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Chronique Focus   

Disillusion – Ayam


Bouleversement, instabilité, multipolarité : ces mots résument aussi bien l’époque actuelle que la musique des Allemands de Disillusion, sortis à point nommé de dix ans de silence pour livrer fin 2019 The Liberation, juste avant que le monde bascule dans une pandémie. Ce troisième album ne marquait pas seulement la reprise d’activité du groupe, treize ans après son prédécesseur, mais aussi son retour au style impeccablement façonné par son premier album puis mis en pièces par le deuxième. Largement salué à ses débuts pour sa vision génialement intersectionnelle du metal et la complexité jamais stérile de son death progressif et hybride, le groupe avait en effet rebattu toutes ses cartes deux ans plus tard avec un album de metal moderne à tendance électronique, accueilli par une déception proportionnelle à l’espoir suscité par le premier. Si cet album était moins mauvais qu’inattendu, le choix d’Andy Schmidt, tête pensante de Disillusion, de réorienter sa musique dans la direction de son premier opus en dit suffisamment sur les conclusions de sa réflexion personnelle quant à l’identité musicale du groupe. Plus que dans une projection futuriste mal maîtrisée, celle-ci se situe dans l’expression d’un présent chaotique, dont elle épouse les soubresauts et les retournements.

Pour entamer l’écriture du précédent album, Andy Schmidt n’avait pas hésité à se retirer plusieurs semaines dans la forêt tchèque. Un détail qui laisse penser que le musicien n’est pas de ceux que l’isolement imposé par le Covid a beaucoup gênés et freinés dans leurs élans créatifs. Les membres du groupe y ont au contraire trouvé l’occasion de se concentrer entièrement sur l’écriture et l’enregistrement de nouveaux morceaux. Gloria, deuxième album malheureux de Disillusion, avait montré combien le goût du renouvellement est un de ses moteurs. Cette recherche du défi prend cette fois la forme d’un choix judicieux : confier pour la première fois le mixage de l’album à une personne extérieure au groupe. Le CV de Jens Bogren, qui avait déjà réalisé la masterisation de The Liberation, le désignait comme l’ingénieur du son idéal pour manipuler la matière musicale du groupe, entre death mélodique, metal progressif et thrash.

La transition entre The Liberation et Ayam est d’une fluidité naturelle, amplifiée par la paire en miroir que forment « The Mountain », dernier morceau du premier, et « Am Abgrund », premier morceau du second. Le long et magnifique final de The Liberation nous menait au sommet de la montagne comme au terme d’une vie et c’est « au bord du gouffre » (« Am Abgrund ») que débute Ayam avec un morceau qui le prolonge. Ce premier périple dans la vaste odyssée que forme l’album s’ouvre sur un rythme et des voix martiaux, annonciateurs d’une furieuse cavalcade. L’allure bientôt s’emballe, l’instrumentation et le chant se font tour à tour épiques et belliqueux, intercalant thrash hargneux et aspirations orchestrales. Par une rupture dont Disillusion a le secret, la tension, amplifiée jusqu’à mi-parcours, s’y relâche dans un pont atmosphérique, avant que se poursuive l’épopée en un mouvement évolutif qui voit de conquérantes parties de guitare lead et un chant clair galvanisant se muer finalement en une charge féroce. Ambitieuse et dense, cette composition déploie ses parties comme autant d’actes d’une pièce dramatique, en multipliant les couleurs et les tons.

Une fois encore, Ayam captive par son foisonnement sonore et stylistique que Jens Bogren est parvenu à assembler en un fil cohérent. Au sein de ce travail se distingue une mise en valeur accrue des parties vocales. A l’instar de « Tormento », dont la relative brièveté tend à renforcer la complexité, la plupart des morceaux recèlent une impressionnante gamme de chants. De l’âpre brutalité délivrée dans un registre moins death que précédemment aux nombreuses parties de chant clair aux nuances profondes, leur richesse et la maturité de leur interprétation en font une des forces de l’album. À la manière des gemmes dont les lumineuses couleurs sont enfermées dans la terne et rugueuse opacité de leur gangue de roche, la musique de Disillusion enveloppe dans une apparente massiveté des bulles d’émotion et de limpidité mélodique. La rudesse thrash de la seconde fresque progressive qu’est « Abid The Storm » révèle ainsi en son cœur de sensibles mélopées, de doux arrangements de synthé, de trompette et de triangle, et laisse jaillir de sa brèche un solo de guitare incandescent. Déjà utilisé dans The Liberation, le violon trouve dans Ayam une place plus importante, son dynamisme raffiné soulignant à propos l’émotion sous-jacente. Il intensifie autant la mélancolie latente et les riffs sombres de « The Driftwood », dans lequel Disillusion se rapproche d’un Katatonia ou d’un Soen, que l’exaltation finale de « The Brook ».

Encouragé par le succès de la campagne de financement participatif lancée pour mener à bien l’enregistrement de l’album précédent et réitérée pour celui d’Ayam, Andy Schmidt a pleinement renoué avec l’inspiration de ses débuts et confirme les espoirs réveillés par The Liberation. Disillusion impose son nom sur la carte du metal progressif avec sa vision propre : celle d’une musique dont la complexité et la technicité sont toujours au service du récit qu’elles développent et des sentiments qu’elles transmettent.

Clip vidéo de la chanson « Driftwood » :

Clip vidéo de la chanson « Tormento » :

Chanson « Am Abgrund » :

Album Ayam, sortie le 4 novembre 2022 via Prophecy Productions. Disponible à l’achat ici



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