Le moins que l’on puisse dire est que Doro a été secouée par le décès de Lemmy ; elle qui avait déjà cinq ans plus tôt enterré un autre de ses meilleurs amis, Ronnie James Dio. Mais plutôt que de se morfondre, Doro agit comme une battante, avec l’amitié et l’amour comme moteurs. Deux valeurs – la combativité et l’union – qui forment les axes centraux de ses deux nouveaux albums : Forever Warriors et Forever United. Car oui, l’électrochoc de la disparition de Lemmy aura été le catalyseur pour une première chanson, à la fois hommage au rockeur et célébration de la vie, jusqu’à arriver à pas moins de vingt-cinq chansons, soit une véritable effusion créative.
C’est une Doro montée sur pile électrique, pleine de vie, à l’enthousiasme communicatif, souvent touchante et sacrément bavarde que nous avons rencontré à l’occasion de la sortie de ce double album. Elle nous raconte toute sa genèse, avec sa pléthore d’invités, dont un duo avec Johan Hegg qui reprend du service après le dernier album d’Amon Amarth, avant de rendre un bel hommage à Lemmy en partageant quantité d’anecdotes qui ne manquent pas de faire sourire et d’émouvoir. L’occasion également d’en apprendre un peu sur la spiritualité d’une des grandes dames du metal, via une expérience stupéfiante sur la réincarnation qu’elle nous raconte.
« Bon sang, tant de gens nous quittent, et j’ai pensé ‘c’est le moment.’ Le moment pour un double album, parce qu’on ne sait jamais… Je me sens bien physiquement, je suis en bonne santé, tout va bien, mais on ne sait jamais si on sera encore en vie dans l’année ou si le monde sera toujours debout, et il y a tellement de bouleversements et de confusion dans le monde que j’ai voulu tout de suite faire l’album. »
Radio Metal : Tu es sur le point de sortir pour la toute première fois un double album. Apparemment, le point de départ était la chanson « Living Life To The Fullest » en janvier 2016, lorsque tu te rendais aux funérailles de Lemmy. A quel point ces funérailles et cette chanson ont été déterminants ?
Doro Pesch (chant) : J’étais constamment en tournée, à faire des festivals et autre, et parfois il y avait quelques chansons que nous composions et qui traînaient. Nous avons fait une chanson et un clip, ça s’appelait « Love’s Gone To Hell » mais je n’étais pas trop d’humeur à composer tout un album. Et lorsque j’ai entendu que Lemmy n’était plus de ce monde, j’ai pris un billet d’avion, j’étais avec Mikkey Dee pour nous rendre aux funérailles. J’étais tellement choquée, c’était presque comme un signal d’alarme, car tout le monde s’est toujours dit que Lemmy vivrait éternellement et, même si on pouvait voir qu’il était maigre et avait parfois l’air très malade, ça m’a vraiment secouée. J’étais donc dans l’avion, j’étais dévastée et tellement triste, et cette mélodie et les paroles de « Living Life To The Fullest » me sont venues et je les ai enregistré sur mon petit téléphone portable dans l’avion ; je sais que c’est interdit mais je l’ai quand même fait [petits rires]. Ensuite, j’étais aux funérailles et ça m’a vraiment ému. Je pense que tout le monde a ressenti la même bonne énergie. Bien sûr, c’était triste mais il y avait de bonnes ondes et un bon esprit, tout le monde a bu du whisky dans l’église, c’était assurément les funérailles de Lemmy.
Après les funérailles, je suis retourné à Hambourg pour travailler avec quelqu’un avec qui j’adore travailler. Andreas Bruhn, c’est son nom, c’est l’ancien guitariste de Sisters Of Mercy, et nous formons une bonne équipe depuis vingt-deux ans, nous avons fait l’album Raise Your Fist, nous avons écrit plein de chansons. Il a enregistré mon chant pour « It Still Hurts », et il avait enregistré le chant de Lemmy à L.A. et l’a mixé. C’était un grand fan de Lemmy, un grand fan de Motörhead. Je lui ai dit : « Je veux enregistrer cette chanson tout de suite. Je veux la chanter pour Lemmy et la lui dédier. » Il a dit : « Ouais, viens. Je vais ranger le studio, allons-y ! » Alors nous avons commencé et de plus en plus d’idées sont venues, et plus de chansons, et ensuite nous étions vraiment lancé pour faire un autre album. A la fin, j’avais environ trente-cinq à quarante chansons, et j’ai pensé : « Bon sang, je dois me débarrasser d’au moins vingt-cinq chansons ! Merde ! » J’ai appelé Nuclear Blast et j’ai dit : « J’ai énormément de chansons, j’aimerais faire un double album. » Ils sont dit: « Oh, un double album, d’accord… C’est assez inhabituel de nos jours. » Et j’ai dit : « Réfléchissons-y. » Et quelques mois plus tard, ils ont dit : « D’accord, Doro, fais-le ! » J’étais tellement contente, j’ai pensé : « Ouais, maintenant, je peux mettre toutes les chansons que je n’aurais probablement pas mis sur l’album si ça n’avait été qu’un album de douze chansons. »
Aussi, j’ai ressenti une sorte d’urgence, car avec Lemmy, j’ai pensé que c’était maintenant ou jamais. Tant de gens nous ont quitté, comme Lemmy mais aussi Ronnie James Dio, et puis Warrel Dane, qui était un bon ami à moi – nous avions fait une longue tournée américaine ensemble en ’88 avec Megadeth et Sanctuary – et il était venu à mon vingt-cinquième anniversaire ; de tous les invités, il était celui qui a fait le plus long voyage pour venir, je crois qu’il a mis quarante heures, avec trois changements d’avions, parce qu’il est venu de Seattle jusqu’à Düsseldorf, et il était toujours super. L’année dernière à Wacken, l’esprit était tellement bon, j’ai dit que je travaillais sur un nouvel album, de nouvelles chansons, et c’était super… Bon sang, tant de gens nous quittent, et j’ai pensé « c’est le moment. » Le moment pour un double album, parce qu’on ne sait jamais… Je me sens bien physiquement, je suis en bonne santé, tout va bien, mais on ne sait jamais si on sera encore en vie dans l’année ou si le monde sera toujours debout, et il y a tellement de bouleversements et de confusion dans le monde que j’ai voulu tout de suite faire l’album. C’est pourquoi il est devenu ce qu’il est, avec autant de chansons.
Il y a vingt-cinq chansons, trois titres bonus qui sont très différents : une chanson est en italien, elle s’appelle « Caruso », et l’autre album a une BO de film, c’est « Bring My Hero Home Again », c’est pour la troisième partie du film Anuk, The Dark Flood… Et puis j’ai voulu enregistrer des chansons qui signifiaient beaucoup pour moi, comme « Lost In The Ozone », qui est une reprise de Motörhead. Ça a commencé avec Lemmy à cause de l’idée de « Living Life To The Fullest », et ça devait finir avec Lemmy, ce qui explique pourquoi « Lost In The Ozone » est sur le second album, la dernière chanson avant les titres bonus. « Don’t Break My Heart Again » était une de mes chansons préférées de Whitesnake, et ce groupe était mon premier concert de rock en 1980, et mon premier groupe s’appelait Snakebite, donc nous étions de grands fans de Whitesnake, et j’ai pensé que j’adorerais enregistrer cette chanson, « voyons si ça peut donner quelque chose de bien. » Je l’ai chantée et j’ai dit « ouais, mettons-là dans l’album ! » Il y a donc des chansons là-dedans que je n’aurais jamais mises si j’avais dû choisir douze chansons. Il y avait énormément de chansons qui nous venait et tant qui avaient du potentiel pour être sur l’album… Donc je suis contente que nous ayons pu faire un double album, et je dirais que Forever Warriors est un peu plus heavy et Forever United est peut-être un peu plus sensible, émotionnel et personnel.
« Soldier Of Metal » est l’une de mes chansons préférées, et je l’ai envoyée au graphiste, Geoffrey Gillispie, qui est né en Angleterre, je crois, mais il vit en France, c’est mon artiste préféré. J’ai dit : « Hey Geoffrey, je fais un nouvel album – je ne savais pas encore à ce moment-là que ce serait un double album au début. J’ai une chanson, c’est le titre de travail de cet album, ça s’appelle ‘Soldier Of Metal’. » Je lui ai envoyé la démo et je lui ai dit que j’aimerais avoir une armée de fans et de musiciens, et ça devrait ressembler au dernier film Mad Max. Ensuite il m’a envoyé le résultat et j’ai pensé : « Oh, c’est tellement bien, il a encore assuré ! » J’adore son travail. Ensuite, petit à petit, tout s’est mis en place, et il a fallu environ deux ans et demi, trois ans pour travailler sur cet album. Et avant ça, nous avons travaillé deux ans et demi sur le dernier DVD, pour les trente ans, Strong And Proud, c’était trois disques dans un joli package, je trouve. Je ne sais pas si tu as déjà entendu ou vu le DVD, il est très sympa, et il est illustré par une peinture de Geoffrey Gillespie aussi, qui est vraiment belle, tout en bleu avec Warlock au fond. Lorsqu’il fait quelque chose, systématiquement j’adore. Et lorsque j’adore quelque chose, je peux le présenter aux fans, et il y a de bonnes chances pour que les gens ressentent la même chose, ils aiment les mêmes trucs.
« Le Français a toujours été la langue ultime du metal, car un de mes groupes préférés était Trust ! Et lorsque je les écoutais, c’était au début des années 80, je me disais que tout le monde devait chanter en français, c’était tellement cool et j’adorais ! »
Est-ce la première fois qu’une telle effusion de musique se produit pour toi ?
Ouais, c’était la première fois que tant de chansons venaient et que je ressentais que tant de chansons méritaient d’être enregistrées et qu’on s’en occupe. J’imagine que j’étais en veine. Parfois il m’est arrivé de faire des albums et je n’arrivais même pas à faire vingt chansons, nous étions là : « Oh mon dieu ! Comment on va faire pour avoir ne serait-ce que douze chansons dans l’album ? » Alors que cette fois, ça sortait tout seul. Parfois il y a de la magie, et tu ne sais même pas pourquoi tu te sens plus inspiré. Tout se passait de façon fluide, sans accroc. Durant certaines productions, il faut faire face à des problèmes inattendus, ou peut-être que l’ingénieur ou je ne sais qui doit partir sur un autre projet, ou alors tout le groupe ne veut pas suivre la même direction, tout peut arriver, donc quand quelque chose se passe de façon aussi tranquille, c’est rare, tout du moins pour moi. J’ai vécu ça une fois avec l’album Triumph And Agony, tout se passait parfaitement, mais pour tous les autres albums, il y avait toujours quelque chose, des obstacles… mais cette fois, non !
Nous ne savions pas que ce serait un double album, c’était juste la composition, le feeling qui l’a dicté. Parfois tu pars en tournée, tu fais des festivals, tu soutiens un album et puis parfois tu le sens, c’est le moment de faire un nouvel album. Les funérailles de Lemmy étaient pile le jour où j’ai vraiment ressenti l’envie d’écrire de nouvelles chansons et faire quelque chose de nouveau, mais je ne me doutais pas que ça finirait avec vingt-cinq chansons sur deux albums ! Tu apprends à mesure que tu le fais, tu suis le mouvement. Nous avions encore plus de chansons qui ne se sont pas retrouvées sur l’album ; peut-être qu’il y a des choses là-dedans qui vaudraient le coup d’être enregistrées comme il faut mais… Qui sait combien de temps il me reste à sortir des albums ? Ce sera un double vinyle et picture-discs, il y aura tout le package pour les gens qui aiment tenir des objets dans leurs mains. Je suis toujours vraiment de la vieille école. Les albums, les vinyls ou les picture-discs, j’adore ces trucs. Je suis du genre à acheter des albums ou des CDs mais le vinyle c’est… Je viens d’acheter une nouvelle platine. J’ai un tas de platines mais là j’en ai acheté une nouvelle ! J’adore ces trucs et je suis toujours très inspirée par tous ces albums que j’adorais avant, de mes héros comme Motörhead ou Dio, Accept, Judas Priest, W.A.S.P., ça m’inspire toujours autant que quand j’ai commencé à écouter cette musique. Je ne suis pas du genre à aller sur Spotify juste pour écouter une chanson. Mais je sais que de nombreuses personnes de nos jours le font et je me dis « oh, c’est tellement triste, vous passez à côté de quelque chose ! » Je trouve que l’album dans son ensemble, ce n’est pas forcément un concept, mais quand même, le vinyle, la pochette, le livret, chaque chanson est importante, ce n’est pas juste une chanson…
Sur Forever Warriors, tu canalises la guerrière en toi et Forever United est plus sur l’amitié, l’amour et la camaraderie. Est-ce que ces deux albums représentent les deux valeurs les plus importantes dans ta vie ?
C’est tout le spectre de la nature humaine et ce que sans doute chaque personne ressent, et j’aime ça, aussi dur que ça puisse être. Forever United est émotionnel, profond, éloquent, parfois politique comme « Résistance » qui parle de tenir bon. Forever Warriors est un album qui fait du bien avec de nombreux hymnes. « Bastardos » est probablement l’une des chansons les plus heavy que j’ai jamais écrite, mais tout est voulu pour être positif afin de donner de la force aux gens, leur communiquer une bonne énergie. Tous les aspects de la vie, de quand on est totalement dévasté et avec le cœur brisé, lorsqu’on se sent seuls, comme « Lost In The Ozone » qui possède certaines des paroles les plus tristes et désolées qui soient, à la célébration de la vie et le fait de se sentir bien. « Metal Is My Alcohol » est l’un des titres bonus : le metal est ma drogue, mon alcool, ça représente tout pour moi. Donc chaque chanson décrit un petit sentiment différent, un état d’esprit, une situation, une expérience…
L’esprit combatif a toujours été très présent dans ta carrière et tes chansons. Le metal est-il la chose principale qui t’a permise de te battre pour te frayer un chemin dans la vie ?
La vie normale est toujours un grand combat pour faire les choses comme il faut, pour survivre dans ce monde. Parfois je suis inspirée par les histoires d’autres gens, parfois les gens ont des vies très difficiles. La musique est un exutoire avec lequel je peux dire toutes ces choses, et pour ma part, depuis que j’ai commencé la musique, ça m’a apporté beaucoup de guérison, ça fait tellement de bien. Même dans d’autres pays, tu peux faire de bonnes choses. Je ne veux pas dire « changer le monde », mais je pense que tu peux répandre une énergie positive, ce que, je trouve, est toujours bien. Lorsque tu as un super concert, durant ce moment, tu peux être sûr qu’il n’y a pas de conflit, rien. Dans ma vie, en trente-cinq ans, je n’ai jamais vu quiconque se battre, ou quoi que ce soit, aucune violence, rien. Personne s’est jamais blessé, j’espère que ça perdurera ; il s’agit de se battre pour la vie et de s’y raccrocher.
En parlant d’esprit combatif, tu as une chanson qui s’intitule « Résistance », en français, sur l’album. Trouves-tu que la France soit un exemple de résistance à travers l’histoire ?
Oui, il y a ce groupe qu’on appelait la Résistance – je ne le savais pas avant, mais j’ai vérifié sur internet. Je pense que nous devons tous nous serrer les coudes et nous battre pour les bonnes causes. Les metalleux en particulier ont le cœur bien placé, ils savent ce qui se passe, et parfois il faut se lever et se battre. Il y a toujours un moment pour s’amuser, et parfois c’est le moment de se battre. Et oui, en France il y a plein de grands exemples. En fait, c’est une coïncidence, je n’ai pas écrit cette chanson à cause de ça, mais ensuite j’ai vérifié parce que je voulais savoir s’il existait une autre chanson, ou un autre groupe, si c’était utilisé, et puis j’ai découvert que c’était durant la Guerre Mondiale, un groupe qui s’appelait la Résistance, qui se battait, et j’ai pensé « wow, c’est trop cool ! » C’est une chanson politique : je l’ai écrite il y a quelques années, quand Obama n’était plus le président et ils élisaient un nouveau président, et je me disais : « Tout le monde devient dingue, c’est de la folie. » C’est là que j’ai eu cette idée, et j’ai pensé qu’avant tout semblait aller et désormais ils piétinaient tout, et maintenant on doit s’assurer de préserver les bonnes choses. Et sans même parler du côté politique, en tant que musicien, on doit se battre pour maintenir les magasins de disque en vie, pour que les albums continuent à exister, les vinyles, les CDs. Ce n’est pas politique mais c’est important, je trouve, se battre pour les bonnes raisons pour de grandes et petites choses. Voilà pourquoi « Résistance » est une de mes chansons préférées.
« Les fans sont mes meilleurs amis […]. J’aime les fans plus que tout, et c’est pourquoi je suis en vie. Je me lève tous les jours et je pense aux fans, à ce que je peux améliorer, comment je peux les rendre heureux ou écrire une chanson. Je les ai toujours à l’esprit. »
J’ai fait quelques chansons en français et, pour moi, le Français a toujours été la langue ultime du metal, car un de mes groupes préférés était Trust ! Et lorsque je les écoutais, c’était au début des années 80, je me disais que tout le monde devait chanter en français, c’était tellement cool et j’adorais ! Nous avons enregistré plusieurs chansons en français, par exemple « Raise Your Fist » est devenu « Lève Ton Poing », et ma première chanson en français était « Toujours Pour Gagner », qui était à l’origine « Always Live To Win ». Quand tu fais ça, ça te fait te sentir plus proche des gens, tu ressens leur langue, tu ressens davantage leur mentalité, il y a quelque chose qui te fait te sentir très proche. Habituellement, tout le monde parle anglais, c’est différent, mais lorsque tu te penches sur leur langue maternelle, c’est intéressant, et je pense que certaines chansons sont géniales dans différentes langues ! Par exemple avec « Herzblut », quelqu’un de Belgique m’a demandé si je pouvais écrire une chanson en français, elle s’appelait Vanessa, car elle ne parle que le français, et elle a dit qu’elle a deux enfants, deux garçons, et adorerait avoir un autre bébé, et elle l’appellerait Doro. Je lui ai demandé : « Et si c’est un garçon ? » Et elle a dit : « Alors je l’appellerais Herzblut. » Car cette chanson est en allemand à la base et je l’ai enregistrée en français, espagnol, portugais, et j’ai dit à Vanessa : « La version française est pour toi. » J’ai découvert qu’il n’y avait pas de mot pour traduire « herzblut », c’est un mot purement allemand, ça renvoie à quand tu fais quelque chose en te donnant entièrement, avec tout ton cœur et toute ton âme, avec ton sang. Ce n’est qu’un mot mais j’ai appris de la part d’autres personnes qu’il n’existe pas d’équivalent en français, donc il faut trouver un moyen de contourner ça, mais j’ai trouvé ça intéressant.
J’adore chanter en français, ainsi qu’en espagnol. Sur cet album, ce n’est qu’un mot mais je trouve que c’est un bon mot, il a un sens fort. Le sens de la chanson « Résistance » est de tenir bon, ne laisser personne prendre le contrôle. L’époque actuelle est très dure et déroutante, je pense que beaucoup de mauvaises personnes sont au pouvoir, donc les bonnes personnes doivent se serrer les coudes et parfois se battre pour ce en quoi elles croient et pour les bonnes choses. Je suis contente de faire partie de la scène metal. Les metalleux font partie des rares personnes qui ressentent quelque chose, qui ont des sentiments profonds, qui sont passionnées, qui savent ce qui va et ne va pas. Parfois, chez d’autres personnes, je ne ressens que des ondes froides, il n’y a pas beaucoup de cœur et d’âme. Au début, quand j’ai commencé mon premier groupe, je n’en savais rien mais maintenant, vu que ça fait longtemps que je fais ça, je sens vraiment que les metalleux sont les meilleurs. Ils ont du cœur et une âme, c’est la chose la plus géniale et incroyable qui soit.
Tu as toujours mis en avant le sens de la fraternité dans le metal, le titre Forever United en est une preuve supplémentaire. Mais vois-tu ça vraiment comme une réalité ou bien est-ce plus une utopie que tu t’efforces d’attendre ?
Je vais te dire, honnêtement, je vis ça tous les jours. Les fans sont mes meilleurs amis, mes plus proches amis, c’est vraiment ce qui me permet de faire ce que je fais, c’est comme ça que je me motive que je survis aux tournées, ce qui est très dur quand tu es malade, or je tombe systématiquement malade à chaque fois que nous tournons en hiver. J’aime les fans plus que tout, et c’est pourquoi je suis en vie. Je me lève tous les jours et je pense aux fans, à ce que je peux améliorer, comment je peux les rendre heureux ou écrire une chanson. Je les ai toujours à l’esprit et je pense « oh, peut-être qu’ils aimeront cette idée, cette mélodie ou ce texte. » Je les connais personnellement ; peut-être pas tous mais la plupart, et en faisant ça depuis si longtemps, je connais plus ou moins comment va leur vie, leur visage, je suis toujours en contact rapproché avec les fans. Il y a toujours eu ce profond lien depuis le premier jour. Je me souviens qu’en concert, il y a toujours eu cette profonde connexion. Je ne peux pas l’expliquer, ou dire ce que c’est, mais la réalité est que c’est une fraternité, de l’amour, et quelque chose de magique, inexplicable, mais il y a quelque chose. Et ça m’a toujours permis de continuer, même dans les moments où ça n’allait pas super, quand le grunge était plus important, et c’était très dur d’écrire et faire ce que je fais. Il y avait toujours suffisamment de fans ; j’ai toujours ressenti qu’ils me portaient pour avancer, d’une certaine façon.
Ces deux albums comprennent beaucoup d’invités, surtout dans la chanson « All For Metal ». Et tu as toujours eu des invités sur tes albums ou sur scène issus d’une grande variété de styles de metal. On dirait que tu es amie avec à peu près tout le monde dans le milieu. Ne t’es-tu jamais faite d’ennemis dans ce business ?
Pas à ma connaissance [rires]. Je croise les doigts pour que ça reste ainsi ! Je veux dire que c’est impossible que tout le monde t’aime, ce n’est probablement pas réaliste, mais jusqu’à présent, je n’ai pas l’impression de m’être faite beaucoup d’ennemis. Avec un peu de chance, je n’en ai même aucun, mais… Je défends clairement l’amitié et la bonne énergie, le fait de s’entre-aider et se soutenir. Rien que de bonnes intentions. Mais bien sûr, tout le monde ne peut t’aimer. C’est pareil avec la musique ou les goûts, chacun a ses propres préférences, leur propre expérience. Mais je connais mes fans purs et durs ; je me concentre toujours sur eux. Lorsque j’écris une chanson, parfois je pense : « Oh cette chanson est magique, peut-être que les gens qui adorent ‘Für Immer’ aimeront cette chanson, ou peut-être que les gens qui aiment ‘Revenge’ sur l’album Raise Your Fist aimeront ‘Bastardos’… » Je garde toujours mes fans purs et durs en tête et je fais les choses pour les gens qui les adoreront.
Tu fais un duo avec Johan Hegg d’Amon Amarth sur la chanson « I Can’t Have You, No One will ». J’imagine que c’était tout naturel après que tu aies chanté sur leur dernier album…
Je les aient vus pour la première fois en live à Wacken, je crois que c’était il y a trois ou quatre ans, et j’étais sur scène, à regarder leur concert, et j’ai pensé : « Wow, j’adore ! » J’ai dit à mon tour manager – il s’appelle Han : « Hey, Han, j’adorerais faire quelque chose avec Amon Amarth ! » Il a dit : « Oh ouais, je pense qu’il y a une bonne alchimie, j’imagine que ça serait sympa. » J’ai donc vu le concert, et puis nous sommes partis en tournée, et j’ai totalement oublié cette histoire, et ensuite j’ai reçu un email d’Amon Amarth quelques mois plus tard. Ils disaient : « Hey Doro, on est en plein en train de faire un nouvel album, est-ce que ça te dirait de faire un duo avec Johan ? » Et j’ai pensé : « Wow ! » C’était tellement génial, car c’est tellement cool quand les gens ressentent les mêmes choses, la même alchimie, et j’ai tout de suite dit oui. J’ai pris l’avions pour Birmingham, où ils enregistraient l’album, et Johan Hegg et Andy Sneap – leur producteur qui est maintenant dans Judas Priest – ont été me chercher à l’aéroport, et nous avons tout de suite sympathisé, c’était super. Nous avons discuté et ils m’ont laissé écouter leur album qui n’était pas encore fini, il n’était pas mixé, mais ça sonnait déjà super. Ils ont dit : « Allons manger un bout, et demain on ira au studio. » Et j’ai dit : « Non, j’ai envie de le faire maintenant. Je suis tellement excitée, faisons ça tout de suite ! » Nous avons donc été au studio, et ce soir-là j’ai chanté mes parties pour « A Dream That Cannot Be », sur Jomsviking, le dernier album d’Amon Amarth, et c’était tellement bon, nous nous sommes tous super bien entendus.
« Lorsque Lemmy mettait ses bras autours de toi, c’était genre [fait mine de défaillir]… Aucun mari, aucun amant, aucun petit ami ne pourrait te faire te sentir autant en sécurité et réconforté, c’était vraiment quelque chose ! »
L’année dernière, ils m’ont invité à chanter cette chanson, « A Dream That Cannot Be », sur quelques concerts, pour leur DVD, et c’était au Wacken et au Summer Breeze, et j’étais au milieu de la conception de mon album, et j’ai demandé à Johan s’il aimerait chanter sur « All For Metal », cet hymne, c’était une démo, et il a dit « oui, absolument ! » Il l’a donc fait, nous avions un petit studio portable et une caméra vidéo. Et puis, je déambulais, parce que j’avais beaucoup de temps libre. Habituellement, quand j’ai tout un concert à faire et que nous sommes en tête d’affiche, je suis très concentrée, je stresse, je suis nerveuse, avec un million de choses à faire, mais cette fois, je ne faisais qu’une chanson, en tant qu’invitée, donc je me promenais dans Wacken, je saluais tous mes amis. Je connais tellement de gens, nous avons tourné tellement souvent avec d’autres groupes, et puis j’ai croisé Jeff Waters et Warrel Dane, et j’ai dit : « Hey, les gars, ça vous dit de chanter là-dessus, ça pourrait être un hymne, ‘All For Metal’ ? » Ils ont donc chanté dessus et c’était super.
Et puis j’ai pris contact avec mon ancien guitariste Tommy Bolan, de l’album Triumph And Agony. C’était il y a un an et demi, et j’ai dit : « Tommy, l’album Triumph And Agony a presque trente ans, il faut qu’on célèbre ça. » Et il a dit : « Ok, je suis partant ! » Nous avons fait quelques festivals ensemble, le Sweden Rock et Norway Rock l’an dernier, et nous nous sommes éclatés. Et puis en Norvège, je devais quitter l’hôtel à sept heures du matin, et comme nous nous entendions si bien, Tommy a dit : « Faisons un petit bœuf. » Nous avons donc jammé, et Tommy et moi avons trouvé l’idée de « If I Can’t Have You, No One Will », et j’ai pensé : « Oh, ça sonne très sympa, très heavy ! On devrait demander à Johan s’il aimerait chanter dessus, car je pense que ça pourrait devenir une chanson d’amour bien heavy, assez brutale. » Il a dit : « Oh ouais, vas-y ! » Donc j’ai appelé Johan, et j’ai dit : « On travaille sur cette idée, écoute, et si ça te dis d’écrire des paroles pour les couplets, ça serait génial ! » Je l’ai donc envoyée à Johan, et il a dit : « Oh, j’adore, faisons-le ! » Et il a écrit les paroles pour les couplets, et désormais il est prévu que ce soit le troisième clip, notre troisième single. Au moment où l’on se parle, quelqu’un est en train de monter le clip et filmer des trucs. Ce sera une histoire avec peut-être deux enfants qui étaient amoureux et ont été séparés. Johan a déjà fait ses prises, j’ai fait les miennes, ça devrait sortir dans deux semaines, peut-être.
Je dois dire que c’est un véritable honneur que Johan chante sur cette chansons, car je trouve que c’est une belle personne et un super chanteur, un grand showman, il fait du bien aux gens, il dégage une énergie positive, j’adore ça. On ne peut pas faire plus hard que sa musique, sa voix est tellement forte et profonde, mais il envoie une énergie tellement bonne, qui donne de la force et de l’amour. Je suis tellement contente qu’il l’ait fait sur cet album ! J’étais déjà très contente de « All For Metal », c’était génial que tous ces gars soient impliqués, comme Mille [Petrozza], Johan, Sabaton et tous les autres, tous mes amis. Mais cette chanson, « If I Can’t Have You », je trouvais qu’elle réclamait un joli duo. C’est comme ça que c’est venu, et ce n’était vraiment pas prévu que nous fassions quelque chose ensemble. C’est juste venu naturellement. Ce n’était pas préparé à l’avance, mais lorsque nous avons entendu la chanson, c’était genre : « Oh, ça pourrait être sympa. » Parfois le type de personne dont on a besoin dépend vraiment de la chanson. Si ça avait été une pure ballade, peut-être que j’aurais fait appel à quelqu’un d’autre, mais parce que c’était tout de suite très heavy, on pouvait le ressentir. Lorsque tu écris une chanson, tu ressens tout de suite où ça va, et tu te dis : « Oh, ça pourrait être sympa pour Johan. »
Il me semble que c’est la première fois que tu as un chanteur extrême sur l’un de tes albums. Comment as-tu perçu l’avènement du death et black metal, et quelle a été ta relation avec ce style de metal ?
Tu sais, j’aime tous les types de metal, du metal traditionnel au death metal, tout d’Arch Enemy à Amon Amarth. Evidemment, j’ai grandi avec la vague de heavy metal britanique traditionnelle, que j’adore. J’étais une grande fan de Venom ! En fait, le premier album que j’ai eu, c’était un cadeau, à mon anniversaire. Mon premier groupe s’appelait Snakebite, puis Beast, puis Attack, puis Warlock, et lorsque mon anniversaire est arrivé, je suis venu à notre salle de répétition, il faisait tout noir, et j’ai pensé « oh, il n’y a personne, » et j’ai ouvert la porte, et il y avait des bougies et deux albums sur l’estrade de batterie : Ozzy Osbourne et Venom. Je suis tombé amoureuse de Venom, j’adorais. J’aime tous les genres de metal, j’adore quand c’est super agressif et heavy aussi bien que quand c’est super sensible et émotionnel ; j’aime tout, que ce soit super hard ou super doux. J’aime tous les genres de metal, tous les genres de musique. Tout dépend de mon humeur, de diverses choses… Lorsque tu as le cœur brisé, parfois ça fait du bien d’entendre une belle ballade, et alors tu as le sentiment que d’autres gens ressentent ce que tu ressens. Mais j’aime quand c’est heavy. De nombreux groupes venant des années 80, comme en Allemagne avec Destruction, Sodom ou Kreator, étaient tous plus heavy, donc c’était assez naturel pour moi aussi.
Un an après la disparition de Lemmy, tu as sorti un clip pour la chanson « It Still Hurts » qui lui était dédié, et la première chanson que tu as écrite pour cet album est « Living Life To The Fullest », en hommage à lui. Dire que Lemmy était important à tes yeux est un euphémisme. A quel point a-t-il été une influence pour toi en tant que musicien et être humain ?
Oh bon sang, il était une énorme influence ! Je pense que dans le monde de la musique, je peux honnêtement te dire que mes meilleurs amis étaient Ronnie James Dio et Lemmy Kilmister. Lemmy était la première personne que j’ai rencontrée au début des années 80, c’était en Angleterre. J’allais faire un petit showcase, malheureusement pas avec mon groupe, c’était avec d’autres musiciens, donc toute ma vie était en jeu, c’était tellement important pour ne serait-ce qu’obtenir une tournée, ou un contrat avec une maison de disques. Donc, j’ai fait les balances, qui se sont bien passées, et ensuite j’avais quelques heures à tuer, je me suis promené et je suis entrée dans le premier pub que j’ai trouvé. Tu sais, tous les pubs dans Londres se ressemblent, j’ai oublié son nom, mais à l’intérieur, il y avait Lemmy ! Il a dit : « Tu ne serais pas Doro, la fille de Warlock ? » J’ai dit : « Ouais ! Tu ne serais pas Lemmy de Motörhead ? » Il a dit : « Oui ! » Nous sommes devenus amis, il m’a passé des cigarettes et quelque chose à boire, un whisky-cola. Je ne bois pas beaucoup et lorsqu’il me l’a servi, c’était quatre-vingt-dix pour cent de whisky et dix pour cent de cola ! Nous nous sommes éclatés, nous sommes tout de suite devenus amis. Je ne parlais pas anglais à l’époque, donc c’était un peu difficile, mais ça n’avait pas d’importance, nos cœurs se sont immédiatement liés.
« Je n’ai jamais pris part à ces excès parce que j’ai été très malade avant d’avoir mon premier groupe, et j’ai été malade toute une année, je ne savais pas si j’allais survivre. Donc, quand tu as approché la mort de près, tu gardes tes distances avec ces choses, ça ne te fait pas du tout envie. »
Après quelques heures, Lemmy a dit : « Tu ne dois pas donner un concert ou un truc comme ça ? » Et j’ai dit : « Ah, scheiße, j’ai complètement oublié !” Je m’amusais tellement avec Lemmy. J’ai dit : « Lemmy, il faut que je file, il faut que je file ! » Et je suis partie, c’était ma première fois dans Londres, donc toutes les rues se ressemblaient et je me suis complètement perdue. Des heures plus tard, j’ai retrouvé la salle où j’étais censée jouer, tout le monde était déjà là à attendre, furieux après moi, et j’ai pensé « eh merde ! » Donc je suis montée sur scène, et j’ai pensé « ouais, je vais faire de mon mieux, » et puis j’ai attrapé le microphone, le groupe a commencé à jouer, et parce que j’avais bu tellement de whisky-cola avec Lemmy, j’ai complètement oublié toutes les paroles, pas moyen de me rappeler le moindre mot ! Je me suis dit « eh merde ! » Je pouvais à peine tenir debout. Ensuite je me suis assise sur l’estrade de la batterie et j’ai laissé les gars jouer. Ils ont joué tout le set en instrumental, c’était juste cinq ou six chansons. Lorsqu’ils ont fini, je suis descendue, tout le monde me regardait et j’ai pensé : « Ma fille, tu viens juste de ruiner ta carrière, jamais tu n’auras de contrat avec une maison de disques ou de tournée… Mais je suis meilleure amie avec Lemmy Kilmister de Motörhead ! » Ils me regardaient, genre « t’es folle ? », et ils ont commencé à rire, et j’ai pensé : « C’est tellement ridicule, mais tellement marrant ! » Après ça, j’ai eu un contrat, j’ai eu une tournée, ils disaient : « D’accord, tu es pardonnée, tout le monde adorerait être ami avec Lemmy ! » Donc ils ont compris, ça allait.
Et par la suite, cette amitié n’a fait que s’approfondir à chaque tournée, festival ou enregistrement, c’était génial ; nous avons passé des jours et des nuits ensemble, à ne faire que parler encore et encore, et conduire dans Los Angeles. Lemmy disait toujours : « Contente-toi de conduire ! » Et je disais : « Mais pour aller où ? » Il disait : « Je m’en fiche ! » Ensuite nous parlions, écoutions de la musique, et parfois dans Los Angeles la circulation était tellement dense l’après-midi que nous nous y retrouvions coincé, et tout d’un coup, les gens autour de nous nous voyaient : « Oh, il y a Lemmy dans la voiture ! » Nous écoutions de la musique à fond, parfois des albums de Motörhead, parfois ses artistes préférés, et tout le monde arrêtaient la voiture pour avoir une photo ou un autographe, parler ou fumer une cigarette. Parfois ça nous prenait dix heures au lieu de cinq parce que tout le monde sortait de sa voiture, c’était incroyable ! C’est un de mes tout meilleurs souvenirs. Lemmy ne dormait jamais ; il ne mangeait jamais et ne se couchait jamais. Il était toujours actif, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et nous nous éclations, c’était clairement mon meilleur ami dans le monde de la musique. Il me manque.
Je pense que s’il devait y avoir une autre personne comme Lemmy dans le monde du metal, elle n’est pas encore née. J’espère qu’on en reverra, mais il avait une telle personnalité, c’était une telle icone, un tel modèle, un esprit libre, il faisait tout ce qu’il voulait. Il était Lemmy. Je suis tellement reconnaissante d’avoir eu la chance de le rencontrer, et puis d’avoir joué avec lui, tourné avec lui… J’ai tellement appris de lui et il était aussi super sensible, super intelligent, il avait un super sens de l’humour, mais il était très émotif, délicat et… Je n’avais même pas à prononcer un mot, il savait tout de suite ce qu’il se passait, et il disait : « Oh, Doro, que s’est-il passé ? » Je disais : « Comment tu le sais ? » Il disait : « Je le vois bien, je le ressens. » Je pouvais toujours me confier à lui. Lorsqu’il mettait ses bras autours de toi, c’était genre [fait mine de défaillir]… Aucun mari, aucun amant, aucun petit ami ne pourrait te faire te sentir autant en sécurité et réconforté, c’était vraiment quelque chose ! Lorsque Lemmy est mort, pour moi, c’était comme un signal d’alarme. J’ai pensé : « Bon sang, tant que je vivrais, et on ne sait jamais quand ce sera fini, je veux faire de bonnes choses pour les gens, les rendre heureux, écrire de bonnes chansons… » Et c’était la raison pour laquelle « Living Life To The Fullest » était la première chanson pour cet album ; cet album a un lien profond avec Lemmy et son esprit et tout ce que nous avons vécu. Ouais, il était clairement mon meilleur ami. Il me manque chaque jour.
D’ailleurs, d’où proviennent les enregistrements de voix de Lemmy que l’on entend à la fin de « Living Life To The Fullest » ?
Nous avons fait de nombreuses interviews ensemble, et quelqu’un nous a enregistré, et ensuite il y a ce rire, à la fin de l’interview, il riait comme une banane !
Tu as mentionné que tu ne bois pas beaucoup. As-tu toujours résisté aux excès du rock n’ roll ?
En fait, je n’ai jamais pris part à ces excès parce que j’ai été très malade avant d’avoir mon premier groupe, et j’ai été malade toute une année, je ne savais pas si j’allais survivre. Donc, quand tu as approché la mort de près, tu gardes tes distances avec ces choses, ça ne te fait pas du tout envie. Aussi, j’étais celle qui ramenait tout le monde chez eux en voiture, donc les gars dans le groupe pouvaient boire, ils savaient que je les ramènerais à la maison, j’étais prudente et je restais clean et sobre. La seule chose est que j’adorais fumer des cigarettes, mais j’ai arrêté de fumer il y a quelques années. J’imagine que c’est mieux pour la sante, mais j’adorais ça. Mais boire, non, ça ne me faisait pas envie… Une bière, oui, peut-être, mais surement pas avant un concert. Je ne suis pas une grande fêtarde, parce que lorsqu’on est en tournée, les concerts sont le plus important, et on ne peut pas chanter ou faire un bon concert quand on est totalement bourré ou quand on a la gueule de bois. J’ai essayé une fois dans les années 80, et je me suis dit : « Oh mon Dieu, ça ne me va pas du tout ! » Il faut toujours être au top de sa forme, ne pas oublier les paroles, faire du bien aux gens, il faut être vivant, et offrir quelque chose aux gens. Lorsqu’on est bourré, ce n’est pas comme ça, je le supporte mal.
Tu as perdu tellement d’amis artistes au fil des années : récemment Warrel Dane, Lemmy, ainsi que Peter Steele et Ronnie James Dio il y a quelques années. Plus généralement, comment gères-tu la mort ?
Je vais te dire, la première fois où j’ai ressenti que je ne pouvais même pas parler pendant deux semaines était lorsque Ronnie James Dio est parti. Nous avions une belle amitié. La seconde tournée que j’ai faite de ma vie était en 87, Triumph And Agony venait de sortir et nous avons fait une longue tournée avec Ronnie, et je me souviens quand nous avons joué à Paris : tout a été décidé à Paris parce qu’ils nous ont offert la chance de faire une grande tournée en Amérique, toutes les agences, tout était là, et c’était sur la tournée de Ronnie James Dio. Nous avons ensuite à nouveau tourné ensemble, et j’ai ouvert pour Heaven And Hell, et c’était la dernière fois que j’ai vu Ronnie. Nous avions aussi prévu de faire quelque chose ensemble, peut-être un duo. Il a dit qu’il voulait faire les albums Magica II et III, et il voulait que nous fassions un duo ensemble. Malheureusement, ça n’est plus possible. C’était la première fois que quelqu’un avec qui j’étais très proche nous quittait, et c’était si dur que pendant deux semaines je ne pouvais plus parler. C’était accablant, c’était la première fois que quelqu’un que j’aimais partait.
« Une fois j’ai vraiment ressenti des vibrations très fortes, un esprit. […] C’était juste avant que je m’endorme, je pensais à [Lemmy], genre en ayant comme une petite discussion dans ma tête, et puis j’ai ressenti qu’il y avait une présence, une sorte d’énergie. Je ne peux pas vraiment l’expliquer, mais j’ai eu l’impression que c’était Lemmy qui venait me voir, peut-être. Je ne suis pas à cent pour cent sûre, mais c’est l’impression que ça m’a donnée. »
Comme je l’ai dit, Ronnie et Lemmy étaient des amis proches. Je n’avais pas une relation aussi profonde avec les autres gens que je connais et avec qui j’ai travaillé. Il s’agissait de faire une chanson ensemble, et c’était super, mais avec Lemmy et Ronnie, c’était comme… Ca m’a tellement secoué que ça a changé ma vie, je pense. Beaucoup de gens ont le même sentiment au sujet des personnes qu’ils aiment, et surtout Lemmy et Dio, je trouve qu’ils étaient deux des plus belles personnes dans le monde de la musique. En concert, j’aime toujours jouer une chanson pour Lemmy ou Ronnie, et parler d’eux, et les fans apprécient et chantent « Dio ! Dio ! » Sur l’album précédent, Raise Your Fist, il y avait une chanson pour Dio, qui s’appelle « Hero ». Et cet album est dédié à Lemmy, dans le livret c’est marqué « Dédié à Lemmy Kilmister ». J’essaye toujours de me souvenir de toutes les bonnes choses, j’écoute les chansons, et alors je me sens très proche d’eux. Parfois j’ai de petites discussions avec Lemmy, tard le soir. En fait, une fois j’ai vraiment ressenti des vibrations très fortes, un esprit. Je me suis demandé : « Est-ce que ça pourrait être Lemmy qui vient me rendre visite ? » C’était juste une fois, mais j’ai vraiment senti… Wow, ça faisait beaucoup de bien ! C’était juste avant que je m’endorme, je pensais à lui, genre en ayant comme une petite discussion dans ma tête, et puis j’ai ressenti qu’il y avait une présence, une sorte d’énergie. Je ne peux pas vraiment l’expliquer, mais j’ai eu l’impression que c’était Lemmy qui venait me voir, peut-être. Je ne suis pas à cent pour cent sûre, mais c’est l’impression que ça m’a donnée.
Mais c’est toujours déchirant, c’est dur à affronter. Quoi qu’il en soit, je suis toujours trop naïve, j’ai toujours le sentiment que tout est éternel, que ça restera toujours pareil, à jamais. Lorsque Lemmy est parti, j’étais là : « Oh mon Dieu ! » J’aurais dû le savoir, car les dernières fois où j’avais vu Lemmy, il était tellement maigre. Mais comme nous avons tourné de nombreuses fois ensemble, je sais que parfois Lemmy ne se sentait pas bien, mais deux semaines plus tard il était à nouveau en tournée, tout allait toujours bien, tout se résolvait toujours, il avait de supers médecins et tout, il allait toujours de l’avant. Et puis, la dernière fois que je l’ai vu, en novembre 2015, nous partions en tournée le lendemain, nous étions dans notre salle de répétition, et j’ai dit aux gars : « Je veux aller dire bonjour à Lemmy, il faut que j’aille voir le concert. » Et ils ont dit : « Doro, la tournée commence demain ! » Nous n’avions pas encore vu toutes les chansons, nous n’avions pas fini de répéter, et j’ai dit : « Il faut que j’y aille, il faut je j’y aille ! » Et je suis très content d’y avoir été, parce que c’était la dernière fois que je l’ai vu. Nous nous envoyions toujours des textos quand il y avait un truc sympa, ou pour les anniversaires, et nous avions une belle amitié. Lorsque son anniversaire est arrivé et que je lui ait envoyé un texto, il n’a pas répondu. J’espérais que tout allait bien… Pas que je voulais une réponse, mais d’une certaine façon, je me disais : « Oh, j’espère qu’il va bien. » Et quelques jours plus tard, j’ai eu la nouvelle qu’il nous avait quitté.
Ceux-ci sont les moments les plus durs dans la vie, je n’arrive toujours pas à bien les gérer, c’est comme si le monde s’écroulait. Et lorsque j’ai été à ses funérailles, j’ai pensé que pour rester proche de Lemmy, je voulais lui écrire une chanson, quelque chose qui maintienne un bon lien. Ça fait toujours du bien de penser à Lemmy ou écouter ses chansons. Lorsque nous avons enregistré « Lost In The Ozone », j’ai pensé : « Quel grand parolier c’était, Lemmy ! » Habituellement, il est connu pour d’autres choses, mais il écrivait des paroles tellement profondes, et « Lost In The Ozone », est tellement triste. Je ne sais pas si je pourrais un jour la chanter en concert, ça serait sans doute trop triste, trop dur. Voilà comment je gère la mort.
As-tu des croyances spirituelles particulières sur la vie après la mort ?
Oui, en fait. J’ai écrit une fois une chanson sur l’album Love Me In Black. Il y a une chanson là-dedans qui s’appelle « Tausend Mal Gelebt », qui est une chanson en allemand. Ça parle de réincarnation, c’est une histoire d’amour. J’étais toujours curieuse sur ce qui pourrait arriver après la mort. Je me demandais si on avait vécu avant. J’ai rencontré une femme, par hasard, et elle m’a proposé de participer à un truc pour la télé, une expérience de régression dans une vie antérieure. Je me suis vue dans Dubrovnik, alors que je n’y ai jamais été – nous n’avons jamais tourné là-bas, nous n’y avons jamais joué –, en 1648, et mon nom était Torben. J’étais un gars bien costaud, j’aurais pu être le frère de Gérard Depardieu, c’était vraiment incroyable ! J’avais l’impression d’avoir de la puissance physique, c’était super. C’était génial d’être un homme, j’ai adoré. J’ai vu tout un tas de choses. Ensuite, les gens de la télé ont dit : « C’est trop étrange, c’est trop bizarre, car les téléspectateurs ne pourront pas croire qu’une petite femme comme toi pourrait avoir été ce grand gaillard, ressemblant presque à Gérard Depardieu, » c’était trop barré ! J’ai dit : « D’accord, pas de souci, mais j’ai vécu une expérience géniale, et ça a vraiment assemblé les pièces du puzzle de ma vie aujourd’hui. »
Un an plus tard, la même chaîne de télévision a appelé, mais d’autres responsables ont dit : « On a vu ceci, on a trouvé que c’était très intéressant, ça te dirais de le refaire ? » J’ai dit oui, absolument. J’ai donc à nouveau rencontré cette femme, avec qui je suis amie désormais, et elle avait réalisé de nombreuses expériences de réincarnation, que j’ai vus, environ cinq, et je sais, c’est incroyable. Si je ne l’avais pas moi-même fait, j’aurais probablement pensé : « Ces gens sont fous ! » Mais je l’ai vraiment vu, et je pouvais donner le moindre détail. Nous sommes repartis dans l’histoire où je vivais à Dubrovnik, en tant que Torben, ce grand gars, et les gens de la télé ont dit : « Filmons-le, tu iras à Dubrovnik et on te suivra, tu nous montreras où tu as vécu. » J’ai pensé : « Bon, je ne saurais pas trouver mon chemin dans Dubrovnik, je ne sais pas comment ça marche. » Mais, je peux te dire, j’y étais, je pouvais montrer partout où j’ai travaillé, et j’étais fou amoureux d’une prostituée, je l’aimais tellement. J’y ai été pour le montrer et c’était juste à côté d’une église, il y avait une femme là-bas qui étudiait l’histoire, et elle a dit : « Non, ce n’est pas possible. Il ne pouvait pas y avoir à côté de l’église… » Et j’ai dit : « Non, parce que je le sais, j’étais là, j’étais tellement amoureux, même si j’étais marié et tout, mais j’étais fou amoureux. » Quelques heures plus tard, elle est revenue et a dit : « Doro, c’est incroyable, j’ai approfondi mes recherches, c’est vrai : il y avait une maison et les prostituées étaient là. » J’ai dit : « Tu vois ! » Je suis mort en prison, j’ai fait quelque chose de travers, mais j’avais le sentiment que ce n’était pas mal à ce point, mais je suis mort en prison, et j’ai aussi vu la prison. J’ai vu l’endroit où je suis mort, ce qui était très choquant aussi.
« Je me suis vue dans Dubrovnik, alors que je n’y ai jamais été, en 1648, et mon nom était Torben. J’étais un gars bien costaud, j’aurais pu être le frère de Gérard Depardieu, c’était vraiment incroyable ! J’avais l’impression d’avoir de la puissance physique, c’était super. C’était génial d’être un homme, j’ai adoré. »
Donc je crois en ça, oui… En fait, ce n’est pas une croyance, c’est quelque chose que j’ai vu. Et cette femme, si ça intéresse quelqu’un, elle est Suisse, elle s’appelle Ursula Demarmels, c’est une experte dans le domaine, et nous sommes devenues amies. Je lui ai toujours dit que mon père me manquait énormément – il est décédé en 2000 -, et elle a dit qu’il était possible de le rencontrer pendant que nous faisons cette expérience de réincarnation, et pendant longtemps je n’étais pas certaine si c’était bien pour un être humain d’aller aussi loin dans le monde spirituel. Mais une fois je l’ai fait, et c’est arrivé par accident, et j’ai vu mon père. C’était un sentiment merveilleux parce que maintenant, j’ai vraiment l’impression que tout n’a pas disparu, tout n’est pas perdu. A chaque fois, après avoir fait ça, c’était un peu comme une transe. Tu n’es pas inconscient, tu peux toujours parler, tu as toujours toute ta tête, mais à la fois, tu vois, c’est plus fort qu’un rêve ou une vision, tu peux voir et ressentir. Lorsqu’elle a dit « tu dois revenir ici, » elle comptait ou quelque chose comme ça, je ne sais pas exactement comment elle fait, et ensuite elle m’a tout de suite dit : « Raconte-moi ce que tu as appris. » C’était deux choses qui paraissent très normales : la première était que tu dois faire le bien dans ta vie, pour tirer le meilleur de ta vie, c’est très important ; et la seconde était qu’il n’y a ni début, ni fin. J’ai vraiment le sentiment que l’âme n’a ni début, ni fin, c’est perpétuel. Tout ne disparait pas complètement, et il est toujours possible de se revoir et se retrouver, d’une façon différente, sous une autre forme. C’est quelque chose qui me remplit de joie.
J’ai trouvé ça tellement intéressant que la musique t’emmène dans une telle aventure. C’était tellement énorme. Je peux te dire, voir mon père cette fois-là, ça m’a enlevé tellement de chagrin et de culpabilité ; je me sens vraiment soulagée. Et ce n’était pas comme du vaudou, ça paraissait totalement naturel, ce qui est très bizarre. Mais j’ai juste envie de dire, si les gens sont intéressés pour tenter l’expérience, ça m’a fait beaucoup de bien. C’est étrange, je suis complètement d’accord, et les gens pourraient croire que c’est vraiment dingue et que j’ai tout inventé, mais je vais te dire, je ne pourrais même pas inventer une telle histoire, c’est tellement absurde, tellement barré. Mais désormais, je sais comment c’est, qu’est-ce que ça fait d’être un homme, j’ai vraiment adoré ! Je pense que c’est un petit peu plus difficile d’être une femme. Je le savais avant, mais maintenant je peux m’en rendre compte, mais ça va. Mais être un homme, c’était une expérience géniale !
Est-ce pourquoi tu as fait autant de duos avec des chanteurs très virils, comme Lemmy, Peter Steele, Udo Dirkschneider et maintenant Johan Hegg ? Ils ont tous de grosses voix profondes…
Oui, totalement, ils ont des voix très spéciales ! Et puis la personnalité ! C’était toujours un véritable honneur de rencontrer chacun d’entre eux. Tous étaient totalement différents. Mais j’aime avant tout les hommes avec un grand cœur. Ils avaient tous un grand cœur, comme Peter Steele, c’était l’homme le plus grand que j’ai jamais rencontré et wow, il était super ! Mais ils avaient tous un grand cœur, et c’est ce qui est le plus important pour moi. Ils étaient tous très cool, chacun de façon vraiment unique. C’est toujours un honneur de travailler avec des gens comme ça, car ils ont quelque chose de spécial, c’est génial. Mais le cœur et l’âme sont les plus importants. Peu importe l’allure de quelqu’un, tu peux être petit, minuscule, mince, gros, ça n’a pas d’importante, tout est dans le cœur.
Tu as déclaré que « All For Metal » pourrait devenir un nouveau « All We Are » et que ça « pourrait même le surpasser. » C’est osé de dire ça, étant donné que « All We Are » est l’un des plus grands hymnes metal. Est-ce ainsi que « All for Metal » a été conçu, en tant que successeur de « All We Are » ?
Non, c’est juste que lorsque la chanson est venue, j’ai pensé : « C’est sympa, la mélodie est cool ! » Je la chantais et ensuite je me suis dit : « Ouais, cette chanson a besoin d’un chœur. » Je l’ai d’abord faite avec mon groupe, et après j’ai pensé à avoir des invités. Voilà comment ça s’est fait. Comme je l’ai dit plus tôt, j’étais au Wacken et au Summer Breeze, donc j’ai invité tout le monde à chanter. Lorsque j’ai vu tout le monde en train de chanter, c’était exaltant, tout le monde s’amusait, riait, souriait, criait dans le microphone. Après j’ai pensé : « Wow, on dirait un bon hymne, peut-être que ça pourrait être quelque chose dans la veine de ‘All We Are ‘, » mais ce n’était pas planifié. Lorsque tu vois les réactions de certaines personnes… Je l’ai jouée pour la première fois en concert en Sibérie il y a deux soirs, ça s’est super bien passé ! J’ai dit : « Ok, voilà une nouvelle chanson tirée du nouvel album, » et j’ai tout de suite vu tout le monde sauter et faire le signe des cornes, et j’ai pensé : « c’est super, hey, chantons ça tous ensemble ! » Même s’ils ne connaissaient probablement pas la chanson, de nombreuses personnes chantaient en chœur, donc ça pourrait être quelque chose comme « All We Are ». J’ai l’impression que ça fait du bien aux gens.
Et je ne veux même pas comparer les chansons. Chaque chanson est unique et se veut différente, elles sont écrites à différents moments, mais tout le monde peut s’identifier avec « All For Metal » – les fans de metal, les musiciens… Je suis surexcitée par cette chanson, et comme je l’ai jouée une première fois et qu’elle est super bien passée, nous avons assurément envie de la rejouer. Nous verrons quelles chansons se démarqueront quand l’album sortira. Seuls les journalistes ont entendu les chansons, donc peut-être que les fans choisiront d’autres chansons comme étant leurs préférées. Quand nous partirons en tournée d’ici la fin de l’année, je veux que les fans choisissent les chansons qu’ils veulent le plus entendre, mais je peux imaginer vingt-cinq choix différents, car il y a énormément d’albums et de chansons que nous jouons, comme « All We Are », « Burning The Witch », toutes ces chansons importantes que nous voulons clairement faire aussi. Je laisserais les fans décider ; ce qu’ils aimeront le plus est ce que nous ferons en tournée. Et maintenant, aux festivals, nous jouerons « All For Metal », et à Wacken, je sais que Johan Hegg sera de la partie et nous ferons probablement « If I Can’t Have you, No One Will », et on verra à partir de là !
« J’ai vraiment le sentiment que l’âme n’a ni début, ni fin, c’est perpétuel. Tout ne disparaît pas complètement, et il est toujours possible de se revoir et se retrouver, d’une façon différente, sous une autre forme. C’est quelque chose qui me remplit de joie. »
Sur ces deux albums, on retrouve un hymne à la manière de « All We Are », une ballade en allemand à la manière de « Für Immer », ainsi que l’ancien guitariste de Warlock Tommy Bolan…
Tu vois, après avoir joué avec Tommy, nous sommes toujours restés amis. Et ensuite, nous avons donné quelques concerts où nous jouions uniquement l’album Triumph And Agony, et c’était clairement un de mes préférés. Pour la première fois, nous jouions certaines chansons de cet album que nous n’avions jamais joué en concert, comme « Three Minute Warning », « Kiss Of Death », « Make Time For Love », et lorsque nous jouions, nous nous disions : « Bon sang, on forme une super équipe ! » Donc j’ai vraiment pensé que Tommy devrait être impliqué dans la conception de l’album. Il a joué sur « All For Metal », sur « Turn It Up », et nous avons écrit « If I Can’t Gave You » ensemble. Il y avait de bonnes ondes, comme à la vieille époque. J’ai aussi écrit des chansons avec Joey Balin, « Turn It Up » et « 1,000 Years », et nous étions une bonne équipe sur l’album Triumph And Agony – il était le producteur, en fait. J’ai ramené pleins de personnes sympas et de bonnes ondes des années 80, et j’ai trouvé qu’il n’y avait rien de mieux qu’une chanson sur laquelle la mélodie est super, le refrain est bon, quelque chose nous reste en tête. Et la chanson en allemand, parfois il y en a une qui sort et parfois pas. Celle-ci s’intitule « Freunde Fürs Leben », ce qui veut dire “amis pour la vie”. C’est similaire à « Für Immer ». Ce n’est pas la dernière chanson, ce n’est pas pour un tête-à-tête amoureux, c’est clairement sur l’amitié, et je peux imaginer, à la fin de la soirée, la dernière chanson de la setlist, les gens bras dessus, bras dessous, à boire quelques bières et chanter « Freunde Fürs Leben ». C’est le genre de vision que j’ai en tête. Ça serait sympa. Avec vingt-cinq chansons sur l’album, chacune d’entre elles est différent et a un sens différent.
Est-ce que l’album Triumph And Agony reste une référence à laquelle tu mesures les nouvelles musiques sur lesquelles tu travailles ?
Je pense que chaque album est le produit de son époque, et Triumph And Agony était tellement important pour moi, car il possédait une excellent énergie. Ce n’est pas forcément les chansons mais tout autour a été fait avec de supers personnes dans de super studios. Par exemple, Cozy Powell a joué de la batterie dessus, c’était vraiment bon. Parfois je me dis que j’aimerais faire quelque chose comme Triumph And Agony, mais le faire comme il faut, dans un studio où les chansons sont bien traitées. C’est vraiment pourquoi j’aime travailler dans divers studios, parfois dans différents pays, car toutes les chansons ne fonctionnent pas bien dans le même studio. Parfois on a besoin d’une autre atmosphère, ou peut-être un autre ingénieur, ou quelqu’un qui mixera différemment, ou un autre musicien. Donc, dans l’esprit, l’album Triumph And Agony était génial, pas toujours facile mais génial. J’ai toujours voulu faire un album comme celui-ci, où on ressent une bonne énergie et aucune pression, à ne faire que ce qu’on ressent. Il y avait certaines chansons dessus, comme « Touch Of Evil » sur laquelle j’ai fait un cri à la fin, et en Amérique, quand je l’ai chantée, ils étaient là : « Wow, t’es dingue mais c’est génial ! » Et j’ai pensé : « Ouais, mettons-la sur l’album ! » Parfois ça peut être quelque chose auquel les gens ne s’attendent pas, qui sort un peu de l’ordinaire, ou de différent. Sur cet album, « Bastardos » me rappelait un petit peu « Touch Of Evil ». J’ai pensé : « Ouais ! » C’est une chanson heavy et rapide bien sympa.
Chaque chanson est toujours unique, donc je n’aimerais jamais en copier une. Quoi qu’il en soit, c’est impossible, car je pense que l’originale est toujours la meilleure. On ne peut même pas approcher une chanson comme, disons, « Für Immer » ou « I Rule The Ruins ». Je pense que chaque chanson devrait directement venir du cœur et de l’âme, et il faut qu’elle soit pure. Si tout l’enregistrement se passe bien, si on s’occupe des chansons, il faut s’assurer que ce soit fait dans une bonne atmosphère, un bon studio, et parfois il faut faire ça à la vieille école. J’ai parfois l’impression que certaines chansons doivent être enregistrées avec tout le groupe en live, sans ordinateur. D’autres chansons doivent être un peu plus travaillées. Donc c’était toujours un long processus, ça prend beaucoup de temps et d’énergie, ça ne se fait pas en quelques semaines ou mois, ça prend toujours au moins deux ans et demi. On peut vraiment ressentir si une chanson est prête ou pas, ou pas finie, ou pas faite de la bonne manière. Je le ressens toujours physiquement : je n’arrive pas à dormir, j’ai mon cœur qui bat, je sais que « bon sang, ce n’est pas assez bien, ce n’est pas encore super. » Il faut alors trouver quoi faire avec la chanson, où aller, peut-être la réenregistrer, peut-être la remixer ailleurs, donc c’est très intéressant.
En fait, c’est la chanson qui mène la danse. Si tu as une véritable sensibilité, tu sais ce dont une chanson a besoin et ce qu’elle réclame. Parfois ça se résout rapidement, parfois pas. Par exemple, sur l’album Triumph And Agony, je me souviens, sur la chanson « Für Immer », nous avons fait appel à sept batteurs. Sept batteurs ont joué sur la chanson parce que la caisse claire devait être pile comme il faut ; nous avons mixé tout ça, et parmi les sept parties de batterie, nous avons pris les meilleures pistes. Je crois que « Für Immer » a été mixée, mon Dieu, genre cinq, six, sept fois. Mais après, quand elle était finie, elle était bonne. C’est très intéressant ; c’est comme peindre un tableau : tu commences quelque part, et puis peut-être tu pars totalement ailleurs. C’était toujours un honneur de le faire, et puis de travailler avec de super personnes, comme Johan, tous les autres chouettes gars, Doug Aldrich joue aussi… C’est un vrai honneur ! Et c’est ainsi qu’il faut traiter les choses ; il faut traiter chaque chanson avec le plus grand respect, car elle le mérite. Et parfois tu écris une chanson et tu sais tout de suite qu’elle n’apparaîtra pas sur l’album, elle n’a pas de magie. Ça peut arriver aussi, ces chansons ne restent pas en tête et on les oublie. Il y a des chansons qui restent à l’état de démo. Et parfois, si elles n’arrivent pas jusqu’à l’album, il y a peu de chanson qu’elles se retrouvent sur l’album suivant. Peut-être pas toujours, mais la plupart du temps, une chanson n’a pas de seconde chance.
Interview réalisée en face à face et par téléphone le 5 juin et 11 juillet 2018 par Matthis Van Der Meulen et Nicolas Gricourt.
Transcription : Nathalie Holic & Julien Morel
Traduction, introduction et fiche de questions : Nicolas Gricourt.
Photos : Tim Tronckoe (2), David Havlena (1, 3, 6 & 8) & Jochen Rolfes (4, 7 & 9).
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personnage très respectable qui a démarré à une époque où les nanas n’étaient pas très respectées dans le metal. Très bon esprit, abnégation, tout ça. Maintenant côté musique, c’est quand même moyen non ? Il faut se le coltiner ce double album.