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Interview   

Death Angel : unis par les liens du thrash


Rob Cavestany - Death AngelÉchanger avec Rob Cavestany, guitariste des thrasheux de Death Angel, ça donne toujours un bon coup de fouet, car l’homme est plein d’énergie et d’enthousiasme. Derrière le combiné, on l’imagine les yeux pétillants, faisant de grand gestes, s’agitant sur son siège, pendant qu’il débite ses longues tirades passionnées. On se demande parfois s’il ne va pas finir asphyxié mais non, il reprend de plus belle à la question suivante. Et mieux vaut avoir du temps devant soi, car le musicien a beaucoup de choses à dire, surtout lorsqu’il s’agit de rentrer dans tout ce qui attrait à la composition de la musique de Death Angel, ce qu’il connait bien puisqu’il est aujourd’hui le seul compositeur de la bande et officie en tant que coproducteur. Et c’est ainsi que nous rentrons dans les détails de conception d’un album comme The Evil Divide, le nouvel opus des Américains, et de l’évolution de la méthode.

Et c’est sur la base de ce sujet principal que la discussion dévie vers diverses anecdotes et réflexions sur sa vie de musicien, qu’il raconte toujours de manière aussi vibrante, jusqu’à en arriver à partager des épisodes assez stupéfiants sur les dangers rencontrés lors des tournées. Ce qui l’amènera d’ailleurs à se confesser : « Je pars du principe que mon fils et ma mère ne vont pas entendre ou lire cette interview parce que je ne leur raconte rien de tout ça. Je ne veux pas les inquiéter à mon sujet. » La vie d’un groupe de thrash est loin d’être un long fleuve tranquille…

Death Angel 2016

« Notre musique est sans doute toujours intense, agressive, très sincère et extrêmement émotionnelle, car peu importe exactement ce qui nous arrive à quelque moment que ce soit, ce n’est pas facile et ce n’est pas confortable. »

Radio Metal : Vous avez un nouvel album qui sort, The Evil Divide. Apparemment, l’idée de départ était que cet album forme une trilogie avec les deux précédents, Relentless Retribution et The Dream Calls For Blood. Mais au final, on dirait que l’album a suivi sa propre route, dans la mesure où il ne paraît pas autant connecté à ces deux albums que ceux-ci pouvaient l’être entre eux…

Rob Cavestany (guitare) : C’est vrai ! C’est absolument vrai. En fait, nous avions prévu de faire une trilogie et après The Dream Calls For Blood, lorsque j’ai commencé à écrire la musique de The Evil Divide, c’est ce que j’avais en tête mais je ne n’y suis pas trop resté attaché, j’ai laissé la musique se faire. Après un petit moment, en écoutant la musique et en voyant la direction que prenait le feeling de l’album, il est devenu évident qu’il n’était plus connecté à ces albums et qu’il faisait sa propre vie. Du coup nous l’avons laissé aller là il allait naturellement, de façon organique. Donc il a fini par pas mal s’écarter des autres albums. Et voilà le résultat.

Est-ce important de laisser les choses se faire de façon instinctive et ne rien forcer ?

Absolument ! Tout du moins, c’est le cas pour ma part. Parfois tu as l’inspiration, l’idée ou l’humeur qui te pousse à créer dans une certaine direction, donc si tu le ressens, tu suis le mouvement et [l’album] commence à prendre forme tout seul. Parfois tu peux à peu près l’orienter et le guider mais normalement, pour ma part, il commence à prendre vie de lui-même et lorsque c’est le cas, je veux juste qu’il devienne le meilleur possible. Et du coup, tu commences à écouter la musique et les chansons à mesure qu’elles s’écrivent à travers toi ; je suppose que c’est la meilleure façon de l’expliquer. Et dans le cas présent, j’ai vraiment essayé de prendre une approche organique, simplement le suivre jusqu’au bout, jusqu’à sa destination.

Est-ce que tu vois la musique comme une créature vivante ?

[Petits rires] Eh bien, parfois oui ! Tu sais, pas une créature physique mais une sorte d’entité spirituelle. Ça peut sembler mystique ou excessivement… donnant trop… Je ne sais pas comment l’expliquer mais c’est absolument vrai que, pour ma part, j’essaie juste de l’accompagner. Donc, à un moment donné, ça se contente de sortir de toi. Certains jours, ça sort plus facilement et d’autres jours, c’est plus difficile, mais honnêtement, les jours où ça vient facilement et sans accrocs, je ne peux que concéder que c’est dingue parce que je n’ai même pas à tellement me forcer ! Donc [la musique] possède effectivement son propre pouvoir, je le crois.

Au fait, pourquoi aviez-vous eu cette idée à l’origine de faire une trilogie ?

Simplement parce que Relentless Retribution et The Dream Calls For Blood, tout du moins selon nous, sont très liés conceptuellement et musicalement, rien que par la façon dont ils s’enchaînent à cause, je suppose, de là où nous en étions dans nos vies à l’époque. Ça paraissait donc être une bonne idée parce que nous savions que nous allions retourner aux studios Audio Hammer et à nouveau enregistrer avec Jason Suecof. C’est donc le même studio, la même ville, le même producteur. Et ça semblait être un prolongement évident. On aurait dit que tout allait prendre la même direction parce que nous étions dans le mouvement et tout. Donc nous nous sommes attendus à ça et nous avons essayé d’y adhérer et de le laisser, encore une fois, naturellement prendre cette direction parce que c’est ce que le mouvement naturel semblait suggérer. La façon dont la musique, l’idée et le feeling se sont transcendés et ont évolué à partir de là a été un peu une surprise pour moi. En fait, c’est agréable d’assister à ça. Lorsque je me suis rendu compte que c’était en train de se produire, ça m’a montré, une nouvelle fois, comment la musique pouvait prendre vie toute seule pendant que moi, je me contente de suivre le mouvement.

Tu as déclaré que « tout était bien plus facile à tout point de vue » et que vous étiez « tous très vite sur la même longueur d’onde. » Penses-tu que le groupe a désormais trouvé l’harmonie parfaite ?

On dirait bien. Je ne sais pas si je dirais « parfait » mais nous faisons certainement des efforts en ce sens, en espérant atteindre le meilleur. L’alchimie entre nous, musicalement et personnellement, a évoluée, progressé et est devenue un lien plus fort. Plus nous nous connaissons et savons comment chacun de nous joue la musique, plus ça transparaît dans la composition, ainsi que dans les prestations live, et même dans les répétitions. C’est donc un genre de progression qui fait que vous vous rapprochez naturellement ou bien vous vous éloignez si jamais ça ne fonctionne pas si bien. Donc heureusement, nous nous sommes rapprochés et nous nous sentons forts en tant qu’amis et en tant que groupe. Ce sentiment d’être en feu avec ton groupe, ça fait vraiment du bien. Nous sommes très confiants dans la situation actuelle. Et aussi, pour compléter sur ce que tu disais à propos du pourquoi les albums ne sont pas devenus une trilogie et pourquoi celui-ci était différent des deux autres, en dehors du fait que la musique prenne vie toute seule, la raison pour laquelle ceci s’est produit est parce que c’est directement influencé par nos vies personnelles, ce que nous traversions et comment nous vivions dans notre tête. Donc nous n’étions pas non plus dans le même état d’esprit que lorsque nous avions enregistré The Dream Calls For Blood et ça, c’était un facteur qui a beaucoup contribué à faire évoluer tout le truc autrement, car nous étions dans un bien meilleur état d’esprit, pour être honnête. Je veux dire que nous avions affaire à plein de défis personnels et d’épreuves tout au long de la conception de ces deux albums. Nous avons surmonté tout ça et sommes passés à autre chose pour nous retrouver dans une meilleure situation dans nos vies personnelles et donc, collectivement, en tant que groupe, nous devons partager ce sentiment plus assuré et positif qui transpire à travers la musique, et c’est ainsi que ça a démarqué les feelings des différents albums.

Mais ne penses-tu pas que ça peut devenir dangereux lorsque les choses deviennent trop faciles et confortables avec la musique ?

Oh, je n’ai jamais prononcé les mots « facile » et « confortable » [éclate de rire]. Je n’ai absolument pas prononcé ces mots parce que nous n’avons jamais su ce que ces adjectifs voulaient dire concernant la musique, ça c’est certain ! C’est donc pourquoi notre musique est sans doute toujours intense, agressive, très sincère et extrêmement émotionnelle, car peu importe exactement ce qui nous arrive à quelque moment que ce soit, ce n’est pas facile et ce n’est pas confortable. C’est juste que ça s’est amélioré au niveau de notre alchimie et entre nous, musicalement et en tant qu’amis. Mais, pour ce qui est de ce que nous traversons collectivement, en tant que groupe, et notre lutte pour maintenir notre existence dans ce monde rude qui est celui de la musique, dans cette industrie musicale qui se casse la figure de nos jours, aussi bien que… Tu sais, nous sommes là depuis un bon moment, plein de gens ont entendu parler de nous et nous sommes plus ou moins connus dans le monde du metal ou le monde de la musique, mais ceci n’est absolument pas en parallèle avec notre niveau de succès, notre confort ou notre aisance à exister. Donc voilà où se situe toute l’angoisse, l’obscurité et la colère nécessaires à la création d’une musique intense.

Death Angel 2016

« Lorsque j’écoute les albums précédents, il y a des parties où les collaborations ont fonctionné et ensuite, je peux entendre des parties où nous tirions de part et d’autre et nous avons laissé les choses ainsi parce qu’il n’y avait pas d’autre manière de faire, autrement nous nous serions entre-tués ! »

De ce que j’en sais, souvent vous laissez de la marge pour que les chansons puissent être terminées en studio. Est-ce aussi ce que vous avez fait avec The Evil Divide ?

Oui, carrément ! Ça fait maintenant partie de notre processus de composition. Ça arrive quoi qu’il en soit : si tu as un producteur qui sait ce qu’il fait, il aura à tout moment ses oreilles, son esprit et son cœur ouverts aux améliorations qui pourraient être apportées aux chansons jusqu’à ce qu’elles soient finalisées. Donc, tu dois te tenir prêt à tourner à gauche et à droite et être ouvert à de nouvelles idées lorsque tu es en studio. Simplement parce que tu as toujours fait quelque chose d’une certaine façon ne signifie pas que tu devras le faire ainsi jusqu’à l’enregistrement final. Donc, à moins que ce soit ton truc et que tu ne sois pas ouvert à changer quoi que ce soit ou ne serait-ce qu’essayer des idées, c’est à toi de voir, je suppose, mais d’après notre expérience, nous avons appris qu’il y a toujours quelque chose en studio qui ressort, certaines idées spontanées, et elles valent le coup d’être essayées parce qu’une bonne part de la magie qu’on trouve sur nos albums s’est produite de cette façon en studio. Donc, maintenant que nous l’avons expérimenté et le savons, nous l’apprécions et y adhérons. Les chansons sont déterminées autant que possible pour aller en studio mais quand tu y vas avec cette attitude et cette ouverture d’esprit qui fait que tu es disposé à laisser les choses se faire spontanément, dans le moment présent et grâce à l’énergie des gens, alors tu te mets vraiment en condition pour recevoir encore plus d’amour !

J’ai aussi lu que vous aviez tendance à « sur-composer » vos chansons…

Le fait de « sur-composer », ça signifie que nous nous assurons que certaines parties soient suffisamment longues. Donc si elles restent ainsi, elles restent ainsi mais souvent, je m’attend à ce que les choses soient éventuellement un peu raccourcies – par exemple, si on se dit qu’une partie est trop longue – et en fait, parfois, tu te retrouves même à rallonger des parties. C’est juste qu’il y a un équilibre qui se fait en tirant d’un côté et de l’autre pendant que l’on essaie de créer tout l’arrangement d’une chanson. Tu as toutes tes parties là-dedans, des parties qui se répètent, certaines qui reviennent deux fois plus longues ou deux fois moins longues la fois suivante, tu sais où et quelle partie dure plus longtemps, quelle partie se répète ou laquelle dure moins longtemps, tout dépend le sentiment que procure la chanson dans son ensemble. Donc tu laisses la chanson respirer et, à mesure que tu la joues encore et encore, en l’écoutant plein de fois, en te concentrant encore et encore dessus, tu commences à remarquer que tu peux faire ces petites choses dans l’arrangement qui font une grande différence dans la globalité de la chanson. Il faut vraiment que tu prêtes attention à où et quand ça devrait se produire. Voilà comment ça se passe : ton radar est en alerte maximale, tes oreilles sont grandes ouvertes et ton âme essaie d’absorber les chansons autant que possible, et lorsque tu atteins ce niveau de conscience, c’est là que tu peux entendre que telle partie a besoin ou pas de changer un peu. C’est ça la différence. Je veux dire, bien entendu, tu peux aussi laisser ça tel quel et parfois c’est tout aussi bien mais, au final, c’est une question de bien prêter attention et d’essayer les choses, si tu sens qu’un truc pourrait être fait autrement.

Mais ça peut aussi déboussoler si tu es là et que, disons, Will [Carroll] enregistre la batterie, nous faisons un brainstorming, cherchons des idées et puis tout d’un coup, sur le vif, tu suggères des choses : « Hey, pourquoi on n’essaierait pas d’aller vers cette partie avec les toms et ensuite vers cette partie avec le charley mais en faisant d’abord cette partie, en inter-changeant avec ça… » S’il est prêt à tenter ça, alors il est là : « Cool ! Ouais, c’est un beau défi ! » Il est motivé et il essaie. Mais si tu es avec quelqu’un qui n’est pas coopératif, alors il va facilement s’énerver parce qu’il s’est entraîné à jouer la partie d’une certaine manière des milliers de fois et maintenant, soudainement, on lui demande de la faire autrement. Mais c’est pour ça qu’il faut être un musicien professionnel, capable de faire ce genre de choses, d’essayer et de voir. Je pense simplement que oui, lorsque tout le monde est sur la même longueur d’onde, et oui, tu dois t’y préparer parce que sinon tu seras perturbé, et ce n’est sans doute pas évident au départ, mais lorsque tu es disposé et ouvert à le faire, c’est amusant ! Tout le monde regarde ça de façon positive, et non comme si ça compliquait les choses. C’est juste que d’une certaine façon, nous essayons d’être vraiment créatifs et d’explorer des idées. En procédant ainsi, tu peux entendre la partie d’une certaine façon, puis l’entendre d’une autre façon et tu peux éventuellement te rendre compte que ce nouveau truc qui vient de se produire, c’est une tuerie absolue ! Donc, tu vois, c’est comme ça que ça se passe ! Ça se produit ici, ça se produit là et là, et au final, je suis convaincu que c’est comme ça que tu passes d’un huit à un dix ou un dix à un onze ou quelque chose comme ça, c’est ce à quoi nous aspirons. Et encore une fois, si tu aimes être créatif, ce qui est complètement mon cas, c’est éclatant ! Donc, certes, c’est du travail mais j’aime être en studio parce que tu es vraiment en train d’inventer et de créer. Toute la matière créative se déverse de plusieurs personnes à la fois et tout le monde est en phase. C’est quelque chose d’assez magique ! Ou alors ça pourrait être l’enfer si vous n’êtes pas sur la même longueur d’onde, et donc c’est là que l’alchimie fait une grande différence. Tu ne peux pas vraiment procéder de la sorte si tout le monde ne se sent pas de le faire.

En parlant de créativité, The Evil Divide, même si ça reste un album de thrash metal, est très bien arrangé. Je pense à cette jolie fin acoustique sur « Father Of Lies » ou cette chouette partie ambiante qui donne la chair de poule au milieu de « The Electric Cell ». Dirais-tu que jouer du thrash metal n’est pas une excuse pour ne pas peaufiner la musique ?

Pour ma part, je suis d’accord avec ça. Pour ce qui du travail des gens, de leur art et de leur créativité, je veux être respectueux et dire que chacun fait ce qu’il veut. Donc chacun fait les choses à sa façon mais selon moi, en ce qui concerne la musique que je compose et que mon groupe fait, nous adorons tous le thrash, évidemment, nous sommes des thrash metalleux de cœur et c’est la racine du groupe, c’est certain, et ça sera toujours le style principal avec lequel nous serons associés, nous aurons toujours cet élément, mais nous reconnaissons également que nous aimons plein d’autres musiques, d’autres types de metal et d’autres types de musique. Nous n’allons pas essayer de tout combiner en un, autrement ce serait un sacré foutoir et je comprendrais que les gens aient du mal à comprendre un album qui a une chanson de thrash et ensuite une autre chanson dans un genre totalement différent ; globalement, ça ne fera pas un bon album. Donc tu veux maintenir des bornes en termes d’ambiance et de son, de façon à ce que si quelqu’un écoute ton album – encore une fois, ceci est seulement mon point de vue – du début à la fin, il restera dans un même paysage, pour ainsi dire, ou un même film ou une même histoire, et que toute l’œuvre ne soit pas désordonnée. Mais au sein de cette œuvre, oui, j’aime qu’il y ait de la variété et plein de saveurs différentes, si possible, si tu parviens à les intégrer, et différents paysages qui collent aux atmosphères. Voilà un peu ce que nous faisons aujourd’hui, nous essayons d’incorporer des choses que nous aimons, en le faisant prudemment pour que ça ait du sens dans notre thrash. Donc en essayant d’accomplir ce genre de choses, tu dois passer beaucoup de temps sur l’arrangement, en te concentrant et faisant très attention à ce que ce soit correctement fait ou alors, à mon avis, tu risques de créer un bordel pas possible. Tu vois, tu iras trop loin dans ta tentative d’expérimentation et alors ça ne s’enchaînera pas bien et ça ne sera pas bien fait. Tu dois donc être attentif et passer plein, plein, plein d’heures à écouter et t’assurer des choses, si tant est que ça t’importe, ce qui est mon cas !

Death Angel 2016

« Tu essaies d’équilibrer ton toi normal chez toi et cette autre réalité, où tu vagabondes à travers le monde avec ton groupe, et chacun prend littéralement jusqu’à cinquante pour cent de ta vie. […] C’est très exigeant et épuisant pour ton âme. Pour chaque fois où tu ris, il y a une larme qui coule de l’autre côté. »

En parlant de variété, aujourd’hui vous semblez plus focalisés en terme de style par rapport à ce que vous aviez pu faire par le passé où vous aviez la funky « Discontinued », la progressive « The Ultra-Violence » ou les plus grungy « 5 Steps Of Freedom » et « Famine ». En fait, la dernière fois que nous t’avons parlé, tu nous as dit que créer « un album extrêmement varié » était ce que vous recherchiez à cette époque mais que maintenant vous vouliez « maintenir les paramètres dans une approche agressive, très metal et très thrash. » Penses-tu être allé trop loin en termes de variété par le passé ?

D’une certaine façon. J’aime cette question parce qu’on rentre un peu dans le détail de ce dont je parlais et comment tu pourrais aborder les choses pour y parvenir. Et donc, par le passé, la différence c’était le processus de composition, les contributeurs et ce que ceci apporte en plus ou en moins à la musique, et j’ai le sentiment que ça va un peu dans les deux sens. Donc au final, parfois ça fonctionne bien, parfois ça fonctionne à peu près et parfois ça ne fonctionne pas vraiment. Mais à l’époque, le line-up était un peu différent, n’est-ce pas ? Nous avions donc Andy [Galeon] et Dennis [Pepa] qui étaient le batteur et le bassiste d’origine de Death Angel jusqu’à notre album Killing Season. Ensuite, ils ont quitté le groupe. Donc ils ne faisaient pas partie de nos trois derniers albums, y compris The Evil Divide. Donc maintenant, il y a une structure de composition différente en place. Donc jusqu’à ce stade, la façon dont nous écrivions les chansons, c’était… J’ai toujours été le compositeur principal ; j’écrivais la moitié des choses ou même certains trucs en entier. Ensuite, les contributions des autres gars étaient mélangées aux chansons et parties, ils balançaient des idées, apportaient des parties d’une chanson ou collaboraient sur celles-ci. Et il y avait certains trucs qui venaient spontanément pendant que nous jammions : une partie arrivait accidentellement, nous disions « oh, c’est quoi ça ? » et nous l’incorporions à une chanson. Donc le fait de collaborer à plusieurs personnes qui balancent des idées en même temps, parfois ça menait à ce que je trouvais être des moments magiques, une partie qui tue ou au moins quelque chose qui fonctionnait. Mais malheureusement, je dois dire que très souvent, nous nous retrouvions juste à tirer d’un côté puis de l’autre, d’un côté puis de l’autre, etc. sur certains passages de chansons, littéralement en se disputant, et c’est surtout parce que les gens commençaient à devenir possessifs avec… Tu sais, ils veulent avoir leur mot à dire ! Je n’essaie pas de blâmer qui que ce soit, c’est simplement ce qui arrive : « Je veux avoir mon mot à dire, il veut avoir son mot à dire, il veut avoir son mot à dire. Donc mettons cette partie ici ! » Et assez vite, parfois, tu te retrouves à inclure quelque chose parce que tu veux être respectueux avec tout le monde. Donc tu ne peux rien jeter parce que c’est son idée, son idée et mon idée et il faut tout caser là-dedans, et donc nous faisons rentrer ça aux forceps. Et puis tu laisses les choses en l’état.

Donc, lorsque j’écoute les albums précédents, pour moi, il y a des parties où les collaborations ont fonctionné et ensuite, je peux entendre des parties où nous tirions de part et d’autre et nous avons laissé les choses ainsi parce qu’il n’y avait pas d’autre manière de faire, autrement nous nous serions entre-tués ! Et ça ne fonctionnait pas totalement musicalement, selon moi, et donc j’ai l’impression qu’il y a plein de passages où c’est le foutoir. Je comprends que c’est une part du son de Death Angel que certaines personnes aiment et qui leur manque un peu et puis, dans d’autres cas, certaines personnes n’aimaient pas parce qu’ils ressentaient le côté désordonné, sans continuité, de certaines parties qui ont été emboités de manière forcée. J’ai donc voulu essayer de corriger ceci dans la composition. La façon dont ça fonctionne maintenant, c’est que j’écris toute la musique et on n’a pas cette dimension supplémentaire apportée par d’autres gars, que je suis sûr manque à certaines personnes, ces éléments qui ne sont plus dans notre musique aujourd’hui et on ne peut rien y faire parce que ces gars ne sont plus là. Mais à la place, j’ai essayé de compenser l’absence de leur contribution en me concentrant et en essayant de rendre les chansons plus cohésives et mieux arrangées, pour pas que ça parte dans tous les sens. Lorsque différents styles qui ne sont pas à la base du thrash sont intégrés [à une chanson], j’essaie de la construire avec précaution, de façon à ce que ça soit plus naturel et que ça ne donne pas l’impression qu’on saute à droite et à gauche et ce genre de trucs. J’essaie donc juste de me concentrer là-dessus et, avec un peu de chance, créer cette cohésion. C’est comme ça que je ressens les choses. Donc il est clair que notre son a évolué et voilà pourquoi, en raison des gens qui contribuent et de l’alchimie. Donc, d’un côté, on perd quelque chose mais, d’un autre côté, on gagne autre chose lorsque j’ai la possibilité de mettre de la cohésion.

Comme tu l’as dit, tu écris toute la musique désormais. Comment se fait-il que les autres n’écrivent pas ?

Eh bien, les deux autres gars qui écrivaient en majorité la musique avec moi ne sont plus dans le groupe, ils l’ont quitté. Donc après qu’ils soient partis, les gars qui ont pris leur place n’ont jamais écrit de musique dans notre groupe avant. Je comble donc le vide laissé par les autres gars qui ne sont plus là et je trouve ça assez excitant parce que… Je ne dis rien d’irrespectueux à leur égard, ils sont comme ma famille et je les aimerais jusqu’à ma mort, mais c’est quand même une autre histoire lorsque tu essaies de collaborer et travailler sur quelque chose et écrire ensemble et, en l’occurrence, ça devenait parfois très difficile. Et maintenant, c’est vraiment plus facile de composer parce que je peux aller au bout des idées et j’entends dès le début toute la chanson dans ma tête, toutes les différentes parties et la façon dont elles s’agencent. Donc la composition se fait beaucoup plus rapidement et les autres gars, de par la manière dont ils contribuent avec leurs parties, ils voient les choses comme moi – je parle de Will et Damien [Sisson]. Du coup, nous créons des chansons beaucoup plus facilement. Et un autre truc auquel je pense, c’est aussi que, lorsque je parle à Mark [Osegueda] et Ted [Aguilar] à propos de notre façon de composer et créer, ils aiment l’idée que j’écrive la musique et que ça n’a pas changé. Car, avec les autres gars, nous ne savons pas comment est l’alchimie, et l’idée était que nous voulions conserver autant que possible le son original de Death Angel. Donc, étant donné que c’est moi qui écrit la musique, ça reste le même compositeur et, encore une fois, Andy et Den nous manquent mais même sur les albums sur lesquelles ils figuraient, il y avait probablement la moitié des chansons que j’ai écrit tout seul, et une bonne part de celles-ci sont des chansons de Death Angel très reconnaissables, de « Seemingly Endless Time » à « Bored », c’est simplement le son du groupe. Donc, de façon à garder ce son intact, c’est comme ça qu’il fallait faire et puis, pour finir, je peux écrire plus de chansons que nécessaire pour un album [petits rires], donc ainsi soit-il. C’est notre structure, c’est notre stratégie et c’est ainsi que nous procédons maintenant.

Mais n’es-tu pas curieux d’entendre ce qu’il se passerait si certains des membres les plus récents contribuaient à la musique avec toi ?

Eh bien, un autre truc à ce sujet, c’est l’efficacité de la créativité et le temps que ça prend de créer et le temps que nous avons. Aux débuts du groupe, lorsque nous étions juste des gosses qui vivaient chez leurs parents, qui allaient à l’école, nous avions plein de temps libre : tu traines souvent dehors, tu te poses, tu collabores, tu jam, tu composes. Mais de nos jours, tout le monde est extrêmement occupé, leurs emplois du temps est plein a craqué. Tout le monde travaille dans son job principal entre les tournées, chacun travaille à plein temps, et ensuite, le soir, on va en répétition, et on a plein de choses à faire, comme tu peux l’imaginer. C’est donc éreintant et les heures que tu consacres au groupe doivent être très efficaces et les actions et la progression doivent se faire en peu de temps. Tu ne peux pas juste rester posé pendant trois ou quatre heures à traîner, bavarder et ensuite écrire un peu et faire ce que nous avions l’habitude de faire toute la journée. Maintenant, nous avons trois heures pour répéter, nous entrons et nous mettons à jouer de la musique pendant trois heures d’affilée, pas de connerie. Donc là où je veux en venir, c’est que si quelqu’un d’autre a une chanson qu’il a écrit et qu’il veut la présenter, nous pouvons nous pencher dessus et commencer à travailler dessus, je n’ai jamais dit non à ça. Mais le truc, c’est que ça requiert beaucoup de travail pour en arriver à une chanson complète sur laquelle tu peux te mettre à travailler, et lorsque tu te contentes d’amener un petit riff, une partie ou quelque chose comme ça, ce n’est vraiment pas suffisant pour travailler. J’ai des centaines et des centaines de parties mais c’est une question de tout structurer pour en faire une chanson et qu’on puisse commencer à faire quelque chose. Donc si ceci venait à se produire, ouais, nous nous pencherons dessus ! Mais jusqu’à présent, personne ne le fait vraiment. C’est juste que j’arrive au studio : « Ok, j’ai écrit ce nouveau truc hier soir, mettons-nous là-dessus ! » Et voilà l’intégralité de la nouvelle chanson, nous commençons à la jouer et c’est ainsi que nous faisons les choses. Je n’ai jamais dit que personne pouvais écrire une chanson et l’amener, c’est juste que personne ne le fait ! [Rires] Je suis sincère. Je peux concevoir que ça puisse être intimidant. Il se peut qu’il aient une idée mais qu’ils soient intimidés parce que je suis là, à écrire des chansons complètes que je leur apporte, donc tu sais que si tu apportes quelque chose toi-même, il faudra que ce soit déjà pas mal peaufiné et travaillé pour que nous puissions passer du temps à travailler dessus, et en arriver là, ça prend beaucoup de temps, et je suppose que personne n’essaie vraiment ou ne compte le faire. Ils sont à l’aise avec ce que je compose et c’est en ce sens que l’équipe est forte, nous sommes concentrés sur nos positions.

Death Angel - The Evil Divide

« Lorsque j’essaie de me réadapter à la vie à la maison, j’ai l’impression d’être un putain d’imposteur ou un étranger dans mon propre chez-moi. Mais, à peine me suis-je réadapté que je dois à nouveau dire au revoir ! »

Tu as mentionné plus tôt que vous avez travaillé avec le producteur Jason Suecof et c’est même la troisième fois d’affilée que cela se produit. Dirais-tu que vous avez développé une relation de confiance avec Jason ?

Complètement ! Autrement nous ne serions pas retournés le voir pour un troisième album, c’est certain ! Personne ne nous force à aller là-bas. Mais nous avons une alchimie et une expérience de travail vraiment efficace et positive, nous avons une éthique de travail très similaire, et nous nous entendons très bien, aussi bien d’un point de vue personnel qu’au travail, et pour moi c’est extrêmement important. Car lorsque tu travailles ainsi, tu es très ouvert et tu es libre d’exprimer et capturer dans l’enregistrement tout un tas d’émotions qui passent par tes doigts, ta voix ou peu importe, ça passe par ton instrument pour ressortir, via l’enregistrement, dans les oreilles de quelqu’un d’autre. Ce n’est pas qu’une question de répéter tes parties et pouvoir le faire correctement d’un point de vue technique, ça c’est une chose. Mais le niveau au-dessus, pour moi, c’est de pouvoir vraiment projeter [tes émotions] lorsque tu enregistres, et ça peut s’avérer difficile à faire parce que tu es dans un environnement stérile. Il y a beaucoup de pression et c’est différent des concerts où tu peux te nourrir de n’énergie de la foule et du groupe qui joue ensemble ; c’est un monde très différent d’être là dans le studio. Donc arrive un point où vous êtes si à l’aise les uns avec les autres et votre environnement que tu joues mieux, tu t’exprimes plus librement et tu t’attèles à ta tâche plus confortablement, et ça c’est incroyablement important à mes yeux. C’est donc une des raisons principales [pour laquelle nous continuons avec Jason], avec toutes les autres : il obtient de supers sons, il nous connaît, il sait comment nous enregistrer et c’est juste une magnifique expérience de travailler ainsi, car je n’ai jamais eu un tel sentiment de fluidité dans un studio avec qui que ce soit d’autre auparavant.

Jason Suecof est lui-même un très bon guitariste ; il a même enregistré un solo sur une chanson sur chacun de vos trois derniers albums, dont « Cause For Alarm » dans le nouveau. Est-ce que ça aide de se faire enregistrer par un guitariste comme Jason ?

C’est dément ! C’est incroyable ! J’adore ! Il est constamment en train de me pousser en tant que musicien, en tant que guitariste et aussi en tant que producteur parce que nous coproduisons. Donc nous pilotons tous les deux cette virée infernale et je le pousse en tant que producteur de la même façon qu’il me pousse moi, mais nous savons comment le faire et ne pas aller trop loin. Mais oui, ses talents de guitariste… Pour moi, avec chaque album que nous avons fait, il y a non seulement l’expérience de créer un album mais il y a aussi qu’une fois terminé, je ressors de là en étant un bien meilleur guitariste. C’est comme si j’avais deux mois de cours de guitare d’affilée. Je prête beaucoup attention, m’imprégnant de tous les conseils et astuces qu’il me donne et je me sens chanceux de recevoir ces connaissances et cet apprentissage, tout en étant en mode créatif. Tout juste aujourd’hui, tu pourras voir sur les réseaux sociaux, nous avons sorti une vidéo, un genre de trailer où on nous voit en studio, et celui-ci est essentiellement sur moi : je parle de mes guitares, mes amplis, mon matériel et le fait d’enregistrer avec Jason. Et c’est marrant que tu me poses cette question parce que j’ai exactement évoqué ça dans cette vidéo et je parle du fait d’essayer de jouer de la guitare face à Jason Suecof et à quel point c’est intimidant. Tu as plutôt intérêt à passer à un autre niveau ou alors ça veut dire qu’il y a quelque chose qui cloche chez toi, c’est exactement ce que je dis là-dedans ! [Petits rires] Donc ouais, ça fait trois fois que je me sens chanceux de pouvoir vivre cette expérience.

Andreas Kisser a également posé un solo sur la chanson « Hatred United/United Hate ». Quelle est l’histoire derrière cette collaboration ?

En fait, il y a une histoire très cool là-derrière. L’année dernière, en tournant en Europe pour The Dream Calls For Blood, nous avons donné de nombreux concerts avec Sepultura, nous étions ensemble sur divers festivals et tout. Du coup, nous tombions de temps en temps sur eux et puis nous les connaissons. Je veux dire que nous sommes amis depuis nos débuts, depuis les années 80 lorsque nous jouions ensemble. Et lorsque nous nous sommes reformés en 2000 et après, nous avons continué à nous voir, nous avons tourné en Amérique du Nord ensemble et nous nous sommes beaucoup rapprochés. Et ce sont parmi nos gars préférés dans la scène et Andreas, en particulier, est l’un des gars que je préfère dans la scène, et je suis également un fan de son jeu de guitare et évidemment de son groupe. Et c’est réciproque, donc c’est sympa lorsque nous nous retrouvons sur la route.

Il me disait qu’il voulait m’interviewer. Andreas et son fils ont une émission de radio au Brésil, donc ils voulaient que je fasse une interview pour l’émission. Nous avons tenté de le faire à peut-être trois reprises mais nous n’arrêtions pas de nous louper et nos emplois du temps ne coïncidaient pas. Mais nous savions qu’avant la fin de la tournée, j’allais monter dans le bus de Sepultura pour faire cette interview. Nous avons enfin pu arranger ça un certain soir et pendant que c’était en train de se passer, je me suis rendu compte que nous devrions proposer à Andres de jouer sur l’album car j’avais une idée de comment j’allais faire. Donc, à la fin de notre interview, en gros, il m’a demandé si j’avais une dernière chose à dire ou quoi que ce soit à l’intention des fans ou peu importe, et je lui ai demandé s’il me permettait de lui poser une question. Il m’avait posé des questions, donc à mon tour ! Il a dit : « Bien sûr, vas-y ! » Et c’est là que je l’ai pris au dépourvu, pendant son émission de radio, et j’ai dit : « Eh bien, qu’est-ce que tu dirais d’enregistrer un solo sur le prochain album de Death Angel ? » Et je me rendais compte qu’il n’était pas en position de pouvoir dire non ! J’avais raison, je l’ai un peu forcé à accepter et c’était marrant parce qu’il voyait bien ce que j’étais en train de faire. Nous avons éclaté de rire, il s’est levé, m’a fait une grande accolade et m’a dit qu’il serait honoré et fier de jouer sur notre album. C’était un moment vraiment chaleureux et inoubliable. Donc voilà comment ça s’est fait.

C’était super et j’adore ça parce que c’est le genre de chose qui m’offre des moments très personnels qui restent attachés à une chanson. Donc dès que j’entends « Hatred United / United Hate », qui est une de mes chansons préférées sur l’album, en plus du fait que j’adorais déjà la chanson avant, j’ai toujours ce souvenir amusant de ce moment passé dans le bus de Sepultura, lorsque nous nous sommes serrés dans les bras et lorsque Sepultura et Death Angel s’apprêtaient à collaborer sur de la musique. C’est une de ces rares et magnifiques choses que l’on vit en tant que musicien ! C’est vraiment cool et, d’ailleurs, j’adore le solo qu’il a fait ! Tu sais, le solo que je fais après son solo, comme si nos deux solos se complétaient, c’est fait en jouant comme des dingues sur la pédale whammy et en partant en vrille avec nos sons. Donc j’adore !

En parlant de solos, tu as déclaré que sur cet album, tu avais écrit tes solos de façon à ce qu’ils reflètent ce que Mark chante. Comment fais-tu ça ?

Ça aussi c’est un peu quelque chose d’étrange à faire et je n’aurais jamais pu le faire avant. Certaines de ces techniques et choses que nous faisons au cours du processus d’écriture et d’enregistrement, en gros le processus de création, sont vraiment amusantes, intéressantes et me font du bien parce que ça me prouve que quelque chose s’est passé durant toutes ces années de dur labeur, d’expériences et de tentative d’apprendre, de prêter attention, de s’améliorer et d’être efficace. Parmi tout ça, il y a le fait de s’inspirer, écrire et créer en se basant sur autre chose, autre que le fait d’essayer de sonner comme un certain style de musique. Donc oui, pendant la composition, nous nous nourrissons l’un et l’autre. Lorsque Mark écrit ses paroles, il me dit qu’il est inspiré par la musique que je lui donne. Donc, au départ, je lui donne quelque chose, il l’entend et le son lui fait penser au genre de mots qu’il ressent. Ensuite, lorsque j’entends ça à mon tour, je me concentre sur ce qu’il dit et sur ce dont parle la chanson et puis j’essaie juste de laisser mes sentiment suivre la direction, posé avec ma guitare, à essayer de d’assimiler les mots et les faire ressortir sous forme de musique ou, en l’occurrence, d’un solo. Et ceci suffit à te guider. Ensuite, à partir de là, tu combines des techniques que tu connais, des compétences, des modes ou peu importe ce qui permet de transmettre ces sentiment à travers le son. Encore une fois, ça fait partie de ces choses où tu peux te dire : « Wow, tu essaies de te donner l’air tellement mystique ! » Mais c’est mystique ! C’est génial ! C’est un putain de super truc ! C’est là où tu essaies de puiser dans une sorte de conscience, qui est un peu subconsciente, mais tu le fais exprès, en essayant de laisser les choses te traverser. Il faut être suffisamment à l’aise pour pouvoir le faire. C’est donc en partie pourquoi lorsque tu es content du producteur et du studio, de ton environnement, lorsque tu ne te sens pas sous pression, ça se manifeste. C’est la meilleure façon que je puisse l’expliquer. Je m’en inspire et ce à quoi je pense lorsque je compose, ce n’est pas tant à une note ou ce genre de chose, mais je pense en terme de paysage ou, ouais, à ce que [Mark] évoque. J’essaie de visualiser ce qu’il dit et ensuite, ça prend forme via ce que tu es en train de jouer et, ouais, tu travailles à partir de ça. Parfois ça se fait facilement et parfois ça ne se fait pas vraiment, donc tu essaies et si ça ne veut pas venir, alors tu passes à un autre passage solo sur une autre chanson, parce que je ne veux pas forcer l’humeur si elle ne vient pas tout de suite. Donc tu prends cinq minutes, tu bois un verre d’eau, tu vas prendre l’air pour te rafraichir la tête et ensuite tu y retournes, tu choisis un autre solo sur une autre chanson pour voir si celui-là correspond mieux à ton humeur du moment.

Death Angel 2016

« Des fans comptent sur ta musique pour supporter le quotidien. Ça les aide dans la vie. Je le comprends et nous faisons de notre mieux pour faire les choses bien et essayer d’inspirer une direction positive. »

Tu as écrit les paroles d’une seule chanson sur cet album, « The Moth », mais c’est aussi de là que vient le titre de l’album, de son refrain. Et cette chanson parle des divisions dans le monde aujourd’hui et ces dernières années. Quel message voulais-tu faire passer avec cette chanson ?

J’étais juste en train de vider mon sac et exprimer mes sombres sentiments vis-à-vis, exactement, des choses qui divisent l’humanité. Mais, à vrai dire, pour moi, il y a un double sens dans cette chanson parce que c’est en évoluant qu’elle est devenue ce sujet. Mon sentiment initial sur cette division, et cette division malfaisante (traduction de The Evil Divide, NDT), venait de la simple idée de division de ma propre vie. Au départ, ce n’était pas vraiment sur tout ce qui se passe dans le monde. C’était une simple expression de comment j’étais divisé entre ma vie dans la musique et ma vie en dehors de la musique. Depuis que les choses sont vraiment devenues sérieuses et que j’ai été très pris avec la musique, et que j’ai été suffisamment âgé pour faire ma propre vie, ce qui inclut ma propre famille, mon enfant, ma femme et les gens autour de moi qui ne sont pas mon groupe, ne sont pas en tournée avec moi, ne vont pas en studio et ne font pas toutes ces choses, avec le temps, je me suis retrouvé déchiré entre deux mondes et ce sera à jamais ainsi. Je me rends compte que ce sera à jamais ainsi parce qu’ils ne sont pas dans ce monde. Et pourtant, ils font quand même partie intégrante de mon monde, donc c’est très difficile. C’est une lutte permanente pour garder les deux ensembles parce que tu essaies d’équilibrer ton toi normal chez toi et cette autre réalité, où tu vagabondes à travers le monde avec ton groupe, et chacun prend littéralement jusqu’à cinquante pour cent de ta vie. Et c’est très difficile d’aller et venir entre ces deux mondes et de se réadapter à cette vie en tournée pendant des mois, des mois et des mois. Ensuite, lorsque tu reviens à la maison, tu es dans l’état d’esprit de la tournée, à être constamment avec les gars et tout. Lorsque j’essaie de me réadapter à la vie à la maison, j’ai l’impression d’être un putain d’imposteur ou un étranger dans mon propre chez-moi, jusqu’à ce qu’enfin… Mais, à peine me suis-je réadapté que je dois à nouveau dire au revoir ! Et ça n’arrête pas d’aller et venir et c’est ce qui régente ma vie. Je ne me plains pas, je dis juste que c’est ainsi et c’est très exigeant et épuisant pour ton âme. Pour chaque fois où tu ris, il y a une larme qui coule de l’autre côté. C’est en fait à ce sujet que j’ai immédiatement écrit au départ. Mais ensuite, en pensant aux situations dans le monde, en voyant des choses aux informations pendant que j’étais en studio en train de créer, je voyais tout le double sens qu’il pouvait y avoir derrière. Du coup, j’ai trouvé ça palpitant parce que c’était une façon d’en faire plus un message global et pas uniquement à propos de moi. C’était déjà arrivé : les deux derniers albums sont des points de vue très personnels de la part de Mark et moi. Alors que cet album sort de notre petit bulle pour aller plus vers une conscience de la situation du monde et de l’humanité. Du coup, ça a amené vers tout le concept du reste de l’album ; c’est à partir de là qu’il a évolué.

Donc, dirais-tu que cet album a un thème global à propos des divisions, de la haine et ainsi de suite ? Comme un genre de commentaire sur ce qui se passe dans le monde ?

Oui, clairement ! A cent pour cent ! Les différentes chansons sont différents points de vue et inspirées par différents événements particuliers, situations ou attentats qui se sont produits. Ouais, si tu prends conscience de ce concept et ensuite écoute chaque chanson, les mots devraient être assez évidents pour comprendre où nous voulons en venir. Et c’est clair que nous sommes directement inspirés par et parlons de certaines choses qui se sont produites ou même se produisent encore. C’est assez intense !

Est-ce que tu vois la musique, et plus spécifiquement le metal, comme un moyen de combattre cette division malfaisante et rassembler les gens ?

Complètement ! Ce n’est pas LA réponse, et je ne sais pas quelle est LA réponse, mais ça va certainement dans la bonne direction. Je crois de tout mon cœur – notre groupe y croit – dans le pouvoir d’union de la musique, et c’est ce qui se produit ! Elle le prouve tous les soirs lorsque nous jouons. Il y a toute une salle remplie de gens qui s’unissent autour de leur amour pour la musique et pour se faire plaisir. Ils se font tous plaisir et libèrent tous leurs frustrations en même temps, surtout dans le thrash et le metal. C’est agressif et les gens, évidemment, ce qu’ils font dans le pit, avec les slams et tout, c’est violent. Si tu ne comprends pas, bien sûr, ça sera perçu comme de la violence insensée, mais les gens qui savent, les gens qui sont impliqués savent ce qui se passe. C’est un défouloir, exactement comme lorsque l’on fait un sport de contact où les gens se cognent entre eux mais c’est fait avec une bonne intention. Et tu as tous ces gens différents qui s’unissent, tous types de bêtes curieuses, plein de marginaux et rebelles, ceux qui ont de longs cheveux, les punks… Je veux dire que tous les types de personnes sont acceptés par tous les autres parce que nous sommes tous là pour profiter de la musique et se défouler. Et c’est l’une des seules expériences ou l’un des seuls rituels où j’ai vu ça se produire, et ça se produit tout le temps à chaque putain de concert que nous donnons. Il y a donc une manière de communiquer avec les gens à travers la musique et les gens sont inspirés par les paroles et les idées. Ça m’arrive à moi-même en tant que fan, avec des chansons que j’ai entendues et adore et différentes choses qui m’inspirent et me font me sentir d’une certaine façon. Donc, ouais, c’est ce que nous faisons. Nous sommes des musiciens, nous ne sommes pas vraiment en train d’essayer de sauver le monde, nous n’essayons pas d’être des politiciens. Mais peut-être avons-nous effectivement une petite responsabilité lorsque l’on atteint un niveau où on sait que plein de gens prêteront attention à ce que l’on dit. Tu te rends compte que tu as des fans qui comptent sur ta musique pour supporter le quotidien. Ça les aide dans la vie. Je le comprends et nous faisons de notre mieux pour faire les choses bien et essayer d’inspirer une direction positive.

D’ailleurs, c’est étrange comme, dans la vraie vie, comme tu le dis, les gens s’unissent dans les concerts, les festivals, etc. mais d’un autre côté, tu as dans le monde virtuel des gens qui se prennent la tête partout sur internet dans des querelles de chapelles…

Ouais ! C’est vraiment étrange parce que d’une certain façon, dans la nature humaine, il y a une envie irrépressible de choisir un camp et de se lancer dans une querelle au sujet de quelque chose, même lorsque l’on est d’accord sur quelque chose ! Même lorsqu’il y a une unité, il y a de la division à l’intérieur de cette unité. C’est ainsi et je comprends que ça puisse être naturel. Je veux dire que moi aussi je me dispute et suis en désaccord sur des choses. Mais au final, globalement, c’est une chose d’être en désaccord mais de façon décontractée et discuter, comme lorsque tu es avec tes amis, à boire un coup et parler de certains sujets. Bien sûr que tout le monde ne peut pas être d’accord et avoir exactement les mêmes opinions. Donc il devrait y avoir une manière saine d’exprimer son désaccord et son opinion mais au final, il faut espérer que les gens respectent les opinions des autres, comprennent qu’ils ont droit d’avoir leur propre avis et on devrait pouvoir se serrer la main et s’accorder sur le fait que nous ne sommes pas d’accord, sans commencer à s’entre-tuer à cause de ça. Tu vois ce que je veux dire ? [Petits rires] Il n’y a aucun moyen pour que tout le monde soit d’accord sur la même chose et même au sein d’une communauté, les gens afficheront des désaccords. Mais j’ose espérer que c’est plus fait de façon légère. Evidemment, il y a des idiots notoires là-dedans qui sont très sérieux, genre ils deviennent furieux ou ils ne comprennent pas. Ouais, bien sûr que ça arrive. Je ne suis certainement pas en train de dire que tous les métalleux et tous les fans de cette musique ont les idées claires et ont quelque chose dans le cerveau [rires]. Il y a autant de putain de trous du cul idiots qu’il y en a ailleurs. Ils sont partout, de toutes parts ! Il faut donc faire de son mieux pour juger le caractère d’une personne de façon individuelle, pas par leur choix musicaux, pas par la couleur de leur peau, pas par leur choix religieux. Chaque personne est un individu avec ses propres points de vue et pensées. Tout du moins, c’est ainsi que je vois les choses mais encore une fois, chacun pense ce qu’il veut.

Death Angel 2016

« Lorsque la chanson s’est terminée, j’avais les larmes aux yeux, simplement par bonheur et fierté ! Je me suis retourné et nous nous sommes pris dans les bras et j’ai dit : ‘Oh, mon Dieu, mec ! Merci, merci d’avoir fait ça à la musique !' »

Qu’est-ce que le papillon de nuit représente dans le contexte de la chanson et de l’album ? Est-ce qu’il a quoi que ce soit à voir avec le film Le Silence Des Agneaux ou le symbole qu’il y a derrière ?

Les gens ont fait le rapprochement avec Le Silence Des Agneaux mais, pour dire la vérité, il n’y a aucun lien avec ce film. Il se trouve juste qu’ils l’ont utilisé dans leur film et nous avons utilisé ce concept pour notre pochette d’album. Mais je suis content que ce soit Le Silence Des Agneaux parce que, oui, je n’y avais pas pensé, nous n’avions pas ça en tête à ce moment-là, et ça aurait été vraiment la poisse si ça avait été relié à un film ou un livre ou autre chose que je détestais [rires]. Mais, heureusement, j’adore ce film et j’adore ce livre, donc c’est cool ! Au moins, si les gens établissent un lien, eh bien, c’est cool. Mais ce n’est pas la raison. Ça n’avait rien à voir avec là où nous voulions en venir lorsque nous l’avons utilisé. C’est simplement notre propre représentation de… L’idée, c’est que c’est lié à la première chanson de l’album. Même si l’album ne s’appelle pas The Moth, il y a cette connexion conceptuelle et ça représente The Evil Divide qui, oui, en tant que titre d’album, est contenu dans les parles de « The Moth », même si cette chanson ne s’appelle pas ainsi. Du coup, nous avons cette sorte de connexion subliminale entre le concept de la chanson, le titre et l’artwork. Et c’est tout. Si tu le regardes sur l’artwork, tu peux voir que la représentation du papillon de nuit est simultanément organique, naturelle et belle mais le motif qu’il porte sur le dos reflète quelque chose de malfaisant ou mauvais. C’est donc comme si le mal et le bien coexistaient en une seule image. Et ensuite, si tu lis les paroles de « The Moth », tu verras d’autres concepts autour de ça, mais l’idée de base, c’est ça. Aussi, la raison pour laquelle [l’artwork] est tel qu’il est, le fait qu’il soit sans couleur et épuré, c’est parce que nous voulions qu’il marque une énorme différence avec les deux derniers albums. Les deux artworks de Relentless Retribution et The Dream Calls For Blood sont très similaires conceptuellement, ils ont été faits par le même artiste et le style est très détaillé, très coloré et tout. Et maintenant, dans le cas du nouvel album, c’est un style totalement différent. Et c’est ce que nous voulions, il fait partie de la déclaration avec la musique et les chansons.

La majorité des paroles sont écrites par Mark [Osegueda], ce qui semble plutôt normal puisqu’il les chante. Mais qu’est-ce qui te pousse à écrire des paroles pour une chanson de temps en temps au lieu de le laisser s’occuper de toutes les paroles lui-même ?

C’est juste que j’ai aussi des idées de paroles à faire sortir et parfois, une chanson en particulier, la musique de cette chanson, m’inspire accidentellement une mélodie ou même un chant que j’entends déjà. Donc si ça me vient, alors j’essaie de suivre l’idée et voir ce qui en ressort. Et Mark m’a fait souvent savoir qu’il adorait la façon dont j’écrivais les paroles et la mélodie. Donc c’est assurément le bienvenu pour lui et j’ai écrit des paroles et mélodies de chant sur chaque album de Death Angel, d’ailleurs je le faisais beaucoup plus avant. Mais je veux donner à Mark de l’espace pour laisser sa créativité s’exprimer. Notre travail d’équipe dans la composition s’est tellement développé que ça vient comme ça et parfois, je ne peux m’arrêter et je finis par écrire la chanson complète. Mais, tu sais, c’est son occasion d’être créatif et, à la fois, j’ai plein de choses sur lesquelles je peux travailler musicalement et ça fonctionne bien parce que je me concentre davantage sur les arrangements musicaux lorsque je sais que Mark passera du temps à écrire les paroles. Mais une fois de temps en temps, j’ai besoin [d’écrire des paroles], j’entends quelque chose, j’ai une idée et je dois aller au bout de l’idée.

Toi et Mark êtes maintenant la colonne vertébrale de Death Angel. Du coup, comment votre collaboration créative fonctionne ?

En gros, aujourd’hui nous avons un système en place, qui est simplement que j’écris la musique de mon côté et ensuite je rejoins le groupe. Je suis un peu le directeur musical, l’arrangeur, donc je fais en sorte que les choses marchent. Nous faisons plusieurs niveaux d’enregistrement démo et de pré-production jusqu’à ce qu’il y ait une structure solide, ensuite je donne ça à Mark. Mark aura la version instrumentale d’une chanson et commencera à travailler dessus. Et j’essaye de lui donner plusieurs choix de chansons, pour qu’il puisse faire selon son humeur. Un peu comme lorsque je compose des solos, c’est bien parfois d’avoir plusieurs choix, de façon à ce que suivant comment tu te sens, tu puisses travailler sur telle ou telle chose. Et ensuite Mark fige son idée et généralement nous nous retrouvons dans mon studio personnel, j’enregistre sa voix et nous nous posons pour faire du brainstorming. Encore une fois, nous sommes spontanés, genre « oh peut-être que tu devrais essayer ceci ou cela » et nous sommes tous les deux ouverts aux idées. Il est très bon lorsqu’il s’agit d’essayer tout ce que je peux entendre dans ma tête et d’en prendre la direction. Si j’ai une idée, il me donne sa meilleure interprétation et nous faisons des allers-retours. Ensuite, nous allons au studio d’enregistrement avec Jason. Nous passons au palier suivant en refaisant tout ça pour atteindre le résultat final. Et pour certaines des chansons, Mark se retrouve même à les écrire là-bas en Floride, pendant que nous sommes au studio à enregistrer, à trouver spontanément des paroles. Et parfois, si c’est moi qui écris les paroles, la façon de faire la plus pratique que j’ai trouvée, c’est que j’enregistre une démo moi-même. Donc je vais chanter sur la démo et ensuite, je la donne à Mark : « Ecoute ça ! Voilà comment je le fais mais à toi de le faire pour de vrai ! » Je ne suis en aucun cas capable de chanter comme Mark mais il peut comprendre mes grossiers enregistrements et il sait que ce que je fais, il est censé le faire de manière puissante et en criant et tout. Voilà nos différentes étapes pour parvenir à la chanson finale.

En fait, il y a une chanson qui sort du lot dans l’album, c’est la chanson « Lost », parce qu’elle est la plus mélodique et accrocheuse mais aussi parce que Mark y fait probablement une de ses interprétations les plus émotionnelles sur le refrain…

Je suis complètement d’accord ! Cette chanson, pour moi, c’est ma performance vocale préférée de tous les temps de la part de Mark. Je l’adore ! Ça m’a mis sur le cul lorsque je l’ai entendue ! Ça m’a mis sur le cul ! J’étais tellement fier de lui, du fait qu’il ait chanté ça, et que nous ayons écrit cette chanson ensemble. Pour moi, c’est l’un des meilleurs exemples de collaboration entre Mark et moi pour écrire une chanson. C’est assurément un moment à la Lennon-McCartney pour moi et Mark. Lorsque j’ai écrit la musique et que je l’ai donnée à Mark, j’étais surexcité parce que j’avais le sentiment que cette chanson, rien que musicalement, avait le potentiel pour accueillir une performance vocale vraiment intense et, avec un peu chance, devenir vraiment accrocheuse. Ceci dit, pour moi, la direction que devait prendre le chant était évidente mais, pour autant, je ne savais pas ce que lui allait en faire. S’il était parti pour crier comme un dingue sur toute la chanson, je m’étais préparé à l’accepter aussi. Mais non, il a entendu où je voulais en venir, il a creusé très profondément et a posé des paroles et lignes de chant très intenses, profondes et émotionnellement poignantes dessus. Et c’est encore un moment que je n’oublierais jamais. Pour moi, cette chanson se rattache maintenant au moment où j’ai entendu pour la première fois en studio ce qu’il a chanté dessus. Nous étions en Floride et Jason m’a fait écouter ce qu’ils avaient enregistré. Je me suis assis, j’étais paralysé en écoutant, j’étais tendu et je savais que Mark était derrière moi, à observer ma réaction, il se demandait probablement qu’est-ce que diable je pensais et lorsque la chanson s’est terminée, mec, j’avais les larmes aux yeux, simplement par bonheur et fierté ! Je me suis retourné et, encore une fois, nous nous sommes pris dans les bras et j’ai dit : « Oh, mon Dieu, mec ! Merci, merci d’avoir fait ça à la musique ! » C’était incroyable ! Et il l’a ressenti parce qu’il a vu que véritablement j’adorais. Ouais, c’est l’un de ces moments où tu ressens que tout le travail que tu mets dans les choses fait vraiment une différence. Donc je suis très fier de cette chanson, c’est l’une de mes chansons de Death Angel préférées et j’espère vraiment que les gens ressentiront d’où vient cette chanson. Oui, c’est sûr que c’est un peu différent stylistiquement des autres chansons, mais c’est un peu le plus proche que nous serons de faire une ballade aujourd’hui [petits rires], mais ce n’est absolument pas une ballade, c’est une puissante chanson de metal. C’est juste qu’elle n’est pas énormément rapide pour du thrash mais ce n’est pas un problème. Je veux que notre album respire à certains moments et lorsque c’est le cas, je veux que l’auditeur retienne son souffle autrement. Car ce n’est pas une chanson légère, elle est aussi très, très heavy, mais différemment. Elle a donc capturé toutes les choses différentes que je voulais qu’elle possède et j’en suis vraiment content.

Death Angel 2016

« Le mec a directement sorti un flingue pour me le coller sur le front. Toute la pièce a retenu son souffle et était là : ‘Non, non, non !’ Il y a eu comme quelques secondes où tout le monde était figé pendant que ce mec tenait une arme contre ma tête. Le promoteur est entré précipitamment, l’a dissuadé et a fini par écarter l’arme. »

J’ai mentionné plus tôt la partie qui donne la chair de poule au milieu de « The Electric Cell ». Qu’est-ce qui t’a inspiré cette partie ?

Oh, mec ! J’attendais que tu m’interroge à propos de cette chanson ! J’ai apprécié le fait que tu aies mentionné plus tôt cette partie. C’est assurément un des exemples de moment spontané en studio. Cette partie existait déjà mais elle n’avait pas tout le côté effrayant. La façon dont cette partie a évoluée, ça vient du fait d’explorer, d’aller plus en profondeur, et je pensais que c’était un passage où quelque chose de vraiment étrange devait arriver, quelque chose de vraiment bizarre et intéressant, c’est ce que ça appelait, mais je ne savais pas exactement quoi. Donc j’ai été en ville un soir pour me relaxer et, en gros, je me suis retrouvé à assembler tout ce truc qui se passe au milieu et c’était vraiment amusant de lui donner forme. Au final, ça collait parfaitement à l’idée. Je ne savais pas ce que ça allait être mais il fallait que ce soit quelque chose dans ce genre et voilà le résultat. Je l’adore ! Cette chanson en particulier est une chanson très intense, surtout au niveau des paroles. Je sais qu’elle est très inspirée par les attentats de novembre à Paris. Donc, puisque je te parle, en France, j’ai le sentiment que c’est encore plus sérieux de t’en parler et d’en parler à tes lecteurs. Nous avons abordé ce sujet inspiré de ces événements avec le plus grand respect et nous voulions faire une déclaration à ce sujet. Ça a eu un écho en nous parce que nous avons été intensément touchés. Ça s’est produit lorsque nous étions en studio, en train de faire cet album. Donc nous avons entendu la nouvelle le jour-même et je ne l’oublierais jamais : nous nous apprêtions à aller enregistrer et nous avons appris ce qu’il s’était passé dès que nous avons été sur internet, nous étions très affectés. Tout cette journée était vraiment sombre, même pour nous dans le studio. C’est la seule chose à laquelle nous pouvions penser, constamment, et c’était juste… Tu sais, nous avons des amis en France, nous avons des fans là-bas, nous avons vécu des concerts géniaux là-bas et même très récemment, nous avons reçu de super réactions de la part de nos fans en France. Nous avons donc vraiment adoré les quelques dernières années à tourner là-bas. Ça nous a simplement affecté personnellement et je suis certain que c’est à ce moment-là que les paroles de cette chanson ont été écrites. C’est donc un regard très intense et personnel et j’espère que ce sera accepté par les français, qu’ils se rendront compte que nous le faisons avec beaucoup de respect.

Est-ce que tu penses à ces attentats maintenant lorsque tu montes sur scène ? Est-ce que tu ressens de la peur parfois ?

[Il réfléchit] Non. Je veux dire, rien en particulier qui… On pourrait dire la même chose avec ce qui est arrivé à Dimebag Darrel : ça m’a fait peur pour lorsque je monte sur scène. Et par le passé, nous avons eu notre lot de situations effrayantes et violentes, impliquant des couteaux, des armes à feu, des choses pendant nos concerts où nous avons littéralement été en danger de mort. Donc ouais, je veux dire que c’est dans notre esprit, bien sûr, mais tu dois tout de suite te faire à l’idée que tu vas jouer, indépendamment de ces situations ; le fait de voyager seul dans divers endroits nous expose à des risques. Donc ouais, nous y pensons mais nous n’allons pas laisser ça nous empêcher de jouer. Et puis, nous n’allons pas aller directement jouer dans une zone de guerre. Il se peut que ce soit un peu risqué mais globalement, bien au contraire, nous avons hâte de venir jouer en France.

Tu as mentionné qu’il y a eu des situations par le passé où vous avez été en danger de mort. A quoi fais-tu référence ?

Oh, eh bien, je veux dire qu’il y a par exemple eu une fois où nous étions sur scène à Amsterdam, je crois que nous jouions au Paradiso, et quelqu’un, un taré… Tu sais, les gens font des slams, sautent sur scène, ressautent dans le public, etc. et à un moment donné, la sécurité… En fait, c’était notre manageur à l’époque qui a plaqué un gars sur scène et lorsqu’il l’a fait, ce mec avait un genre d’énorme couteau, mais vraiment un ENORME COUTEAU ! Je ne sais pas s’il essayait d’atteindre un mec du groupe ou pas, je ne sais pas vraiment, ça n’a pas été jusque-là mais il a été plaqué sur scène et ce couteau est tombé ; nous avons tous vu cette énorme lame qu’il tenait. Et donc qui sait ce qui se serait passé juste après ? Il y a aussi eu une expérience lorsque nous étions en tournée quelque part en Europe de l’Est et la sécurité balançait les gens hors de scène, mais vraiment violemment, genre en blessant des gens. Il a par exemple poussé une fille hors de scène et elle s’est fait mal en retombant par terre. Ce mec était vraiment sévère et à un moment donné, Damien, notre bassiste, lui a foutu un coup de pied par derrière vers la foule. Il était là sur scène, debout pendant que nous jouions, poussant les gens et il ne bougeait même pas. Donc Damien l’a éjecté dans le public. Evidemment, le gars de la sécurité était vraiment furax et après le concert, nous étions dans les loges et il a débarqué comme une furie à la recherche de Damien pour pouvoir, genre, le tuer. Et j’étais à côté de Damien, c’était juste après le concert, nous étions en train de décompresser et le mec est arrivé et, en gros, a commencé à attaquer Damien. Donc je me suis interposé entre lui et Damien, en essayant de lui dire de se calmer. Et le mec a directement sorti un flingue pour me le coller sur le front. Toute la pièce a retenu son souffle et était là : « Non, non, non ! » Il y a eu comme quelques secondes où tout le monde était figé pendant que ce mec tenait une arme contre ma tête. Le promoteur est entré précipitamment, l’a dissuadé et a fini par écarter l’arme. Donc ouais, voilà… [Eclate de rire].

C’est un job sacrément dangereux d’être musicien !

Je ne te le fais pas dire ! Nous étions aussi en tournée, endormi dans le bus, lorsque nous avons subi un gros accident en 1990, juste avant que Death Angel ne se sépare, à la fin de la tournée d’Act III, où notre batteur Andy a failli être tué, le bus a fait des tonneaux. Nous avons presque vécu ce qui est arrivé à Metallica avec Cliff. C’était très similaire. C’est comme ça lorsqu’on voyage d’un endroit à un autre. Donc ouais, il y a des risques, mec.

Et vous n’avez pas de prime de risque…

Non, malheureusement ! Tout ce que tu as, c’est une histoire de dingue à raconter plus tard et un souvenir qui te fait dire : « Ouh, mec ! Dieu soit loué, je suis encore vivant ! » Ce genre de choses, j’espère… Je pars du principe que mon fils et ma mère ne vont pas entendre ou lire cette interview parce que je ne leur raconte rien de tout ça. Je ne veux pas les inquiéter à mon sujet ; c’est déjà assez difficile qu’ils aient à s’inquiéter et cogiter parce que je pars pendant longtemps. Donc je ne partage pas avec eux ces moments effrayants, ils n’ont pas besoin de se faire encore plus de mouron. Mais c’est une réalité, le fait que des conneries stupides arrivent lorsque tu es là-dehors.

Pour ma dernière question : dans le livret, il est inscrit : « En mémoire de Margarita Williamson. » Qui est-elle ?

C’est la grand-mère de Mark et ma grande tante parce que nous sommes de la même famille. Donc c’est une parente à moi aussi et elle était très chère à Mark. C’est donc un hommage en bonne et due forme.

Interview réalisée par téléphone le 20 avril 2016 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Céline Hern.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Stephanie Cabral (3) & KG-Photography (1, 2, 4, 6, 7, 8).

Site officiel de Death Angel : www.deathangel.us



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