La compulsion – préférant ce terme plutôt que celui d’obsession, même si ça peut parfois y ressembler – de Devin Townsend pour sa musique est véritablement en train de prendre, depuis ces dernières années, des proportions gargantuesques. Ghost et Deconstruction avaient été assemblés par les oppositions qu’ils représentaient, le coffret Contains Us regroupant la quadrilogie du Devin Townsend Project était augmenté de deux disques de bonus et démos, un an plus tard Epicloud arrivait avec un album complet de musiques supplémentaires, plus tôt cette année Casulaties Of Cool présentait une fois de plus un double CD gorgé à ras bord et voilà que seulement quelques mois plus tard débarque deux nouveaux albums sous un même packaging. Devin Townsend déverse sa musique par tous les pores de son être sans que rien n’arrête l’intarissable geyser musical.
Si Dark Matters était dans les tiroirs depuis un certain temps, Sky Blue est quant à lui arrivé au milieu du potage sans vraiment crier gare. L’album prend ainsi le pari de venir s’intercaler entre le projet revendiqué comme étant le plus personnel du bonhomme (Casualties Of Cool sorti plus tôt cette année) et l’album le plus attendu par ses fans, Dark Matters, la suite des aventures de Ziltoid The Omniscient. Mais hormis son faux caractère d’hors-d’œuvre, Sky Blue est bel et bien un album à part entière du Devin Townsend Project. Celui-ci repart en partie des bases laissées par Epicloud en 2012, toujours en duo avec Anneke Van Giersbergen, offrant plus que jamais aux tympans des auditeurs un véritable mur de sons super-produit. Mais là où Epicloud marquait encore un pas en avant pour Townsend dans une certaine direction, Sky Blue marque une pause, un temps d’arrêt où il est bon, arrivé à un point, de contempler et d’observer avec passion et bonheur le chemin parcouru. Plus contemplatif qu’introspectif, le Canadien expose – avec les cinq premiers titres de ce nouvel opus – cinq facettes différentes de sa propre musique, ratissant d’Ocean Machine (« A New Reign », que l’on pourrait aussi rapprocher d’Accelerated Evolution), à Terria (« Midnight Sun » et son solo « orchestral » et bourré de feeling à la manière de celui de « Deep Peace ») en passant par Addicted (« Rejoice » en ouverture suivi par « Fallout » mettant Anneke Van Giersbergen aux commandes du morceau) et le côté le plus pop et lisse d’Epicloud (« Universal Flame » et « Sky Blue » sucrés au possible, ou bien « The One Who Love » qui termine l’album en écho à la fin de « Angel » et ses chœurs façon « chant de noël »).
Avec Sky Blue, Townsend renvoie ainsi un résumé de sa personnalité musicale la plus accessible, rappelant, au passage, qu’en plus d’être un auteur-compositeur-interprète, il est tout autant un producteur. Et cette facette, Townsend l’expose à nouveau par de nombreux titres aux allures de tubes léchés, misant sur des mélodies simples, accrocheuses et toujours dosées et équilibrées dans leur fond comme dans leur forme (« Universal Flame » et son solo bien senti au service du titre) tout en mettant l’accent sur les sonorités électroniques : de l’ambiance générale de « Warrior », au refrain et intro de « Sky Blue » en passant, surtout, par la martiale et quasi dancefloor « Silent Militia ». Se retrouvent aussi certaines teintes plus aériennes, telle que la fin de « Rain City » qui cumule des nappes de sons nébuleux, à l’instar d’un « Unity » sur Infinity, pour un rendu des plus planants. Et, comme dans tout bon condensé de Townsend, il est impossible d’échapper au sentiment de démesure souvent étroitement lié à un excès d’enthousiasme. Ici c’est « Before We Die » qui représentera le plus cette facette fédératrice. Démesuré car regroupant plusieurs centaines de pistes vocales envoyées par près de 2000 fans pour les chœurs du titre (à la demande de Devin qui a baptisé ça le Universal Choir) et enthousiaste, nécessairement, par cet exemple concret de cohésion entre l’artiste et son public.
Sky Blue symbolise tous les efforts fournis par un homme qui a toujours cherché à avancer dans sa vie. Pour Townsend, le ciel est bleu, dégagé de toute zone d’ombre et où tout orage à venir sera relativisé, appréhendé et maîtrisé. Tel est le cas avec Dark Matters, la seconde phase de ce Z²…
Par Alastor et Spaceman.
Album Z², sortie le 27 octobre 2014 chez HevyDevy Records.