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Chronique Focus   

Disillusion – The Liberation


Disillusion est définitivement sorti de son sommeil. Le groupe de progressif allemand avait fait parler vivement de lui dès sa première sortie audacieuse, Back To Times Of Splendor (2004), plébiscité par les amateurs du genre. Désireux de ne pas se répéter, Disillusion avait pris des risques deux ans plus tard avec Gloria (2006), sa pléthore d’arrangements grandiloquents et une orientation musicale plus moderne et concise. Depuis, Disillusion a accusé le coup des désaccords internes et a totalement renouvelé son line-up, passant par là même de trio à quintet. Il a fallu dix ans au groupe avant de proposer de la nouvelle musique via le single « Alea » (2016). C’est d’ailleurs grâce à une campagne de crowfunding que la tête pensante du groupe Andy Schmidt a pu investir deux années de sa vie à écrire et composer à plein temps afin de donner vie au troisième opus. The Liberation signifie la fin du hiatus de Disillusion, se confortant dans ses fondamentaux et une maîtrise inaltérée.

The Liberation est effectivement davantage un écho à la période Back To Times Of Splendor qu’aux partis pris tranchés de Gloria. Disillusion a pris soin de respecter les codes du metal progressif et de les appliquer d’une manière plus traditionnelle, à l’instar de ce qu’« Alea » pouvait laisser penser. L’instrumentale « In Waking Hours » et ses arrangements de cordes jouent parfaitement le rôle d’introduction, presque à vocation cinématographique. La tension culmine et finit par voler en éclats dès les premiers arpèges et riffs glaciaux de « Wintertide » qui prouvent qu’Andy Schmidt s’est assuré d’avoir une production massive capable de mettre en valeur des compositions épiques. C’est ce que The Liberation a conservé de Gloria : une certaine forme de modernité dans les sons de guitare et les arrangements de clavier. « Wintertide » nous fait d’ailleurs profiter de growls de la part du chanteur, plus enclin à l’agressivité, quitte à embrasser parfois des aspects proprement death. Surtout, Disillusion fait la part belle aux accroches mélodiques constamment disséminées parmi ses titres. Les douze riches minutes de « Wintertide » – pleine de montées en intensité et d’accalmies, d’accélérations et ralentissements – parviennent à susciter l’anticipation de plusieurs mouvements chez le spectateur (dont un qui ne sera pas sans rappeler « L’Enfant Sauvage » de Gojira), parfois rejoués sous des arrangements différents, comme des balises que l’on veut s’empresser d’atteindre en écoutant. The Liberation exacerbe réellement l’efficacité des Allemands, en particulier à travers un titre tel que « The Great Unknown », moins de six minutes de brutalité franche et de refrains majestueux – mais non sans rupture, à l’instar du développement central – contrastant avec les grandes constructions des fresques « Wintertide », « The Liberation » et « The Mountain » dépassant toutes les dix minutes (non sans de nombreux points d’accroche, en témoigne le refrain orchestral de « The Liberation », par exemple). C’est dans cet esprit d’une relative immédiateté que « Time To Let Go » s’illustre, avec les lignes de chant extrêmement mélodiques plus traditionnelles d’Andy Schmidt.

Ce que The Liberation parvient surtout à communiquer, c’est le soin immense, stakhanoviste et presque maniaque apporté à l’écriture et à la pertinence des morceaux. Disillusion ne se laisse pas aller à des élans techniques et stériles à la production désuète. Le procédé est en réalité plutôt simple : The Liberation ose explicitement la narration, à l’image de « The Mountain » qui se plaît à créer des atmosphères de grandeur et de majesté avec des interventions de cuivre (couplées à des bruits de vent pour accroître l’immersion). Surtout, Disillusion respecte la tonalité générale de ses chansons en ne chamboulant pas les dynamiques de ses titres pour se laisser aller aux poncifs de la surprise où de la démonstration, excès pourtant propres au genre ; au contraire, tout, même les transitions les plus audacieuses, paraît « facile », logique et fluide. La catharsis de « The Mountain » intervient élégamment sans galvauder l’histoire que le titre s’efforce de mettre en place tout au long de son développement. En résultent des soli galvanisants et une effervescence justifiée, et un Andy Schmidt particulièrement expressif dans sa multitude de teintes vocales (au point de nous mettre le doute sur un passage où l’on croirait entendre Garm d’Ulver). Surtout, Disillusion réussit son pari de proposer une œuvre graduelle, où le froid du début laisse place à la chaleur du final.

Les années de silence n’ont pas eu d’emprise sur le talent de Disillusion. The Liberation n’a pas à rougir face à ses deux prédécesseurs monumentaux. Il n’y a peut-être pas l’audace de Gloria ou l’impression de découverte de la première œuvre mais il y a toujours cette excellence à tous les niveaux. L’approche plus classique de The Liberation n’entrave aucunement sa qualité : il y a un désir de rendre les titres mémorables et exaltants malgré leur complexité inhérente.

Clip vidéo de la chanson « The Great Unknown » :

Album The Liberation, sortie le 6 septembre 2019 via Prophecy Records. Disponible à l’achat ici



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