Certaines formations n’ont pas toute la reconnaissance qu’elles méritent. C’est le cas de Darkane, les vétérans suédois d’Helsingborg connus des amateurs de musique extrême scandinave sans pour autant avoir la même notoriété que les figures de proue. La faute sans doute à une trop grande discrétion : Darkane ne s’est pas manifesté depuis 2013 et la sortie de Sinister Supremacy. La particularité de la formation était de combiner un thrash old-school avec un death mélodique dans la pure tradition suédoise, profitant du timbre caractéristique de Lawrence Mackory et du jeu du batteur Peter Wildoer. Inhuman Spirits, leur septième opus, reprend directement là où son prédécesseur nous avait laissés : Darkane délivre à nouveau sa musique hybride qui le distingue.
Darkane rentre très rapidement dans le vif du sujet. Le blast qui introduit « Inhuman Spirits » est le premier indice de la qualité de la production, œuvre du chanteur Lawrence Mackory. Darkane qui est friand de puissance et fait la part belle aux articulations de guitare et au chant. « Inhuman Spirits » permet de démontrer toute la vélocité du groupe et de son efficacité à alterner entre courses effrénées et riffs plus accrocheurs, aidés par une multitude d’arrangements mélodiques, y compris quelques nappes de clavier pour appuyer la grandiloquence du refrain. Le timbre aigu de Lawrence Mackory confère un cachet « vieux jeu » aux compositions, jouant le rôle de caution de thrash pur jus. Ce dernier est tout à fait capable d’incarner la facette death du groupe à l’instar de son growl caverneux sur « Awakening ». Darkane a cette faculté d’alterner entre les registres extrêmes avec une grande aisance et une certaine finesse dans le songwriting : il y a toujours une accroche à retenir, peu importe le registre. Le travail colossal du couple Malmström/Ideberg aux guitares est l’un des atouts phares d’Inhuman Spirits. Il y a une science du groove et de la lourdeur (« Conspiracies Of The Flesh »), le goût pour les cosmétiques (« Mansion Of Torture ») et cet amour du solo lancé héroïquement, à l’image du sustain qui introduit celui d’« Inhaling Mental Chaos ». Darkane a parfois quelques airs d’Arch Enemy dans ce sens, avec un riffing plus ambitieux. Il y a en outre un désir de théâtralité qui se retrouve dans l’introduction crescendo de « The Quintessence Of Evil ». Darkane s’amuse à souvent enchevêtrer les mélodies et les prouesses rythmiques en arrière-plan, choisissant de les privilégier comme bon lui semble. Un procédé simplissime qui fonctionne à chaque fois.
Le seul véritable bémol de cet Inhuman Spirits est une légère inconstance. Si la débauche d’énergie fait mouche lors des deux premiers tiers de l’œuvre, il y a quelques faiblesses qui émergent si l’on pratique une écoute prolongée. Jusqu’à l’irruption d’un pont brutal érigé pour malmener les vertèbres, « A Spiral To Nothing » révèle l’extrême homogénéité de certains riffs et la simplicité de certains refrains « cheesy ». Darkane ne lève jamais vraiment le pied jusqu’à devenir fanatique des introductions frénétiques. L’écueil réside dans sa capacité à créer du contraste et une rupture avec le riff qui s’ensuit. Darkane réussit la prouesse presque à chaque fois, sauf sur « The Great Deceiver » plus épuré mais surtout plus faible. Les soli souffrent des mêmes maux, ils ne se distinguent pas toujours d’une exécution générique. Darkane sait pourtant les rendre attrayants : celui de « Mansion Of Torture » est un exemple d’accord parfait avec la colonne rythmique. Le choix de conclure l’album par l’instrumental atmosphérique « Vålnader » et ses ponctuations de piano peut interroger. Darkane a fait le choix de l’accalmie plutôt que de surenchérir sur la catharsis et étant donné l’arsenal déployé auparavant, difficile d’esquiver la frustration.
Darkane est sans conteste l’un des groupes scandinaves les plus talentueux en activité et cet Inhuman Spirits a les arguments pour le présenter comme tel. Il se distingue par cet amour du thrash qu’il honore à chaque instant, tout en intégrant l’orientation musicale bien connue des groupes scandinaves. Il est d’ailleurs plus à l’aise lorsqu’il s’agit d’enchaîner les rythmiques corrosives que les refrains racoleurs. Peu importe finalement si certaines compositions se font écho, Darkane déroule avec plus de ferveur et de vigueur que certains autres « grands noms ».
Clip vidéo de la chanson « Awakening » :
Clip vidéo de la chanson « Inhuman Spirits » :
Album Inhuman Spirits, sortie le 24 juin 2022 via Massacre Records. Disponible à l’achat ici