal – devient symboliquement l’appui d’une mélodie encore balbutiante qui prend peu à peu de l’ampleur en l’abandonnant. Cynic ne se refuse pas pour autant à quelques riffs plombés « traditionnels », à l’image des pics d’agressivité de « 6th Dimensional Archetype ». Tout finit néanmoins par embrasser l’univers éthéré d’Ascension Codes et son exigence : « DNA Activation Template » nous remémore le thème mélodique des débuts de l’album à condition d’y accéder en parcourant plusieurs paysages bruitistes. Au terme de la première écoute, on appréhende seulement des bribes du propos d’Ascension Codes. Le dernier morceau « Diamond Light Body » est d’ailleurs l’un des titres les plus complexes de la discographie du groupe, une composition protéiforme aux mouvements à peine saisissables. Il y a pourtant une évidence qui apparaît : en respectant certains traits de la philosophie bouddhiste, Ascension Codes prône l’expérience et le parcours plutôt que la finalité.

Ascension Codes est un itinéraire en neuf étapes où chaque interlude forme un repos nécessaire pour se ressourcer et réfléchir avant de reprendre l’élévation. Cynic persiste dans sa quête de spiritualité, une nécessité pour Paul Masvidal qui doit trouver la force d’exister sans deux amis de longue date au talent immense. Ascension Codes est une réponse vibrante d’une beauté qui se dévoile avec le temps : l’attachement ne doit jamais entraver la quête.

Chanson « Mythical Serpents » :

Album Ascension Codes, sortie le 26 novembre 2021 via Season Of Mist. Disponible à l’achat ici



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