Ils reviennent. Après un hiatus amorcé en 2011, le groupe aux multiples participations vidéoludiques (Need For Speed, Tony Hawk Underground…) et cinématographiques (La Maison de Cire, Transformers…) a décidé de concocter un sixième album intitulé Immortalized, successeur du plutôt morne Asylum. Reste à savoir si Disturbed a profité de ces quatre années de silence pour envisager quelques prises de risques ou si l’application d’une recette éprouvée fait encore des émules. Quoi qu’il en soit, la sobriété ne sera pas de mise.
Premier constat, le son de Disturbed est davantage organique et retrouve un degré d’authenticité bienvenu, absent depuis Believe (2002). Surtout, l’album a été supervisé et enregistré à Las Vegas par le producteur Kevin Churko (Ozzy Osbourne, Britney Spears, Papa Roach, Rob Zombie…). En résulte une touche power-rock US complètement assumée sur des titres tels qu’ « Open Your Eyes » ou « Who ». David Draiman n’a pas délaissé ce qui fait sa force : le « chant à hymnes », avec ses mimiques marquées qu’on aime s’amuser à essayer d’imiter, qui confère son pouvoir fédérateur à Immortalized. Qui ne reprendra pas en chœur le refrain de « You’re Mine » ou les chœurs d’ « Open Your Eyes » n’a pas d’âme. On retrouve par ailleurs un exercice désormais habituel chez Disturbed, celle de la reprise d’une chanson populaire (après les hits de U2 et Genesis), mais décelant toutefois une volonté du chanteur de bousculer ses habitudes à travers la reprise de Simon And Garfunkel « The Sound Of Silence ». Quoiqu’un peu caricaturale, dans l’émotion larmoyante surjouée (à grand renforts orchestraux), à l’instar, dans un autre registre, des couplets guillerets de « The Light ». Non pas que Disturbed tombe dans le ridicule, simplement sa musique affiche un objectif évident : l’entertainment made in USA.
Plutôt long avec ses treize titres (seize avec les bonus dont on retiendra surtout le rock n’ roll « The Brave And The Bold »), Immortalized s’avère en effet très divertissant. Sa longueur ne le dessert pas forcément, Disturbed s’étant efforcé de varier tout juste assez son propos, en accouchant d’une flopée de singles potentiels tels que l’enjoué « Lights » ou « What Are You Waiting For ». Aux côtés du très power-rock « Open Your Eyes » va se trouver un quasi Stone-Sourien « Immortalized ». À ce titre la performance du guitariste Dan Donegan est à souligner, tant il semble avoir regorgé d’idées pour inspirer des grooves et des mélodies en parfait accord avec le chant de Draiman. Le jeu du guitariste est l’une des raisons qui distingue ce Disturbed de certaines productions récentes insipides. La section rythmique sert toujours la mélodie, avec une efficacité maximale, se mettant parfois en avant, à l’instar du riff d’intro de « The Vengeful One ». Peut-être plus léger qu’un Nothing More, Disturbed délivre néanmoins un rock-metal assez intelligent que les puristes dénigreront de toute leur force à coups d’arguments anti-commerciaux et d’invectives rappelant la jeunesse faussement présumée des auditeurs. Disturbed en sourit très certainement.
Cet Immortalized n’a évidemment rien d’un album de l’année et ne chamboule nullement le paysage musical, encore moins renouvelle-t-il une formule éculée par Disturbed. Il réjouira les déçus de son prédécesseur, sans pour autant se hisser au niveau d’impact d’un Ten Thousand Fists (2005) ou Indestructible (2008). Et il est nécessaire de ne pas se tromper quant au dessein de l’opus (et quelque part du groupe, au final) : il a bel et bien la même fonction qu’un blockbuster hollywoodien, dont le seul but est de divertir simplement et extrêmement efficacement. Disturbed ce sont les explosions, les confettis, les plans au ralenti, les gros plans sur un héros déchiré moralement, justicier et vengeur. Disturbed n’utilise pas les clichés de la culture US. Il est le cliché même. Une musique qu’on appréciera à doses régulées, avec toujours la même excuse gênée « nan mais, il y a un second degré après tout ».
Voir le clip de « The Vengeful One » :
Ecouter les chansons « Immortalized », « Fire It Up » et « What Are You Waiting For » :
Album Immortalized sortie le 21 août 2015 chez Reprise Records/Warner Music.