Il y a Come As You Are façon Nirvana. Il y a maintenant « Do What You Want » façon Bad Religion. En quelque 300 pages, Jim Ruland nous emmène dans l’histoire du groupe de punk Américain Bad Religion. D’un garage de banlieue (oui, ça fait cliché) aux plus grandes scènes internationales, on tourne les pages en suivant la trajectoire d’un groupe majeur. Entre amitiés et discorde, sobriété et abus, mais toujours avec un degré d’exigence constant et maximal, qu’il s’agisse de composition, de paroles ou de qualité de son.
Le livre est disponible chez Kicking Records. Au cœur de ses 300 pages se cachent deux livrets photo en noir et blanc. Plusieurs membres actuels ou passés du groupe donnent des témoignages directs à Jim Ruland. Des premiers, Brett Gurewitz est assurément le plus prolixe. Ça tombe bien : l’histoire d’Epitaph Records, qui suit en filigrane celle de Bad Religion avant de tisser une immense toile, est captivante.
Viens, on répète dans mon garage
Bad Religion, ce sont des gamins de la classe moyenne qui ont grandi dans la vallée de San Fernando, en Californie. Au tout début des années 80, on découvre comment ces kids encore lycéens commencent à se chercher puis à trouver leur style : ils sont punks, un peu par provoc mais surtout par nécessité. Pour dire ce qu’ils ont à dire, la musique semble le vecteur idéal. La toute première formation, c’est Greg Graffin, lycéen rebelle mais sérieux, Brett Gurewitz, tout feu tout flamme, Jay Ziskrout, un copain batteur, et Jay Bentley, qui troque rapidement sa guitare pour une basse. Il est assez impressionnant de voir que, quarante ans après, trois de ces membres fondateurs (Greg, Brett et Jay) sont encore là pour défendre les propositions artistiques de Bad Religion.
Cheveux courts, idées longues : une profession de foi
À l’époque, Brett et Greg sont des ados intellos et terriblement doués. Leur cheval de bataille, c’est la lutte contre les dogmes. Mais qu’est-ce cette « mauvaise religion » qui devient le nom du groupe, Bad Religion ? Pour y répondre, Jim Ruland cite la réponse de Brett à une interview sur le sujet (p. 25) : « Pour commencer, n’importe quel système de pensée organisé est une mauvaise religion. N’importe quel gouvernement est une mauvaise religion. N’importe quelle idée préconçue de la manière dont il faudrait se comporter est une mauvaise religion… » Voilà qui pose le décor. Il est évident que le groupe ne se contente pas de faire de la critique religieuse son cheval de bataille : ses idées sont plus larges, plus complexes et surtout moins simplistes. La biographie de Bad Religion met en évidence le travail d’auteur de Greg Graffin et Brett Gurewitz. La plupart de leurs chansons proposent en effet plusieurs niveaux de lecture, même si Brett a, à un moment de leur carrière, eu envie de proposer des textes plus simples et accrocheurs. Le fonctionnement du tandem créatif Greg Graffin / Brett Gurewitz est décrit et analysé, depuis le garage de la mère de Greg jusqu’à aujourd’hui. Les deux hommes travaillent en parallèle et en miroir, chacun proposant ses textes et se surpassant pour être à la hauteur des ambitions artistiques du groupe.
Une carrière à contre-courant
Quand Bad Religion commence sa carrière, la scène punk hollywodienne est déjà sur le déclin. Les dates ne sont pas si simples à trouver, et quant à distribuer sa musique, rien de tel que la débrouille (une débrouille qui deviendra Epitaph Records). Au fil des années, on voit que la communauté de fans devient très solide. Le groupe se trouve plusieurs fois à la croisée des chemins, notamment après le « boom » Nirvana dont le succès de Nevermind en 1991 va dynamiter le marché du disque. L’appel des sirènes pour certains, une opportunité artistique pour d’autres… Bad Religion va quelque part profiter de cet effet en signant chez Atlantic Records, un choix que certains fans critiqueront. Mais Greg Graffin, en bon scientifique, fait la comparaison avec le monde animal : « Pour moi, c’est son environnement qui explique le développement d’une espèce, pas l’inverse. » Tous ces groupes n’ont pas changé le monde : ils ont été changés par lui.
Une aura internationale
Aujourd’hui, Bad Religion est de tous les rendez-vous internationaux ou presque. Le groupe trace son chemin avec constance et sérieux, les processus sont bien rodés et Bad Religion, au travers des derniers chapitres du livre, se perçoit comme un groupe arrivé au sommet de ses immenses possibilités.
L’histoire de Bad Religion, racontée par Jim Ruland et agrémentée de nombreux commentaires des membres du groupe, ne fait pas que raconter : elle montre tous les impacts qu’a eus ce groupe qui a fait, et fait encore ce qu’il veut.
Quelques mots sur Jim Ruland :
Il est l’auteur du roman primé Forest Of Fortune, et a coécrit My Damage avec Keith Morris, membre fondateur de Black Flag, Circle Jerks et OFF!. Il écrit sur le punk et la pop culture pour le webzine américain Razorcake. Il écrit aussi ponctuellement pour le Los Angeles Times et le Los Angeles Review Of Books.
Merci pour la news!