C’est officiel, Dirk Verbeuren devient le nouveau et septième batteur de Megadeth (à compter du premier album Killing Is My Business… And Business Is Good!), prenant la place de son ami Chris Adler qui ne pouvait conjuguer le célèbre groupe membre du Big 4 et son bébé Lamb Of God. Il n’aura pas fallu plus de quelques semaines de tournée en tant que batteur intérimaire à Verbeuren pour finalement s’imposer aux yeux du leader Dave Mustaine et ses collègues.
Il y a tout juste une semaine, nous nous entretenions avec le plus franco-américain des batteurs belges pour qu’il partage avec nous ces quelques semaines d’expérience aux côtés de Mustaine mais aussi Dave Ellefson et Kiko Loureiro. Nous parlant de son rapport à Megadeth et la musique du groupe, de Nick Menza décédé quelques heures avant qu’il ne tienne son deuxième concert – forcément émouvant – avec la formation, de son approche dans la tâche qui lui a été confiée, de l’analyse qu’il a des styles de jeu de ses prédécesseurs, de l’ambiance qui règne aujourd’hui dans le groupe, des préjugés que les gens peuvent avoir sur le caractère de Dave Mustaine… arrivé à la question de l’avenir, son intégration au groupe ne faisait plus aucun doute, en attendant l’annonce parue la nuit dernière.
L’interview qui suit sert donc de présentation exhaustive et devrait répondre à de très nombreuses questions que peuvent aujourd’hui se poser autant les fans de Megadeth que de Dirk Verbeuren ou de son désormais ancien groupe Soilwork, qui aura la lourde tâche de se trouver un nouveau batteur à la hauteur du travail titanesque que Verbeuren laisse derrière lui.
« Je me souviens avoir acheté Peace Sells… But Who’s Buying? sur une brocante [rires] à Triel-sur-Seine, ça devait être 88 […]. Je ne connaissais pas le groupe, j’ai acheté ça et depuis je suis devenu fan. »
Apparemment c’est Chris Adler qui t’as recommandé à Dave Mustaine. Du coup, concrètement, comment ça s’est passé ?
Je connais Chris depuis un moment parce que nous avions tourné ensemble avec Soilwork il y a des années déjà et nous avions un peu discuté et gardé contact. Et il m’avait dit un jour que s’il avait besoin d’un batteur de remplacement, il m’appellerait. Donc effectivement, il a fait ça pour Lamb Of God une fois, sauf que ça ne s’est pas concrétisé parce que finalement les dates qu’il pensait ne pas pouvoir faire pour raisons familiales, il a quand même pu les faire. Je crois que c’était en 2010 ou 2011, je ne sais plus, qu’il m’avait contacté pour éventuellement faire quelques dates avec Lamb Of God. Donc, là c’est la même chose qui s’est passé, il m’a envoyé un texto pour me demander mes disponibilités. Je connaissais un peu son actualité, le fait qu’il jouait dans deux gros groupes, c’est quand même dur, donc quand j’ai reçu le texto, j’ai tout de suite deviné que ce serait pour faire l’un ou l’autre. Et voilà ! [Rires] Ensuite, c’est aussi le management de Megadeth qui m’a contacté en me disant que Dave Mustaine voulait me parler. Donc nous avons discuté un peu au téléphone et ça s’est fait assez rapidement.
Et les répétitions se sont passées comment ?
Eh bien, écoute, il n’y en a pas eu des masses ! Nous avons fait une répète le jour avant le premier concert. Tu vois, à ce niveau-là, les mecs ne prennent pas quelqu’un s’ils ne se disent pas à quatre-vingt-dix-neuf pour cent que ça va le faire. Chris m’a dit que Dave ferait certainement un peu de recherches pour voir qui j’étais, mon niveau, etc. Il s’est surtout basé là-dessus. Après, la répétition, c’était surtout pour consolider, voir un peu les détails mais ils n’auraient pas appelé quelqu’un s’ils avaient eu peur qu’il ne puisse peut-être pas faire le boulot, je pense.
Donc, ce que tu dis, c’est que Dave ne te connaissait pas tant que ça avant…
Non, je ne pense pas. Je ne sais pas trop exactement mais ça m’étonnerait. Il est là depuis tellement de temps et il n’est pas là en train d’écouter du metal toute la journée, c’est normal. Même moi, je ne fais plus ça la plupart du temps. Et lui il a encore dix ou quinze ans de plus que moi, donc… [Rires] T’imagines que ses classiques, il les a et les groupes plus récents, il doit les suivre de façon assez distante, si tant est qu’il les suive. Après, tu es dans ton propre monde, tu fais ton propre truc. Je vois ça pour moi aussi : quand je veux composer de la musique, par exemple, la dernière chose que je fais, c’est écouter beaucoup de metal parce que sinon tu n’arrives à rien composer. C’est mieux d’éclaircir sa tête et de ne pas en écouter, et là tu as tes propres idées qui arrivent.
Finalement, il s’est uniquement basé sur des vidéos de toi et quelques renseignements pour savoir que tu ferais l’affaire. Ça peut paraître étonnant comme méthode pour un groupe aussi important, avec de grosses dates, etc.
Je pense que ce n’est pas que ça non plus. Je pense que plusieurs personnes ont fait des listes et j’ai dû me retrouver sur quelques listes de différentes personnes. Il y a aussi le management qui a donné son opinion et je pense qu’il demande conseil à d’autres gens. Aussi la recommandation de Chris Adler a été très importante, je pense, aussi parce que – je crois que c’était dans une interview – Dave lui a demandé qui il lui recommanderait et Chris lui a répondu qu’avec ce mec-là, tu ne peux pas te planter. Donc je pense que c’est ce genre de choses aussi qui font que… Tu vois, ce n’est pas juste basé sur des vidéos parce qu’il y a aussi la personnalité et toutes ces choses-là qui rentrent en compte, et là c’est quelqu’un comme Chris qui a pu lui dire « ouais, ça va le faire. Ce n’est pas le mec qui va arriver avec les aiguilles dans le bras… » [Rires]
J’ai l’impression que beaucoup des plans que tu trouves pour jouer dans des groupes se font via le bouche à oreille, via des recommandations d’autres batteurs. Il n’y a pas longtemps Staif de Eths nous racontait que pour leur album, c’était Franky Costanza qui t’avait recommandé. On dirait que ça fonctionne beaucoup comme ça dans ce milieu-là, ou en tout cas pour toi…
Oui, je dirais que pour moi, à quatre-vingt-quinze voir quatre-vingt-dix-huit pour cent, c’est comme ça. Ça a toujours été comme ça, car même les premiers plans sessions que j’ai faits, là je parle du début des années 2000, il y a dix ou quinze ans, c’était toujours du bouche à oreille parce qu’à l’époque je ne faisais pas du tout de pub. Internet, c’était encore jeune, en tout cas pour l’utilisation générale ; YouTube, je ne sais même pas si ça existait déjà, je n’avais pas de site web, ni rien. Donc c’était tout du bouche à oreille, des gens qui me connaissaient qui disaient : « T’as besoin d’un batteur ? Appelle Dirk ! » J’ai toujours eu du bol de ce côté-là ! [Rires]
Du coup, avec l’émergence de YouTube et tous ces musiciens qui font des vidéos de reprises pour faire du démarchage, pour trouver des projets, etc. Tu penses que ça marche, toi qui visiblement n’a même pas besoin de ça ?
Ouais, je pense que ça marche parce que je connais des exemples concrets de gens pour qui ça a marché. Par exemple, le bassiste qui a joué sur l’album de Jeff Loomis, Plains Of Oblivion, sur lequel j’ai aussi joué, c’est un mec que Jeff a trouvé sur YouTube. Il y en a pas mal d’exemples comme ça, de gens qui se sont fait, au moins, choppé par un groupe pour faire des plans sessions. C’est clair que c’est une grosse aide. Après, est-ce que ça fonctionne pour tout le monde ? C’est à voir mais je pense que c’est quand même beaucoup plus facile de faire un travail international grâce à YouTube et internet en général.
Quel était ton rapport à la musique de Megadeth avant ?
Je me souviens avoir acheté Peace Sells… But Who’s Buying? sur une brocante [rires] à Triel-sur-Seine, ça devait être 88 ou quelque part par-là, peu de temps après que mes parents déménagent en France, et j’ai bien aimé la pochette. Je ne connaissais pas le groupe, j’ai acheté ça et depuis je suis devenu fan. Je les ai vus pour le Clash Of The Titans en 92 au Zénith avec Slayer et je crois Testament et Suicidal Tendencies. J’ai toujours suivi le groupe. Enfin, c’est vrai que les dernières années moins quand même mais je les ai beaucoup suivis à cette époque-là, Rust In Peace, Countdown To Extinction, etc. Donc, ouais, pour moi, ça restait toujours un groupe un peu classique du thrash et qui a quand même écrit des morceaux intemporels. Après, c’est vrai que, comme je disais, je les ai moins suivis les dernières années parce que les line-ups étaient un peu tumultueux et ça m’a un peu désintéressé du coup. Le dernier album est quand même bien béton. Ils sont bien revenus à un truc qui bastonne, donc ça, ça m’avait bien plu. Les morceaux que j’avais entendus avant de recevoir l’appel m’avaient bien plu.
« C’est vrai que tu te dis : ‘Oh putain, il y a Dave Mustaine devant moi et David Ellefson, et puis Kiko aussi qui est excellent !’ T’es là : ‘Wah, putain, c’est vraiment en train de se passer !’ [Rires] »
J’imagine que ça a dû être quelque chose pour toi la première chanson que tu as jouée avec eux…
Ouais, tu te pinces un peu ! [Rires] C’est vrai que tu te dis : « Oh putain, il y a Dave Mustaine devant moi et David Ellefson, et puis Kiko aussi qui est excellent ! » T’es là : « Wah, putain, c’est vraiment en train de se passer ! » [Rires] C’est drôle !
Et au-delà de la musique de Megadeth, quel a été ton rapport aux batteurs de Megadeth ? Est-ce que ça a été une inspiration ?
Ouais, je pense surtout Nick Menza. Surtout en bossant les morceaux, je me suis rendu compte qu’il a vraiment dû influencer mon jeu parce que beaucoup de trucs qu’il joue sont assez naturels pour moi, en tout cas le groove qu’il a dans son jeu. Après, c’est vrai que les détails du jeu, chacun a son truc, mais c’est vrai que son groove, je m’y retrouve vraiment. Il avait une façon de frapper et de placer ses coups qui ressemble un peu à ce que je fais naturellement. Donc consciemment ou inconsciemment, il m’a certainement influencé. Après, il n’était peut-être pas en haut de la liste de batteurs qui m’ont influencé, comme Dave Lombardo, par exemple, mais c’est vrai que j’ai quand même écouté pas mal de Megadeth et les influences, ça ne se fait pas toujours de façon directe, il y a aussi des trucs que tu écoutes qui par la suite se retrouvent un peu dans ce que tu fais et je pense que pour Nick Menza, notamment, ça a été le cas.
D’ailleurs il n’y a pas longtemps on a appris le décès de Nick Menza, et il me semble que tu jouais déjà avec Megadeth à ce moment-là…
C’était ma deuxième date avec eux, oui !
Du coup comment toi et le groupe, en règle générale, vous avez vécu ça ?
C’est vraiment bizarre parce que j’avais justement pensé à Nick le jour d’avant parce qu’il m’avait envoyé un message sur YouTube quelques mois avant auquel je n’avais pas répondu parce qu’en général je ne réponds pas aux messages sur YouTube, je dois limiter un peu mes interactions sur les médias sociaux, sinon je n’arrête plus. Donc je fais surtout ça sur Facebook, et sur YouTube, en général, je poste une vidéo et basta. Mais lui m’avait envoyé un truc sur une vidéo de Scarve, je crois, juste pour dire que c’était cool. Et donc je m’étais dit le soir d’avant qu’il fallait que je lui réponde, que maintenant que je joue dans Megadeth, ça serait cool de dire « merci pour ton message. » Et le matin, je me suis réveillé tôt et j’ai reçu le texto d’un pote : « Il y a Nick Menza qui est mort, tu ne vas pas y croire. » Et je fais : « Putain, c’est pas possible… » Donc ouais, c’était une ambiance vraiment triste, évidemment, surtout pour Dave et David qui ont quand même passé dix ans de leur vie avec lui et qui avaient essayé de remonter le line-up Rust In Peace quelques années avant. Ça n’a pas été facile. Le concert le soir-même a été très émotionnel. Dave lui a dédié un morceau et il n’a quasiment pas pu chanter le morceau tellement il était ému. C’est donc dur, ce genre de trucs. Ça montre encore une fois que la vie est fragile et qu’il faut profiter de chaque journée. Pour moi, c’est la leçon que j’en tire.
J’imagine que même toi, jouer ses parties de batteries, maintenant, ça doit procurer quelque chose, tu dois le voir différemment…
Carrément. Maintenant, soudain, je dois encore mieux faire mon boulot parce que c’est vrai que maintenant il y a un sens plus profond de faire vivre ce qu’il a créé parce qu’il a quand même créé des parties de batterie assez iconiques pour des morceaux qui sont classiques, peut-être les plus connus de Megadeth. Donc maintenant, il y a tout ce sens profond qui se rajoute un peu à un truc qui était déjà énorme. Tu y penses à chaque fois maintenant. Par exemple, nous jouons « Tornado Of Souls » à tous les concerts et Dave le dédie toujours à Nick. Tu y penses à chaque fois, pendant tout le morceau, je suis là : « Allez, mec, j’espère que tu es fier, que tu me regardes de là-haut. »
On a d’ailleurs vu des vidéos de Menza avec Megadeth dans l’optique peut-être qu’il revienne et du coup, ça avait donné beaucoup d’espoir pour les fans. C’est quelque chose dont tu as pu discuter avec Dave ?
Ouais, nous en avons un peu discuté. Je pense qu’il y a une multitude de raisons pour lesquelles ça ne s’est pas fait mais je ne sais pas exactement quelle est la raison qui a poussé le truc. Mais il y a eu plusieurs choses. Il y a eu je pense des choses au niveau humain qui ont été difficiles par rapport au passé qu’ils ont eu. Et je pense qu’il y a eu des raisons évidement de management, monétaires, etc. qui n’ont pas forcément collé. Et puis d’après ce qu’ils m’ont dit, il y a eu aussi des raisons autres que je ne vais pas révéler dans une interview parce que, tu vois, je ne vais pas dire du mal de quelqu’un que je ne connais pas ou même faire semblant de dire du mal, parce que ce ne serait pas dire du mal, mais je ne peux pas trop commenter là-dessus… Mais disons que voilà, après avoir discuté avec Dave et David, pour moi, c’est clair qu’ils ont vraiment essayé. C’est vrai que Dave a toujours la réputation de mec impitoyable avec ses musiciens et qu’il les fout dehors au moindre truc mais je pense qu’il aimait vraiment Nick et qu’ils ont vraiment fait un essai honnête de faire marcher la chose. Et malheureusement, ça ne s’est pas fait.
Bon nombre de batteurs prestigieux ont joué dans Megadeth. De manière générale, comment t’es-tu senti à l’idée de marcher dans leur pas ?
C’est surtout un grand honneur ! Et puis un peu un rêve qui se réalise parce que tu ne penses jamais un jour qu’un truc comme ça va arriver. Un groupe avec lequel tu as grandi, ce n’est même pas un truc que tu espères, tu ne te dis pas « j’espère un jour jouer avec eux » parce que tu te dis que c’est clair que ça ne va jamais arriver. La chance est tellement minime et il y a tellement de batteurs qui pourraient faire le boulot que d’être celui qui reçoit le coup de fil et d’être là, c’est hallucinant ! [Rires] C’est surtout un grand honneur et puis une leçon pour moi parce que j’en apprends tous les jours. Au final, c’est ça qui importe aussi. Là je bosse à un tout autre niveau encore par rapport à tout ce que j’ai déjà pu faire par le passé et qui était déjà, pour moi, énorme. J’ai toujours les yeux et les oreilles grands ouverts et j’en apprends le plus possible.
Comme on a dit, il y a eu plusieurs batteurs, chacun avec son propre feeling. Vu que tu as travaillé sur un set de concert, tu as été amené à bosser sur des morceaux de différentes époques et donc de différents batteurs. Est-ce que c’est une difficulté de sauter d’un style de batterie à un autre ?
Nous jouons surtout des trucs de l’époque Menza, Gar Samuelson et Chuck Behler, donc les anciens batteurs, et toute l’époque après Nick Menza, sauf le nouvel album, nous ne jouons rien. Ce sont surtout les trucs que je connaissais déjà et puis Chris Adler, que je connais aussi, évidemment, de part Lamb Of God, donc il n’y a pas eu de grosse surprise niveau style. La plupart des morceaux que nous jouons, je les avais au moins entendus ou écoutés dans le passé. J’étais déjà plus ou moins familier. C’est vrai qu’un batteur comme Gar Samuelson, le premier batteur, il a un style assez influencé par les années 60 et 70, Carmine Appice, des styles comme ça. Alors qu’ensuite, Nick Menza et Chuck Behler avaient un style un peu lus moderne pour l’époque. Donc c’est clair qu’après, tu ressens vraiment ces différences et j’ai eu heureusement un peu de temps pour étudier tout ça en détail et vraiment bosser les petites nuances de leur jeu, et j’essaie de les représenter de façon la plus fidèle possible, tout en ajoutant des petites touches à moi mais ça reste assez limité parce que c’est vrai que je pense qu’il faut surtout jouer les morceaux tels qu’ils sont et les interpréter avec le plus de panache et de feeling de possible.
« Dave, ce n’est pas quelqu’un d’aussi dictatorial qu’on pourrait le penser. […] Il demande toujours l’apport des autres, il est toujours ouvert aux opinions et aux idées. Même, il m’a dit tout de suite qu’il s’attendait à ce que je lui donne aussi mes idées et mes opinions. »
Justement, quelle était la liberté qui t’était donnée par rapport à l’interprétation ?
Eh bien, comme je te dis, c’est de restituer les choses de façon la plus fidèle possible, carré, jouer bien… Après je pense que les petits détails que je rajoute petit à petit, il y aura de plus en plus de liberté à mesure que nous avançons dans les concerts. Parce que c’est vrai qu’au départ, tu n’arrives pas en te disant « tiens je vais changer tous les fills » [rires]. Donc au début, j’étais vraiment très, très fidèle à l’album et puis petit à petit j’ai rajouté des petites choses ici et là ou changé des petits trucs. Tant que Dave ne me dit rien, c’est que ça passe [rires].
Mais à l’origine, qu’est-ce qui était attendu de toi à ce niveau-là ?
Chris m’a conseillé de bosser les trucs exactement tels qu’ils sont sur l’album. Donc j’ai fait ça le plus possible dans le temps qui m’était imparti. Après, c’est vrai qu’il y a certains passages où c’est moins essentiel que d’autres. Tu prends par exemple un morceau comme « Trust », sur Cryptic Writings, toute la fin, c’est une répétition du refrain quatre fois et les fills là-dedans, ce que tu peux faire est un peu aléatoire. Donc j’essaie de rester dans le style mais tous les soirs j’improvise un peu des trucs légèrement différents basés là-dessus. Après, il y a d’autres morceaux où c’est vraiment tel que c’est sur l’album parce qu’il n’y a pas besoin de changer quoi que ce soit, donc là c’est plus dans l’interprétation. Aussi le fait que le style de batterie dans Megadeth, c’est quand même un truc un peu plus, je dirais, rock avec une grosse patate metal, donc du coup ça me donne un peu plus le temps de faire un show, alors que j’ai l’habitude de jouer super technique et de devoir mettre toute ma concentration dans le fait de pouvoir jouer les parties la plupart du temps. Là j’ai un peu plus le temps de lever les bras, me mettre debout et faire le con sur scène [petits rires].
Par rapport à ce que tu disais tout à l’heure : est-ce qu’il y a une raison pour laquelle vous ne jouez rien de la période après Nick Menza, hormis les morceaux du nouvel album ?
Nous n’en avons jamais parlé, donc je ne sais pas ! Mon opinion là-dessus, c’est que Chris Adler a un petit peu ramené Dave dans la lignée des anciens albums. D’ailleurs ils en ont parlé dans pas mal d’interviews, il a dit « ouais, il faut que tu ramènes ton style un peu plus thrash. » Parce que je pense que Dave avait un peu essayé des choses différentes avec plus ou moins de succès et plus ou moins de bonnes réactions des fans, et là je pense que les ventes de Dystopia montrent bien que ce que les gens veulent, c’est du Megadeth classique. Donc je pense que Dave s’en est rendu compte aussi. Et du coup, il y a déjà tellement de morceaux à choisir dans ces albums-là que pourquoi jouer des trucs qui sont moins populaires ? A mon avis, c’est ça.
Donc tu es en train de dire que ce retour au style classique de Megadeth, ça pourrait être Chris qui a poussé dans ce sens-là ?
Il me semble oui parce que, en tout cas, c’est ce que j’avais lu à l’époque quand ils préparaient l’album et quand il allait sortir. Parce c’est vrai que Chris, c’était un de ses groupes préférés en tant que môme et d’après ce qu’il disait et ce que disais Dave, il est vraiment arrivé en disant « voilà, écoutes, faudrait vraiment qu’on revienne à ce style-là. » Parce que Dave, ce n’est pas quelqu’un d’aussi dictatorial qu’on pourrait le penser. C’est vrai que c’est lui le boss du groupe et qui prend les décisions, c’est normal je pense parce que c’est le seul mec qui a été dans le groupe tout le temps et c’est lui qui a quand même un peu créé le style Megadeth mais, en même temps, il demande toujours l’apport des autres, il est toujours ouvert aux opinions et aux idées. Même, il m’a dit tout de suite dit qu’il s’attendait à ce que je lui donne aussi mes idées et mes opinions, que ce soit sur la setlist, sur plein de choses en fait. Donc ce n’est pas quelqu’un qui arrive et dit : « Bon ben voilà les mecs, c’est comme ça. Au revoir, on se voit tout à l’heure sur scène. » Ce n’est pas comme ça du tout.
Justement, les gens se font une idée tumultueuse de Megadeth, par rapport aux changements de line-up qu’il y a en permanence. Étais-tu serein à l’idée de rentrer dans le groupe ou bien avais-tu des doutes ? Avais-tu ce même a priori que les gens ?
Disons que je ne connaissais aucun des gars vraiment. J’avais rencontré Kiko quelques fois, je savais qu’il était super cool mais je n’avais jamais rencontré Dave. J’avais rencontré David aussi, il y a longtemps. A l’époque il n’était pas dans Megadeth, il bossait pour Fender, je l’avais rencontré sur Ozzfest et ça me semblait être un mec très sympa aussi. Mais c’est vrai que je n’avais jamais rencontré Dave mais dès que je lui ai parlé un petit peu au téléphone, quand il m’avait appelé pour apprendre à me connaître un peu, il me semblait très sympa et avoir les pieds sur terre. Je me suis dit : « Bon, écoute, ça ne sert à rien d’avoir la trouille ou d’avoir de l’appréhension. Je vais y aller, je vais faire ce que je fais et puis on verra bien. Si ça passe, ça passe ou sinon tant pis, j’aurais essayé. » Donc non, je n’ai pas trop réfléchis là-dessus. J’ai posé quelques questions à Chris pour savoir quand même ce à quoi il pensait que les autres s’attendraient pour que je puisse bien faire mon boulot et me préparer mais au-delà de ça, c’est vrai qu’il y a des gens qui m’ont dit : « Oulà, Dave, il faut que tu fasses attention. Tu ne sauras jamais quel Dave tu vas avoir aujourd’hui ou demain. » Mais au final, tout ça, c’est quand même grandement exagéré, je trouve, maintenant que j’ai passé plus d’un mois auprès de lui. C’est un mec super cool. Bon, il a ses traits de personnalité, comme tout le monde, et tu apprends à les connaître, mais ce n’est pas du tout quelqu’un d’aussi taré qu’on peut dire [petits rires]. En tout cas, moi, je n’ai pas vu ce côté-là. Je pense que la presse, une fois qu’ils choppent des trucs comme ça, ils aiment bien le propager, même si c’était le cas en 86 et que ce n’est plus le cas maintenant. Il a quand même dans la cinquantaine, c’est un père de famille qui a mené un groupe depuis presque quarante ans… Tu ne fais pas ça si tu es complètement naze parce que ça ne marcherait pas au final. Même le fait que David Ellefson soit toujours là, ça montre aussi qu’il peut s’entendre avec des gens. Et Kiko semble très bien s’y retrouver aussi. L’ambiance est très, très bonne. Nous nous amusons bien. D’ailleurs je pense que sinon, je ne serais peut-être pas là parce que moi aussi j’ai un peu mes exigences là-dessus et je ne vais pas partir sur la route avec des gens que je ne peux pas supporter. En tout cas, ça ne durerait pas. Et le fait que je sois toujours là et que je m’amuse toujours, ça montre que ça se passe bien.
Dans le groupe, il y a deux américains, un brésilien et un belge. N’y a-t-il pas des différents culturels parfois ?
Non, ça va parce qu’en fait, Kiko et moi, nous habitons tous les deux aux Etats-Unis depuis longtemps. Si tu m’avais demandé ça il y a dix ans et que j’étais dans la même situation, ça serait peut-être un peu plus présent mais maintenant, je sais un peu comment les américains pensent en règle générale. Et puis, nous avons tous déjà fait ça pendant tellement de temps, être en tournée, etc. et puis les conditions avec Megadeth ne sont pas mauvaises. Nous avons quand même des conditions de voyage et de travail qui sont assez confortables, donc il n’y a pas de raison de ne pas s’entendre. Bon après, Kiko a peut-être une façon de voir les choses qui est plus brésilienne et on peut le ressentir. C’est cool parce que ça fait des discussions un peu animées des fois mais nous nous marrons bien !
« [Dave Mustaine] est hyper critique de lui-même et de tous les gens avec qui il bosse parce qu’il veut vraiment que ce soit top. […] Il est vraiment à fond dans ce qu’il fait et ça, ça fait vraiment plaisir parce que j’ai vu des gens bien moins connus qui sont bien plus blasés que lui [rires]. »
Les conditions sont mieux que celles de Soilwork ?
Bah ouais, c’est un tout autre niveau, c’est clair ! Il n’y a pas photo ! Après, tout ça, c’est un peu secondaire pour moi. C’est cool et c’est vrai qu’en vieillissant, on apprécie ce genre de choses un petit peu plus mais l’essentiel, c’est de faire des concerts biens. Mais personne ne va se plaindre d’être dans des jolis hôtels et d’avoir un bus pour le groupe.
En tant que fan de Megadeth, qu’est-ce que tu avais pensé au départ quand il a été annoncé que Kiko serait le nouveau guitariste du groupe ? Ça a quand même surpris pas mal de monde…
Ouais, j’ai trouvé ça super parce que je suis un gros fan de Marty Friedman aussi et, comme je t’ai dit, je n’avais pas trop suivi la période Chris Broderick, donc je ne peux pas trop commenter sur ça, et le frère Drover qui était avant à la guitare aussi, je n’ai vraiment pas trop écouté ces albums, j’ai écouté des morceaux ici et là mais vraiment pas assez pour me faire une opinion. Mais Kiko, je savais parce que j’ai été voir Angra à l’époque de Holy Land et j’ai toujours été un gros fan de son style de guitare. J’ai toujours trouvé que c’était un mec qui avait vraiment ce toucher, ce feeling pour jouer d’une façon extraordinaire. Donc quand j’ai vu cette annonce-là, je me suis dit : « Bah voilà un mec qui va vraiment pouvoir faire honneur à Marty Friedman. » Il a vraiment ce toucher magique que tu ne peux pas vraiment expliquer.
Et sur scène, cette alchimie avec Kiko se ressent ?
Ah oui, carrément ! C’est facile ! Tous les trois, ils déchirent dans ce qu’ils font. C’est une aisance, il n’y a pas besoin de temps d’adaptation ou quasiment pas. Peut-être les deux premiers concerts, c’est un peu trouver ses marques et ensuite, ça y est, c’est la machine de guerre [rires].
Quels challenges représentent les morceaux de Megadeth à la batterie ?
C’est encore complètement autre chose que ce que j’ai l’habitude de jouer. Bon, en même temps, je me suis un peu spécialisé là-dedans parce que j’ai fait tellement de travail de session ces cinq ou six dernières années que je me suis un peu habitué à jouer des choses différentes et travailler sur des plans différents avec des gens différents. Donc je pense avoir une plus grosse flexibilité maintenant qu’il y a cinq ou six ans pour ce qui est du jeu de batterie. Mais ouais, comme je te disais, c’est un jeu un peu plus épuré que ce que je jouerais naturellement et ça m’en apprend. Je me dis que des fois moins c’est plus et aussi, comme je te disais avant, ça me laisse la place de travailler plus le jeu de scène parce que les gens viennent surtout voir un show. C’est bien de jouer des parties super complexes et de faire de ça le show, le fait que « putain, il arrive à jouer ces trucs-là », mais ça fait aussi un peu gros solo de batterie pendant une heure. Quand je joue avec Scarve ou Soilwork, par exemple, ça revient un peu à ça pour les gens qui sont moins spécialisés dans ce que nous faisons. Je pense que quand on est jeunes, on a un petit peu des œillères pour ça parce qu’on est tellement à fond dans le style qu’on ne se rend pas compte que pour des gens, vu de l’extérieur, les finesses se perdent un peu, c’est un peu ils se prennent un gros truc dans la gueule… Après, je ne crache pas là-dessus, c’est cool et je referais ça avec plaisir, mais c’est vrai que le fait de jouer un truc un peu plus épuré, ça m’a fait plaisir. Ça me fait un peu penser à Mario de Gojira, par exemple. Il a un parcours similaire. Je trouvais qu’à l’époque où il a commencé, il avait déjà un jeu très fin et j’ai toujours énormément apprécié ça dans ce qu’il fait. Et quand tu écoutes, par exemple, Magma, c’est encore plus épuré qu’avant et je trouve ça super parce qu’il sait vraiment placer les bons coups là où il faut et se retenir quand il faut. Donc j’essaie de faire un peu la même chose maintenant avec Megadeth parce que ça colle vraiment à leur musique.
C’est quoi les morceaux les plus difficiles à jouer de Megadeth ?
[Rires] Techniquement, je dirais que ce sont les derniers, les trucs avec Chris Adler, parce qu’ils sont un peu plus techniques niveau batterie. Enfin, pas tous mais notamment ceux que nous jouons comme « The Threat Is Real » et « Post American World », il y a des fills un peu plus techniques, etc. Alors que le jeu de Nick Menza et Gar Samuelson, c’est vraiment un jeu plus rock, donc pour moi, niveau batterie, c’est un petit peu plus facile à jouer techniquement parlant. Après, avoir le bon groove pour chaque morceau, ça demande du temps et de l’expérience. Donc c’est toujours difficile parce qu’au départ quand tu joues avec des gens nouveaux, aussi bons soient-ils et aussi bon que tu sois, il faut trouver ses marques. C’est pour ça que je disais que les deux premiers concerts, c’est un peu bancal parce que c’est nouveau mais une fois que tu commences à trouver tes aisances, à te faire confiance et confiance aux autres, ça devient de plus en plus facile. Et là, récemment, nous avons même rajouté un morceau du premier album, « Rattlehead », au set. Un des trucs cools que nous avons, c’est une petite chambre de répétition que les techniciens nous installent quand c’est possible. Donc pour la plupart des concerts, nous avons ça, un petit kit de batterie électronique et des petits amplis, donc nous pouvons bosser ensemble sur des morceaux quand nous le sentons. Ça c’est fun aussi !
Et quels sont tes morceaux préférés à jouer ?
A jouer, je dirais qu’un morceau comme « Sweating Bullets », par exemple, est vraiment fun. C’est un groove blues un peu évolué mais vraiment marrant à jouer. Et puis des morceaux comme « Holy Wars » qui sont des gros classiques. Forcément ça fait plaisir par le côté un peu nostalgique parce que ce sont les trucs que j’ai écoutés le plus à l’époque. Je dirais pour le plaisir personnel, tout ce qui est de l’album Rust In Peace, c’est un peu l’album qui m’avait le plus marqué à l’époque. Et aussi Youthanasia mais pour l’instant, nous n’avons joué que « A Tout Le Monde » mais cet album m’avait vraiment botté quand il était sorti, donc j’espère que nous allons en jouer d’autres à l’avenir. Nous en avons un peu parlé. C’est vraiment ça, ce sont des trucs qui ont signifié le plus pour moi, à titre personnel.
Inversement, est-ce qu’il y a des morceaux que tu trouves un peu pénibles à jouer ?
[Rires] Faut que j’y réfléchisse ! Pas vraiment non parce que… Tu vois, moi, j’adore jouer de la batterie, donc c’est vraiment difficile pour moi de trouver un truc que je n’aime pas jouer. Ou alors il faudrait vraiment que ce soit super bateau et chiant mais heureusement, ils ont toujours eu des batteurs au jeu assez intéressant. Donc il y a toujours des petits détails où tu te dis « ah ouais, je n’avais pas trop fait gaffe à ça ! », surtout quand tu commences à les étudier. Par exemple, Gar Samuelson ne m’avait pas tellement marqué à l’époque mais maintenant, quand nous jouons des morceaux comme « Wake Up Dead », par exemple, ou même « Peace Sells » qui est plutôt tout droit, c’est super fun à jouer ! C’est surtout basé sur le fait de tenir un bon groove à la AC/DC et puis de faire participer le public. C’est un autre aspect de batterie que je n’avais pas trop pu faire avant parce qu’il n’y avait pas le temps, il y avait trop de coups partout [rires].
« Tu passes quand même à un niveau où même un mauvais show pour Megadeth, ça serait un très bon show pour la plupart des autres groupes avec qui j’ai pu jouer [petits rires]. »
Tu parles beaucoup de la personnalité de ces batteurs, et tout à l’heure on parlait du guitariste Kiko Loureiro, comme quoi ça avait surpris les gens. Mais finalement, c’est assez logique puisque l’on sortait d’une période avec Shawn Drover et Chris Broderick qui sont très, très bons mais qui n’ont pas forcément brillé par le côté très identifiable de leur jeu. Et on peut avoir l’impression que du coup, vous êtes revenus sur un set où les morceaux dans lesquels ils ont été impliqués sont totalement absents et Dave Mustaine a fait appel à Kiko qui n’est pas un guitariste standard et a vraiment une patte à lui. Il semble donc vraiment y avoir cette envie de la part de Dave de revenir à des individualités fortes.
Absolument. Je pense qu’il y a un truc très intéressant chez Dave, c’est qu’il a formé Megadeth vers 1982 ou 1983, je ne sais pas exactement, et il a toujours cette faim de cartonner et de faire bien. Et par cartonner, je ne veux pas dire vendre beaucoup d’albums, etc., évidemment ça fait partie du truc de faire marcher le groupe, mais surtout il a une faim de présenter un groupe qui soit vraiment bon. Il est hyper critique de lui-même et de tous les gens avec qui il bosse parce qu’il veut vraiment que ce soit top. Il veut vraiment donner à ses fans un concert qui soit béton chaque soir, une setlist béton, et la setlist, d’ailleurs, il la change tous les jours. Tous les jours il essaie des trucs nouveaux et une demie heure avant le show, c’est : « Tiens, on va mettre ça là, ça ici, on va jouer ça à la place de ça… » Il n’a pas perdu sa faim. Ce n’est pas un mec blasé du tout, alors qu’il pourrait depuis le temps qu’il fait ça. Certains diront « voilà, ça fait longtemps que Megadeth a déjà passé son cap où c’était l’un des plus gros groupes et depuis c’est redescendu, etc. » Eh bien, chez lui, ça ne se voit pas du tout. Il est vraiment à fond dans ce qu’il fait et ça, ça fait vraiment plaisir parce que j’ai vu des gens bien moins connus qui sont bien plus blasés que lui [rires].
Ce qui est assez marquant dans les concerts de Megadeth, et même les disques, c’est qu’il y a un côté très carré et millimétré. Et ça se voit aussi dans les postures, dans le jeu de scène, etc. Est-ce que ça, ça représentait un challenge particulier ?
Il a fallu que je paye bien attention. Par exemple, dans Soilwork, j’étais le mec qui lançait les morceaux. Donc nous avions un système avec un iPod avec les clics pour les morceaux que nous jouions au clic, etc. Donc j’étais un peu le maître du navire et je pouvais me dire « ok, je suis prêt, je lance le morceau. » Il y avait toujours ce petit temps d’adaptation. Si j’avais besoin rapidement de m’essuyer le visage, je pouvais le faire. Là, c’est quelqu’un d’autre qui le fait. Heureusement, c’est un mec que je connais, donc il fait toujours un peu attention à moi mais il y a quand même des fois où je suis en train de boire de l’eau et il y a le morceau qui part [rires]. Donc, c’est vrai que dans ce sens-là, tout est un peu basé sur Mustaine qui gère la cérémonie et quand lui décide que le prochain morceau doit commencer, ça commence. Et ça change tous les soirs ! Parce que c’est vraiment au feeling. Un soir il va parler ici, un autre soir, il ne va pas du tout parler au même endroit. Donc c’est vraiment ce que tu entends chez les grands artistes comme Prince ou il y a les gestuelles et tout et paf, maintenant c’est cette partie-là. C’est un peu ça mais à un moindre niveau, je dirais, parce que ce n’est quand même pas comme chez Prince où il claque des doigts et « ah ouais, là on va passer au refrain ! » Ce n’est quand même pas comme ça parce que nous avons des structures assez définies. Mais c’est vrai qu’il y a quand même une adaptation pour moi, oui. Il faut que je sois tout le temps alerte sur scène. Il faut tout le temps que je le regarde. Pareil, en soundcheck aussi il a un peu son système. Donc quand nous en faisons, j’ai toujours l’œil sur lui pour savoir est-ce qu’il veut que je joue, est-ce qu’il veut que je m’arrête… Tout simplement parce que tu gères ça comme un pro le plus possible.
Est-ce que c’est dur de placer du feeling dans un contexte comme celui-là ?
Non, pas du tout parce que le feeling, c’est dans le jeu. Le déroulement du show, c’est juste un truc où je m’adapte et au final ça ne me fait pas stresser. Même ça me fait rire des fois quand je loupe un départ, que je laisser tomber ma bouteille d’eau… [Rires] C’est assez drôle mais de toute façon, ce sont des trucs que les gens ne voient pas. Mais non je trouve qu’au contraire, ça me donne encore plus envie d’être à fond dedans quand c’est un grand show comme ça, qu’il y a beaucoup de gens, qu’il y a un enthousiasme énorme de la part du public tous les soirs. Tu passes quand même à un niveau où même un mauvais show pour Megadeth, ça serait un très bon show pour la plupart des autres groupes avec qui j’ai pu jouer [petits rires].
C’est vrai qu’il y a un peu des idées reçues, avec des gens qui ont tendance à associer le fait de jouer au clic et d’avoir un show préparé à avoir un show qui n’a pas d’âme, mais ce n’est pas vrai…
Non, du tout. D’ailleurs je pense que la marque d’un bon musicien, c’est de pouvoir jouer avec le clic et d’avoir le feeling parce que le clic, tu peux jouer dessus, tu peux jouer derrière, tu peux jouer devant… Tous les grands batteurs, et d’ailleurs tous les grands musiciens, pas juste les batteurs, ils bossent avec ça. Donc quand c’est un morceau où c’est sensé tirer en arrière, tu t’assois un peu plus derrière le clic. Quand ça doit pousser, tu pousses devant le clic. Ce sont des choses qui se font plus ou moins naturellement quand tu as bossé ton instrument proprement et tu te rends compte de ces choses-là. Donc pas du tout, je pense que le clic, c’est simplement un guide et aussi, dans le cas de Megadeth, ça permet d’avoir des vidéos synchros, des changements de sons de guitare automatisés avec les midis, etc. Donc ça permet d’avoir un show plus carré et fidèle aux albums, sans avoir à recourir à appuyer sur quinze-mille pédales pour les guitares, etc.
Tu es censé jouer jusqu’à quand avec Megadeth ?
[Rires] On verra bien… Non mais je pense qu’on verra ça bientôt. Mais ouais ça pourrait bien être moi [le prochain batteur de Megadeth] parce que je suis toujours-là. Donc si ça se passait mal avec moi et les gars, je ne serais déjà plus là. Comme je disais, il mène quand même son navire de façon assez solide. Il sait ce qu’il veut. Donc si je n’étais pas à ma place dans le groupe, je ne serais pas ici aujourd’hui, il aurait déjà appelé quelqu’un d’autre ou il aurait rappelé Chris ou autre. Donc ça s’est très bien passé, donc maintenant, pour l’avenir, je vais laisser Dave être celui qui l’annonce (annonce faite depuis quelques heures, NDLR).
Mais par rapport à Soilwork, ça pourrait être possible pour toi ?
Tu vois, au départ quand j’ai eu le coup de fil de Megadeth, je me suis tout de suite posé la question de ce qu’il se passerait si jamais ils me demandent de rejoindre le groupe. Donc j’ai commencé à réfléchir à ça il y a très longtemps déjà. Et c’est vrai qu’au départ, c’est difficile d’envisager de quitter un groupe avec lequel j’ai bossé pendant douze ans et dans lequel j’étais super investi. Mais, en même temps, il faut aussi que je pense à ma vie. Si une occasion comme ça se présente, je pense que n’importe qui pourrait comprendre que ce n’est pas quelque chose que tu peux prendre à la légère non plus. Ce n’est pas tous les jours qu’un groupe du calibre de Megadeth va appeler et dire « tiens, est-ce que tu veux venir jouer avec nous ? » Mais je pense que [quitter Soilwork], c’est logique parce que déjà, d’une, ce ne serait pas juste pour Megadeth de devoir partager son batteur. Je pense que c’est d’ailleurs un peu le problème qu’il y avait avec Chris Adler, c’est que tout le monde était bien conscient que c’était un batteur de session, du fait qu’il avait un groupe qui est presque aussi gros que Megadeth. Lamb Of God, niveau chiffre de vente, c’est plus ou moins pareil, du moins aux Etats-Unis. Donc pour Megadeth, de partager son batteur ou un autre musicien avec un autre groupe qui fait aussi des tournées dans le même milieu, ça ne semble pas très juste. Donc en rejoignant Megadeth, la conclusion logique serait de quitter Soilwork. Aussi à titre personnel pour pouvoir passer un peu de temps chez moi parce que j’ai quand même une femme et une vie à côté de la musique. Ça ne me dirait pas trop d’être en tournée vingt-quatre heures sur vingt-quatre, j’ai passé cet âge-là [petits rires].
Et tu en as discuté avec tes collègues de Soilwork ?
Oui, bien sûr. Je pense que dès le départ, ils ont compris que c’était un gros truc. Et d’ailleurs, ils m’ont tous encouragé. Par exemple, Sylvain [Coudret] m’a dit, texto, « si j’avais un coup de fil de Steve Vai demain pour aller jouer avec lui, je le ferais aussi, donc je te comprends. » C’est dur évidemment quand j’ai dû leur dire « bon, les mecs, il va falloir trouver un batteur de remplacement parce que je vais faire des dates cet été, donc je ne vais pas pouvoir être là. » Et pour moi aussi ce n’était pas facile mais ils comprennent tous, une fois de plus, qu’une opportunité comme ça… Il y a aussi beaucoup de gens qui disent que je le mérite [rires].
« C’est difficile de se faire connaître avec une musique aussi tordue et technique. […] Tu peux te faire un following vraiment culte, gagner un respect énorme des gens qui sont dans le milieu, des musiciens, etc. mais est-ce que commercialement c’est viable ? En général, non. »
Et qui est-ce que tu recommanderais pour jouer dans Soilwork ?
Eh bien, écoute, je leur ai recommandé quelqu’un qui joue avec eux maintenant. C’est un élève à moi qui s’appelle Bastian Thusgaard. C’est un jeune batteur danois qui m’avait énormément impressionné dans ses vidéos YouTube. C’est vraiment quelqu’un qui a appris la batterie à un jeune âge et qui sait déjà jouer des choses qu’à son âge j’étais loin de pouvoir jouer. Je pense que maintenant, il y a beaucoup de jeunes qui grâce à YouTube, justement, et tout ce qu’ils peuvent trouver en ligne, ont vraiment un niveau incroyable à vingt ou vingt-cinq ans. Et d’ailleurs, j’avais aussi un autre élève mais vu que lui joue déjà dans Paradise Lost et qu’il était déjà assez occupé dans un gros groupe, le choix s’est finalement porté sur Bastian. Là, ça donne à Soilwork l’occasion de voir un peu comment ça se passe avec lui. Après, c’est aussi, évidemment, la question de la personnalité. Je ne le connais pas tellement bien pour pouvoir juger là-dessus mais en tout cas, je sais qu’au niveau batterie, il est plus que capable de jouer ce qu’il faut pour un groupe comme ça. Donc après, ce sera à eux de voir.
Par le passé, tu nous avais déjà dit comme quoi Soilwork, c’est un groupe où tu t’épanouissais vraiment au niveau batterie, tu pouvais vraiment te lâcher, etc. Ça ne va pas te manquer ?
Tu sais, j’aurais toujours une batterie chez moi et je pourrais toujours faire d’autres projets, par exemple des trucs beaucoup plus underground comme Bent Sea, voire Scarve avec qui nous parlons depuis longtemps de refaire un album. Ce sont toujours des choses qui peuvent se faire aussi. Donc ça devra tout simplement se faire à côté. De toutes manières avec Soilwork, c’était la même chose parce que le groupe prenait énormément de temps. Il y a toujours la place pour ça et aussi, pour moi, dans ma tête, c’est aussi un peu une question d’évolution. Quand je jouais dans Scarve et que je bossais avec eux, je voulais me prouver à moi-même et au monde que je savais faire ce genre de trucs, utiliser ça aussi un peu comme un tremplin pour ma technique. Maintenant, je pense que je n’ai plus rien à prouver, en tout cas pour moi. Je sais que je sais jouer des trucs comme ça, je sais faire du death technique, des trucs rapides, etc. Maintenant, il y a des batteurs qui jouent dix-mille fois plus vite que je ne pourrais jamais jouer parce qu’ils ont encore plus poussé le truc. Donc je suis un peu au-delà de ça maintenant. Je respecte ça énormément, j’apprécie écouter ça, mais je n’ai pas envie de passer ma vie à 300bpm parce que, tout simplement, il y en a d’autres qui le font. J’ai un peu passé cette étape-là. Pour moi, maintenant, c’est plus « qu’est-ce que je veux faire de ma vie ? » C’est une question plus générale. C’est normal aussi d’avoir une famille, etc. Il y a d’autres facteurs qui rentrent en compte qu’à l’époque où j’avais vingt ans, que j’étais dans Scarve et que c’était tout pour la musique.
Ça ne t’intéressait pas de construire un groupe de zéro et l’amener vers là où est Megadeth aujourd’hui plutôt que de sauter dans un train en marche ? Est-ce qu’il n’y aurait pas eu un côté gratifiant là-dedans que tu aurais aimé avoir ?
Bien sûr ! Absolument. C’est une très bonne question. Je pense que c’est pour ça que j’admire tant les Gojira parce que, pour moi, eux, ils ont vraiment réussi ça. Ce sont les quatre mêmes mecs qui ont commencé ensemble. Patrick [Martin] de Scarve les avait vus à une convention de musique, moi je ne les connaissais pas et je pense qu’ils s’appelaient encore Gozilla à l’époque, ou ils venaient tout juste de changer de nom, je ne sais plus. Et il m’avait dit : « Putain, j’ai vu ce groupe à Paris dans une convention metal, c’était monstrueux ! Faut que tu les vois. » Je pense que quelques temps après, nous avions un concert avec eux à Strasbourg et ils m’ont mis une tarte pas possible. A l’époque, ils n’avaient même pas sorti d’album et déjà sur scène, c’était monstrueux, les lights, c’était monstrueux, tout, le jeu de scène, le jeu des musiciens, j’étais là : « Putain, ça va devenir énorme ! C’est clair ! » Et voilà où ils en sont maintenant. Sans dire que ça a été une vision prophétique de ma part, je suis vraiment content de voir qu’ils ont vraiment réussi à faire ce que je voulais faire avec Scarve. Pour nous, avec Scarve, ça n’a pas trop marché pour je ne sais pas trop quelles raisons, mais nous, nous n’arrivions pas à décoller autant qu’eux, alors qu’à un moment, c’était bien parti. Mais je pense que malheureusement, il y a eu plein de facteurs qui sont rentrés en compte et c’est vrai que c’est difficile de se faire connaître avec une musique aussi tordue et technique. Donc je pense que c’est un peu ça, ce désir de faire des trucs vraiment de malade, ça limite un peu, en même temps. C’est un peu comme les Atheist, Cynic, etc. tu peux te faire un following vraiment culte, gagner un respect énorme des gens qui sont dans le milieu, des musiciens, etc. mais est-ce que commercialement c’est viable ? En général, non. Gojira, ils ont réussi à avoir ce côté et, en même temps, à faire des morceaux qui sont quand même écoutables par peut-être plus de gens directement. Tu peux les voir en live et tu n’as pas forcément besoin de connaître les morceaux en détail pour pouvoir comprendre ce qui se passe. Mais pour répondre à ta question, Scarve, pour moi, c’était un peu ça, c’était un peu mon rêve. Donc ça a été très, très dur, surtout quand j’ai rejoint Soilwork et que j’ai fini un an et demi plus tard par quitter Scarve… Enfin, pas quitter Scarve mais arrêter les activités de Scarve parce que je n’ai jamais quitté le groupe mais disons que le groupe s’est un peu retrouvé en repos. Ça, ça a été vraiment dur. J’ai eu un peu le cœur brisé par ça parce que c’était mon grand rêve et j’avais mis tellement d’énergie là-dedans. Une fois de plus, en même temps, il faut être réaliste, il faut faire ce que tu ressens et je savais que si je voulais continuer à faire de la musique, il fallait que je sois intelligent là-dessus.
Est-ce que tu n’as pas peur que ceux qui te suivent et qui t’aiment pour ton jeu vraiment riche, complexe et technique soient déçus, un peu comme beaucoup de fans de Robert Trujillo sont un peu déçus de l’avoir vu mettre de côté son jeu slappé et funky en rejoignant Metallica ?
Je pense que c’est inévitable. Après, surtout maintenant, à l’ère des commentaires internet, j’ai une vision assez lucide de ça. Tout ce que tu fais, tu vas te faire critiquer. Même si j’intégrais Atheist demain et que je jouais que des trucs de malades, eh bien, tous ceux qui aiment le côté groove dans mon jeu seraient déçus [petits rires]. A ces gens-là, je leur dirais que j’ai enregistré peut-être soixante-dix albums, EP ou autre, donc le temps qu’ils écoutent et trouvent tout ça, parce qu’il y a des trucs assez underground qui ne sont pas facilement trouvables [petits rires], ils ont largement le temps d’aller à fond partout… Mais c’est clair qu’il y aura des gens qui seront déçus et qui préféreraient que je reste dans Soilwork ou même à l’époque dans Scarve et que je continue de faire ça. Mais voilà, c’est la vie et tu ne peux pas plaire à tout le monde. Moi, il faut que je suive surtout mon cœur et que je fasse ce qui est bien pour moi. Et encore une fois, ça ne veut pas dire que je ne ferai plus rien à côté. Je vais toujours continuer à faire des projets à moi. Et puis aussi, peut-être, pourquoi pas participer à ce que Megadeth continue d’évoluer et insuffler un peu mon style là-dedans. Parce que s’ils décident de me garder au poste de batterie, ce n’est pas pour me dire « bon, maintenant, tu dois jouer comme Nick Menza. » Tout comme Chris Adler sonne comme Chris Adler sur l’album, je pense qu’ils vont me laisser sonner comme moi. En tout cas, ça me semblerait logique.
« Maintenant, ça a atteint des vitesses tellement ridicules et des techniques tellement de malade qu’après tu écoutes ça, est-ce qu’il y a une différence ? ‘Ah ouais, putain, c’est encore 10 bpm plus rapide !’ Ouais c’est cool mais ce n’est pas ça qui fait de la bonne musique [petits rires]. »
On peut avoir l’impression que les musiciens français ou francophones en metal, et plus particulièrement les batteurs, en ce moment, ont vraiment le vent en poupe. Il y a toi, il y a Mario Duplantier qui, au-delà du succès de Gojira, a aussi une énorme reconnaissance dans la presse batterie, il y a Franky Costanza, Nicolas Bastos…
Kevin [Foley] aussi !
Complètement ! Comment tu l’expliques ?
Je n’ai pas vraiment d’explication pour ça. Moi et Mario, en fait, nous sommes un peu montés en même temps ou nos groupes sont un peu montés en même temps et ont commencé à tourner en même temps, donc peut-être que ça a un peu inspiré d’autres gens à améliorer leur niveau. Là, je ne peux parler que pour moi, je ne sais pas ce que Mario ou d’autres gens ont fait, évidemment, mais pour moi, il y avait vraiment un désir d’être au niveau des gens internationaux. Je n’avais pas forcément d’idée de sortir de France parce que ça, ça s’est fait complètement en dehors de la musique mais c’était plus un désir de vraiment bosser jusqu’à ce que je puisse jouer ce que jouait Pete Sandoval à l’époque, Dave Lombardo, Chad Smith… Les mecs que j’écoutais et qui étaient une grosse influence pour moi. Je voulais pouvoir faire ça moi-même, à ma sauce mais avoir ce niveau-là. Je n’avais pas de limite, donc j’ai vraiment passé du temps à bosser, bosser, bosser, à m’investir à fond et à sacrifier beaucoup de choses pour être à ce niveau-là. Et je pense que c’est ça qui paie au final. Quand tu as ce niveau, peu importe d’où tu viens. Et il se trouve qu’en France, il y a pas mal de mecs qui ont dû avoir cette approche-là, que ce soit par le talent et le temps qu’ils ont passé à travailler leur instrument et à accumuler les expériences avec divers enregistrements, projets, tournées, etc. Au final, ça fait que tu pourrais venir de Mars, peu importe ! Si ça cartonne et si ça joue bien, les gens vont le reconnaître et tu pourras faire des choses avec ta carrière. Pour moi, c’est ça la leçon surtout quand on me demande ce que je recommande à jeune musicien : c’est de bosser à fond. Et surtout, aujourd’hui, apprend tout sur le business parce que le jeu, c’est une chose, c’est très important mais il y a aussi le fait vraiment d’apprendre tous les autres aspects du business de la musique et de plonger là-dedans. Tu vois, dans mon cas, maintenant peut-être un petit peu moins dans Megadeth parce que c’est une situation particulière, mais en dehors de ça, je suis un peu mon propre patron et je gère ma propre boite, c’est-à-dire mon image, ma publicité, mes réseaux sociaux, etc. Ça va bien au-delà des papa-maman et autres techniques de batterie. Il faut vraiment avoir une vision globale du truc si tu veux réussir.
Tu as mentionné Pete Sandoval et Chad Smith, c’est un sacré écart…
Tu vois, c’est deux batteurs qui étaient des grosses influences pour moi au départ. Ça allait vraiment de Chad Smith et Tim Alexander de Primus à Mitch Harris de Napalm Death, Pete Sandoval, Dave Lombardo, etc. Ce sont les premiers trucs que je bossais à la batterie avant de prendre le moindre cours.
Dans ton discours on entend beaucoup que pendant des années tu as bossé pour te prouver des trucs et que maintenant tu essaies de laisser ça un peu de côté pour te faire un peu plus plaisir. Tu penses que c’est important au bout d’un moment de ne pas trop raisonner par rapport à son égo mais se concentrer sur ce qui nous le plus plaisir ?
Oui, je pense que c’est aussi l’âge. J’étais très tenace quand j’étais jeune et j’avais une motivation énorme. Je ne dirais pas que c’est moindre depuis mais je pense que c’est plus focalisé sur des choses qui ont du sens maintenant dans ma vite. C’est-à-dire que j’apprécie plus du temps libre avec ma femme, avec mes animaux, avec ma famille, alors que quand j’avais vingt-deux ans, le seul truc que je voulais, c’était de partir en tournée avec Scarve, de faire des albums monstrueux et je n’avais plus ou moins le temps pour rien d’autre. Donc c’était beaucoup plus, encore une fois, les œillères et la focalisation à fond sur ce but-là, c’est tout ce que je voulais faire de ma vie et tout ce que je faisais, ça allait dans ce sens-là. Maintenant, c’est un peu plus « la musique, c’est une part de ma vie et maintenant j’ai autre chose aussi. »
Oui, mais je parlais plus par rapport à ton jeu de manière générale aussi…
C’est surtout la situation qui fait ça parce que je ne vais pas te mentir, je bosse toujours ma vitesse et j’essaie toujours d’améliorer ma technique [petits rires]. Tous les jours quand je m’assoie derrière mon pad [petits rires], je suis en train de bosser les blasts et tout. C’est un truc, chez moi, c’est inné, je pense, je suis obsédé par ça. Donc c’est vrai ce que tu dis mais je pense que c’est un peu géré par la situation dans le sens où là je suis en ce moment, je remplis ce rôle-là et j’essaye de trouver un moyen d’insuffler ce que je fais moi-même là-dedans, et c’est différent de tout ce que j’ai pu faire par le passé parce que je n’ai jamais joué dans un groupe qui peut se comparer à Megadeth au niveau style. Enfin, il y en a peut-être eu deux ou trois avec lesquels j’ai enregistré mais Megadeth, c’est quand même très particulier, ils ont vraiment leur son et leur style à eux. Mais c’est vrai qu’il y a un côté, comme je disais avant, où j’ai moins besoin de prouver, de montrer aux gens « regardez, je sais jouer aussi vite que George Kollias, etc. » Pour moi-même, ouais, j’aimerais bien pouvoir avoir toutes ces techniques-là et savoir faire ça, mais je sais aussi que ça a ses limites. Je pense que maintenant, la plupart des gens s’en foutent de savoir si le morceau est à 240 ou à 320. Je pense que la plupart des gens n’en ont rien à battre. C’est plus des trucs de batterie et maintenant, ça a atteint des vitesses tellement ridicules et des techniques tellement de malade qu’après tu écoutes ça, est-ce qu’il y a une différence ? « Ah ouais, putain, c’est encore 10 bpm plus rapide ! » Ouais c’est cool mais ce n’est pas ça qui fait de la bonne musique [petits rires].
Interview réalisée par téléphone le 8 juillet 2016 par Nicolas Gricourt & Philippe Sliwa.
Retranscription : Nicolas Gricourt.
Site officiel de Dirk Verbeuren : dirkverbeuren.com.
Site officiel de Megadeth : www.megadeth.com
Très sympa c’t’interview! Merci!
Super interview merci !