Le moins que l’on puisse dire est que Dez Fafara est d’un enthousiasme sans failles et sans bornes au sujet de Coal Chamber et son dernier album Rivals qui sort dans quelques jours. Premier opus en treize ans, le groupe s’étant séparé en 2003 dans des conditions exécrables, pour finalement revenir en 2011 sous des relations largement apaisées. Plus que ça même, puisque Fafara nous raconte dans l’entretien qui suit à quel point la camaraderie est largement de retour dans le groupe, comme au premier jour. Toutes les conditions étaient donc réunies pour revenir avec un nouvel album dont Fafara n’est pas peu fier, estimant que le groupe a apporté un nouveau son, une musique différente, fraîche et qui va de l’avant, allant jusqu’à se dire qu’il pourrait bien montrer l’exemple auprès de certains de ses pairs parmi les groupes de neo metal qui ont émergés, comme eux, dans les années 90 et qui sont encore en activité aujourd’hui.
Et c’est naturellement, en plus de parler de cette reformation et la conception de cet opus, que la discussion dévie à la fin sur son sentiment par rapport à la scène actuelle. Quelques mots également sur son autre groupe Devildriver qui prépare actuellement son septième album, dont douze chansons sont déjà écrites et qui devrait voir le jour au printemps 2016.
« Avec la pression vient la peur, et la peur t’arrête dans ton élan et ensuite avec ça vient les regrets. Et je refuse de vivre avec des regrets ou de la peur. »
Radio Metal : Il y a eu plusieurs disputes entre les membres du groupe vers 2002 lorsque le combo s’est séparé. Penses-tu que tout ceci soit désormais derrière vous ?
Dez Fafara (chant) : Bien sûr que ça l’est, sinon nous ne serions pas à jouer de la musique ensemble, et il y avait bien plus que des disputes. Je veux dire que ce n’était vraiment pas bon et nous aurions continué si ça n’avait été que des disputes. [Mais désormais nous nous entendons] incroyablement bien, mec ! Les tournées ont été géniales, la réalisation de l’album était super amusante, la réception de l’album, maintenant que nous avons fourni des liens sécurisés, n’a été qu’applaudissements unanimes. Même les gens les plus cyniques ont ravalé leurs jugements et dit « on adore cet album », c’est donc une super période pour être en vie et faire de la musique ! Ce qui est arrivé dans le passé est ce qui est arrivé dans le passé, c’est parti en déconfiture. Mais ce qui s’est passé pendant que nous nous sommes retrouvés, c’est que, essentiellement, nous avons ouvert la communication, à parler, s’échanger de la musique et apprendre à rire à nouveau et passer du bon temps. Une fois que ça s’est produit, c’était genre : « Faisons un album ! Faisons de la musique ! »
Dans la biographie fournie à la presse, il est mentionné des « termes de base qui avaient besoin d’être discutés avant que les membres puissent ne serait-ce que considérer à nouveau travailler ensemble. » Quels étaient ces termes ?
Les termes étaient : personne n’a le droit de prendre des drogues dures. C’était le terme le plus important. Et après ça, c’était : « Il faut que tu ouvres la communication. Ce n’est le groupe de personne, pas le mien, pas le tien, pas le sien. C’est notre groupe. Nous devons prendre des décisions de manière démocratique. » Lorsque nous avons commencé à parler en 2009, c’était d’abord une simple question d’ouvrir la communication et à partir de là, ça a pris du temps mais aujourd’hui est le bon moment. Une fois que cette communication et ces termes étaient fixés et que tout le monde était partant, c’était magique ! Désormais nous sommes tous forts en tant qu’individus et ensemble en tant que groupe. Et ce de manière évidente car l’album reçoit des chroniques incroyables !
Nadja Peulen qui a tourné avec Coal Chamber entre 2002 et 2003 est de retour dans le groupe. Mais avez-vous demandé à Rayna Foss à un moment donné si elle voulait à nouveau faire partie du groupe ?
Non. Aucun d’entre nous n’est en contact avec elle et ne l’a pas été depuis quinze ou vingt ans.
Il y a douze ans tu as fondé Devildriver, et depuis lors tu as sorti pas moins de six albums avec ce groupe et tourné à travers le monde. Du coup, après tant de temps, comment t’es-tu remis dans l’état d’esprit Coal Chamber ?
C’est facile, c’est avec ça que j’ai commencé, donc une fois que la musique entre en scène, tout est là pour moi, c’est comme faire du vélo. Et c’est un plaisir d’être de retour avec les gars et la fille, et ça a été très rafraîchissant pour moi d’écrire cette musique et de la jouer en concert. Ce n’est pas tant sentimental mais aussi, désormais, je peux dire qu’il y a une poussée en avant pour nous. Rivals, le nouvel album, n’est pas un renvoi aux années 90, c’est quelque chose de frais et qui va de l’avant. Il a encore un nouveau son, exactement comme lorsque nous sommes arrivés sur la scène au début de notre carrière. Ça n’a été rien d’autre que du plaisir et des bons moments !
Faire un album de retour est toujours quelque chose d’important, dans la mesure où ça attire beaucoup d’attente. Comment avez-vous dans ce contexte abordé le processus de composition ?
Je ne le vois même pas comme étant un album de retour, absolument pas ! Je le vois juste comme un groupe se réunissant et faisant de la musique. Un retour ça aurait impliqué d’essayer de refaire quelque chose que nous avons fait, essayer de refaire le son du début des années 90. Mais ce n’est pas ce que nous avons fait. C’est en fait un groupe d’individus que se réunissent et se disent : « Hey, tu veux être dans un groupe ? » « Ouais, je veux être dans un groupe ! » Et il se trouve simplement que nous étions dans un groupe il y a treize ans. Donc, c’est genre : « Ok, tu veux faire de la musique ? » « Ouais, allons-y ! » Et ensuite, lorsque j’ai commencé à recevoir les démos et me rendre compte que ces trucs sonnaient frais et neufs et que vraiment quelque chose se passait avec ça, c’est là que tout a commencé [à prendre forme] et nous avons dit : « Faisons-le ! » Je n’ai pas utilisé de paroles en rab et ils n’ont pas utilisé de musique en rab. Nous avons démarré de zéro, en s’envoyant une ou deux chansons à la fois, et au final [se limitant] à quinze chansons, et à partir de là, nous avons fait l’album. Mais aucune attente au-delà de : « Assurons-nous d’être à cent pour cent en faisant ça. Assurons-nous de faire ça correctement. Donnons-nous à fond. Concentrons-nous vraiment sur la composition. » Et si tu écoutes l’album, tu verras qu’il y a un paquet de supers arrangements et de supers chansons ! Ça aurait été stupide de notre part de mettre une quelconque attente sur quoi que ce soit. A ce stade, là tout de suite, nous passons de supers moments à faire de la musique. Les fans passent de supers moments aux concerts. Tout va bien, ça sera exactement comme c’était au début, ce qui signifie que tout le monde passe de bons moments et ça se retrouve sur scène et parmi nos fans. Les choses avancent !
Donc, aucune pression…
Non, je ne vis pas avec la pression ! Parce qu’avec la pression vient la peur, et la peur t’arrête dans ton élan et ensuite avec ça vient les regrets. Et je refuse de vivre avec des regrets ou de la peur. Donc, absolument aucune pression !
Est-ce que ça veut dire que tu n’as jamais eu de regret ?
Non, pas un seul et j’ai beaucoup de mal à vivre avec des regrets, tu sais. Le truc, c’est que, que tu sois un sculpteur, un peintre ou un musicien, si tu te lances là-dedans avec des attentes ou des peurs, tu feras tout foirer, tu ne feras pas de l’art de la bonne façon. Donc, personnellement, je mets de côté toute attente et je me lance en faisant de mon mieux.
« La meilleure manière de faire notre musique est de la laisser imparfaite. »
Penses-tu que tes douze années d’expérience avec Devildriver ont eu des répercussions sur la manière dont cet album de Coal Chamber a fini par sonner ou bien dans le processus de réalisation ?
Je ne sais pas. J’ai avancé en tant qu’artiste et, en vieillissant, ma voix est clairement devenue plus forte. Je serais maudit si je n’avais pas utilisé cette force au sein de Coal Chamber. Donc des choses que j’ai faites et des choses qu’eux ont faites viendront et affecteront le processus à cent pour cent mais est-ce que j’ai eu l’intention de faire que ça sonne comme Devildriver ? Non, absolument pas. Et est-ce qu’ils ont eu l’intention de faire que ça sonne comme leurs autres projets, quels qu’ils soient ? Non, absolument pas. Il fallait que ce soit vraiment unique et c’était ça le plus important.
Tout le monde dans le groupe a fait ses propres trucs et a évolué durant ce laps de temps de douze ans. Avez-vous effectivement ressenti avoir maturés en tant que compositeurs et performeurs par rapport à il y a douze ans ?
A cent pour cent ! Si tu écoutes ce nouvel album, les arrangements, la solidité des riffs, les paysages sonores, les textures des guitares, le son de la vraie batterie qui a pris presque une semaine à être fixé, tout s’est fait d’une telle manière que ça ne pouvait pas sonner comme à l’époque, et nous ne voulions pas que ce soit le cas. C’est vraiment un pas en avant pour nous. Même le fait de choisir Mark Lewis en tant que producteur était un choix calculé pour s’assurer d’avoir un producteur qui pouvait nous faire sonner différemment de tout le monde, et même de nous-mêmes !
D’ailleurs tu avais travaillé avec Mark Lewis sur la production des deux derniers albums de Devildriver. Etait-ce important aussi d’avoir quelqu’un avec qui tu te sentais à l’aise ?
Il me comprend parfaitement et j’enregistrais chez moi, du coup, c’était important d’être à l’aise avec quelqu’un que tu invites chez toi, avec ta famille, ta femme et tes enfants. Donc ouais, j’étais en terrain très familier. Pour ma part, je voulais m’assurer d’être à l’aise avec le gars. Et ce qui s’est passé, c’est qu’il a contacté Meegs et Mike et ils lui ont parlé, ils ont été à l’aise avec lui, à blaguer au téléphone et tout. Ils ont dit : « Hey, ce mec, ce sera lui ! » Donc nous avons pris la décision de manière démocratique et à partir de là, nous avons été de l’avant.
C’est le premier album de Nadja avec Coal Chamber. Comment ça s’est passé et qu’a-t-elle apportée à la musique ?
C’est vraiment une super musicienne et tu peux voir avec les webisodes que nous avons sorti qu’elle est venue et qu’elle a tout défoncé ! Je veux dire qu’elle était très préparée, très professionnelle, elle est venue en avion, a fait son boulot et est repartie. C’était un plaisir de travailler avec des musiciens professionnels.
Tu as déclaré ne pas vouloir « enregistrer avec une piste de clic. » Vouliez-vous être libres de toute contrainte ? Vouliez-vous que l’album soit instinctif ?
Ouais, je voulais qu’il y ait un ressenti live, je voulais qu’il y ait de la pression et de l’attraction et qu’on ressente des émotions, et tu ne peux pas faire ça avec une piste de clic. Et aussi avec un clic, tu peux copier-coller les refrains et tout le reste, et je ne voulais pas faire ça. Et la plupart des prises vocales sont des premières prises, ce qui signifie que l’atmosphère était là, si forte que j’ai pu presque tout enregistrer sur les premières prises et c’est important, surtout lorsque tu n’as aucune piste de clic, pour obtenir le feeling. Nous voulions ce feeling. C’est un feeling que nous avons en concert que beaucoup de groupe n’ont pas, et nous avons de la pression et de l’attraction que nous voulions être sûr de retrouver sur l’album. C’est un tout nouveau son. C’est Coal Chamber des années et des années plus tard. C’est Coal Chamber affirmant : « Ayez le courage de vos opinions. Si tu as quelque chose de différent à faire, fais-le ! » Et nous faisons de notre mieux pour dire : « Regardez, c’est un tout nouveau son et ça vient de nous ! »
N’avez-vous pas voulu aller plus loin en enregistrant l’album live en studio ?
Non. Je pense que ça pourrait être bien mais ça peut aussi être une immense perte d’énergie et de temps. Nous avons effectivement songé à faire ça mais il suffit que quelqu’un fasse une gaffe et tu dois à nouveau enregistrer la chanson, jusqu’à quinze fois pour que tout le monde soit bon, et c’est en faisant ça que tu fais évaporer toute l’énergie dans la musique et qu’elle devient aseptisée. Du coup, nous avons dit non, ne faisons pas ça. Et puis il était aussi important pour moi de mettre tout en boite sur des premières prises, et si ce n’était pas le cas, alors j’arrêtais pour la journée pour ensuite reprendre le lendemain, de manière à ce que le feeling soit le bon.
Comme tu l’as dit, il y a dans cet album beaucoup de premières prises et pas de bidouillages avec des copier-coller ou avec Pro-Tools. Penses-tu que le bidouillage informatique a été trop utilisé ces derniers temps dans la musique, et plus spécifiquement dans le metal ?
Ecoute, je ne peux pas faire de commentaire sur ce que les autres font et si ça a été trop utilisé. Tout ce que je peux dire, c’est que nous ne voulions pas emprunter cette voie. Nous avons enregistré notre premier album sur bandes. Je veux dire que, littéralement, nous découpions des bandes. Nous ne voulions donc pas sur-utiliser Pro-Tools, les pistes de clic et toutes autres merdes. Nous avons utilisé pas mal de pédales et autres trucs que ont fait et font encore notre son. Je me suis assuré que le son de ma voix soit plus actuel mais je ne voulais utiliser aucune connerie sur ma voix pour l’améliorer. Juste s’assurer d’avoir un ressenti organique. Ceci étant dit, nous n’avons vraiment pas utilisé beaucoup de conneries informatiques pour faire la musique. Tu peux l’entendre, mec. C’est vivant. Il y a des moments où les guitares décrochent et se remettent dedans et les choses fluctuent. C’aurait été parfait si on avait fait passer tout ça dans un ordinateur mais nous ne voulions pas que ce soit… La meilleure manière de faire notre musique est de la laisser imparfaite.
« Il se pourrait qu[e cet album] mette la pression sur nos pairs qui sont restés dans la scène dans laquelle nous avons tous commencé et qui se contentent de faire le même album encore et encore. »
Tu as dit que Rivals n’était « pas un renvoi aux années 90. » Etait-ce important de faire en sorte que ce ne soit pas un album motivé par la nostalgie ?
Ouais, je n’avais pas le droit de faire un album retour arrière ; je n’avais aucune envie de faire ça. Je ne crois pas non plus que les autres en avaient envie. Et beaucoup de gens qui ont débuté avec nous dans ce style font encore le même album indéfiniment, alors nous voulions être certains de montrer aux gens que : « Regardez, nous avons évolué ! » Et l’audience de Coal Chamber assurément évoluera avec nous après avoir écouté cet album. Et il se pourrait qu’il mette la pression sur nos pairs qui sont restés dans la scène dans laquelle nous avons tous commencé et qui se contentent de faire le même album encore et encore, pour peut-être les motiver à changer leur son et non seulement ça mais aussi être un peu plus agressifs avec ce qu’ils font.
Pour autant, n’avez-vous pas ressenti ne serait-ce qu’un peu de nostalgie, par le simple fait que vous jouiez ensemble pour la première fois depuis longtemps ?
Je veux dire, bien sûr, lorsque nous nous sommes réunis dans une pièce, nous avons beaucoup ri et tout, et parfois il y avait de la nostalgie, avec tout le monde se faisant des embrassades… Mais, tu sais, à un moment donné il faut s’y mettre et faire le boulot. Donc tu ne peux pas te contenter de penser au passé, tu dois penser au futur ! C’est ce que nous avons à l’esprit là tout de suite : quel est le futur de Coal Chamber ? Et il semble plutôt radieux, maintenant que toutes ces chroniques pour l’album arrivent et que ces concerts sont pleins à craquer.
Al Jourgensen de Ministry apparaît sur la chanson « Suffer In Silence ». Comment cela s’est fait ?
Al est un très bon ami à moi. On est amis depuis à peu près dix ou quinze ans. Je l’ai invité chez moi pour un barbecue et il était assis sur un canapé, nous lui avons installé un microphone et il a enregistré ses pistes ! C’était incroyable de voir une légende trouver le son de sa voix et ensuite, dans mon studio personnel, enregistrer son chant pour une chanson qui vivra à jamais dans les archives. J’ai eu beaucoup de chance dans ma vie de pouvoir travailler avec de nombreux artistes mais travailler avec Al, c’était comme faire une fête qui serait complètement professionnelle, ce qui signifie qu’un instant nous pouvions être assis par terre avec mes chiens, à boire du vin et rigoler, et la minute d’après il était derrière le micro complètement habité par le professionnalisme à faire son truc. L’écouter maintenant, avec du recul, sur cette chanson, je me dis que ça a vraiment donné le ton pour le reste de l’album. Et simplement le fait de travailler avec lui était un plaisir, mec. C’est une légende, tu sais !
Certaines chansons semblent être spécifiquement adressées à certaines personnes que tu connais personnellement et sonnent très amères, comme « I.O.U. Nothing », « Bad Blood Between Us » ou la chanson titre « Rivals ». A qui sont-elles adressées ?
Bon, je suis un gentleman et donc je ne le dirai pas, mais ce qu’il faut retenir, c’est que cet album a été très cathartique pour moi. Il y a des gens dans mon entourage ou qui sont dans l’industrie depuis un moment au sujet desquels j’ai écrit des paroles… Ceci étant dit, je ne pointerai personne du doigt. On peut dire que certaines personnes qui entendront l’album sauront exactement quelles chansons leurs sont consacrées.
Voulais-tu utiliser cet album pour régler tes comptes avec certaines personnes ?
Non, pas du tout. C’est juste de l’art et dans l’art on trouve de l’agression, de la violence, de la passion et, souvent, de la revanche également, surtout dans un genre comme le metal. Je n’ai pas pour but d’utiliser la musique pour me venger de qui que ce soit. Il se trouve juste que lorsque j’entends les chansons, des mots sortent de moi, et peu importe ce qui sort de moi, je le mets sur papier et c’est exactement ce qu’on retrouve dans Rivals.
En fait, on a vu des gens mal interpréter le titre de l’album Rivals comme étant une référence au passé du groupe…
Non, ce serait le premier album de Coal Chamber où je n’ai aucune parole à propos du groupe ! [Rires] Je ne fais que passer de bons moments avec le groupe, tu vois ce que je veux dire ? Les paroles sont basées sur, comme je l’ai dit, des gens qui sont allés et venus dans ma vie, des gens qui m’ont très bien traités et d’autres pas du tout… Lorsque j’entends une chanson, je l’écris immédiatement et ensuite, peu importe ce que j’ai écrit, je fais avec. En l’occurrence, une fois j’ai écrit, disons, de cinq heures du matin jusqu’à à peu près deux heures du matin suivant, et ma femme est enfin venue en bas pour me dire qu’il était temps d’aller au lit, et j’ai dit : « Eh bien, je viens juste d’écrire six chansons aujourd’hui, laisse-moi te les chanter ! » Et ce sont en gros les six premières chansons de l’album aujourd’hui ! « Bridges You Burn », « I.O.U. Nothing », « Suffer In Silence »… Toutes ces chansons. Lorsque l’inspiration te frappe en tant qu’artiste, que tu sois un sculpteur, un peintre ou un écrivain, tu suis l’inspiration et tu ne te retournes pas. Donc quoi que j’écrive en premier, c’est toujours ce que je garde. Ceci dit, j’écris effectivement des refrains et couplets supplémentaires également, au cas où il y a un besoin d’avoir quelque chose en plus mais dans le cas de Coal Chamber, c’est venu tout naturellement. C’était très rafraîchissant en tant que parolier de pouvoir écrire sur ces sons et textures que le groupe m’a donné.
Tu as déclaré qu’ « écrire cet album [t’as] fait économiser des milliers en psychothérapie. » Est-ce que c’est ça la musique pour toi, une psychothérapie ?
La plupart, si ce n’est tous, des paroliers te diront qu’écrire des paroles leur a sans doute fait économiser des milliers de dollars en psychothérapie. Donc, maintenant que j’ai dit ça, les gens s’en emparent dans la presse [petits rires] mais n’importe quel parolier le dira. Il se trouve que j’écris tous les jours et c’est très positif pour moi. J’étais debout à écrire ce matin et j’ai écrit deux chansons. C’est juste que ça devient une part de ce que tu fais dans ta vie, tu t’y consacres et c’est très, très cathartique.
« J’aimerais que les gens sortent de leur zone de confort, essaient de faire des choses un peu différentes et nouvelles et soient audacieux, et c’est ce que nous avons fait. »
Comment parviens-tu aujourd’hui à être sur deux fronts avec Coal Chamber et Devildriver ?
Il est important de dire que Devildriver, en douze ans, a fait six albums et le dernier album Winter Kills à fait nos meilleurs scores de ventes à son démarrage, nos plus grands chiffres de tournée, etc. et après y avoir consacré tant de temps, il était vraiment temps de prendre une pause prolongée. Nous ne nous sommes jamais arrêtés de tourner, jamais. Dès que nous étions à la maison, nous faisions un album et nous retournions immédiatement sur la route pour tourner avec Devildriver. Je crois donc qu’il était important que Devildriver se retire pendant deux ans. De toute façon, je prévoyais de me prendre un an et demi pour être avec ma famille. Au cours des dix ou douze mois que j’ai effectivement eu de libre, je me suis retrouvé à la maison à chanter. J’étais donc quoi qu’il arrive à la maison pour être avec ma famille et mes enfants, et tout a été parfait. Et il n’y a pas eu de réflexion par rapport à ça, on ne s’est pas dit : « Ok, arrêtons le cycle de Devildriver et commençons un cycle de Coal Chamber. » Il s’est juste trouvé que j’étais en train de clore un cycle de Devildriver pour une durée de deux ans quoi qu’il en soit. J’aurais pu juste rester à la maison, ce qui m’aurait rendu complètement dingue au bout de deux ans parce qu’être sur la route m’aurait manqué, soit tu es un accro à la route soit tu ne l’es pas, mais l’opportunité de faire de la musique avec Coal Chamber s’est présentée et c’était genre « ouais, faisons ça ! » surtout lorsque j’ai commencé à recevoir les démos.
Donc, tu va continuer à mettre en pause les deux groupes à tour de rôle ?
Qui sait ? Je veux dire que ce qui va se passer maintenant, évidemment, c’est que l’album de Coal Chamber va sortir et nous partirons en tournée pour le reste de l’année pour le promouvoir, et nous tournerons sans doute aussi sur le début de l’année prochaine. Je vais me libérer deux mois cette année pour enregistrer un autre album avec Devildriver pour lequel nous avons aujourd’hui douze chansons, et si je puis dire, je pense qu’il est bien parti pour contenir la meilleure musique, la plus épaisse, la plus thrash, du moment. J’ai écrit pour ça tous les jours lorsque j’étais sur la route. J’envisagerais un nouvel album de Devildriver pour la fin du printemps de l’année prochaine. Et ensuite, lorsque ça sortira, je vais tourner pendant un moment et lorsque j’aurais l’opportunité de partir avec Coal Chamber, nous tournerons avec ce groupe… C’est juste comme ça. Le Yin et le Yang dans tout ça, ce ne sont pas les deux groupes, le Yin et le Yang, c’est moi et ma famille. Je dois d’abord m’assurer de me réserver du temps avec ma femme et mes enfants, je suis italien et donc c’est ça qui vient en premier. Ensuite, ce que je vais faire avec les tournées de Devildriver ou Coal Chamber entre en considération, mais d’abord je pense à ma famille. Et je dirais que, après avoir passé quelque chose comme vingt ans et plus dans l’industrie, je commence à passer plus de temps à la maison avec ma famille et ça deviendra un motif [récurrent] pour ma part.
Coal Chamber a sorti son premier album certifié or en 1997 lorsque le néo metal était à son apogée. Comment compares-tu la scène de l’époque à celle d’aujourd’hui ?
Je ne crois pas que la scène a changée ! Peut-être que 1997 c’est remonter trop loin mais depuis 1999, je ne pense pas que ça a changé. L’un des plus grands groupes sur terre aujourd’hui c’est Slipknot, les Deftones font toujours leurs trucs, Korn… On retrouve même l’esthétique neo metal chez des plus jeunes groupes. Five Finger Death Punch a l’air et sonne comme du neo metal pour moi. Tu as des très jeunes gars plus heavy qui sont très influencés par Coal Chamber et ce son neo metal, comme Emmure. Suicide Silence sont d’énormes fans de ce style. Je pense donc que ce n’est jamais vraiment parti et si tu me demandes mon avis pour savoir comment c’est depuis cette époque ? La plupart de ces groupes, System Of A Down, etc. sont les plus gros sur la planète aujourd’hui ! Je ne crois pas que grand-chose a changé ! Je pense que les gens s’intéressent toujours aux groupes qui ont des sons différents, qui incorporent différentes textures et différentes influences, et Coal Chamber est l’un de ces groupes qui continuent à faire ça mais à un niveau différent de ces pairs, à savoir que nous avons beaucoup d’influences gothiques. Alors que certains groupes ont plus d’influences portées sur le rap, etc., nous, nous utilisons surtout une sorte d’influence gothique, je dirais tout de Bauhaus à Black Sabbath à Black Flag.
En fait, de nombreux groupes des années 90 sont en train de revenir en ce moment, je pense à la scène grunge avec Soundgarden et Alice In Chains, et maintenant Faith No More qui revient aussi…
A cette époque, tu avais des groupes qui étaient vraiment, vraiment uniques alors qu’aujourd’hui tu as une scène musicale où, typiquement, de nombreux groupes sonnent pareil, et donc je pense que les gens recherchent vraiment ce truc des années 90 parce que c’est différent. Chaque groupe sonnait différemment les uns des autres et je pense que les gens ont vraiment envie de retrouver une ère où la musique sonnait différente. Donc nous sommes là pour la leur donner !
Tu as dit qu’aujourd’hui beaucoup de groupes sonnaient pareil. Comment l’expliques-tu ?
Eh bien, je l’explique… Regarde la scène, ce qu’il s’y passe… Je me tiens au courant, je connais chaque jeune et vieux groupe qui apparaît, et de manière prédominante, nombre d’entre eux sonnent pareil ! Genre, ils font les mêmes choses ! Et il est parfois difficile de différencier un groupe d’un autre, à moins d’être familier, et ça, en substance, est la raison pour laquelle les gens recherchent cette autre musique, parce qu’ils peuvent immédiatement différencier Coal Chamber de System Of A Down, ils peuvent immédiatement différencier System Of A Down de Faith No More, tu vois ce que je veux dire ? Mais je pourrais tout de suite te nommer six jeunes groupes et chacun d’entre eux sonne exactement pareil ! J’aimerais que les gens sortent de leur zone de confort, essaient de faire des choses un peu différentes et nouvelles et soient audacieux, et c’est ce que nous avons fait. Nous avons dit : « Soyons audacieux et faisons quelque chose de neuf ! »
Tu dirais donc que les jeunes groupes aujourd’hui manquent de créativité ?
Bon sang, non ! Il y a des tonnes de jeunes groupes qui… Non, n’écris pas ça ! Non ! [Petits rires] Il y a des tonnes de groupes qui font des choses vraiment merveilleuses et sont créatifs. Ce que je dis aux jeunes groupes : n’imitez pas ce qui est cool et peu importe ce que c’est dans la scène. Parce qu’arriver le moment où tu le fais, ce sera déjà fait et terminé. Essayez d’être audacieux et de faire quelque chose de différent.
Interview réalisée par téléphone le 9 avril 2015 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Site officiel de Coal Chamber : www.coalchamberofficial.com.
Quand je lis » Soyons audacieux et faisons quelque chose de neuf ! » ça me fait penser à la déclaration de Wes Borland sur le metal de nos jours, mai sen mieux dit.
https://www.radiometal.com/article/wes-borland-limp-bizkit-je-pense-que-le-metal-est-tellement-ptain-d%E2%80%99ennuyeux-que-j%E2%80%99ai-envie-de-me-poignarder-les-yeux-avec-des-tournevis,172972
Dez Fafara a tout à fait raison en ce qui concerne le néo-metal, ce style n’a jamais vraiment quitté la scène, tout le monde acclame les groupes de cette génération parce qu’ils sont tous différents les uns des autres, aucun ne sonnait pareil.
C’est pour ça que malgré les années, je continue à être un grand fan de cette scène !