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Interview   

Death Decline ne ment pas


S’il a des choses à dire, le groupe dijonnais Death Decline reste spontané dans son écriture. Sa musique est équilibrée, uniforme et sert des textes engagés écrits avec passion par un chanteur pour qui l’implication émotionnelle est primordiale. Néanmoins, tout cela est fait avant tout pour proposer une œuvre « qui sonne bien ». Ainsi, il n’y a pas de démarche prédéfinie, pas de « concept », pas de « formule » au moment de composer ou d’écrire.

A l’occasion de la sortie du nouvel album The Thousand Faces Of Lies, le frontman Alexis Fleury nous décrit cet état d’esprit. Arrivé en cours de route, il nous raconte aussi comment le projet a perduré alors que son équipe s’est renouvelée. En fin d’entretien, il partage son regard critique – c’est un euphémisme – sur les réseaux sociaux ou plutôt l’usage qui en est fait.

« J’ai besoin de parler de sujets qui me mettent un peu les glandes. Après, je ne suis pas fondamentalement quelqu’un de dépressif, donc je laisse toujours une ouverture au niveau des textes, et je pense que quelque part, la musique se déroule de la même façon. Les mecs composent une musique assez lourde et oppressante, mais on n’oublie pas qu’il y a toujours un moment où il faut que ça brille un petit peu. »

Radio Metal : Vous êtes originaires de Dijon. Lorsqu’on parle avec des artistes en interview, on parle surtout de la scène nationale, mais c’est vrai qu’on n’a pas forcément l’occasion de parler des petites scènes régionales. Comment décrirais-tu la scène metal de la région ?

Alexis Fleury (chant) : Si tu veux, le groupe est basé à Dijon même, sachant que dans le groupe, il y a Fab, le guitariste, qui est à l’heure actuelle le plus ancien membre du groupe, qui est de Chaumont et moi qui suis de Chalon-sur-Saône, juste en dessous. À Dijon, la scène bouge pas mal, on voit pas mal de formations émerger, il y a deux lieux où on peut tourner assez souvent et qui permettent de voir comment la scène évolue. Il y a une grosse tendance hardcore depuis quelques années déjà. On voit quelques formations metal également. Il y a pas mal de très bons groupes qui sont déjà en place depuis un petit moment, comme NahBom et compagnie. Sinon, du côté de la Bourgogne en général, on a beaucoup de groupes, mais pas énormément d’endroits pour jouer, donc c’est difficile de suivre l’évolution de la scène. À part quelques bars sur Dijon, et d’autres bars disséminés un peu partout, on n’a pas beaucoup d’endroits pour tourner sur place.

Est-ce que c’est important pour vous de garder en tête vos origines de Bourgogne, et de garder cette identité liée à votre région ?

Je ne pense pas que nous ayons une identité propre à la région ; moi, je ne me sens pas spécialement attaché à un endroit en particulier. Après, c’est mon point de vue personnel. Après, notre région nous donne un point de base. Nous nous sommes toujours donné, à l’inverse, le leitmotiv de jouer le moins souvent chez nous, d’essayer de bouger le plus possible, et derrière, nous revendiquons le fait d’être un groupe de metal dijonnais, mais pour montrer aux gens que nous sommes capables de nous exporter au-delà de nos frontières, et de ne pas seulement rester à jouer toujours au même endroit.

À propos du nom du groupe, il n’y a apparemment plus aucun membre de la formation d’origine, mais vous avez gardé le nom car le groupe avait des dates et un line-up stable…

C’est une question qui revient assez souvent. Le plus ancien membre du groupe est Fab, arrivé en 2011. Manu, le membre fondateur et guitariste rythmique pendant les premières années, est parti en 2014, et la question ne s’est même pas posée, nous avons gardé le nom, parce que comme tu l’as dit, nous avions déjà un petit passif de dates, un EP avait déjà été enregistré. Les gens nous demandent souvent la signification du nom, et malheureusement, s’il y en a eu une un jour, Manu ne nous l’a jamais dite, et je pense honnêtement que le nom n’a pas d’autre prétention que de sonner metal.

Est-ce que ce n’est pas un peu difficile d’assumer un nom que l’on n’a pas choisi ?

C’est une question qui m’a un peu taraudé dans les débuts où je suis arrivé dans le groupe. Après, j’ai rejoint beaucoup de formations qui n’étaient pas à mon initiative, donc je n’ai jamais trop eu la mainmise sur les noms. Je me dis que finalement, un nom, tu peux te l’approprier, et le faire évoluer. Mais les paroles et l’identité que j’ai pu amener au niveau de l’univers de Decline dans le groupe n’ont rien à voir avec ce qui avait pu être fait avant par Mariana. Du coup, le nom suit tout bêtement l’identité que le groupe cherche à avoir.

Vu que le line-up a pas mal changé, il y a forcément eu une sorte de « passation de pouvoir » en termes de leadership. Comment dirais-tu que ça s’est passé ?

Ç’a été un peu rock’n’roll ! À la base, dans la formation avec laquelle ils ont commencé à faire beaucoup de concerts – parce qu’avant, il y a eu deux ou trois moutures de Decline – avec Manu, Fab, Mariana au chant, César à la batterie et Alex à la basse, je les avais dépannés pour un concert en 2013, où Mariana était absente, et peu de temps après, Mariana avait annoncé qu’elle souhaitait quitter le groupe et moi, de suite, vu que j’avais eu une bonne affinité avec les gars, je leur ai proposé de participer. Au début, il y avait de la part de certains un petit côté tiède, parce que l’identité s’était pas mal faite avec une chanteuse. Puis j’ai insisté un petit peu, nous avons fait les premières répètes, ça s’est bien passé, et il n’y a pas vraiment eu de passation de pouvoir, parce que je suis arrivé en amenant mes textes, en reprenant des anciens morceaux, en réécrivant même des nouveaux textes vu qu’il n’y avait rien eu de spécialement enregistré. Et derrière, tous ceux qui sont arrivés ont participé. Quand je suis arrivé, j’ai essayé d’aider au niveau de la com, au niveau de l’écriture et au niveau de la compo. Derrière, nous avons eu quelques changements line-up à la guitare, Mario est arrivé et a vraiment aidé au niveau du booking, parce que c’est quelqu’un qui a de l’expérience dans ce domaine-là, et on va dire que là où c’est Fab qui faisait beaucoup de travail administratif et de booking sur les premières périodes, maintenant, nous sommes en train de nous monter en asso, donc tout le monde a sa part de travail à faire, et je dirais que c’est plus équilibré maintenant. Tout repose moins sur les épaules de quelqu’un.

Est-ce que tu penses que quand tu montes un projet sur le long terme, c’est un passage obligé de changer pas mal de fois de line-up, parce que tu ne sais pas forcément où tu vas, et que du coup parfois les gens peuvent changer d’avis, etc. ?

Tout à fait. Quand tu es gamin, tu as un peu ce fantasme de te dire que tu vas être comme certains groupes que tu connais – alors que finalement, il n’y en a pas des masses – et qui arrivent à perdurer avec le line-up d’origine. Et après, le truc, c’est que les groupes qui sont amenés à évoluer doivent généralement évoluer en même temps qu’un passage de ta vie où tu dois prendre des décisions entre te poser ou pas, choisir plus ton taf que ta passion, etc., donc c’est normal que certains quittent le navire. Nous sommes assez contents que ça se soit toujours fait dans de très bonnes conditions dans Decline, il n’y a jamais eu de bad blood, même les derniers temps, avec le départ de César qui a été très dur autant d’un point de vue technique qu’humain, parce que ça faisait six ans que nous tournions avec lui, et que c’est un ami qui nous est cher. Ce ne sont jamais des moments faciles, mais nous avons réussi à toujours mettre en avant le fait que la force de Decline, c’est qu’au-delà d’être cinq musiciens qui jouent ensemble, nous sommes aussi cinq amis. Je pense que c’est ça qui a fait la différence, et qui a fait que ça a tenu le chemin jusqu’à maintenant.

« Vu que dans le metal, quatre-vingt-dix pour cent du temps, tu ne comprends pas le texte, il faut que tu puisses être suffisamment impliqué pour arriver quand même à faire passer un feeling alors que le mec ne comprend pas forcément ce que tu dis au premier abord. Et pour ça, personnellement, j’ai besoin de croire en les textes que j’écris. »

Vous avez déclaré qu’à l’époque de Built For Sin, la composition avait été assez chaotique, du fait de ces changements et de votre manque d’expérience. Dirais-tu que pour cet album, vous avez ressenti une meilleure cohérence et plus de fluidité dans le travail ?

Nous avons fait pas mal de conneries dans Built, parce que nous avions cette nécessité d’avoir un album pour continuer de tourner parce que l’EP ne suffisait plus et ne représentait plus du tout ce que nous faisions. Alors l’album est un peu bâtard parce que nous reprenons des compos de l’époque Manu, nous avons des compos écrites avec Mario, nous avons des compos où Mario a apporté sa patte dessus… Il y a tout un tas de trucs différents, et nous nous sommes très vite aperçus que nous avons déjà pris pas mal de pains dans la gueule en sortant du premier album. Même si nous en sommes très contents, nous savons qu’il y a eu plein de boulettes que nous nous sommes donnés à cœur de ne pas recommencer, des choses comme la durée outrageuse de la plupart des morceaux. Maintenant, nous avons appris à épurer et à un petit peu plus nous concentrer sur l’efficacité du truc. Il y a aussi le fait qu’un bon album, si on veut l’enregistrer, il ne faut pas le faire en sept jours parce que c’est beaucoup trop short ; le fait qu’il faille bien se préparer avant d’entrer en studio, parce que sinon, ça risque de guidonner, c’est tout un tas de trucs que nous avons gardés en tête. L’enregistrement de The Thousand Faces Of Lies n’a pas été parfait non plus, mais nous avons fait moins de conneries que sur le premier, et je pense que pour le troisième, nous ferons moins de boulettes, et pour le quatrième, un peu moins de boulettes, et ainsi de suite. Nous essayons de ne pas faire table rase à chaque fois, mais de conserver toutes les leçons que nous avons à attendre d’un enregistrement.

Il y a tout un travail sur les contrastes dans votre musique, avec des passages très intenses, voire carrément oppressants, qui ensuite aboutissent à un riff ou une mélodie qui libèrent un peu l’auditeur. C’est quelque chose que l’on retrouve aussi dans les textes, avec à chaque fois une idée un peu optimiste qui vient alléger le ton assez sombre de la musique. Peux-tu nous parler de ce travail de contraste-là ? J’ai cru comprendre qu’il y avait des morceaux comme « Red Dawn » ou « Until The Last Human’s Breath » qui sont fondateurs de cet état d’esprit-là…

Moi, au niveau de la composition, je suis dans des univers assez sombres dans ma façon de penser, parce que j’ai besoin de parler de sujets qui me mettent un peu les glandes. Après, je ne suis pas fondamentalement quelqu’un de dépressif, donc je laisse toujours une ouverture au niveau des textes, et je pense que quelque part, la musique se déroule de la même façon. Les mecs composent une musique assez lourde et oppressante, mais on n’oublie pas qu’il y a toujours un moment où il faut que ça brille un petit peu. Ça ne s’est pas fait de manière consciente, nous n’avons pas réfléchi à faire ça. Nous intellectualisons assez peu les compos. Généralement, les gars arrivent avec des riffs, quand tu connais un peu Decline, tu peux facilement repérer quels sont les riffs amenés par Fab et ceux amenés par Mario parce que nous avons tous des influences très marquées. Moi, derrière, en fonction de la tournure générale que prend le morceau, je vais amener des textes dessus, mais en fait, nous nous sommes dit en écoutant l’album en entier que nous voulions tendre vers quelque chose comme ça, de brutal, tout en gardant le côté mélodique, plus sans concession que Built. En fait, c’est juste au niveau du processus de compo, nous avons trouvé que ce style-là nous allait bien, et avec les années et les expériences sur scène, nous nous apercevons que même si au début nous avions peur que ça fasse un peu trop melting pot, finalement les gens apprécient le fait qu’il y ait ce contraste sur les morceaux. « Until » et « Red Dawn » sont deux morceaux que nous aimons beaucoup. Après, nous ne les mettons pas forcément sur un piédestal par rapport à d’autres. À la base, le délire avec « Until », c’est que Fab et moi sommes de gros fans de heavy, et que nous voulions claquer au moins un refrain heavy chantant dans l’album.

Vos influences sont assez variées, parce que ça peut aller vers quelque chose d’un peu heavy, et la batterie peut même faire brutal death. Néanmoins, quand on écoute le disque, il y a quand même une cohérence globale, avec un disque assez uniforme. Comment travaillez-vous cette cohérence-là ?

Je ne suis pas le mieux placé pour en parler parce que le processus de composition de l’album s’est passé à un moment où j’avais pas mal de soucis dans ma vie perso, donc je n’ai pas pu être aussi impliqué que ce que ça avait pu être le cas pour Built. Après, je sais que Mario et Fab commencent à cerner ce que nous avons envie de faire avec Decline, et du coup, il en sort quelque chose de plus cohérent. Et encore une fois, le fait que le processus ait été mené cette fois-ci de bout en bout par les deux mêmes personnes, et qu’il n’y ait pas eu des compos récupérées d’une période précédente avec d’autres musiciens, je pense que ça a naturellement apporté de la cohérence au projet.

Tu penses que de partir sur une formule de thrash/death est le meilleur moyen de rassembler ces influences variées ? Que c’est le meilleur moyen d’allier le côté mélodique et le côté agressif ?

Je pense que oui. Ce que nous disons souvent avec Fab, parce que nous écoutons tous les deux beaucoup de death, mais nous sommes aussi assez clients du thrash, surtout Fab : le death, c’est bourrin, il n’y a pas de doute là-dessus, par contre le thrash, c’est agressif, c’est beaucoup plus incisif. Quand tu écoutes un Cannibal Corpse, ou un Ulcerate, tu vas avoir une espèce de masse sombre qui va t’écraser. Par contre, quand tu prends un bon morceau de thrash, tu te prends de grosses mandales dans la tronche. Je pense que le thrash/death, c’est un style qui est super, parce qu’il permet de mixer ça, et qui est suffisamment ouvert pour que de temps en temps, si tu as envie de te claquer une petite envolée heavy, ou un petit passage un peu plus black, ça passe tout seul, parce que ce n’est pas encore trop codifié.

Est-ce que vous ne vous sentez pas tentés de temps en temps d’explorer un peu plus, quitte à être un peu moins uniformes sur l’album ?

Je ne pense pas que ça nous ait trop influencés, mais de mémoire, on nous a reproché le côté un peu trop hétéroclite et un peu trop « partir dans tous les sens » de Built, avec des compos qui des fois duraient très longtemps et qui finalement n’apportaient pas plus de choses que si elles avaient duré cinq minutes. Donc je pense que, sans nous censurer, nous avons gardé en tête de faire quelque chose… Nous sommes avant tout un groupe de live, c’est là que nous nous sentons le mieux, c’est là que nous nous éclatons, et du coup, nous essayons d’avoir un set qui soit en entier taillé pour la scène et super efficace. Donc au niveau des expérimentations, nous ne nous mettons pas de barrières, mais nous savons comment ça doit sonner, et du coup, ça sort comme ça sort.

« J’ai beaucoup de mal avec les gens qui tentent des révolutions, qui tentent de devenir quelqu’un à travers les réseaux sociaux, et qui pour moi n’ont pas trop compris que c’était du vent, tout ça, et que la personne qu’ils pensent être sur Internet, c’est un fétu de paille, ça n’existe pas. Ça, c’est un sujet qui me colle généralement les glandes. »

La batterie de l’album est par moments vraiment brutal death, notamment dans le mixage, où, quand il y a des moments avec des tapis de double grosse caisse, on n’entend vraiment que ça. Est-ce que c’est une volonté artistique pour aller avec les textes de l’album et véhiculer cette violence et cette oppression que l’on peut ressentir à des moments dans l’album ?

Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est une volonté du mixage, parce que ce qui se passe, c’est que nous sommes arrivés en studio et dans les erreurs que nous avons pu faire pour The Thousand Faces, c’est que nous sommes encore assez inexpérimentés en termes de son exact que l’on veut. Nous sommes arrivés en studio avec HK qui a fait tout ce qu’il a pu pour nous accueillir dans les meilleures conditions possible, mais nous étions encore un peu largués, nous n’avions pas l’idée précise du son que nous voulions, et vu que nous avons tous des influences très diverses, nous ne pouvons pas dire : « Tiens, il faut que ça sonne comme tel truc. » Donc nous avons essayé de faire le produit le plus violent possible et, derrière, nous avons un peu lissé le truc, parce que notre public type, c’est vraiment un public thrash/death, voire death mélodique par moments. Le premier mix, pour moi, était énorme, mais on partait sur quelque chose qui sonnait vraiment raw, à la Misery Index, et nous nous sommes dit que ça pourrait déstabiliser pas mal de gens. En plus, les autres membres du groupe n’étaient pas forcément clients de ce type de son-là, donc nous avons essayé de faire un compromis pour garder la violence du truc, tout en ayant quelque chose qui soit audible au niveau des grattes.

Tu es le seul aux commandes des textes. Est-ce que c’est quelque chose qui est voulu ?

Je ne l’ai jamais dit de façon tacite. Après, ils ne m’ont jamais demandé non plus. De temps en temps, avant la création d’un nouvel album, je leur parle de ce dont j’avais prévu de parler, et éventuellement, je leur demande s’ils ont des thèmes qu’ils veulent aborder ou pas. J’ai beaucoup de mal à chanter des textes qui ne sortent pas de moi. Mais vu que nous avons à peu près tous la même vision du truc, je sais que je ne vais pas aller sur des terrains qui vont les emmerder, et derrière, de toute façon, je leur propose un texte et ils le valident, donc ils me disent si ça va ou s’ils veulent quelque chose de différent. Jusqu’à maintenant, ils m’ont laissé totalement carte blanche, et puis je n’ai pas eu de retouche à faire. Mais que ce soit pour les textes et les lignes de chant, je suis complètement libre. Mais encore une fois, ce n’est pas quelque chose que j’ai demandé, ça s’est fait tout seul.

J’imagine que c’est quand même mieux, pour incarner ce que tu chantes, de gérer ça tout seul ?

J’ai beaucoup de respect pour ceux qui le font, ça ne me pose pas de problème, ce n’est pas une vérité absolue, mais je ne comprends pas, je n’arrive pas à m’investir sur scène en chantant un truc marrant ou un truc qui n’a pas de rapport avec mes convictions. Pour être crédible sur scène, il faut que je croie en mes paroles. Le fait d’être chanteur, ça te donne une tribune, ça te donne la possibilité de dire quelque chose. Que les gens comprennent ou pas, ce n’est pas grave, du moment que l’intention et l’émotion sont là. Vu que dans le metal, quatre-vingt-dix pour cent du temps, tu ne comprends pas le texte, il faut que tu puisses être suffisamment impliqué pour arriver quand même à faire passer un feeling alors que le mec ne comprend pas forcément ce que tu dis au premier abord. Et pour ça, personnellement, j’ai besoin de croire en les textes que j’écris.

À propos des textes, l’album s’appelle The Thousand Faces Of Lies. C’est un thème très général. Est-ce que ce thème te permettait d’écrire sur différents sujets tout en gardant la trame du mensonge ?

C’est complètement ça. Déjà, le thème, on ne va pas se mentir, je trouvais que ça ne sonnait pas trop mal, et puis effectivement, c’est suffisamment générique pour pouvoir englober la totalité des thèmes que j’aborde en général. J’écris souvent sur les dérives possibles de ce qu’on a été capable de faire et de ce qu’on est encore capable de faire aujourd’hui, donc je pense que The Thousand Faces Of Lies fonctionnait plutôt pas mal pour regrouper tout ça.

Il y a un morceau dans l’album qui s’appelle « Network’s Zombies Supremacy ». Quand j’entends ce titre-là, j’entends « addiction aux réseaux sociaux »…

Ça fait partie des morceaux qui sont issus de ma vision assez personnelle, mais je sais que les gars sont un peu dans ce délire-là aussi, mais j’ai énormément de mal avec les réseaux sociaux. Je les utilise, comme beaucoup de gens, mais comme un média. De temps en temps, une ou deux fois par an, je vais partager un truc à la con, mais sinon, en règle générale, j’ai beaucoup de mal avec les gens qui tentent des révolutions, qui tentent de devenir quelqu’un à travers les réseaux sociaux, et qui pour moi n’ont pas trop compris que c’était du vent, tout ça, et que la personne qu’ils pensent être sur Internet, c’est un fétu de paille, ça n’existe pas. Ça, c’est un sujet qui me colle généralement les glandes. J’ai une gymnastique à la con : généralement, quand j’ai besoin d’être un peu vénère pour mes textes ou n’importe quoi, je prends un post, n’importe lequel, sur Facebook, et je vais passer dix minutes dans les commentaires à lire à quel point les gens peuvent être cons. C’est vraiment quelque chose qui me révulse, parce que je ne comprends pas ça, je pense qu’on n’est pas là pour bien longtemps et qu’on n’a pas spécialement d’intérêt à passer du temps à raconter notre vie sur les réseaux sociaux, surtout quand c’est pour dire de la merde, ou prendre position sans même avoir connaissance du sujet, ou juste essayer d’exister à travers cette Toile.

Il est clair que quand tu vas sur Facebook, c’est ahurissant de voir à quel point parfois des gens essayent de se starifier eux-mêmes en faisant des communiqués, des annonces, etc., juste pour leurs contacts…

Au-delà du culte de la personne, il y a cette espèce de truc où tout le monde essaye de récupérer des miettes du gâteau. Tu vas prendre un commentaire, que ce soit une recette de cuisine, ou le dernier attentat en date, tu as toujours quelqu’un qui va donner son avis éclairé, qui généralement est écrit lamentablement – parce que je suis un peu un grammar nazi aussi, en général – et qui te montre que le mec ou la meuf n’a absolument pas percuté sur ce qu’il se passe. Alors, je n’ai pas la prétention d’avoir mieux compris les choses qu’eux, mais des fois, ça saute un peu à la tronche que les mecs sont complètement à la ramasse. Je me dis que tant qu’on va dans cette direction-là, c’est mal barré pour redresser le tir. Je n’ai pas la prétention de sauver le monde, je laisse ça à d’autres, mais ça me fait toujours un peu marrer et chier de voir l’évolution de l’espèce dans ce sens-là.

Interview réalisée par téléphone le 15 novembre 2018 par Philippe Sliwa.
Transcription : Robin Collas.

Facebook officiel de Death Decline : www.facebook.com/deathdecline

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