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Interview   

Dimmu Borgir devant l’éternel


On peut dire que Dimmu Borgir a su faire languir ses fans, puisque aucun nouvel album n’était encore sorti depuis Abrahadabra en 2010, alors que jusque-là, le plus célèbre des groupes de black symphonique avait su s’imposer un rythme de deux ans entre chaque disque. Forcément les huit années pour aboutir à Eonian ont pu paraître interminables, malgré le live avec orchestre et chorale Forces Of The Northern Night paru l’an dernier. Et le risque en créant de l’attente, c’est qu’il faut pouvoir la justifier derrière par le résultat.

Eonian, terme faisant référence à la notion d’éternité, « représente un peu tout ce qui a été, tout ce qui est et tout ce qui sera, » pour reprendre les mots du guitariste et parolier Silenoz. D’ambition, Dimmu Borgir n’en a pas manqué. De l’utilisation d’une opulente chorale à la richesse des arrangements, allant jusqu’au chamanisme, en passant par une volonté de disséminer des hommages aux racines du groupe, tout en s’affranchissant des règles qu’on voudrait lui imposer, pour fêter ses vingt-cinq ans, Dimmu Borgir met les petits plats dans les grands. Nous en parlons avec Silenoz et le frontman Shagrath, deux des trois têtes pensantes du combo, dans l’entretien fleuve ci-après.

« Je me vois comme un ours endormi. Quand nous composons des chansons, c’est comme si nous donnions des petites tapes sur l’ours. C’est comme : ‘Réveille-toi ! Réveille-toi !’ Tôt ou tard, il va se réveiller, c’est là que nous en aurons terminé avec l’album. Et une fois qu’on le libère de sa cage, il est hors de contrôle. »

Radio Metal : Eonian est sans doute l’un des albums les plus attendus en metal cette année, non seulement parce que c’est Dimmu Borgir, mais aussi parce que huit ans se sont écoulés depuis le dernier album ; c’est l’écart le plus important entre deux albums de Dimmu Borgir. Ceci étant dit, certaines chansons sur cet album ont été écrites dès 2012. Du coup, qu’est-ce qui vous a retenu ?

Shagrath (chant) : On pourrait croire que nous avons été fainéants ou quelque chose comme ça, car j’ai bien conscience que c’est long, surtout pour les fans qui ont dû attendre tout ce temps, mais si on regarde les choses sous notre point de vue, nous avons tourné jusqu’à 2014, c’est là que nous avons fait notre dernier concert, et c’est très dur pour nous d’écrire de la musique pendant que nous sommes en tournée, nous avons besoin de nous focaliser sur les prestations. Et après ça, nous devions nous focaliser sur nos familles, nos enfants qui sont plus nombreux, et trouver un compromis entre notre vie privée et le groupe. Nous devions aussi faire une petite pause afin de se vider la tête, et nous avons changé des gens dans le management et d’autres choses dans notre cercle. Donc voilà ! Tout d’un coup, plein d’années sont passées. Mais nous avons travaillé sur des idées pour quelques chansons, comme « Interdimensional Summit ». « The Empyrean Phoenix » a d’ailleurs été écrite il y a vraiment très longtemps. Nous avons plein d’idées, nous travaillons constamment sur de la musique et des idées, et ensuite nous les avons assemblé il y a presque deux ans ; c’est là que nous avons commencé à travailler sur Eonian. Les choses prennent du temps, tu sais ! [Rires]

Vous êtes un groupe qui a toujours cherché à aller de l’avant avec votre art, essayant d’innover dans le cadre de votre musique. Est-ce que ça devient plus dur avec le temps d’y parvenir ?

Silenoz (guitare) : Je n’en suis pas sûr. C’est une bonne question parce que je ne l’analyse pas de cette façon. Comme nous composons la musique, c’est dur d’essayer de décrire comment nous procédons. Nous faisons ce que nous avons toujours fait. Nous avons des idées chacun de notre côté et ensuite nous les amenons à l’entrepôt ou au studio de pré-production, et nous nous posons : « D’accord, voyons voir ce qu’on a là et mettons-le dans la marmite de Dimmu Borgir, » et tout ce qui en ressort est soit quelque chose que nous garderons parce que ça sonne bien ou alors, si ça ne sonne pas bien, ou si ça ne colle pas sur le moment, nous laissons ça dans le sac à riffs, pour ainsi dire – ce n’est pas le moment de l’utiliser ici et mais peut-être que nous pourrons le ressortir plus tard. Donc nous ne jetons jamais d’idées, même si c’est une mauvaise idée. Nous avons tellement de trucs qui traînent qui ne se sont pas retrouvé sur l’album !

Shagrath : Evidemment, nous ne nous ménageons pas. Nous avons constamment besoin de nous poser des défis. Nous voulons faire quelque chose de différent de ce que nous avons fait précédemment. Nous ne voulons pas être trop répétitifs. Certaines personnes aiment ça, d’autres détestent, mais pour nous, les artistes, c’est très important de progresser et regarder devant nous, et non derrière nous. Nous nous compliquons la vie parce que ça devient effectivement de plus en plus… Tu sais, notre album précédent avait un orchestre, il est plein de détails et subtilités qui…. Ce n’est pas un groupe simpliste, pour ainsi dire [petits rires]. Et nous avons aussi davantage conscience de ce que nous voulons et de ce que nous ne voulons pas. Lorsque tu es créatif, parfois tu créés quelque chose de génial, parfois pas, et je suppose que nous sommes plus difficiles et plus conscients des choses aujourd’hui qu’auparavant, donc évidemment ça prend plus de temps.

Comme cet album a été écrit sur une longue période de temps, plusieurs années, qu’est-ce qui est le dénominateur commun qui a permis à ces dix morceaux d’être rassemblés sous une même bannière ?

Silenoz : Comme cette fois nous n’avions pas vraiment de deadline, ça peut être une bonne et une mauvaise chose, mais là, c’était une très bonne chose car ça nous a permis de travailler à notre rythme. Bien sûr, quand tu as des chansons sur lesquelles tu as commencé à travailler dès 2012 ou 2013, lorsque tu arrives en 2016, tu dois revenir dessus et peaufiner ces idées. Mais le défi est aussi de savoir quand dire stop. Comme nous sommes nos propres producteurs, nous nous fions à notre propre jugement. Il faut juste faire confiance à son instinct, en gros, faire confiance à ses tripes, pour dire « c’est bon, cette chanson est terminée maintenant, on passe à la suivante. » C’est probablement le plus grand défi dans ce processus de composition, car nous avons toujours plus qu’assez de matière parmi laquelle choisir ; c’est juste une question d’assembler toutes les idées de la bonne façon, et bien sûr dire « stop, ça suffit. »

Silenoz, tu as comparé votre musique à une bête. Quelle est cette bête ? Est-ce la bête en vous qui s’exprime ou considérez-vous qu’elle est extérieure, d’une certaine façon ?

C’est aussi bien interne qu’externe ; surtout interne, je crois, j’espère [rires]. Je veux dire que nous aspirons tous à la liberté, n’est-ce pas ? Et de tirer totalement avantage de notre propre individualité, et avec ceci vient de grandes responsabilités. Donc lorsque je me réfère à cet album comme d’une bête, en gros, je me vois comme un ours endormi. Quand nous composons des chansons, c’est comme si nous donnions des petites tapes sur l’ours. C’est comme : « Réveille-toi ! Réveille-toi ! » Tôt ou tard, il va se réveiller, c’est là que nous en aurons terminé avec l’album. Et une fois qu’on le libère de sa cage, il est hors de contrôle. J’ai ressenti très tôt durant le processus de composition : « D’accord, nous devons simplement prendre le temps qu’il faut pour finir cet album, » car c’est inutile d’essayer de faire semblant de pouvoir contrôler ce qu’il se passe. Tu dois simplement essayer de t’abandonner à l’instant, et vivre et écrire dans l’instant. Je pense que c’est là que la vraie magie se produit, sans avoir d’idée préconçue sur la façon de procéder. Tu essayes simplement d’être un artiste, et ne pas penser au temps. C’est d’ailleurs là que l’idée de la perception du temps entre en scène également, qui est l’un des ingrédients sous-jacents dans la thématique de l’album, car on perçoit le temps différemment, surtout dans ce monde dans lequel on vit, mais il y a aussi des mondes invisibles où le temps est obsolète, il n’existe pas.

« Que ce soit la religion, la politique, la culture, le langage, peu importe, ce sont juste des archétypes de distraction et d’aliénation. De mon point de vue, les frontières sont des illusions. Ce ne sont pas des produits de cette réalité mais peut-être de la façon dont on cartographie et révise la réalité. »

Shagrath : Ça vient de notre force intérieure, nos sentiments intérieurs. La musique, c’est aussi des sentiments, tu sais. Donc nous essayons de transcender ces sentiments en musique, et nous mélangeons aussi… C’est comme mélanger l’eau et l’huile. Tout le monde sait que c’est très difficile, mais nous faisons en sorte que ça fonctionne [petits rires]. Donc je suppose que Dimmu Borgir, de nos jours, est plus spirituel qu’il ne l’était auparavant. Donc nous avons aussi des parties simplistes et… Ce n’est pas que de l’agressivité. Ce sont aussi des sentiments atmosphériques que nous voulons transcender vers les gens.

Tu as aussi dit que l’un des principaux défis était de retenir la bête. Mais pourquoi voudriez-vous la retenir ? Avez-vous peur de ce qu’elle pourrait devenir ?

Silenoz : Là aussi c’est une bonne question mais, évidemment, nous avons toujours été un groupe qui opère sans limite. Ceci étant dit, nous savons quand même, à la fois, ce qui conviendra dans l’expression musicale courante du groupe. C’est aussi la raison pour laquelle autant moi que Shagrath avons des projets de groupe parallèle, car il y a certains trucs que nous faisons d’un point de vue créatif dont nous savons instinctivement qu’ils ne conviendront pas à Dimmu. Comme un riff classique typiquement rock n’ roll ou un riff typiquement death metal, ça ne collerait pas. C’est donc très important pour nous de séparer ces choses, et je pense que ça aide Dimmu à rester très vivant. Ça, c’est ce qui s’apparente le plus à des limites dans notre manière d’opérer. En dehors de ça, tu suis ton instinct. Notre manière de faire pour composer des chansons, c’est vraiment de la vieille école, car nous utilisons tout ce qui selon nous convient et nous ne réfléchissons pas et nous ne soucions pas vraiment des conséquences [rires].

Shagrath : Nous voyons vraiment Dimmu Borgir aussi comme étant bien plus grand que chacun de nous en tant qu’individus. C’est comme ça que j’aime bien voir le groupe. Pour ma part, aussi, je voulais donner beaucoup d’espace à la musique pour qu’elle puisse respirer. Nous avons aussi utilisé beaucoup de chœurs sur cet album et je n’avais pas envie de crier et employer des vocaux sombres et agressifs tout du long. Je voulais un peu prendre du recul. Dimmu Borgir est plus grand que nous. Mais lorsque nous sortons quelque chose, il faut que ça nous satisfasse, et parfois, ça prend du temps. Donc parfois, effectivement, il faut retenir la bête avant qu’elle ne parte vivre sa vie.

Comme tu viens de le préciser, la chorale est plus proéminente que jamais sur cet album, au point où ça prend quasiment le rôle d’un second chanteur principal, sans compter les grosses orchestrations qui sont toujours de la partie. Comment savez-vous quand il y a un bon équilibre avec ces éléments ? Je veux dire qu’une chanson comme « Interdimensional Summit » est très chargée en chœurs et orchestrations. N’étiez-vous pas inquiets parfois que ça prenne trop le pas sur les riffs et vocaux black metal ?

Silenoz : Ouais, bien sûr, mais d’un autre côté, nous essayons de ne pas trop analyser et nous savions que les gens allaient reconnaître que la chorale prend une énorme place dans cet album, car l’utilisation plus poussée de la chorale est quelque chose que nous avons décidé très tôt au cours du processus. Donc je ne suis pas surpris quand les gens disent : « Oh, il y a beaucoup de chœurs dans l’album ! » Ouais, mais c’était précisément prévu comme ça ! C’est fait exprès, c’est certain.

Shagrath : En fait, c’est comme ça que je voulais dépeindre le feeling de la musique. Donc il se trouve que c’était mon choix personnel d’avoir autant de chœurs. C’était ma décision. Evidemment, j’aurais pu faire tout l’inverse et avoir plus de vocaux de Shagrath au lieu des chœurs, mais pour moi, cette chorale apportait une dimension très spéciale à la musique et donnait l’impression d’une véritable expérience. C’est très important pour moi, et comme je l’ai dit, Dimmu Borgir est bien plus grand que moi.

Silenoz : C’est sûr que ce n’est pas tout le monde qui apprécie, et comme tu le dis, les gens peuvent penser que ça nuit aux parties de guitare. Mais l’ironie est que cet album a été bien plus écrit avec les guitares que notre précédent album ! Et même que celui d’avant ça encore. C’est juste que c’est un album qui a vraiment besoin de temps pour s’installer. C’est beaucoup d’informations, presque une surcharge d’informations, quand on l’écoute les premières fois. S’il reste encore un peu de patience aux fans après avoir attendu pendant autant d’année, s’ils peuvent prendre encore un peu plus de temps pour rentrer dans l’album, se mettre dans sa peau, ils reconnaitront qu’il y a énormément à écouter. Je veux dire qu’il y a quelques nouvelles surprises ici et là, constamment. Ca fait plus d’une année maintenant que nous avons fini de masteriser l’album et nous n’avons marre d’aucune des chansons encore, ce qui signifie que nous avons fait quelque chose de très bon.

« Cet album en particulier est quelque chose que je considérerai comme l’un des principaux piliers de l’histoire du groupe. Enthroned Darkness Triumphant est l’un d’entre eux. Death Cult Armageddon en est un autre. Et je verrais bien le nouvel album comme le troisième. »

Et comment avez-vous travaillé avec la chorale ?

Shagrath : D’abord, je me suis posé pour arranger ce que la chorale devait chanter et comment elle devait le chanter sur chaque chanson. Donc j’ai enregistré une pré-production de moi en train de chanter toutes les parties de chœurs. J’ai dû arranger les choses comme je les entendais. Ensuite j’ai rencontré Gaute Storaas, qui a conduit l’orchestre sur l’album Abrahadabra, par exemple. Il a transcendé les idées que j’avais en notes, et ensuite nous avons commencé à répéter avec la chorale, et plus tard, nous sommes allés en studio pour enregistrer toutes ces parties.

De nombreux groupes aujourd’hui cherchent à avoir un vrai orchestre qui joue sur leur album, et c’est quelque chose que vous-même avez eu par le passé. Or sur Eonian, vous avez choisi de ne pas faire ça mais à la place utiliser des sons et samples orchestraux. Pourquoi ce choix ? Etait-ce une question de budget ?

Non, c’est une question de choix, pas de budget. En gros, c’est parce que nous avions l’impression que Forces Of The Northern Night refermait un chapitre pour le monde de l’orchestration dans Dimmu Borgir. Forces Of The Northern Night nous a comblés, il a posé un jalon et ensuite nous devions nous remettre en route et faire d’autres choses. Nous visons constamment de nouvelles choses pour chaque album. Nous avions l’impression que nous n’avions plus besoin d’avoir un orchestre sur cet album, aussi parce qu’aujourd’hui, les librairies de sons dans le monde des samples sont excellentes et d’une si bonne qualité que nous pouvons nous en occuper nous-mêmes à la place. Et au lieu d’ajouter un orchestre, nous voulions une chorale complète.

Silenoz : Je pense aussi que nous voulions plus ou moins re-capturer une part de l’ancien esprit. Nous aurions facilement pu utiliser un vrai orchestre sur l’album, pas de problème, mais pendant que nous composions les chansons avec ces samples, nous avons réalisé que « oh merde, ça sonne vrai ! » Je veux dire que, rien qu’en matière de logistique, pour que nous puissions peut-être écrire et débiter un peu plus le processus de composition, nous avons choisi de conserver les samples avec lesquels nous travaillions. Pour ma part, je trouve que ça sonne super !

En parlant de son, vous avez déclaré qu’avec Eonian, vous vouliez un album plus organique, qui sonne plus naturel, et vous en avez « marre des albums qui sonnent digitaux qui sortent ici et là constamment. » Pensez-vous que c’est quelque chose dont certains de vos albums passés ont un peu souffert ?

Ouais. Et ça vient aussi de certaines deadlines. Surtout si on considère peut-être Puritanical, nous n’avions que quelques jours pour mixer l’album et je trouve que le son de la batterie, surtout, en souffre un peu. Je veux dire que les chansons sont super et la majorité du reste de la production sonne très bien mais la batterie sonne bien trop digitale. J’ai un remix de l’une des chansons de cet album réalisé avec un son de batterie correct, et ça sonne bien mieux ! [Rires] Mais évidemment, nous avons un autre regard que les fans. Et c’est comme ça. On apprend avec l’expérience. Je suis le genre de personne qui ne regrette rien, je prends ça comme un apprentissage permettant de voir s’il y a quelque chose qui doit être changé la fois suivante.

La plus grande utilisation de la chorale tout en conservant une forte base black metal tend à creuser l’ambivalence de votre musique. Est-ce que trouver le bon équilibre entre lumière et obscurité a été l’une de vos quêtes, pour ainsi dire, avec Dimmu Borgir ?

Peut-être pas une quête. Ça se fait naturellement. Depuis les débuts du groupe, la lumière et l’obscurité qui s’entremêlent. Il y a les mélodies mélancolies, que certains pourraient qualifier de belles, et ensuite il y a des choses rugueuses qui débarquent et prennent le relais. C’est comme l’a dit Shagrath : nous mélangeons l’huile et l’eau, le majeur et le mineur. Pour nous, ça a toujours fonctionné ainsi. Nous n’y pensons pas tellement. C’est juste que la musique de Dimmu a sa propre expression. C’est difficile d’y mettre une étiquette, ce qui est une bonne chose, je trouve. Ça signifie que nous sommes ouverts à de nouvelles inspiration et influences.

Le titre de l’album, Eonian, fait référence à l’éternité. Tu as déjà commencé à répondre à la question suivante un peu plus tôt, mais y a-t-il un message au sujet du groupe, son héritage, son avenir ?

Ouais, c’est un titre très descriptif pour toute la discographie du groupe, je dirais, ce qui nous définit. Le titre de l’album représente un peu tout ce qui a été, tout ce qui est et tout ce qui sera. Mais en parlant du titre, il faut aussi descendre dans les mondes métaphysiques, là où il n’y a aucune réponse ou conclusion absolue au sujet des choses. Je pense qu’on peut aisément dire que le titre de l’album recouvre ce que représente le groupe aujourd’hui. Nous avons vécu beaucoup de choses au fil de ces vingt-cinq ans d’existence.

« Durant tout ce temps depuis que je suis né, pour ma part, tout a été une question de décimation et annihilation totale de ce que tu crois être toi. Tu te détruits et ensuite tu récupères, tu te reconstruis, petit à petit, et à chaque fois que ça arrive, tu regagnes de la connaissance sur qui tu es et ce que tu es vraiment. »

Est-ce que ça fait de cet album un tournant ?

Ouais. Evidemment, nous sommes fiers de tous les albums que nous avons fait, c’est sûr, mais je pense que cet album en particulier est quelque chose que je considérerai comme l’un des principaux piliers de l’histoire du groupe. Enthroned Darkness Triumphant est l’un d’entre eux. Death Cult Armageddon en est un autre. Et je verrais bien le nouvel album comme le troisième. Pour chaque nouvel album que tu écris, c’est presque comme un renouveau, une renaissance, et c’est ce que ça devrait être, car tu laisses le passé derrière toi et tu regardes le moment présent, et tu travailles à partir de là. Tu ne te focalises pas sur le passé, ni sur l’avenir. Ceci étant dit, en écoutant l’album aujourd’hui, j’espère que de nombreux fans reconnaîtront certains aspects de la discographie passée du groupe. Nous avons des liens avec plusieurs de nos précédents albums, mais nous l’avons fait de manière actualisée, modernisée, ou sous l’expression actuelle de Dimmu Borgir.

Quelle est l’idée derrière l’aspect métaphysique de la thématique ? Est-ce que ça a requis beaucoup de recherche et lecture ?

Pas tellement. Mon impression, avec mon expérience de la pratique Shamanique, est que les doctrines avec lesquelles on a été élevé se dissolvent, que ce soit la religion, la politique, la culture, le langage, peu importe. Ce sont juste des archétypes de distraction et d’aliénation. De mon point de vue, les frontières sont des illusions. Ce ne sont pas des produits de cette réalité mais peut-être de la façon dont on cartographie et révise la réalité. Durant tout ce temps depuis que je suis né, pour ma part, tout a été une question de décimation et annihilation totale de ce que tu crois être toi. Tu te détruits et ensuite tu récupères, tu te reconstruis, petit à petit, et à chaque fois que ça arrive, tu regagnes de la connaissance sur qui tu es et ce que tu es vraiment.

Shagrath : Les paroles parlent des mondes visibles et invisibles, des allers-retours entre différentes dimensions, des univers parallèles, de l’enchevêtrement de dimensions, de quête spirituelle de la connaissance. Mais malgré tout, nous ne voulons pas servir tout ça sur un plateau d’argent et tout révéler. Nous voulons que les gens l’observent à leur manière et s’en fassent leur propre jugement. Car ce que c’est pour moi peut être différent de ce que c’est pour toi. Et ceci est de l’art et c’est aussi difficile à expliquer.

L’un des axes de la philosophie derrière cet album est que le temps est une notion très relative et qu’il n’y a qu’un maintenant éternel. Considérant ceci, essayez-vous de vivre dans l’instant présent et ne pas trop vous soucier du passé et du futur ?

Silenoz : Oui, absolument. Et ça génère moins de souffrance, car plus on a d’attentes, plus on a de souffrance. C’est vraiment un défi de vivre dans l’instant présent, mais si tout le monde avait cette idée de « d’accord, ne pensons pas trop loin dans l’avenir, gérons ce que l’on a ici et maintenant, » je pense que les gens seraient plus heureux, honnêtement.

Shagrath : Effectivement, nous vivons ici et maintenant, et si tu creuses profondément cette idée, tu te rends compte que le temps est le produit de l’homme. En vérité, le temps n’existe pas ! [Petits rires] C’est une manière un peu étrange de voir les choses mais quand même…

Vous avez déclaré que « la réalité et le temps ne sont pas limités à la perception que nous avons traditionnellement. » Est-ce quelque chose qui s’applique à l’album en soi ? Doit-on ouvrir notre perception à des manières non conventionnelles pour totalement l’apprécier ?

Silenoz : J’espère évidemment que ça déclenchera l’imagination et un émerveillement chez les gens, et c’est selon moi ce que les mots sont censés faire dans un album comme celui-ci. Si je peux être un modeste vecteur pour que les gens provoquent cette étincelle en eux, enfin d’essayer de se stimuler pour penser de manière nouvelle, ce serait un énorme soulagement pour moi, quelque chose dont je serais très fier.

Shagrath : Il faut garder un esprit ouvert. Pour moi, cet album représente aussi un genre d’échappatoire à la réalité, à notre train-train quotidien, à notre vie normale. Si vous creusez dans cet album, je pense que vous pouvez atteindre cette dimension, vous séparer du monde normal, et créer votre propre monde.

« Nous vivons ici et maintenant, et si tu creuses profondément cette idée, tu te rends compte que le temps est le produit de l’homme. En vérité, le temps n’existe pas ! [Petits rires] »

L’une des chansons les plus surprenantes de l’album est probablement « Council Of Wolves And Snakes ». Vous surprenez-vous vous-mêmes parfois avec la musque que vous créez ?

Silenoz : Oh ouais ! Ça arrive tout le temps. Tout du moins, pour moi, c’est une très bonne indication pour constater que tu fais ce qu’il faut, car si tu te stimule toi-même, alors automatiquement tu stimuleras l’auditeur. Pas que nous le fassions exprès, ça se fait tout seul. Bien sûr, tu as en tête que des gens ne vont pas aimer cette direction, ou peu importe comment tu veux appeler ça. Mais tu sais aussi qu’il aura des gens ouverts d’esprit qui l’écouteront avec curiosité et peut-être qui l’aimeront soit tout de suite, soit au bout d’un moment. Mais le plus important, évidemment, est que nous dans le groupe soyons contents de ce que nous faisons, autrement nous serions encore en train de travailler sur l’album. Bien sûr, tu penses à tes fans aussi mais ce n’est pas le plus important quand on compose des chansons ; ce n’est pas possible autrement, car si c’était le cas, alors nous écririons Enthroned Darkness Triumphant numéro deux et alors Enthroned Darkness Triumphant ne serait plus spécial. Donc nous devons suivre nos propres objectifs.

Shagrath : Personnellement, j’aime bien parfois me poser, prendre du recul et profiter, car j’adore le processus de… C’est ce que je préfère : travailler en studio. Voir certaines idées que nous avons construites ensemble devenir des chansons de dingue, c’est toujours très satisfaisant. « Council Of Wolves And Snakes » a d’abord commencé avec le riff de guitare, si tu te souviens de la partie (c’est difficile à décrire au téléphone), le [chante le riff]. Ça a commencé, en gros, avec ce genre de mélodie. Et au départ, j’étais un peu inquiet ou sceptique parce que pour moi, ça sonnait un peu comme « c’est quoi ça ? C’est Megadeth ? » [Petits rires] Et ensuite nous avons enregistré l’idée de base, puis plus tard, je m’amusais avec l’idée, seul en studio, j’ai ajouté des programmations et des roulements de batterie, et ensuite c’est devenu une sorte de partie rythmique, qu’on peut voir comme une sorte d’approche chamanique. Nous sommes ensuite partis de là pour construire d’autres idées et c’est devenu une chanson de Dimmu Borgir. Il est clair que « Council Of Wolves And Snakes » est une chanson… C’est une chanson très enjouée, pas vraiment typique de Dimmu Borgir, mais elle démontre bien que nous sommes ouverts aux nouvelles idées, à jouer avec différents éléments. Je suis très content du résultat de cette chanson. C’est vraiment quelque chose qui ressort dans l’album et qui est très différent du reste.

Qui chante le chant ethnique qu’on entend dans cette chanson ?

Silenoz : C’est Mikkel Gaup, qui est un acteur norvégien très connu. Son père est également un réalisateur réputé. Mikkel a également fait partie de notre album précédent mais dessus, il faisait plutôt du vieux chant guttural nordique. Donc cette fois, nous avons voulu inclure du véritable chant joik. En fait, j’appelle « Council Of Wolves And Snake » notre chanson chamanique, donc c’est ce qu’il essaye de transmettre. Quand on fait du joik, c’est un genre d’hommage à la fois spirituel, physique et éthéré à la nature et tout ce qui nous entoure. C’est quelque chose de très spécial, une manière nordique très ancienne de se connecter à la nature, donc ça convient parfaitement à cette chanson !

Tu as mentionné plus tôt des pratiques chamaniques. Est-ce que ça signifie que le chamanisme fait partie de ta vie ?

Bien sûr ! Absolument. Ce n’est évidemment pas quelque chose sur laquelle je m’étale publiquement pour partager mon expérience et tout, et expliquer comment je le pratique, mais… Disons-le ainsi : ça m’a beaucoup aidé autant musicalement qu’au niveau des paroles, et de bien d’autres façons sur ce nouvel album, c’est certain.

« Alpha Aeon Omega » aurait pu être la fin parfaite pour l’album, mais ensuite vient l’instrumentale « Rite Of Passage ». Quel est le sens de ce morceau et de terminer l’album de telle façon ?

Nous avons ressenti très tôt que nous avions un morceau plus lent qui conviendrait en tant qu’outro ; nous avons déjà eu quelque chose comme ça avec « Perfection Or Vanity ». Je vois « Alpha Aeon Omega » comme la dernière vraie chanson parce qu’elle a du chant et tout, et puis la dernière chose que Shagrath crie est le mot « libre », dans cette chanson, et ensuite on passe à « Rite Of Passage ». Donc c’est une transition symbolique vers ce qui viendra après, quoi que ce soit, c’est-à-dire le prochain album. Avec ceci, nous ne fermons aucune porte, nous laissons tout ouvert pour ce qui arrivera après. Il y a probablement plein de choses cachées dans cet album qui, avec un peu de chance, tôt ou tard, feront surface pour l’auditeur.

Est-ce une déclaration pour vous de finir sur le mot « libre » ?

Absolument ! Car on aspire tous à la libération et à la liberté. La façon dont je le vois est que la figure humaine, à notre époque, n’est pas du tout libre. On commence à y arriver mais il reste encore tant de choses à explorer et vivre avant qu’on puisse qualifier l’humanité de libre.

« Il s’agit de se libérer de la norme, de se libérer du troupeau et de la meute, de façonner son propre chemin et l’arpenter une torche à la main. Ensuite, inévitablement, des gens vont suivre dans tes pas, mais c’est important que tu sois celui qui guide dans l’obscurité avec cette torche. »

Vous avez déclaré que « l’album en soit est un hommage à [votre] propre histoire et à celle du black metal norvégien. » C’est une sacrée déclaration. Comment cet album peut-il être un tel hommage à l’histoire du black metal norvégien, considérant à quel point vous vous êtes métamorphosés et avez pris vos distances avec la forme soi-disant traditionnelle du black metal ?

Bien sûr que c’est une sacrée déclaration de dire ça mais à la fois, c’est de là que nous venons et c’est là où nous avons puisé la majorité de notre inspiration, et c’est toujours le cas ! Car, même si d’un point de vue de l’expression musicale c’est très camouflé dans le nouvel album, si tu soulèves les couches, si tu vas sous la surface, il y a certaines parties sur le nouvel album qui sont directement liées à la façon dont certains riffs étaient écrits par le passé par divers autres groupes norvégiens.

Shagrath : Si vous rentrez dans les détails de cet album et si vous connaissez l’histoire du black metal norvégien, vous comprendrez le lien. Tout d’abord, ce n’est pas des plagiats, des copies ou quoi. Nous étions inspirés pour utiliser certains sons, comme des sons de clavier, et au moins certains riffs de guitare que j’ai fait sur cet album sont assez inspirés par certains groupes que j’aimais au début des années 90, surtout Thorns et ce genre de choses.

Silenoz : Si tu écoutes la chanson « The Empyrean Phoenix », en l’occurrence, elle a un vieux rythme de batterie typique, elle a une mélodie principale par-dessus des accords où nous utilisons toutes les cordes sur la guitare ; pour moi, c’est très typique de la façon de faire des groupes par le passé. On pourrait mentionner plusieurs autres exemples mais je pense que c’est aussi à l’auditeur de creuser. Donc on peut aisément dire que c’est un hommage aux vieilles façons de faire du black metal norvégien. En plus, je dirais aussi que, pour nous, « atmosphère » est le mot qui a été le plus important tout au long de notre carrière. Pour nous, ce qui importe est que le résultat possède cette atmosphère, pas comment tu procèdes pour la créer. Si tu écoutes les vieux groupes de black metal norvégien du début des années 90, il n’y en avait qu’une poignée, vraiment, et ils sonnaient tous différents mais ils partageaient tous une même chose : l’atmosphère. Nous ne tombons jamais dans le dictat des règles, et même s’il y avait des règles, nous nous devons de toutes les briser, si tu vois ce que je veux dire [petits rires], mais à la fois, nous voulons rendre hommage à nos origines, à l’époque où nous avons commencé et ce qui nous inspire encore.

L’évolution de Dimmu Borgir a été accompagnée de nombreuses critiques de puristes, une de ces critiques étant que vous n’êtes plus black metal. D’un autre côté, certain musiciens de black metal norvégien, comme Ihsahn considèrent que la pensée traditionnaliste va à l’encontre de l’esprit originel du black metal…

Je suis totalement d’accord ! Tout du moins, en considérant les choses que j’ai lues dans des interviews de lui ainsi qu’en lui parlant personnellement, je partage totalement l’opinion d’Ihsahn sur les choses. Car il s’agit de liberté, n’est-ce pas ? Il s’agit de se libérer de la norme, de se libérer du troupeau et de la meute, de façonner son propre chemin et l’arpenter une torche à la main. Ensuite, inévitablement, des gens vont suivre dans tes pas, mais c’est important que tu sois celui qui guide dans l’obscurité avec cette torche. Pour moi, ce genre de puristes sont tout aussi religieux que l’Eglise Baptiste parce qu’ils sont incapables de voir les choses sous un autre angle, ils sont très fermés d’esprit. Pour moi, ce n’est pas ça le black metal. Le black metal est une libération. Ceci dit, nous sommes trop vieux et trop insensibles pour se soucier de ce genre de choses [rires]. Nous avons tellement mieux à faire que d’écouter des personnes qui pensent mieux savoir. Ils sont libres de faire comme nous et ensuite on pourra comparer [petits rires].

Pensez-vous que le metal et le black metal ont besoin qu’on leur ébranle leurs dogmes ou certitudes, pour ainsi dire, de temps en temps ?

Shagrath : Je ne sais pas. Je n’y réfléchis pas trop. Nous nous contentons de faire ce que nous faisons et nous n’aimons pas travailler dans un cadre. Nous n’avons pas peur de ce que les gens pensent de notre musique. Tu mets tes influences… C’est comme une soupe, tu balances tous les ingrédients dans une marmite pour en faire ta propre version. Et la prochaine génération aura une autre interprétation du black metal et fera à nouveau quelque chose de différent. Qui suis-je pour juger ça ? Ils sont libres de faire tout ce qu’ils veulent et s’exprimer comme ils veulent. Mais une chose dont je suis très fier, bien sûr, est le fait que le black metal, en général, a survécu pendant tant d’années. En regardant avec du recul, quand c’était complètement inconnu, mystique et très dangereux, au début des années 90… C’est toujours aussi énorme ! Je trouve ça super, on peut en être fier, parce que c’est un style de musique authentique et c’est la seule raison pour laquelle il a survécu aussi longtemps.

« [Les] puristes sont tout aussi religieux que l’Eglise Baptiste parce qu’ils sont incapables de voir les choses sous un autre angle, ils sont très fermés d’esprit. Pour moi, ce n’est pas ça le black metal. Le black metal est une libération. »

Dimmu Borgir, aujourd’hui, c’est principalement vous deux et Galder, comme étant les trois compositeurs exclusifs du groupe. Vous avez expliqué que c’est bien mieux ainsi parce qu’autrement, ça peut devenir très chaotique. Etait-ce si éprouvant pour vous par le passé quand d’autres membres ont contribué, y compris pour des albums qui se sont avérés être parmi vos plus encensés ?

Silenoz : Je ne vais pas minimiser l’apport des anciens membres, car à n’importe quel moment où des membres ont été dans le groupe, ils ont clairement aidé à façonner le son et le groupe à avancer. Mais on peut aisément dire que Shagrath, Galder et moi-même sommes les compositeurs, et il y a eu certaines personnes dans le groupe par le passé qui n’avaient pas la capacité de composer des chansons mais qui avaient évidemment la capacité de montrer leur talent et trouver des idées. Actuellement, avec cet album, en dehors de nous trois, le line-up est toujours composé de Daray à la batterie et Gerlioz aux claviers ; c’est le line-up qui, dans l’histoire du groupe, a tenu le plus longtemps. Donc, en comprenant la longue pause que nous avons eue, il est évident que c’est une preuve que nous avons tous, après toutes ces années, trouvé notre place au sein du groupe. Certaines personnes dans le groupe ne sont pas des compositeurs, ce sont des contributeurs, et c’est nécessaire également, mais quand tu as Shagrath, Galder et moi-même, c’est-à-dire trois mâles alpha, c’est largement suffisant pour déjà retourner la cuisine et mettre du ketchup de partout, si tu vois ce que je veux dire [rires].

Donc déjà rien qu’entre vous trois ça peut être difficile…

Ouais, c’est certain ! Avec un album comme celui-ci, il est clair que rien ne se passe sans une dispute, mais je pense que ça montre la vraie nature de quelque chose de très spécial, car tout le monde se soucie énormément de ce que nous faisons. Même si parfois ça peut également être très destructeur, c’est quelque chose de sain et très cathartique, il faut en passer par là, parce que tout le monde est à fond et veut donner le meilleur d’eux-mêmes, au niveau de leur prestation, de la composition, des arrangements, et ils s’attendent à la même chose de la part des autres dans le groupe. Evidemment, ça peut être délicat parce que tu ne peux pas vraiment attendre des autres ce que tu attends de toi, car on est tous différents. Mais c’est une dynamique qui fonctionne et même si nous sommes de bons amis, il n’est pas nécessaire d’être les meilleurs amis du monde pour faire de l’art qui tue. Car sans souffrance, il n’y a pas de grand art. C’est aussi simple que ça.

L’album sort juste à temps pour le vingt-cinquième anniversaire du groupe. Avec le recul, comment percevez-vous la façon dont le groupe a évolué ?

Je suis très fier, bien sûr, et heureux, satisfait de la distance parcourue par le groupe. Ça n’a pas été sans mal mais le secret de notre longévité, je crois, est dans ce que nous avons sacrifié pour faire ce que nous faisons. Le talent, selon moi, ce n’est que deux ou trois pour cent et le reste est du sacrifice, du sang, de la sueur et des larmes. Lorsque tu regardes d’autres groupes, on voit bien que c’est dur de maintenir un groupe en vie de nos jours, car il n’y a pas d’argent dans l’industrie, pour ainsi dire, mais je pense que n’importe qui ayant la motivation et l’envie de faire les mêmes sacrifices que nous avons fait et continuerons à faire, tôt ou tard, ils arriveront quelque part, car tout est une question de priorité. Par le passé, peut-être que certains membres ont préféré en priorité aller au cinéma avec leur petite amie, pendant que Shagrath et moi étions dans notre salle de répétition à travailler sur de la musique. C’est ça la différence.

Shagrath : Je suis très fier que nous ayons survécu en tant que groupe pendant vingt-cinq ans. Ça a été un grand défi aussi, bien sûr, mais en y repensant avec du recul, je suis très fier que nous soyons toujours là, et nous sommes plus passionnés que jamais. Etant le genre de personne ouverte d’esprit que je suis aujourd’hui, je pense que chacun de nos albums représente quelque chose de différent à chaque fois. Je suis très content que nous n’ayons pas été un groupe répétitif qui suit une certaine formule simplement pour avoir du succès, ou peu importe. Certains groupes font ça lorsqu’ils ont un bon album, ils essaient de répéter ce qu’ils ont fait sur cet album parce qu’il a eu du succès. Ce n’est pas notre manière de penser. Nous voulons progresser et nous améliorer, devenir de meilleurs compositeurs et accomplir de nouvelles choses à chaque album que nous faisons. Je pense que nous y sommes parvenus.

« Le secret de notre longévité est dans ce que nous avons sacrifié pour faire ce que nous faisons. Le talent, selon moi, ce n’est que deux ou trois pour cent et le reste est du sacrifice, du sang, de la sueur et des larmes. »

De quoi vous souvenez-vous à propos de vos premiers pas dans le groupe et le contexte de l’époque ?

Silenoz : C’était [rires]… comme n’importe quel groupe, j’imagine.

Shagrath : Evidemment, ça a commencé avec notre amitié entre moi et Silenoz, au début des années 90, peut-être en 91 ou 92, quand nous partagions la même passion pour la même musique. Et cette amitié a mené à des sessions de jam, à essayer de trouver des idées. Nous avions tous les deux beaucoup de musique qui traînait. Nous n’avions pas de grande ambition au début.

Silenoz : Généralement, un groupe commence sans ambition et c’est une bonne chose, car tu joues dans un groupe parce que tu as juste envie de jouer, et c’était ça pour nous à l’époque.

Shagrath : L’ambition est venue avec le temps grâce, en partie, aux retours que nous avions de nos amis, en faisant écouter de vieilles cassettes d’enregistrement de répétitions et en échangeant des cassettes avec d’autres gens à travers le monde au début des années 90. Nous avons reçus plein de super retours par rapport à ce que nous faisions ! Déjà à l’époque, les gens réalisaient que « wow ! C’est très différent des autres groupes. » Je pense que c’était ça l’étincelle qui déclenché notre dérive plus loin dans le monde la musique et à travailler encore plus ensemble. Ca a allumé une étincelle qui nous a poussés à travailler plus dur.

Silenoz : A l’époque, nous jouions sur du très mauvais matériel, nous répétions dans ce vieux centre de jeunesse qui n’avait pas de système de chauffage ou quoi, donc en hiver, on soufflait du givre dans la salle de répétition pendant qu’on jouait ! Donc les conditions étaient évidemment très mauvaises mais je pense que, déjà là, inconsciemment, nous savions que nous allions être suffisamment acharnés pour subir l’enfer afin d’arriver là où nous en sommes.

Vous sentez-vous encore proches du groupe qui a sorti For All Tid en 1995 ?

Ouais, bien sûr. Une part de moi, oui, parce que c’est quelque chose qui reste ancré en toi, ça fait partie de ton âme. Tu y mets la marque de ton âme. Evidemment, en réécoutant ces albums aujourd’hui, je suis un peu là « ok, hum… » Nous étions jeunes et ça se voit aussi dans le jeu, la prestation et la composition. Mais quand même, il y a comme un charme, je dirais. J’en suis très fier !

Shagrath : En fait, si nous sortions l’album For All Tid aujourd’hui, il ne représenterait pas un haut niveau d’exigence, il serait très mauvais [petits rires]. Ce ne serait pas un album extraordinaire. Mais il faut considérer que chaque album est lié à une certaine époque dans l’histoire du groupe. Donc avec du recul, ce que nous avons fait à ce moment-là, j’en suis très fier. Car il représente quelque chose d’assez différent de ce que faisaient de nombreux groupes dans ce style. Je pense que c’était quelque chose d’extraordinaire à l’époque, comparé à de nombreuses autres sorties du début des années 90. Mais c’est sûr qu’aujourd’hui, ce n’est pas du haut niveau.

Vous n’avez pas prévu de réenregistrer For All Tid, comme vous l’avez fait avec Stormblåst ?

Silenoz : Non. Car nous avons réenregistré notre deuxième album pour plein de raisons différentes. Evidemment parce que la production n’était pas comme nous le voulions. Nous n’avions pas eu l’ingénieur que nous étions censé avoir, donc nous avons dû nous fier à un gars qui ne connaissait que le punk. Et puis, bien sûr, la seconde raison principale qui explique pourquoi nous l’avons réenregistré était parce qu’il n’était plus disponible, donc il fallait le réintégrer au catalogue.

Interview réalisée par téléphone les 7 mars et 11 avril 2018 par Nicolas Gricourt.
Fiche de questions : Nicolas Gricourt & Claire Vienne.
Transcription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Per Heimly (1, 2, 3, 6 & 8) & Stefan Heilemann (4, 7 & 9).

Site officiel de Dimmu Borgir : www.dimmu-borgir.com.

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  • Nattham Liudey dit :

    Salut,

    A la première écoute – mais ce n’est que la première, je reconnais un mélange réussi de Ghost et de Rotting Christ, mâtiné d’un peu d’Igorrr…

    Pas mal donc, du tout même, mais comme je ne connaissais pas Dimmu Borgir avant cet album (oups…), je me suis surpris à aimer cet album pour les références que j’y puisais.

    Pas vous ?

    [Reply]

    Otto Rail

    Oui idem, n’ayant jamais jeté une oreille attentive à Dimmu, j’ai abordé cet album sans a priori, ayant été séduit par le kitschouille et tubesque Interdimensionnal Summit. Ce sera un plaisir de les voir au HF

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