Disconnected, c’est un de ces projets qui semblent dégager une aura particulière affectant tous ceux qui l’entourent. Et si le groupe a connu des débuts laborieux, à partir du moment où Adrian Martinot a repris les choses à la base, ceux qui croisent son chemin en tombent amoureux, à l’instar du coup de foudre éprouvé par le batteur Aurélien Ouzoulias, pourtant très occupé.
Avec un panel d’influences assez large, Disconnected a su construire son style propre, un véhicule pour le message qu’il fait passer à la fois par son nom et le fil rouge de son nouvel album, White Colossus : notre déconnexion, dans nos sociétés actuelles, de la vie réelle. Alors que la musique a souvent cette fonction d’échappatoire, peut-être que celle de Disconnected aura, au contraire, celle de reconnecter les gens.
« Je ne voulais pas du tout me précipiter, j’avais vraiment l’envie de le faire à fond mais je me suis dit “prends le temps de le faire bien avec les bonnes personnes.” […] Parce qu’un album c’est beaucoup d’investissement malgré tout, personnel et financier, et je ne voulais vraiment pas me planter là-dessus, et je suis vraiment content du résultat. »
Radio Metal : Le groupe a effectué une pause de deux ans entre 2015 et 2017 où vous avez été complètement absents des réseaux sociaux. Est-ce que tu peux nous en dire plus sur les raisons de cette pause ?
Adrian Martinot (guitare) : Quand j’ai créé le groupe j’ai aussi créé un premier line-up. Nous avons essayé de faire des trucs. Artistiquement, musicalement, ça ne collait plus trop et au niveau des ambitions aussi. Parce que j’ai vraiment eu l’envie de professionnaliser le truc, et les gens dont j’étais entouré n’étaient pas dans cette optique-là. Du coup, j’ai préféré tout arrêter et tout reprendre, non pas de zéro mais presque, avec une nouvelle équipe qui soit dans la même vibe que moi : prête à enregistrer un album, à partir en tournée, à s’investir à cent pour cent. Du coup j’ai préféré prendre le temps de faire tout ça bien, ne pas me précipiter. C’est pour ça qu’il y a eu une pause de deux ans.
Tu viens de dire que tu es limite reparti de zéro. Au niveau musical, est-ce qu’il y a des choses qui sont malgré tout restées d’avant cette pause ?
Ouais. De cette période il n’y a que trois morceaux qui sont restés, ils sont sur l’album que j’ai réarrangé. Il y a « Blind Faith », « Losing Yourself Again » et « For All Our Sakes » qui sont restés – « Blind Faith » est le premier que j’ai écrit il y a presque six ans maintenant – et sont venus se greffer aux nouvelles compos que j’ai commencé à écrire à partir de cette période, 2015/2017. Je ne pense pas forcément qu’on s’en rende compte.
Comment tu décrirais l’alchimie nouvelle du groupe ? Est-ce que tu dirais qu’il y a de nouvelles influences ?
Ouais, j’ai écrit tous les morceaux, la musique, et quand j’ai rencontré Ivan [Pavlakovic], le chanteur, il y a un peu plus d’un an maintenant, il y a une alchimie qui s’est créée tout de suite, c’était vraiment “ouf”. C’est vraiment la bonne rencontre artistiquement et tout. Pourtant lui ne venait pas trop de cet univers de metal là, il est plutôt dans les trucs un peu plus à l’ « ancienne », car nous avons quand même dix ans d’écart, mais les deux ont vraiment bien matché. C’est ce qui donne aussi un côté assez original. Il a réussir à mettre ces voix dessus, ça colle vraiment bien, donc voilà, cette alchimie s’est créée avec Ivan, le chanteur.
Dans son line-up actuel, le groupe est composé de musiciens expérimentés voire professionnels, ce qui pourrait permettre d’aller assez vite. Mais en fin de compte on dirait que vous avez quand même pris un peu de temps pour travailler votre univers, peaufiner les compos, trouver le bon label et faire vraiment une sortie remarquée…
Oui, c’était ça. Je ne voulais pas du tout me précipiter, j’avais vraiment l’envie de le faire à fond mais je me suis dit “prends le temps de le faire bien avec les bonnes personnes.” Tu vois, Aurélien [Ouzoullas] est le dernier à être arrivé dans le groupe, avant les enregistrements. Il est arrivé au mois d’août et il a enregistré au mois de novembre. J’ai vraiment pris le temps. Le but c’était vraiment de ne pas se précipiter, parce qu’un album c’est beaucoup d’investissement malgré tout, personnel et financier, et je ne voulais vraiment pas me planter là-dessus, et je suis vraiment content du résultat.
Les musiciens du groupe ont pas mal de projets et sont assez prolifiques. Je pense notamment à toi et Aurélien, qui est le meilleur exemple pour ça. Comment est-ce que, dans un planning qu’on imagine chargé, vous est venue l’idée de travailler ensemble ?
L’année dernière nous avions un batteur qui était là et il nous a planté pendant une répète, nous nous sommes retrouvés sans batteur. Ivan connaissait Aurélien, donc nous l’avons contacté. A la base, nous nous sommes dit : “C’est un mec qui joue beaucoup, à la limite s’il peut juste nous enregistrer les batteries ça sera un bon début.” Finalement, nous lui avons fait écouter les compos et il a vraiment adoré. Il nous a dit : “Les gars je veux rentrer dans le groupe et m’investir dedans. Je vais me libérer quand il faudra pour le groupe,” car il a vraiment adhéré à la musique. Ça lui a vraiment donné envie de refaire du metal, parce que ça faisait un moment qu’il en avait plus fait. Il m’a dit en studio: “C’est limite un défi pour moi parce que c’est parfait, jouer des tempos aussi rapides…” C’était un gros kiff pour lui aussi. Pour la suite, c’est une histoire d’organisation, donc ça se fait, et après quand tu as des dates qui tombent en même temps, c’est une question de priorité aussi, tu fais des choix et puis voilà.
Qu’est-ce que ce projet-là vous apporte à tous par rapport aux autres que vous avez ?
Mon avis n’est pas objectif parce que c’est le projet que j’ai créé. Il est très personnel pour moi, c’est le plus important à mes yeux aujourd’hui. Après, pour Ivan, c’est le truc le plus intéressant qu’il ait fait artistiquement parlant. Il a vraiment adoré, donc ça a limite une connotation personnelle maintenant. Tout le monde s’est un peu attaché à ce projet parce qu’artistiquement tout le monde se sent bien dedans. Tout le monde à son mot à dire par sa façon de jouer, interpréter les morceaux. Tout le monde ressent la musique et c’est pour ça que c’est un bon line-up, parce que tout le monde croit en la musique. Du coup, c’est ce qui le fait passer en priorité par rapport aux autres groupes.
« Chaque titre traite d’un sujet de « déconnection » différent. Ca déplore dix façons d’être déconnecté. C’était vraiment un thème qui me tient à cœur, ça me saoule un peu de me balader dans la rue et voir tous les gens le nez sur leur téléphone, sans même regarder devant eux où ils marchent. »
C’est un projet qui a des influences qui vont d’Alter Bridge à Gojira, en passant par les Deftones. Du coup, il nécessite pour chaque musicien une palette de style assez étendue. Est-ce que c’était la base de ton travail sur ce groupe, le fait de travailler sur le contraste entre l’énergie et le côté plus ambient ?
Ouais, ça s’est créé tout seul parce qu’à la base quand j’ai composé les titres, je n’avais pas les lignes de chant, je n’ai fait que la musique. J’ai mes influences qui sont là : Alter Bridge, Deftones et Gojira. Je ne me suis pas mis de barrière de style en composant parce que c’est vraiment un truc que je n’ai pas envie de faire. Je me suis dit que j’avais vraiment envie de créer une musique mais en me disant “tu ne te mets pas de barrière et on voit ce que ça donne.” Et donc ça a donné ça. Après, j’ai arrangé les titres pour avoir tout ce côté ambient qui est prépondérant, quand même, sur certains titres. Et après avec les lignes de chant qu’Ivan a ramené, tout s’est lié et ça a créé un peu le fil rouge entre tous les titres. L’idée c’était de ne pas se cantonner à faire qu’un style, c’était de mélanger un peu tout en essayant de créer notre son de manière originale.
Dans vos influences, ce qu’on retrouve en commun et qu’on entend dans votre musique, c’est le travail des mélodies peu communes, assez personnelles, avec une certaine gravité, et de la mélancolie. Est-ce ce qui vous a réuni ?
Aussi. C’est clair que c’est la base, la mélodie. Je sais que pour eux comme pour moi, la priorité dans un morceau c’est la mélodie. Tout le monde se rejoint là-dedans, parce que ça change aussi du metal que les mecs qui sont dans le groupe avec moi pouvaient écouter, pour eux c’était vraiment une espèce de vent frais d’avoir cette musique qui rassemble pas mal de truc, qui est un peu mélancolique, etc. Après, c’est assez normal qu’on ressente ça dans la musique parce que quand je compose, souvent, c’est ma manière d’extérioriser tous les moments de « bad » que je peux avoir des fois dans ma vie.
Qu’est-ce que représente le nom Disconnected pour toi ?
C’est un peu en lien avec la société moderne. Tous ces réseaux sociaux, tout le monde est un peu déconnecté de la vie. En plus chaque titre traite d’un sujet de « déconnection » différent. Ca déplore dix façons d’être déconnecté. C’était vraiment un thème qui me tient à cœur, ça me saoule un peu de me balader dans la rue et voir tous les gens le nez sur leur téléphone, sans même regarder devant eux où ils marchent. Ca enveloppe tout ça.
Justement, dans cette société, il y a de plus en plus de gens qui ressentent le besoin de ce déconnecter, se couper des réseaux sociaux, revenir à l’essentiel. Est-ce un besoin que tu ressens ?
Oui, c’est un besoin que je ressens. Là nous faisons beaucoup de démarches pour les concerts, donc nous passons un peu nos journées là-dessus, sur l’ordinateur, etc. Et je sais qu’au bout d’un moment, je sais qu’il faut que je prenne l’air, sinon je commence à péter un câble ! Donc c’est aussi histoire de faire passer un petit message. Après, chacun interprète les paroles et la musique à sa façon, mais c’est un peu notre manière de dire que nous sommes déconnectés parce que nous avons un peu marre de tout ça.
Sur votre page Facebook, vous terminez vos messages par « stay disconnected ». Au-delà du jeu de mot, j’imagine qu’il y a un petit message derrière, la volonté d’encourager les gens à ne pas trop se perdre dans les réseaux sociaux…
Je ne pense pas que nous ayons une influence telle que nous allons influencer des gens, mais oui, c’est le message que nous voulons faire passer. C’est aussi une façon de dire à la fois que notre groupe c’est Disconnected et que c’est ça notre état d’esprit.
Votre communication tourne autour du noir et blanc, autant sur la pochette que dans le clip, ou même le titre de l’album White Colossus. Qu’est-ce que ça signifie ?
C’est parti de l’artwork, dont nous étions super contents, et le clip, ce que nous voulions c’est qu’on soit vraiment intégré dans l’artwork, dans cet univers. C’est pour ça aussi que le noir et blanc est venu. Et puis les photos promo que nous avons faites ont été faites la même journée que le clip, c’est une espèce de cohérence que nous avons suivi. Après, ce n’était pas forcément une volonté à la base de faire du noir et blanc, c’est venu comme ça.
Et qu’est-ce que le White Colossus (le colosse blanc) ?
C’est un peu cette sphère oppressante qui peut influencer… C’est un peu le thème global de l’album. Déjà le titre « White Colossus » parle de l’addiction à la drogue, même si à la base il est très imagé. Mais c’est cette pression de la dépendance, par exemple. C’est un truc sphérique qui te surplombe et qui limite te manipule, qui t’emmène dans une voie qui va te déconnecter complètement de la société. Nous voulions vraiment avoir cette sphère massive, c’était vraiment important pour nous, qu’elle soit imposante par rapport à l’être qui est juste en dessous. C’est assez imagé, alors après, chacun peut s’approprier le truc à sa façon aussi, mais nous c’était dans cette idée que nous avons lancé ça.
Au final, ça colle bien à votre musique l’idée du colosse blanc, qui n’est pas vraiment visible mais qui a quand même une grosse influence sur notre vie, car votre musique a un côté assez sombre et lourd mais sans être totalement évident, comme vos mélodies. On dirait que dans votre groupe il y a surtout un travail sur les textures et les ambiances globales…
C’est ça, tu l’as très bien décrit. C’est très important mais c’est aussi venu très naturellement. Nous écrivons la musique, Ivan amène ses lignes de chant, lui qui n’était pas du tout dans le style, il a ressenti ces trucs-là à ce moment-là. Nous n’avons pas forcé les choses et c’est aussi ce qui a donné le son. Du coup, c’est peut-être pour ça, parce que nous avons fait ça naturellement, que ça marche aussi bien. Nous ne nous sommes pas vraiment pris la tête… Enfin, nous nous sommes pris la tête pour bien le faire, si tu veux, mais lors de la composition et de la création, pas vraiment.
Interview réalisée par téléphone le 9 mars 2018 par Philippe Sliwa.
Transcription : François-Xavier Gaudass.
Page Facebook officielle de Disconnected : www.facebook.com/DisconnectedMetal.
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