Dagoba, tête d’affiche au Bataclan, l’étape est forcément importante pour le groupe qui franchit là un palier. Ses passages parisiens en tête d’affiche avaient en effet plutôt lieu jusqu’à présent dans des salles de capacité plus modeste. Il reste encore néanmoins du chemin à parcourir pour les Marseillais, car la salle du boulevard Voltaire n’affiche pas complet, le balcon restant fermé. La faute à un passage récent dans la capitale en décembre dernier ? La faute à une belle affiche la veille dans cette même salle (avec Behemoth et Cradle of Filth), les portes-monnaies n’étant pas extensibles ?
Certainement pas la faute à Post Mortem Nihil Est, la dernière production de Dagoba éminemment réussie sous la houlette de Logan Mader, producteur américain réputé. A propos d’Amérique, comment nos Marseillais reviennent de leur escapade aux États-Unis ? Gonflés à bloc, plus percutants que jamais ? Usés par un rythme de tournée encore plus infernal qu’un championnat de foot ? Blasés après avoir touché au rêve américain ? Les fans qui ont fait le déplacement se sont déjà fait leur opinion. Les autres sont invités à suivre le récit de cette soirée qui présente quand même quatre groupes. Attention, amoureux de la dentelle, s’abstenir.
Artistes : Dagoba – Aborted – Gorod – Hacride
Date : 12 février 2014
Salle : Bataclan
Ville : Paris
Les Poitevins d’Hacride ont la délicate charge d’ouvrir le bal. A leur actif, une dizaine d’années d’existence et quatre albums dont le récent Back To Where You’ve Never Been. Devant eux, un parterre de spectateurs encore clairsemé mais très actif comme le prouvent les pogoteurs et le premier circle-pit de la soirée. Les slammeurs apparaitront même sur le dernier morceau. Des tentures reprenant le thème du dernier album habillent la scène à partir de laquelle Luiss, au chant, emmène sa troupe pour une prestation courte (quatre groupes oblige) mais saluée par le public. Opération réussie donc pour Hacride qui a su retenir l’attention du public présent. Le Bataclan n’est pas encore chaud bouillant mais le ton est donné.
Dans le public se cachent quelques acteurs de la scène metal française. Des anciens comme Poun des Black Bomb Ä, Stéphane Buriez (Loudblast) ou encore Fred Duquesne de Bukowski mais aussi la nouvelle garde avec Julien, chanteur de Checkmate que l’on a vu souvent en première partie de Dagoba et Raf Pener chanteur de T.A.N.K. Radio Metal : organe de presse people ?
19h45, le tour de France du metal continue, toujours côté Ouest mais plus au Sud. C’est au tour des Bordelais de Gorod d’investir le Bataclan et de présenter leur nouveau batteur : Karol Diers. Et de montrer par la même occasion que les différents mouvements de personnel ces dernières années n’entament pas sa détermination. Le groupe propose une setlist courte – timing oblige, encore – basée sur ses trois derniers opus dont le dernier A Perfect Absolution sorti en 2012. Le tout est plutôt efficace avec un son déjà meilleur que celui d’Hacride et une animation scénique reposant sur Julien au chant et Benoit, bass-hero champion des mimiques. Trente minutes, pas plus, mais efficaces. Les Bordelais ont délivré une belle prestation. Toutefois, la salle reste encore un peu tiède.
En attendant le prochain combo, vous voulez acheter un T-shirt Dagoba ? Ne ratez pas l’occasion car Werther lui-même tient le stand merchandising. Signe de proximité avec les fans, de simplicité, montrant que leur tour en Amérique est loin de leur avoir tourné la tête. Ou que les budgets sont trop serrés pour du personnel supplémentaire… Chacun se fera son idée, mais connaissant le groupe la première option reste plus que plausible.
Avec les Belges d’Aborted, la soirée prend enfin son envol. De par le travail préparatoire des premiers groupes mais aussi la violence des belges et leur impact sur le public. La durée de leur set permet aussi de montrer plus de choses. Les pogos démarrent d’entrée de jeu et Sven, au chant, second grand chauve de la soirée, chauffe le public invitant les fans à monter sur scène, fans qui ne s’en priveront pas, envahissant la scène sur le dernier morceau, noyant ainsi les membres du groupe dans une nuée de metalleux. Fort moment live, rehaussé par JB van der Wal, le bassiste, qui prêtera son instrument à un fan qui en jouera sur la fin du morceau. Vraiment intéressant ce contraste entre la musique extrêmement violente du groupe et leur attitude franchement décontractée. Avec une setlist articulée principalement sur leur dernier opus, Global Flatline, et sur leur album référence, Goremageddon – The Saw and the Carnage Done, les Belges auront montré une belle puissance de feu, soutenue par un son correct ainsi qu’un contact très naturel avec le public qui est désormais chauffé à blanc pour la venue des Marseillais. D’ailleurs, après une
telle prestation, Dagoba a tout intérêt à assurer.
« I Reptile », titre issu du dernier album ouvre le concert de Dagoba, accueilli par des fans au taquet dès le départ. Tout comme le groupe qui demandera très tôt un braveheart au public. Shawter est toujours aussi bon dans son rôle de leader, sollicitant souvent le public par un « Paris, est-ce que ça va ? » ou « Je ne vous entends pas le Bataclan ! ». A ses côtés, il peut compter sur Werther, toujours aussi déchaîné une fois sur scène. La puissance Dagoba est en marche, épaulée par Franky aux fûts qui, comme à son habitude, ne se contente pas de marteler sa batterie mais est totalement dans le show. Et Z alors ? Il semble qu’il ait enfin pris ses marques. Il reste le moins expansif de la bande mais sa présence se remarque et il participe aussi à sa manière à l’impact général. Dans le passé, il était largement plus discret. Tant mieux, le groupe est vraiment sur quatre roues maintenant.
« Black Smokers », issu de Poséidon, fait mouche et après le très efficace « The Great Wonder », Shawter demande aux spectateurs de faire du bruit pour les autres groupes et de sauter. Du balcon – fermé au public mais accessible aux photographes – le spectacle est vraiment impressionnant, tout comme le circle-pit qui démarre avec « Fall Of Men ».
« Merci du fond du cœur, je m’en rappellerai toute ma vie » indique le chanteur marseillais à un public qui mange dans sa main.
« Faites du bruit pour Franky » annonce-t-il comme le batteur demande un nouveau wall of death aux fans qui s’exécutent, comme à chaque fois, sur « It’s All About Time », titre qui continue l’exploration de What Hell Is About. A ce sujet, cet album, emblématique dans la discographie du groupe, est très bien représenté ce soir avec quatre titres. Post Mortem Nihil Est s’en tire évidemment avec la part du lion et il est dommage du coup que Poséidon soit si peu représenté. En allongeant un petit peu la durée du concert, il y aurait la place pour une ou deux des pépites que contient cet album. Ce soir, on se retrouve avec un schéma qui peut paraître assez routinier, convenu où, sur base des classiques de What Hell Is About, le groupe met en avant son dernier opus et conclut sur des rappels que nous connaissons bien aussi. Peut-être un peu tôt pour finir ces concerts à la manière de Motörhead, non ?
Le public présent ne réfléchit pas en ces termes et profite de l’excellent « Yes We Die » avant d’aller pêcher le Kraken avec « Kiss Me Kraken » que Shawter introduit avec une allusion à la sardine, marseillais oblige ! Quelle puissance ! Il n’y a pas de pit devant la scène et le groupe en profite pour être toujours au plus près d’un public que Shawter ne laisse jamais s’endormir, soit par une petite phrase, soit en le faisant chanter, soit en laissant le groupe déverser tout simplement sa musique, très bien restituée ce soir.
Mais déjà l’heure des rappels sonne. Il faut laisser souffler tous les protagonistes. Les « Dagoba ! Dagoba ! » résonnent dans le Bataclan accompagnés des martèlements des fans qui en veulent encore. Pas question de souffler ! Le groupe les sert avec « Maniak », issu du premier album, sorti il y a dix ans maintenant ! Les spectateurs montrent leur présence avec un énième wall of death, en reprenant les paroles de « The Things Within » et terminent sur un dernier circle-pit pour accompagner l’ultime titre de la soirée.
Pour embellir ce concert, la scène est joliment habillée d’un backdrop qui reprend la saisissante pochette de Post Mortem Nihil Est avec deux rappels plus petits sur des tentures de part et d’autre de la batterie. Les lumières sont assez soignées, fait assez rare pour le groupe qui montre du coup une nouvelle dimension. Enfin une production digne de ce nom ! Et digne du groupe ! Et même si la musique a son importance, en concert, il est indéniable que l’emballage ajoute un plus qui fait la différence. Cette prestation est réellement un cran au-dessus des prestations précédentes. Le groupe paraît avoir gagné en impact, avec un vrai show.
Un slogan repris sur un réseau social bien connu sur la page de Werther indique que « Dagoba mérite de devenir grand ». C’est assurément vrai ! Ce concert ouvre la voie. Reste peut-être à mettre un peu plus de fantaisie dans les titres joués. En tout domaine, la routine tue ! En tous les cas, pour répondre aux questions de l’introduction, c’est gonflé à bloc que les marseillais ont appréhendé cette soirée. Mais savent-ils faire autrement ?
Setlist de Dagoba :
I Reptile
The Man You’re Not
The Nightfall And All Its Mistakes
Black Smokers
When Winter…
The Great Wonder
Fall of Men
Degree Zero
It’s All About Time
Yes We Die
Kiss Me Kraken
Maniak
The Things Within
The White Guy & The Black Ceremony
Photos : Lost
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Galerie photos du concert de Dagoba