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Interview   

Delain sort des eaux troubles


Il y a un peu plus d’un an, Charlotte Wessels, qui sortait son premier album solo, nous racontait son vécu de la fracturation inattendue et spectaculaire de Delain annoncée quelques mois plus tôt. Aujourd’hui, c’est au tour de Martijn Westerholt, qui s’est retrouvé seul, en burn-out et désemparé à bord du navire néerlandais, de nous livrer son regard sur l’événement. Mais pas seulement, car Delain a su se recréer un avenir en se sortant des eaux troubles de la plus belle des manières. D’abord, en retrouvant des visages familiers : le guitariste Ronald Landa et le batteur Sander Zoer qui ont déjà officié au sein du groupe les premières années. Ensuite, en parvenant à trouver la perle rare, celle qui réussira à passer après la charismatique Charlotte Wessels et à se faire accepter des fans, en la personne de Diana Leah.

Le résultat : Dark Waters, un album qui devrait vite rassurer, tant l’ADN de Delain est préservé, avec même un petit côté « retour aux sources ». La tâche était ardue, mais force est de constater que Martijn a su remonter la pente. C’est donc ce dernier, accompagné de Diana qui fait ses présentations, qui nous raconte toute cette histoire dans l’entretien qui suit.

« J’étais en burn-out, je n’avais pas d’énergie, et j’ai fini par leur offrir la totale : ‘OK, le groupe est à vous, mais il faut que vous rachetiez l’entreprise.’ Ils ont refusé les conditions, parce qu’il fallait procéder au rachat, et nous n’étions pas d’accord là-dessus. Du coup, ils sont partis. »

Radio Metal : Pour commencer, revenons à la séparation de la précédente incarnation du groupe. Apparemment, à en croire certains de tes anciens collègues, le cœur du problème était que toi, Martijn, n’aimais pas partir en tournée et que Delain avait évolué pour passer de ton propre projet à un véritable groupe. Quelle était la source de ton mécontentement à cet égard ? Concrètement, quels étaient les problèmes de ton côté ?

Martijn Westerholt (claviers) : Le résumé que tu en fais ne correspond pas vraiment à mes souvenirs. J’aimais bien tourner, et j’étais satisfait de la façon dont le groupe avait évolué. Le seul problème, c’est que j’ai fini par faire un burn-out. Au final, c’est moi qui suis responsable de tout. S’il y a des problèmes, c’est à moi de les résoudre, et si tous ces problèmes arrivent en même temps, ça réclame beaucoup d’énergie. C’est ce qui s’est passé fin 2019. J’ai fait un burn-out et je savais que je devais réduire la voilure en matière de tournée si je voulais m’en remettre. À l’avenir, il fallait aussi que nous donnions moins de concerts. Il y a eu des années où nous avons fait cent concerts par an, ce qui fait un peu beaucoup ! [Rires] J’en ai discuté avec Charlotte, et nous avons trouvé une solution pour jouer un peu moins pendant un moment tout en gardant un bon rythme. Nous avons ensuite voulu en parler aux autres, mais avant que nous puissions le faire, ils nous ont conviés à une réunion et nous ont expliqué qu’ils voulaient tout changer. Ils m’ont dit : « Nous ne voulons plus que tu partes en tournée avec nous ; nous voulons tourner sans toi. » Le problème, c’est que c’est ma responsabilité, parce que Delain est mon entreprise, en association avec Charlotte. Si quelque chose se passe de travers, c’est à ma porte que les gens viennent frapper, pas à la leur. Du coup, ce n’était pas vraiment possible.

À ce moment-là, nous étions déjà début 2020, et le Covid-19 est arrivé. Beaucoup de choses se sont passées en même temps. La pandémie nous a laissé le temps de réfléchir et de discuter, et j’ai fini par leur dire : « OK, faisons comme vous voulez. Ça me fait mal, je dois dire. Je n’aime pas cette solution, mais si vous insistez, faisons comme ça. En revanche, vous devez monter votre propre entreprise live ; comme ça, c’est vous les responsables. » Je leur ai fait cette proposition, mais ils ont changé d’avis : « En fait, on veut tout. Tu peux continuer à écrire, mais c’est nous qui décidons. » Pour moi, ç’a été un sacré coup, parce que c’étaient Charlotte et moi qui écrivions, et eux ne contribuaient pratiquement pas. Nous avons continué à en discuter, et finalement… J’étais en burn-out, je n’avais pas d’énergie, et j’ai fini par leur offrir la totale : « OK, le groupe est à vous, mais il faut que vous rachetiez l’entreprise. » Ils ont refusé les conditions, parce qu’il fallait procéder au rachat, et nous n’étions pas d’accord là-dessus. Du coup, ils sont partis. Quant à Charlotte, sa position était : « Si c’est pour avoir un tel changement de line-up, je préfère me concentrer sur ma propre carrière. » C’est ce qu’elle a toujours dit et c’est ce qui s’est passé. Tout d’un coup, je me suis retrouvé seul dans le groupe. La situation n’était pas encore rendue publique, mais j’ai eu le temps de réfléchir : « Comment est-ce que je continue, maintenant que tout le monde est parti ? » Je me suis dit que j’allais continuer sous forme de projet, parce qu’à ce moment-là, je ne pensais pas qu’il soit possible de reformer un groupe. Il faut trouver les bonnes personnes, et c’est très difficile. Mais nous revoilà en tant que groupe ! Ça s’est résolu. Il y a eu des moments où je me suis dit que ça ne se ferait jamais, mais si.

Charlotte nous a dit qu’elle aurait « préféré faire une dernière tournée avec tout le monde pour ensuite arrêter, avec un scénario où [ils auraient] cédé [leur] place harmonieusement et où [elle aurait] été impliquée dans le processus de recherche d’une nouvelle chanteuse ». En avez-vous discuté ?

Non, jamais. C’est la première fois que j’entends ça. J’ai toujours compris qu’elle ne voulait continuer qu’avec nous tous. C’est également ce que je voulais, mais nous n’avons pas réussi à résoudre la situation. Mais ce qu’il y a, c’est qu’ils n’étaient pas vraiment… Bien sûr, je ne parle pas de Charlotte, mais les autres gars n’étaient pas vraiment responsables de la musique. Et il y avait tellement de choses qui restaient en place : mon co-compositeur était toujours là, j’étais resté en contact avec les anciens membres du groupe qui, après être partis, m’avaient dit : « Hey, Martijn, on veut recommencer à jouer. C’est à nouveau compatible avec nos vies. » Il y avait tellement de choses qui m’ont permis de me dire en toute logique : « OK, contre toute attente, continuons en tant que groupe. »

Comme tu l’as dit, tu t’es retrouvé seul dans le groupe et tu as dû rebâtir Delain à partir de rien après quinze ans. La perspective devait être intimidante pour toi, mais comment a réagi le label, Napalm Records ? Avait-il toute confiance en toi ?

Oui, parce qu’ils savaient… Pour le dire clairement, ils savaient qui était derrière la musique, et ils m’ont toujours soutenu. Je leur en suis très reconnaissant. J’ai aussi reçu beaucoup de soutien de collègues d’autres groupes. Ils m’ont encouragé à continuer et ça m’a beaucoup aidé.

« C’est très important pour moi de me sentir libre, car ainsi je me sens à l’aise pour faire ce boulot et remplacer une chanteuse qui a eu un tel impact pendant ses années avec le groupe. »

Tous les « nouveaux » membres ne le sont pas tant que ça, dans la mesure où Sander Zoer et Ronald Landa faisaient partie du groupe à ses débuts et sur les premiers albums. Même Rob van der Loo a enregistré la basse en tant que musicien de session sur le nouvel album. Comment as-tu renoué le lien avec eux ?

Je suis toujours resté en contact avec eux, et ils ont bien sûr suivi tout le processus. J’ai également reçu beaucoup de soutien de ce côté-là. Le fait qu’ils rempilent signifie que nous avons la totalité du line-up d’April Rain – à l’exception de Charlotte, bien sûr, mais en dehors de ça, tout le line-up d’April Rain était présent. Évidemment, Rob ne pouvait se rendre disponible que si nous continuions sous forme de projet, parce qu’il est très occupé avec Epica, et Delain comme Epica sont très exigeants en termes de disponibilité. Au final, nous avons dû chercher un nouveau bassiste, et bien sûr, une chanteuse. À un moment donné, quand il est devenu clair que nous n’allions pas continuer en tant que projet, mais en tant que groupe, il nous fallait une voix. Ça aussi, ça a été tout un processus.

Pourquoi ont-ils quitté le groupe à l’origine, si c’était pour y revenir ?

C’est une très bonne question. En fait, pour beaucoup de groupes, quand les musiciens approchent de la trentaine – mais ça peut être un peu avant ou un peu après –, ils arrivent à un carrefour, du genre : « Est-ce que je poursuis un boulot normal, entre guillemets, ou est-ce que je suis la voie du musicien ? » À l’époque, ils avaient tous les deux une vie de famille. Sander est devenu papa autour de l’époque où il est parti et il voulait se concentrer là-dessus. C’est aussi l’époque où Delain a commencé à être plus actif. [Sander] a eu une proposition pour faire une formation. C’était un peu la même chose pour Ronald : il a choisi de poursuivre une carrière [normale] et ça ne pouvait plus fonctionner. Aujourd’hui, dix ans plus tard, les choses se sont tassées et ils ont à nouveau le temps pour la musique. Pour eux, c’était une décision logique : « Si Delain change de visage, on adorerait revenir. »

J’ai lu que Sander avait continué à travailler en coulisses pour Delain après son départ. Quelle était son implication ?

C’était l’objectif initial, oui. Au final, ça ne s’est pas passé comme ça, je dois dire. Il a participé à quelques concerts quand nous avions besoin d’un batteur de remplacement. Par exemple, il a joué avec nous en Hongrie il y a trois ans. Et c’est un ami – il l’a toujours été, et nous sommes toujours restés en contact. Le fait qu’il soit resté associé à Delain était un processus très organique.

Charlotte était le visage et la voix de Delain, et elle était très populaire auprès des fans. La remplacer n’avait donc rien d’anodin. Pour ce faire, vous avez choisi Diana. Comment vous êtes-vous connus ?

C’est une histoire sympa qu’elle peut raconter ! [Rires]

Diana Leah (chant) : Oui, c’est assez marrant, parce que… J’étais en vacances, ici en Italie, et j’ai lu la nouvelle concernant Delain. J’ai vu passer l’information un peu partout, mais je ne savais pas… C’était pendant l’été, il y a plus d’un an maintenant, et je ne savais pas si Martijn avait déjà trouvé une chanteuse ou s’il cherchait toujours. Je ne savais rien, je me suis juste laissé porter, j’ai suivi mon instinct, et j’ai laissé un message sous un post de leurs réseaux sociaux, en disant : « Hey, je peux auditionner pour le poste de chanteuse ? » J’ai ajouté un smiley à la fin [rires], parce que je ne savais pas quelle était la situation. Je n’avais aucune attente ; je ne comptais pas recevoir de réponse. Je me suis simplement dit : « Je pose ça là comme une blague, et on verra bien ce qui se passe ». Et deux ou trois jours plus tard, Martijn m’a répondu : « Oui, bien sûr que tu peux auditionner. Je vais t’envoyer quelques chansons sur lesquelles tu pourras chanter. » Voilà comment les choses se sont passées ! C’était marrant. Par la suite, il m’a dit : « En fait, tu étais sur ma liste de chanteurs à contacter, parce que j’ai vu ta chaîne YouTube et j’ai aimé ta voix. » Voilà comment c’est arrivé.

Apparemment, Delain est ton premier groupe, c’est bien ça ?

Oui. Enfin, j’ai fait partie de plusieurs groupes pendant mes années lycée. Ce n’était rien de sérieux, rien de comparable avec Delain, rien de ce niveau. Du coup, je dirais que oui, c’est le premier groupe sérieux auquel je participe. Les deux groupes précédents… Avec l’un d’eux, nous n’avons jamais joué sur scène. Nous n’étions qu’un projet studio, tout le monde enregistrait chez lui. Avec le deuxième, nous avons donné quelques concerts dans notre ville, mais devant quelque chose comme quatre-vingts à cent personnes. Rien à voir avec Delain ! [Rires]

« J’ai même appelé certains fans qui avaient des questions sur la séparation. Je leur ai dit : ‘On s’appelle et vous pourrez me poser toutes les questions que vous voulez.’ Les fans sont tellement importants, parce que c’est grâce à eux qu’on peut faire ça. »

Comment as-tu abordé ton nouveau rôle et ton arrivée dans un groupe qui est déjà une machine bien rodée ? Avais-tu une appréhension ?

Bonne question. Pour commencer, je suis entre de bonnes mains d’un point de vue humain, parce que Martijn et les autres sont des types géniaux. Ce sont aussi d’excellents musiciens, mais le côté humain est le plus important. Ils me soutiennent tous et me laissent la liberté de m’exprimer en tant que chanteuse et de faire ce que je veux en termes de chant et de performance scénique. C’est très important pour moi, parce que si je me sens libre, alors je me sens à l’aise pour faire ce boulot et remplacer une chanteuse qui a eu un tel impact pendant ses années avec le groupe. C’est la première chose – et la plus importante : faire partie d’un groupe dont les membres sont des personnes incroyables. Pas seulement le groupe, d’ailleurs, mais aussi l’équipe qui travaille pour Delain. On n’en parle pas assez, mais ils travaillent dur pour soutenir le groupe et me soutenir, moi. La partie humaine est vraiment très importante. Et puis, bien sûr, il y a la préparation vocale, la partie technique : je dois travailler mon chant pour être capable de chanter les anciennes et les nouvelles chansons aussi bien que possible.

Tu as évoqué ton passé en termes de groupes, mais peux-tu nous parler de ta formation de chanteuse ?

Oui, bonne question. J’ai commencé à chanter quand j’étais petite, mais évidemment, à l’époque, je ne savais absolument pas ce que je faisais. Je devais avoir sept ou huit ans. Je chantais sur ce que j’entendais à la radio, simplement parce que j’aimais ça et que ça me faisait du bien. Des années plus tard – je devais avoir dix-sept ans –, j’ai commencé à prendre des cours de chant, à regarder des vidéos et à apprendre comment ma voix fonctionne. C’est aussi là que j’ai commencé à chanter d’autres types de chansons. J’ai commencé à écouter des groupes de rock comme Evanescence, et des groupes de metal comme Within Temptation et Nightwish. Je me suis mise à chanter ces chansons et à découvrir ce que pouvait faire ma voix. J’ai pris des cours pendant quelques années avec un professeur, ici en Italie, mais par la suite, j’ai continué toute seule. Disons que je n’étais pas très satisfaite de ce que m’enseignait le prof. J’ai fini par dire : « Vous savez quoi ? Je vais faire mes propres recherches. » On a tous Internet, et on peut trouver tout ce qu’on veut sur Internet. J’ai commencé à faire mon propre truc et à expérimenter avec la pop et le rock. Ma voix est un mélange de plein de types de musique et de styles – y compris l’opéra, même si je n’ai pas une formation classique, mais j’adore explorer cet aspect de ma voix. Pour un chanteur, le voyage n’a jamais de fin, parce que tu passes ton temps à apprendre, même si tu as dix, vingt ou trente ans de formation vocale derrière toi. Tu n’arrêtes jamais d’apprendre.

Quel était ton rapport à Delain en tant qu’auditrice avant de rejoindre le groupe ?

Je connaissais Delain, bien sûr. J’ai découvert le groupe à la même époque que Within Temptation – ou peut-être quelques années plus tard. C’était en 2009. Je cherchais de nouveaux groupes sur YouTube, comme tout le monde le faisait à l’époque, et encore aujourd’hui. Je suis tombée sur le clip officiel de « April Rain » sur YouTube, et j’ai tout de suite été happée par cette chanson. Elle était tellement accrocheuse, et la vidéo était épique, avec la tempête et la pluie. C’est comme ça que j’ai découvert le groupe. Par la suite, j’ai évidemment écouté d’autres chansons, et elles étaient toutes aussi accrocheuses. Le chant est tellement pop qu’il te reste dans le cerveau. C’était très facile pour moi de devenir fan [rires].

Tu étais inconnue avant de rejoindre Delain. Martijn, penses-tu que c’était la meilleure solution, plutôt que de faire appel à une voix déjà connue, car ainsi, personne ne pouvait avoir d’attentes ou faire de comparaisons ?

Martijn : Je ne l’ai pas vraiment approché comme ça. J’ai simplement cherché des chanteurs – hommes et femmes, d’ailleurs. Je ne m’étais pas décidé à ce sujet. Quand j’ai contacté Diana… C’était marrant, parce qu’une semaine avant qu’elle n’écrive ce commentaire sur les réseaux sociaux, j’avais noté son nom, et je me suis dit : « C’est trop gros, comme coïncidence. Ça doit être un signe ! » Quand je l’ai contactée, je lui ai demandé de chanter d’anciennes chansons de Delain et une nouvelle, et le lendemain, je crois, j’avais une réponse. Je n’ai pas été très sympa dans le choix des chansons, parce que je lui en ai envoyé deux sur lesquelles le chant part dans tous les sens, « Masters Of Destiny » et « Burning Bridges ». Et elle me les a renvoyées en une journée, je crois. Ça m’a surpris en soi, mais quand j’ai entendu le résultat, je suis tombé de ma chaise. J’étais bluffé, et j’ai su que nous devions la faire venir aux Pays-Bas pour qu’elle puisse rencontrer Rob et Sander – et nous voilà !

« Marco Hietala était là au tout début de Delain, sur le tout premier album, avant même que nous ne soyons un groupe – et il est toujours là aujourd’hui. J’ai beaucoup utilisé l’expression ‘retour aux sources’, et je crois que Marco est l’un de ces éléments. J’adore sa voix. L’entendre chanter sur un titre de Delain, c’est comme rentrer à la maison. »

Le Delain actuel se compose de trois cinquièmes du Delain de 2006 à 2009. Penses-tu qu’il s’agit là du vrai Delain ? As-tu voulu recréer la magie de cette époque avec cette nouvelle version du groupe et le nouvel album ?

Oh, c’est… Waouh, c’est une question difficile. Pour moi, ce qui importait avec la reformation, c’était de conserver l’ADN de Delain autant que possible. Du coup, j’étais vraiment reconnaissant que les anciens membres reviennent – de même que les invités, parce que, comme tu le sais, Marco Hietala, qui participe également à l’album, a un passé avec Delain, et nous sommes amis depuis des années. C’était important pour moi. Ce n’est pas à moi de dire si cette mouture est le meilleur Delain ou le Delain original, mais je suis certain que c’est Delain. Et je pense que nos nouveaux membres, Ludo [Cioffi] et Diana, l’élèvent encore plus. Je le remarque aussi du côté des fans, car au final, ce sont eux qui décident s’ils acceptent le nouveau groupe ou non. Et je dois dire qu’ils sont infiniment plus… Leur réaction m’a vraiment bouleversé, c’était encore mieux que ce que j’espérais.

Vous avez déjà donné plusieurs concerts avec ce nouveau line-up. Diana, comment as-tu vécu le fait de te retrouver face au public de Delain ?

Diana : Nous avons commencé en juin avec les concerts tests. Nous en avons fait deux pour un petit groupe de personnes aux Pays-Bas, puis nous avons joué à un festival en Suisse au mois d’août. C’était le jour de mon anniversaire, d’ailleurs ! C’était tellement cool et le festival était génial. Il y avait beaucoup de monde et la scène était épique. C’était super. Puis nous avons donné notre premier concert officiel en salle aux Pays-Bas, le 4 novembre [2022]. Cette fois, c’était réel, parce que c’était le premier concert de Delain avec le nouveau line-up dans une salle – et le show était complet, ce qui le rendait vraiment spécial. J’ai pu rencontrer beaucoup de gens et leur parler après le concert. Nous avons pris des photos, il y a eu des embrassades et des discussions. C’était super, et tout le monde nous a accueillis à bras ouverts et avec des mots très gentils. C’était formidable, surtout après le concert. Quand nous sommes montés sur scène et que nous avons commencé à jouer la première chanson, je crois que nous étions tous nerveux, parce que c’était le premier concert depuis des années – il faut aussi compter qu’il y a eu le Covid-19 et que personne ne pouvait jouer. On ne sait jamais quoi attendre du public. Et s’il n’appréciait pas ? Et s’il restait juste planté là à nous dévisager ? Mais c’est le contraire qui s’est produit : les gens s’amusaient, dansaient, chantaient. C’était un moment chargé d’émotion. Il y a eu des moments où j’ai eu du mal à chanter, parce que j’étais tellement émue de voir les gens qui chantaient avec moi. C’était vraiment, vraiment spécial.

C’est super que tu aies immédiatement été acceptée. Ça veut dire que tu as fait le bon choix, Martijn ! [Rires]

Martijn : C’est grâce à Diana ! [Rires] Nous avons vraiment essayé d’impliquer les fans. Pour ces concerts tests, nous avons invité gratuitement des fans du monde entier, pas seulement des Pays-Bas. C’était une vraie invitation, et ça aussi, c’était spécial. J’ai même appelé certains fans qui avaient des questions sur la séparation. Je leur ai dit : « On s’appelle et vous pourrez me poser toutes les questions que vous voulez. » Les fans sont tellement importants, parce que c’est grâce à eux qu’on peut faire ça. C’était une aventure que nous avons entreprise avec les fans. C’était effectivement très spécial et riche en émotions de faire ces concerts tests et d’entendre les chansons reprendre vie après si longtemps. Les fans étaient très émus, mais nous aussi.

En parlant de l’ADN de Delain, vous avez utilisé le même type d’artwork réalisé par Glenn Arthur et le logo déjà vus sur Moonbather et We Are The Others. Dans la mesure où tout le line-up a changé, était-il important de rassurer les fans avec des visuels qu’ils pourraient immédiatement relier au passé du groupe, et qui affirment que cet album est tout autant Delain que les précédents ?

Il y avait plusieurs raisons. La première est simplement que j’adore ces artworks, et les fans aussi. Et ils sont effectivement très liés à Delain. Glenn Arthur a été tellement sympa de nous aider. Je crois que c’est une part importante de Delain, un élément de la structure, qu’il est crucial de conserver. Je suis très reconnaissant que ç’ait été possible – surtout dans la mesure où on ne sait pas si ça va coller à l’album. Mais ç’a toujours été lié à Delain. Même sur Apocalypse & Chill, on retrouve quelques éléments ici et là : le colibri, le logo… Ça fait partie de nous, comme Eddie avec Iron Maiden. Il y a d’autres exemples ! [Rires]

« La musique est la véritable magie de ce monde. Je suis un grand fan d’Harry Potter, et Dumbledore dit : ‘Ah, la musique ! Voilà un genre de magie bien au-delà de ce que nous faisons ici !’ [Rires] J’aime cette idée. »

Dark Waters est le premier album de Delain avec toi, Diana. Comment l’as-tu vécu ?

Diana : C’était ma première expérience d’enregistrement d’un album. Ces dernières années, j’ai collaboré avec des producteurs, des DJ, des gens qui écrivent de la dance et de la pop. Ils m’envoyaient une chanson et j’écrivais par-dessus, j’enregistrais mon chant et je renvoyais le fichier. Mais là, le processus est totalement différent, parce que Martijn et Guus [Eikens] produisent des démos pour l’album. Il y a huit ou dix démos, et il faut sélectionner celle sur laquelle commencer à travailler. Ils m’envoyaient les démos avec un guide vocal, et il fallait que je trouve mon style, comment je voulais chanter et comment je comptais donner vie à la chanson. C’était très intéressant pour moi, j’ai appris tellement de choses. Je n’avais aucune idée de la façon dont un groupe construit un album, entre les démos, les arrangements, les orchestrations et l’enregistrement. C’était un processus très sympa. C’était aussi long et difficile, mais au bout du compte, c’est vraiment sympa parce que le mix final est totalement différent des premières démos. Tu es soufflé quand tu l’écoutes. C’est un sentiment tellement agréable. Le moment où tu entends une chanson mixée pour la première fois, c’est ébouriffant.

Et toi, Martijn, comment comparerais-tu sa création avec celle des albums précédents ?

Martijn : En dehors de l’implication de Diana, qui est évidemment complètement nouvelle – et le fait que Charlotte n’était pas là –, pour moi, très honnêtement, c’était « business as usual ». J’ai toujours beaucoup écrit pour Delain avec Guus, et j’étais producteur. Pour moi, c’était un processus normal. La seule différence était effectivement que nous n’avions pas Charlotte, qui est une parolière extrêmement douée. Ces dernières années, elle était aussi devenue une excellente compositrice. Mais en dehors des paroles, rien n’a changé. Évidemment, l’implication de Diana était une nouveauté, et une nouveauté géniale. On ne sait jamais à l’avance comment les choses vont se passer, et ça rend tout le processus très excitant.

Delain est un groupe avec pas moins de quinze ans d’histoire, et qui a su se constituer une belle fanbase. Avez-vous ressenti de la pression avec cet album ? Aviez-vous l’impression d’avoir quelque chose à prouver ?

Oui, j’avais effectivement l’impression d’avoir quelque chose à prouver, mais je savais que je pouvais le faire, parce que je l’avais déjà fait. Pour moi, il fallait seulement le prouver à nouveau, et j’avais vraiment envie de le faire. J’avais beaucoup de gens bien autour de moi. J’ai eu beaucoup de chance d’être entouré de gens formidables, comme Diana et Guus, ainsi que Ronald et Sander. C’était un voyage formidable et très thérapeutique. Je suis très reconnaissant d’avoir eu cette opportunité.

Diana : Bien sûr, j’avais moi-même quelque chose à prouver, parce que je viens remplacer une autre chanteuse. Il y aura toujours des attentes. Je l’ai bien senti et je le ressens toujours, même si plusieurs chansons avec ma voix sont déjà sorties. Les gens commencent à s’habituer, ils sont plus réceptifs et ils acceptent la situation, mais bien sûr, il y a toujours un peu de pression. Nous partons en tournée en avril, et je sais qu’il y aura également des attentes de ce côté-là. Il y a aussi des comparaisons, c’est tout simplement inévitable. Dès qu’un groupe change de chanteur, il y a des comparaisons, mais c’est totalement normal. Je le fais aussi : quand un groupe que j’aime change de chanteur, je fais toujours des comparaisons avec le chanteur précédent. C’est la façon dont le cerveau fonctionne, je crois ; quand on est habitué à quelque chose et que tout change, on fait des comparaisons et c’est tout à fait normal. Mais oui, je ressens un petit peu de pression, même si ça s’est un peu calmé, maintenant. C’est une pression excitante, d’ailleurs, parce que je veux présenter à tout le monde les chansons de Dark Waters, montrer tout ce que nous avons mis dans cet album et prouver que l’essence de Delain est toujours présente. J’ai hâte que le public puisse en profiter et écouter la musique.

Avec Dark Waters, vous semblez insister sur le côté symphonique et faire un lien avec vos premiers albums et le son de vos débuts. Ces dernières années, beaucoup de groupes de metal symphonique ont atténué le côté symphonique. C’est particulièrement vrai pour un groupe comme Within Temptation. Avez-vous l’impression d’aller à contre-courant avec Dark Waters ?

Martijn : Je pense que c’est juste une question de suivre son cœur. C’est tellement cliché, mais aussi tellement vrai. Je ne me demande pas ce que font les autres groupes à ce niveau. J’aime simplement faire la musique que nous faisons et que nous avons toujours faite. Bien sûr, on essaie toujours de se renouveler, mais d’un autre côté, il faut essayer de rester fidèle à l’entité que Delain est devenu au fil des années. J’adore les orchestrations et les éléments symphoniques, donc je ne vais pas m’en priver. On essaie toujours de se réinventer, évidemment, mais c’est un processus continu. Dans notre cas, je pense que nous resterons fidèles à ce que nous faisons. Voilà ce que les gens peuvent attendre. Mais bien sûr, nous nous efforçons toujours de surprendre dans le bon sens et de ne pas devenir prévisibles. Je reconnais l’intérêt de ne pas prendre la poussière, si tu vois ce que je veux dire – de rester actuels. J’espère et je crois que c’est ce que nous faisons.

« Dès que je chante, je me sens en sécurité. Peut-être parce que c’est un moyen pour moi de canaliser mes émotions. Parfois, dire ce que je ressens est très difficile, mais si je le chante, c’est tout de suite beaucoup plus facile. »

Nous avons mentionné Within Temptation, et Ruud Jolie fait une apparition sur « Mirror Of Night ». Vous faites aussi appel à Marco Hietala, anciennement de Nightwish, Rob est passé chez Epica… Selon toi, Delain est-il le groupe à la croisée de la scène symphonique – une sorte de point convergence ?

C’est très intéressant. Pour Epica, je ne sais pas trop, parce qu’ils sont très différents de ce que nous faisons. Mais je pense que nous proposons un mélange de Within Temptation et de Nightwish. J’ai un lien important avec les deux groupes et je connais très bien leurs membres. Pour Within Temptation, bien sûr, c’est la famille, et aussi mon passé, parce que j’ai fait partie du groupe. Pour Nightwish, nous avons tourné avec eux et ce sont de très bons amis. Je fais aussi de la musique avec plusieurs des membres du groupe. Il y a de vrais liens avec ces groupes.

D’ailleurs, comment la participation de Ruud s’est-elle faite ?

C’est une histoire pas du tout romantique et extrêmement pratique ! Je ne sais plus si j’ai expliqué qui est Guus, ou si tu sais de qui il s’agit. C’est mon co-compositeur. Il ne fait pas partie du groupe, mais nous avons toujours écrit la musique de Delain tous les deux. C’est aussi un excellent guitariste. Ronald est aussi très bon, mais ni l’un ni l’autre n’étaient disponibles au moment où j’avais besoin d’enregistrer cette chanson. Nous n’enregistrons pas d’un bloc, mais chanson par chanson. C’est une approche plus moderne, comme en dance. On se concentre sur une chanson, on la finit et on passe à la suivante. Ils étaient en vacances l’été dernier, mais j’avais une deadline, et je me suis demandé qui pouvait m’aider à enregistrer cette chanson. J’ai pensé à Ruud. Je l’ai appelé et je lui ai demandé s’il avait le temps. Il devait partir aux États-Unis avec Within Temptation quinze jours plus tard, et il m’a répondu : « Oui, j’ai un peu de temps, je peux m’en occuper. » Il a fait du très bon boulot. Je lui étais très reconnaissant de me donner un coup de main.

Un titre comme « The Cold » fait appel à un véritable chœur…

C’est en fait la deuxième fois que nous faisons ça, parce que c’était aussi le cas sur l’album précédent. Si ça n’avait tenu qu’à moi, il aurait été encore plus important. Mais nous devons aussi jongler avec des questions de temps et de budget. J’espère qu’il pourra être encore plus conséquent sur le prochain album. C’est très cool d’avoir un vrai chœur. Vraiment génial.

Diana, est-ce que ce n’était pas un peu écrasant pour toi de devoir te frayer un chemin au milieu du chœur et de toutes ces orchestrations ?

Diana : Oh, pas du tout. C’est même un terrain de jeu pour moi, parce que j’adore les grosses orchestrations et les chœurs. Je suis une grande fan de bandes originales de films et de jeux vidéo, j’en ai toujours une en fond sonore quand je fais des trucs chez moi, donc ce n’était pas écrasant du tout. C’était tellement excitant pour moi d’explorer l’aspect classique de ma voix. Il y a plusieurs passages sur l’album où j’ai pu explorer cette voix. J’étais ravie parce que j’adore chanter dans ce registre, avec une voix plus opératique. C’était tellement sympa d’explorer ça en tant que chanteuse.

Les mélodies vocales accrocheuses qui sont la signature de Delain sont toujours présentes. On a pu avoir tendance à les attribuer à Charlotte ; du coup, comment avez-vous maintenu cette partie de l’identité du groupe avec une nouvelle chanteuse ? Y a-t-il eu une part de coaching de ta part, Martijn, ou t’es-tu inspirée du passé de Delain, Diana ?

Pour cet album, les mélodies vocales ont été écrites par Martijn et Guus. J’ai eu l’opportunité d’écrire la mélodie d’un des titres, « Tainted Hearts », et quelques autres passages ici et là. Chaque fois que j’avais envie de mettre ma patte sur une mélodie vocale, j’avais la liberté de le faire. Mais de façon générale, le côté accrocheur des mélodies est dû au fait que l’écriture de Martijn et Guus est très similaire à celle des albums précédents, évidemment. Cet aspect est toujours là, et je crois que Martijn peut le confirmer.

Martijn : Par le passé, Guus pouvait suggérer une ligne vocale, ou Charlotte, ou moi. Bien sûr, Charlotte n’est plus là, mais ma contribution et celle de Guus n’ont pas changé. C’est aussi pour ça que la musique reste reconnaissable pour les fans. Et je trouve que Diana est très douée pour s’approprier pleinement la ligne mélodique. Ça rend le tout très naturel et très Delain.

Sur un titre comme « Moth To A Flame », la mélodie du refrain semble tout droit sortie des années 80, mais dans le contexte d’une chanson moderne. Par le passé, Martijn, tu nous disais que c’était toi le fan des années 80 et que tu étais responsable de ces parties chez Delain, tandis que Charlotte écrivait plutôt les parties « années 90 ». Diana, d’un point de vue mélodique, vers quoi t’orientes-tu davantage ?

Diana : Ooh, c’est une bonne question. Je suis née dans les années 90, donc évidemment cette décennie-là ! Mais j’aime étendre mes horizons musicaux et j’aime bien revenir dans le passé et écouter du rock des années 80 et ce genre de choses. Mais oui, je m’oriente absolument vers les années 90, ainsi qu’une époque plus récente – 2008, 2009 ou 2010.

« On assiste à une réorganisation de l’ordre que nous connaissons depuis la Seconde Guerre mondiale. Il se passe beaucoup de choses, mais ça n’a rien de nouveau. Dans l’histoire, ces choses se sont passées encore et encore, et on en est à nouveau au même point. »

Les années 80 sont-elles une référence pour toi en termes de mélodie, Martijn ?

Martijn : Oh oui, absolument. J’adore énormément de choses dans les années 80, y compris la musique. C’est dans la nature humaine d’idéaliser une certaine époque : « Oh, c’était toujours mieux avant ! » [Rires] Mais oui, c’est ma jeunesse, il y a tant de musique de cette époque que j’adore, et ça s’entend. Je me souviens de « Burning Heart » de Survivor, mais aussi de Van Halen, Dio, Rainbow et tous les autres. On retrouve ces éléments [chez Delain].

Il est traditionnel pour Delain d’avoir des invités sur les albums. Cette fois, vous avez Paolo Ribaldini sur trois chansons, mais aussi Marco Hietala sur le très épique « Invictus ». Marco suit le groupe depuis les tout débuts ; il apparaissait sur les deux premiers albums et sur The Human Condition. Quelle a été l’importance de Marco pour toi et Delain ? Le considères-tu comme plus qu’un simple invité ?

Tout à fait. Effectivement, il était là au tout début de Delain, sur le tout premier album, avant même que nous ne soyons un groupe – et il est toujours là aujourd’hui. Il se trouve en outre que je suis passé par une période difficile, et lui aussi, à peu près au même moment, donc nous avons discuté sur le sujet. C’est un type formidable, et je me suis dit… J’ai beaucoup utilisé l’expression « retour aux sources », et je crois que Marco est l’un de ces éléments. J’adore sa voix. L’entendre chanter sur un titre de Delain, c’est comme rentrer à la maison. C’est marrant, je peux te raconter comment s’est fait l’enregistrement. Il a déménagé en Espagne et sa maison n’était pas terminée. Quand je lui ai demandé s’il pouvait enregistrer pour nous, il était toujours en pleine réflexion après avoir quitté Nightwish, et il se demandait s’il voulait continuer la musique. En gros, il avait vraiment beaucoup de choses qui lui tournaient dans la tête. Je lui ai dit : « Tu sais quoi ? Et si je venais chez toi avec mon ordi et mon équipement ? J’entre, on enregistre, et je peux être ressorti en une heure. » Il m’a répondu : « Oh, c’est génial si je n’ai pas à penser à quoi que ce soit et que je peux simplement chanter. » Ça nous a pris une heure. Il a tout enregistré pour « Invictus » en une heure, et immédiatement, ça sonnait familier. C’était formidable. Je suis resté tout le week-end et nous avons passé un bon moment [petits rires], mais l’enregistrement n’a pris qu’une heure.

Comme tu l’as dit, Marco a annoncé son départ de Nightwish et son retrait de la vie publique. Dans sa déclaration, il disait se sentir désabusé par l’industrie de la musique, déclarant même : « Nous sommes la république bananière de l’industrie musicale. » Comprends-tu son point de vue ? T’est-il également arrivé d’être découragé ?

Bien sûr, je connais ce genre de moment aussi, et encore plus en cette période difficile. Je fais de la musique parce que c’est ma passion. Ça y est, c’est le retour des déclarations mièvres… Je veux suivre mon cœur, mais c’est aussi une industrie, et quand tu travailles dans cette industrie, le côté magique et romantique peut parfois disparaître. Je peux comprendre. Il faut être particulièrement stable et dispos pour gérer tout ça – pas épuisé. Si tu te trouves dans une phase où tu n’es pas dispos, je peux totalement comprendre.

Diana, tout ça est nouveau pour toi. J’imagine que tu découvres cet aspect du job ?

Diana : Tout à fait. Pas dans sa totalité, parce que je me concentre sur d’autres choses dans le groupe. Mais bien sûr, Martijn se donne à cent pour cent. Je comprends tout à fait ce qu’il veut dire. En tant qu’artiste, quand tu écris la musique et que tu t’occupes aussi du côté business, il faut presque te couper en deux. Surtout quand tu passes en mode créatif : tu ne peux pas penser à tout ce qui est business, sinon tu es distrait et toute ta créativité finit à la poubelle. J’ai de la chance parce que je n’ai pas à gérer le business. Je pense que ça ruinerait une partie de la magie, surtout en tant que chanteuse, parce qu’il faut vraiment creuser en soi pour exprimer des émotions à travers les chansons, en particulier sur scène. Il faut que le public puisse s’identifier avec ce que tu chantes. Il faut être dans le bon espace mental et se laisser guider par la musique, rien d’autre. Il ne peut pas y avoir de distractions.

L’album s’intitule Dark Waters. Est-ce une référence à la période d’incertitude et d’angoisse qu’on a tous vécue, mais aussi à Delain en particulier, étant donné les gros changements que le groupe a traversés ?

Martijn : Oui, absolument. C’est très bien vu. Delain s’est presque noyé, pour ainsi dire, et aurait pu ne jamais remonter à la surface. Et pourtant, nous revoilà ! Le groupe est revenu de loin, donc c’est une excellente métaphore. Et c’est effectivement marrant que ça se soit passé pendant le Covid-19. C’était une période difficile pour tout le monde, mais étrangement, pour moi, le Covid-19 a été une bénédiction, parce que ça m’a laissé le temps de récupérer. Mais j’ai remarqué que ça a été compliqué pour beaucoup de monde.

« J’essaie de me tenir à l’écart des actualités et de ce qui se passe dans le monde, parce que parfois, c’est trop pour un seul humain. La vie est suffisamment compliquée comme ça. »

Plus généralement, comment avez-vous abordé les paroles et les thèmes de l’album ? On note beaucoup de références à la nuit, mais aussi au monde souterrain, ou en tout cas à des lieux « en dessous » et sombres…

Diana : Je pense que les paroles sont aussi… Disons que les paroles de chaque chanson sont indépendantes. Tu vois ce que je veux dire ? Chaque chanson a un thème spécifique, mais il est vrai que les paroles dans leur globalité sont plutôt sombres. On va en profondeur et on essaie de découvrir ce qui se cache en dessous. Mais dans le même temps, la chanson « Beneath » commence par des paroles qui disent : « Je suis revenue des profondeurs. » C’est comme une renaissance, un retour des lieux les plus sombres, du monde d’en dessous, tu vois ce que je veux dire ? Les paroles en général, et le titre de l’album, Dark Waters, sont une métaphore du fait que oui, il y a eu une période sombre, mais ces eaux troubles cachent quelque chose que l’auditeur doit découvrir. Quelque chose de nouveau. Il faut dépasser ces eaux troubles pour découvrir les nouvelles chansons, les paroles, les nouvelles perspectives et les thèmes de l’album.

L’album s’ouvre avec la chanson « Hideaway Paradise ». Delain ou la musique en général sont-ils votre paradis, votre retraite ?

Martijn : Parfois oui. En ce qui me concerne, absolument. La musique est la véritable magie de ce monde. Je suis un grand fan d’Harry Potter, et Dumbledore dit : « Ah, la musique ! Voilà un genre de magie bien au-delà de ce que nous faisons ici ! » [Rires] J’aime cette idée. Ça peut tout à fait être un paradis, qui permet de s’éloigner des choses dont on ne veut pas entendre parler à ce moment-là.

Diana : Oui, pareil pour moi. La musique est un lieu sûr. Dès que je chante, pour une raison quelconque, je me sens en sécurité. Peut-être parce que c’est un moyen pour moi de canaliser mes émotions. Parfois, dire ce que je ressens est très difficile, mais si je le chante, c’est tout de suite beaucoup plus facile. Je me sens en sécurité si je le chante, ce qui est très… La façon dont le cerveau fonctionne est fascinante mais vraiment bizarre ! [Rires]

L’album précédent s’intitulait Apocalypse & Chill, et la chanson-titre était pensée comme un hymne à la fin du monde. Dans le même temps, Martijn, tu déclarais : « Aujourd’hui, nous sommes dans une période de grande paix, pour ainsi dire. Statistiquement, il y avait bien plus de conflits auparavant dans l’histoire humaine qu’aujourd’hui. […] Mais on a entendu des gens parler de fin du monde dans toute l’histoire, en fait. Donc j’ai aussi envie d’être optimiste. » Trois ans plus tard, nous avons vécu une pandémie et il y a une guerre aux frontières de l’Europe. As-tu toujours envie d’être optimiste ?

Martijn : [Rires] Oui, toujours ! Je suis quelqu’un d’optimiste. On parle ici de géopolitique, ce qui est intéressant parce que je suis un gros nerd quand il s’agit d’histoire. On assiste à une réorganisation de l’ordre que nous connaissons depuis la Seconde Guerre mondiale. C’est un changement qui commence à se mettre en place. Il y a trois ans, le monde était totalement différent de ce qu’il est aujourd’hui, et beaucoup de monde, moi y compris, ne l’avait pas vu venir – la pandémie, l’invasion de l’Ukraine, ce que la Chine fait à Taïwan, ce genre de choses. Donc oui, il se passe beaucoup de choses, mais ça n’a rien de nouveau. Dans l’histoire, ces choses se sont passées encore et encore, et on en est à nouveau au même point.

Es-tu en train de dire que c’était prévisible ?

Oui, jusqu’à un certain point. Mais il y a trois ans, personne n’aurait pu dire quand ça allait arriver. Un virologue avait déjà annoncé que ce n’était pas une question de savoir si, mais quand. C’est la même chose au niveau des changements géopolitiques et des conflits. Et bien sûr, il y a toute la question environnementale, entre les pénuries ou les excès d’eau et de nourriture. Là encore, il ne faut pas se demander si, mais quand. Ça fait simplement partie du monde dans lequel on vit.

Es-tu aussi intéressée par l’histoire, Diana ?

Diana : Je ne sais pas. Je ne sais pas quoi en penser. Je suis un peu entre les deux, parce que j’essaie de ne pas… Bien sûr, j’ai étudié l’histoire à l’école, mais je l’ai laissée à l’école [rires]. Je pense que ce que dit Martijn est exact : les choses se répètent encore et encore. C’est assez drôle, d’ailleurs : on nous enseigne l’histoire à l’école pour que les humains ne répètent pas les mêmes erreurs. Et au final, nous sommes là, à répéter… peut-être pas tout, évidemment. Heureusement, tout ne se répète pas. Mais j’essaie de me tenir à l’écart des actualités et de ce qui se passe dans le monde, parce que parfois, c’est trop pour un seul humain. La vie est suffisamment compliquée comme ça.

N’était-ce pas ironique de sortir cet album le 7 février 2020, tout juste quelques semaines avant l’arrivée de l’« apocalypse » et des confinements dans le monde entier ?

Martijn : Oui, j’ai vu pas mal de commentaires sur les réseaux sociaux à ce sujet : « Oh, Delain a choisi un titre particulièrement adapté pour le nouvel album ! » Effectivement, c’était bien le cas. Et par la suite, il y a eu tout ce qui s’est passé avec le groupe lui-même. Tout était vraiment apocalyptique. Ce n’était qu’une énorme coïncidence, bien sûr, mais c’était très ironique.

Interview réalisée par téléphone le 10 janvier 2023 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Tiphaine Lombardelli.
Photos : Andrea Falaschi.

Site officiel de Delain : www.delain.nl

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  • C’est quand même bizarre la façon dont il dit que la séparation s’est passée. J’aimerais bien avoir la version d’en face pour comparer, là ça ne me semble pas net.
    Bon, je reconnais que Diana chante bien, mais elle n’a pas la présence de Charlotte (présence vocale j’entends, pour la présence scénique, à voir). Je vais attendre un peu de voir ce qui se passe avant de laisser une seconde chance au groupe, car les 2 extraits ne m’ont pas convaincu (je n’ai pas encore écouté l’album).

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