Doctor Livingstone c’est un peu comme essayer de mélanger la sensibilité à fleur de peau des grands compositeurs-interprètes français ou francophones (Gainsbourg, Renaud, Brel, Cantat, etc.) au plus dérangé des carcans musical que l’on puisse trouver dans le metal. Et si celui-ci n’existe pas, il faut l’inventer. Chose faite, donc, avec Doctor Livingstone, véritable alchimiste français qui brasse quantités de sentiments et de mélodies dans un mathcore-black-metal-hardcore particulièrement riche, varié, puissant et viscéral. Malsain et profondément dérangé, évidemment ce n’est pas Brel qui aurait chanté ainsi l’ordonnance prescrite par Livingstone. Toutefois, tisser un parallèle entre ces deux mondes éloignés n’est pas insensé tant Doctor Livingstone chante, à sa manière, la douleur avec autant ou presque d’intensité et de beauté que ses aînés.
Musicalement les Français prennent la voie de Converge pour sa patte intense et barrée, construite dans une permanente anarchie sonore (cet orgue Hammond en transition sur « He Beneath The Scenery » sorti de nulle part et si bien intégré). Mais à cela, le combo ajoute un saupoudrage (à grosse louche) de black metal, par des atmosphères et plans sombres (« Negative Planar Entity », de son intro à son break central accompagné de chœurs lointains couvrant des guitares solistes douloureuses). Des cris déchirants et énormément de mélancolie (le piano de « Le ») viennent ainsi contraster en permanence. Le tout avec une réelle subtilité telle la fin littéralement planante du titre éponyme ou celle envoûtante de « Serpents (Illumination Mea) ». Et la richesse du propos ne s’arrête pas là. En conclusion de « Eat You Devour Me », le groupe décoche deux accords foncièrement rock sur lesquels se pose une ligne soliste. Le tout répété à l’envi avant d’aboutir sur « Onze », chanté en français et que Gainsbourg aurait pu composer et chanter (à quelques choses près), avant de faire imploser le baromètre des surprises en beauté, en grandiloquence, par un « Requiem N° 12 en La# », déstabilisant, au son sale comme si celui-ci s’échappait dans un dernier râle des enceintes usées d’un vieux tourne-disque.
Doctor Livingstone est une vraie pépite brute, tout juste sortie de terre. D’un minerai inconnu, elle s’observe sous tous les angles, sous toutes les formes, et parviendra ainsi à séduire les plus fins connaisseurs qui aimeront se plonger corps et âme dans l’étude de ces riches étrangetés de la Nature.
Ci-dessous le clip de « Le » :
Album Contemptus Saeculi, sorti le 28 février 2014 chez Osmose Productions