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Nouvelles Du Front   

Daevid Allen : son dernier coup de Gong


Daevid-AllenSi le monde du sport a pleuré certains de ses athlètes en début de semaine dernière, en fin de semaine, c’est le monde de la culture qui a enfilé son brassard noir, souffrant du départ de deux artistes, deux créateurs de mondes. D’abord l’écrivain anglais Terry Pratchett, auteur des aventures hautement fantaisistes dans le Disque-Monde, immédiatement suivi par le musicien, chanteur et poète d’origine australienne Daevid Allen, fondateur du groupe Gong. Si le monde a semblé plus gris les jours suivants, c’est sans doute parce que sans ces esprits hauts en couleurs, c’est un peu d’excentricité qui s’en est allé, en particulier avec le second.

Daevid Allen était un de ces « freaks », un de ces marginaux comme il en poussait dans les années 60, mais plus encore il était un de ces artistes qui, dans le monde des musiques pop de cette époque, ont dépassé les limites de la créativité, jusqu’au loufoque, parmi des Zappa, Captain Beefheart, Screaming Lord Sutch ou, l’un des derniers survivants de cette espèce, son ami Arthur Brown. Mais Daevid Allen n’est plus. Il est reparti pour la planète Gong où volent les théières et où l’attendent Pot Head Pixies, Octave Doctors ou un héros appelé Zero. C’est à 13h05, vendredi 13 mars 2015, en Australie, chez lui, que l’artiste s’est éteint paisiblement, entouré de ses fils, à l’âge de 77 ans.

Ce décès n’est une surprise pour ceux qui suivaient encore les tribulations de Daevid Allen que parce que chacun espérait qu’il ne surviendrait pas avant quelques mois. Il avait passé une partie de l’année 2014 à lutter contre le cancer à coups de radiothérapie – annulant par conséquent nombre de concerts, et donc la dernière chance pour beaucoup de le voir une dernière fois sur scène. Et en octobre dernier, il était dit remis, faible mais sauf après s’être donné à fond dans le traitement, avec une dernière phase avec double dose de radiations : « Daevid est aussi frêle qu’il est possible de l’être, plus que brisé, très calme et […] il a perdu beaucoup de poids – mais plus important le cancer est parti. Vient maintenant le lent périple pour redevenir un homme de 77 ans en pleine santé, heureux et indépendant. » Pour ce retour en forme, il allait tout miser sur la naturothérapie.

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Gong en 2014 (photo : Angelo Pastorello)

Entre temps, il avait déjà enregistré avec Gong un nouvel album, I See You, sorti en novembre dernier, chant du cygne dont seul le dernier titre peut paraître funèbre a posteriori, après avoir chanté un long « Thank You », merci pour la musique. Une ultime fantaisie toujours musicalement très maîtrisée, « non-orthodoxe et imprévisible », dans un éventail sonore extrêmement varié entre folie free jazz, prog à grosses guitares, psychédélisme et même un peu de poésie en talk-over, avec un line-up totalement renouvelé depuis le précédent album (2032, en 2009) à l’exception de la présence en « guest » de Gilly Smith. Fidèle à lui-même, Gong ne ressemble sur ce disque à rien d’autre que Gong et démontrait que la source créative de Daevid Allen était toujours fraîche, même quand le Crabe y trempe ses pinces.

Pourtant, le 5 février 2015, une tragique nouvelle arriva : le cancer contre-attaquait, plus fort que jamais et ne laissait à Allen que six mois à vivre : « Salut bande de martins-pêcheurs, OK voilà. J’ai passé mon scanner et c’est donc maintenant confirmé : l’envahissant cancer est de retour et s’installe avec succès pour résider en dominant dans mon cou. Au début, la chirurgie en avait retiré le plus gros mais le cancer s’est maintenant régénéré avec une vigueur renouvelée tout en s’étendant jusqu’au poumon. Le cancer est maintenant si bien installé qu’on me donne approximativement six mois à vivre.

Alors mon point de vue a changé : ça ne m’intéresse pas de poursuivre sans fin les opérations chirurgicales et en fait c’était un soulagement de savoir que la fin était en vue. Je suis un fervent croyant de « La Volonté des Choses Telles Qu’elles Sont » et je crois aussi que le temps est venu pour moi d’arrêter de résister et de nier et de me rendre à la façon dont vont les choses. J’espère seulement que durant mon voyage, j’ai, d’une certaine façon, contribué à apporter du bonheur dans les vies de quelques uns de mes compagnons humains. Je crois avoir fait de mon mieux pour guérir, chers amis, et que vous avez été d’une aide immense pour me soutenir durant cette période. Alors merci, merci infiniment d’avoir été là avec moi, pour cet Océan d’Amour. Et maintenant, plus important, merci de commencer le processus pour me laisser partir, faire votre deuil et transformer et célébrer cette mort à venir – c’est ainsi que vous pouvez participer, ce sera un grand don de la part de ceux qui sont impliqué émotionnellement et spirituellement avec moi.

Je vous aime et serai toujours avec vous. »

Six mois à vivre, c’était certainement à condition de continuer un traitement dur. Néanmoins, sa disparition un seul mois après ce message est tout de même un coup dur pour tout ceux qui espérait que le cosmos offrirait un peu de répit et de temps à ce magicien psychédélique. C’est son fils Orlando Allen qui l’a appris au monde :

« Et ainsi Dada Ali, Bert Camembert, le Dingo Virgin, le Divided Alien et ses douze autres moi se préparent à passer la voie huilée en direction de la planète de l’amour. Et je me réjouis et dis merci. Merci à toi cher, cher Daevid pour m’avoir présenté à ma famille de Magick Brothers et Mystic Sisters, pour avoir dévoilé les mystères, tu étais le maître bâtisseur mais maintenant tu as fait de nous tous les maîtres bâtisseurs. Tout comme la roue éternelle tourne, nous perpétuerons ton message d’amour et le répandrons. Nous sommes tous un, nous sommes tous Gong. Repose toi bien mon ami, vogue sur l’Océan de l’Amour. La vibration du Gong retentira toujours et sa vibration toujours s’élèvera et s’accroitra. Tu as laissé un si bel héritage et nous nous assurerons qu’il resplendisse pour toujours à travers nos enfants et leurs enfants. Le moment le plus heureux de ta vie est là. Sois béni. »

L’histoire de Gong tient souvent du réel comme de l’imaginaire. Au début des années 60, Daevid Allen vibre au rythme de la culture beat, marchant dans les pas de Burroughs, jouant dans des adaptations théâtrales des romans de l’écrivain, expérimentant sur les boucles sonores… Émigré en Europe, sa carrière artistique commence dans les clubs parisiens mais c’est de l’autre côté de la Manche qu’il fonde son premier groupe majeur, Soft Machine, qui sera au cœur de la scène psychédélique de Canterbury qui préparera la venue d’autres formations prog et psyché majeures dans les années à venir dont Pink Floyd. Nous sommes en 1966 et Allen a eu une vision : toute sa vie a été planifiée – il a eu un aperçu des plans – et est supervisée par des entités à l’intelligence supérieure. Il les appelle Octave Doctors et seront certains des protagonistes principaux de la mythologie Gong. Mais pour l’instant, cette vision est au fondement de l’existence de Soft Machine.

Mais Allen ne va pas rester longtemps dans Soft Machine. Étant Australien, de retour d’une tournée en France, on lui interdit de rentrer en Angleterre. Il reste donc à Paris et fonde Gong – à la même époque, un autre géant du prog germe en France : Magma – pour poursuivre sa vision. Naîtront alors en une poignée d’années quelques œuvres majeures du prog et du rock psychédélique : Magick Brother, leur premier disque, en 1969, suivi de Camembert Électrique en 1971, puis vient un triptyque central dans l’œuvre du groupe puisque développant l’essentiel de sa mythologie, offrant une visite de la planète Gong : c’est la trilogie Radio Gnome Invisible formée par Flying Teapot (1973), Angel’s Egg (1973) et You (1974).

Mais c’est aussi la fin d’une époque car les principaux membres du groupe quittent l’aventure : à commencer par le couple formé par la chanteuse Gilly Smith et Daevid Allen lui-même, puis un an plus tard le guitariste Steve Hillage. Néanmoins Gong n’est pas mort (comme l’indique le live de 1977 Gong Est Mort, Vive Gong, bien que les membres partis y fassent un come-back passager) et survit à travers diverses formations : Pierre Moerlen’s Gong, Mother Gong (mené par Gilly Smith), New York Gong (avec Allen, le temps d’un album en 1979). Jusque dans les années 80, Allen se consacre essentiellement à la poésie, au théâtre et au rebirth avant de revenir à Gong (entre temps, la version dirigée par Pierre Moerlen a cessé d’exister) aux débuts des années 90. Le groupe évoluera encore dans les années 2000, donnant naissance à l’expérience Acid Mothers Gong avec les membres du groupe japonais, fiers héritiers de Daevid Allen, Acid Mothers Temple. Gong retourne même progressivement au line-up le plus proche de la trilogie Radio Gnome en 2009 sur l’un de leurs meilleurs albums depuis le retour d’Allen : 2032, narrant le contact entre la Terre et la planète Gong, avec le retour notamment de Steve Hillage à la guitare et à la production, dans un disque à la couleur très fusion.

L’âge avançant, Daevid Allen n’a jamais cessé d’être ce jeune homme qui a fondé cet univers peuplé de théières volantes et de lutins extraterrestres. Et même la maladie ne lui a pas fait perdre le sourire, comme le prouve sa dernière apparition publique le 27 février au Pizza Paradiso dans Suffolk Park à Byron Bay (Australie) où poètes, écrivains et artistes locaux ont rendu hommage à la poésie de Gilly Smith et Daevid Allen. Ce dernier a lui-même pris le micro pour déclamer un texte extrait du Prophète de Khalil Gibran. Si son visage trahissait son état de santé, son regard et son sourire montraient encore un personnage à l’âme radieuse. Et si le texte choisi fait écho à sa propre mort, il ne parle pas de fin absolue, mais d’un moment où chant et danse commenceront vraiment :

« Car qu’est-ce que mourir, si ce n’est être debout, nu, face au vent et fondre dans le soleil ?
Et qu’est-ce que cesser de respirer sinon libérer le souffle de ses marées tempétueuses, afin qu’il s’élève et se dilate et recherche Dieu sans entraves ?
C’est seulement quand vous aurez bu à la rivière du silence que vous chanterez vraiment.
Et quand vous aurez atteint le sommet de la montagne, vous commencerez votre ascension.
Et quand la terre réclamera vos membres, alors vous danserez vraiment. »

Merci Daevid Allen d’avoir foulé cette Terre. Vous êtes maintenant reparti pour la vraie planète Gong. Ici, votre œuvre sera perpétuée par le souvenir et peut-être, comme peut le laisser à penser l’épitaphe d’Orlando Allen, par vos descendants qui continueront à faire vibrer le groupe Gong.



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  • je suis d’autant plus triste,que Daevid Allen avait quelque chose d’intemporel , hors du temps . il était une personne extrêmement touchante , il avait une belle âme ….
    nous avons beaucoup écouté ses disques solo et ceux de Gong dont il était l’inventeur … avec toute cette mythologie burlesque et drôle .

    Daevid Allen m’a toujours fasciné …

    on ne l’oubliera pas .

    Vogues, vogues Daevid , vers la planète GONG , la planète Verte ….

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